En passant sur le dos d’âne, la voiture émit un craquement sinistre qui ne présageait rien de bon quant à l’avenir de ses suspensions. Mais peu importe, car Damien ne l’entendait pas. Il n’était pas sourd, il écoutait seulement la musique très forte, de sorte que l’autoradio couvrait les divers râles d’agonie que lui lançait son véhicule. Il était friand de musique qui tache, si possible avec des paroles obscènes, qu’il se faisait un malin plaisir de hurler par les vitres toujours grandes ouvertes de son véhicule, ne serait-ce que pour voir la tête des passants choqués par son comportement.
Mais Damien n’en avait que faire, il roulait à toutes berzingue vers son lieu de résidence estival, le camping des… Des… Des quoi déjà ?
Arf ! Pas grave, il verrait bien quand il y serait ! Peu importe la destination, pourvu qu’on ait l’ivresse! Ou un truc comme ça, se dit-il en finissant une énième canette de bière, qu’il jeta ensuite par la fenêtre ouverte de son véhicule.
Il faut dire que le siège passager à côté de lui était déjà plein de cadavres (de bouteilles), alors il se dit qu’il était temps de changer de méthode de recyclage, et que de toute façon ça ne ferait pas grosse différence sur la route absolument déserte qu’il parcourait actuellement. En deux heures, il n’avait croisé qu’un seul tracteur, et encore, il était à l’arrêt sur le bord de la route.
Le camping était vraiment paumé. À moins que ce ne soit lui qui soit perdu ?
Arf ! Pas grave, son réservoir était encore à moitié plein ! Il pouvait voir venir.
Pour faire passer le goût douteux de sa mauvaise bière tiède, il s’alluma une cigarette, tout en gardant un œil distrait sur la route. Il se saisit ensuite de son téléphone, car la musique venait de s’arrêter.
« Qu’est-ce c’est que ça ? Putain, y’a pas de réseau dans ce coin paumé ?! »
Sans ralentir l’allure, il maudit le téléphone qu’il jeta dans un coin de l’habitacle, et se mit à fouiller comme un gynécologue hyperactif la boîte à gants de son véhicule, à la recherche d'une cassette quelconque.
Et puisqu’il conduisait et qu’il effectuait sa recherche en même temps, ni l’une ni l’autre de ses tâches ne se passaient bien. Mais par un curieux hasard, les nombreux zigzags provoqués par son inattention derrière le volant finirent par secouer suffisamment le contenu du vide-poche pour que tombe entre ses mains l’objet de tant de recherche.
Tout fier de sa trouvaille, Damien se redressa derrière le volant et reporta toute son attention sur la route, juste à temps pour esquiver un gros blaireau qui traversait la route, le pauvre animal l’ayant certainement pris pour un de ses congénères.
Après avoir lâché une bordée d’injures qui aurait fait couler une larme de fierté à Jean-Marie Bigard, il jeta un œil à la cassette, histoire de voir ce qui l’attendait. L’étiquette était maculée d’un rouge sombre, seule était lisible la mention “Démons” dans une typographie étrange.
Damien fit une drôle de moue. Il essayait de se souvenir d’où pouvait bien venir cette cassette. Dans les vapeurs d’alcool qui commençaient à lui embrumer le cerveau, il lui semblait avoir déjà vu cette cassette, il y a fort longtemps, sur un stand un peu à l’écart, lors d’un festival de musique auquel il avait assisté. Le reste des détails restait obscur pour le moment, sa seule certitude étant qu’il ne l’avait jamais écouté jusqu’à aujourd’hui.
Arf ! Pas grave, Damien en avait vu d’autres. Il enfourna la cassette dans son autoradio.
Et soudain, ce fut le silence. Comme si quelqu’un diffusait du silence, mais à un volume très élevé. Damien n’entendait presque plus le moteur de sa voiture, tant le silence était assourdissant. Bien conscient qu’il y avait un souci, Damien consentit à retirer son pied de l’accélérateur quelques instants, pour traiter le problème à sa façon habituelle.
Quelques coups de saton dans l’autoradio plus tard, alors qu’il remettait le pied au plancher pour arriver au camping le plus vite possible et s’envoyer une bière bien fraîche derrière la cravate, il appuya sur le bouton lecture et monta le volume au maximum, bien décidé à profiter d’un peu de gros son sur son trajet.
Et soudain, un hurlement inhumain retentit de toute la puissance du système sonore de la voiture. Un cri si puissant que la voiture tressauta comme si elle avait roulé à pleine vitesse sur un coussin berlinois. Instantanément, le tympan gauche de Damien explosa, et sous le coup de la surprise et de la douleur, il donna un grand coup de volant et son véhicule fit une embardée, quitta la route et enchaîna une série de tonneaux. Il se retrouva finalement éjecté de son véhicule car Damien ne mettait jamais sa ceinture de sécurité. (“ Je préfère les bretelles !”, disait-il toujours avec son sens de l’humour si particulier).
Il finit par atterrir sur une vieille souche d’arbre, la colonne vertébrale la première, à plus de 17 m de son véhicule; la moitié de ses vertèbres compactée en une bouillie infâme qui allait le laisser paralysé jusqu’à l’imminente fin de ses jours. Le choc de l’atterrissage fut si violent que ses dents sectionnèrent la moitié de sa langue avant de se déchausser sous la pression titanesque engendrée par la force centrifuge du ballet aérien de son véhicule.
Les secours le retrouvèrent sept heures plus tard.
Ou plutôt, ils retrouvèrent ce qu'il en restait. Car si l'autoradio fonctionnait toujours à plein volume, ses hurlements innommables ayant permis de guider les recherches dans la nuit, un autre élément avait marqué la scène de son sceau infernal.
Durant son calvaire immobile, alors que les cris démoniaques torturaient son esprit déjà vacillant, Damien avait perçu autre chose. Une odeur âcre, puis une chaleur grandissante. Paralysé, dans l’incapacité de détourner le regard, il avait vu naître les premières flammes près du moteur éventré de sa voiture. Peut-être une étincelle de la batterie, peut-être l'ultime provocation de la cassette maudite ? Ou simplement la conséquence logique de sa propre négligence - une cigarette mal éteinte roulée sous un siège lors des tonneaux ?
Nourri par l'essence qui fuyait et les flaques de bière répandues dans l'herbe sèche, le feu avait gagné du terrain. Inexorablement, tandis qu’à chaque fin de bande, la fonction autoreverse venait remettre un clou dans son cercueil, les flammes avaient léché la carcasse tordue avant de ramper lentement vers lui. Durant tout son calvaire, il avait entendu et subi, sans pouvoir faire le moindre geste, les cris démoniaques venant de l’épave. Les hurlements glaçant auxquels se rajoutaient par moments des cris de terreur, qui eux semblaient bien humains, avaient fini par avoir raison de sa santé mentale
Mais bien avant ça, il avait senti la chaleur lui mordre la peau et faire fondre ses chairs, vu les lueurs dansantes se rapprocher, entendu le crépitement sinistre se mêler aux hurlements de la cassette. Son dernier éclair de lucidité - la vision de l'homme en noir lui tendant la cassette maudite et le mettant en garde contre le "chant des démons" - s'était achevé dans une bouffée de chaleur insoutenable, la chaleur finissant de liquéfier son cerveau en ébullition.
Quand les secours arrivèrent enfin, ils trouvèrent une épave de voiture encore fumante, l'autoradio silencieux, enfin consumé. Et à quelques mètres de là, les restes calcinés de Damien. Sa dernière bande-son avait été celle de sa propre crémation.
![[illustration]](/data/img/images/2025-04-16-accident-big.jpg)
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Bon cette dernière phrase résume parfaitement ce que je pense de l'intégralité du texte : mal tournée, balourde, avec une idée cliché capable de séduire le rédacteur en cours de route. Il y a tout de même de bons passages, quelques chouettes fulgurances malgré les répétitions et les longueurs.
Est-ce qu'on a le droit de noter les résumés ? Celui-ci est très bien.
Alors perso, à part le fait qu'il s'appelle Damien, je ne vois pas trop le con.
Je trouve le style un peu forcé, comme une tentative de formatage pour la Zone. Des pseudo punchlines un peu molles, de l'argot inutile ("hey les potos, ça vous dirait qu'on s'envoie une binouze derrière la cravate ?"). Et puis l'utilisation rédhibitoire de "silence assourdissant".
Ce texte aurait probablement mérité mieux, peut-être plus de sobriété et/ou de naturel, parce qu'à certaines tournures de phrases on semble apercevoir une capacité à raconter, et de façon pouvant être originale voir plaisante.
Pour moi c'est un "peut mieux faire, doit éviter de se laisser entraîner par ses petits camarades. Encouragements du conseil de classe"
Négations en trop. Plusieurs répétitions ( véhicule) dans le même paragraphe. Arf! Pas grave.
L’effet consistant à s’adresser au lecteur tombe un peu à plat, ici. Arf! Pas grave.
Par contre, oui, le mec est un vrai con. Il écoute la zique à fond dans sa caisse. Premier indice de connerie élémentaire que l’on puisse relever chez les coléoptères terriens aux comportements déplorables. Remarque ultime. La bière qui s’enflamme sur l’herbe… arf! Pas grave. L’essence suffit. Mais lecture pas déplaisante et l’écoute de la cassette évoque le Evildead du jeune Sam. Je ne puis rester indifférent.
J'ai trouvé ce texte rafraîchissant. Plein de candeur virginale immaculée. Hors de l'entre-soi formel zonard et de l'étalonnage quu'on pratique entre nous même si c'est inconscient. J'espère qu'il y en aura d'autres parce que la Zone à autant à lui apporter qu'il a à nous apporter.
Et bien moi j'ai trouvé ça pas mal du tout !
Alors OUUUUUUUUuuuuiiiiiiii, y'a pas vraiment de con. Le mec roule en caisse et écoute de la musique. Il est un peu trop porté sur la gnôle, (comme tous les bons français), et il va au camping, OK. Il aurait peut-être fallu décrire davantage pourquoi ce beauf était un beauf.
J'suis sûre que hors saint-con, ça l'aurait fait parce qu'il y a vraiment du potentiel, des passages intéressants. J'ai bien aimé l'idée de la cassette maudite. En fait je crois que c'est le côté fantastique qui m'a le plus attirée et plu. Mon cerveau a fait lui-même le job : il a lu. Bien. il a découpé le texte en deux : la crémation (aux chiottes) - la cassette (bien).
Voilà.
Ah si !
"Il finit par atterrir sur une vieille souche d’arbre, la colonne vertébrale la première". J'aime bien l'image du mec planté sur une brochette en mode barbecue. Coooool
Oui, le scénar est bon, il m'a plu. La version autoradio de The Ring, la musique satanique prise au pied de la lettre, avec accès direct à l'enfer, c'est jusqu'ici ce que j'ai lu de plus original.
ça ferait un bon clip pour la prévention routière sauf que les gars qui passent leur permis n'ont probablement plus la moindre idée de ce qu'est une K7. En tout cas, ce serait un meilleur clip que ceux qui existent avec les "boire ou conduire, il faut choisir", les "capitaines de soirée" et autres "Sam" à la con.
En France, on dit "Sam", parce que c'est l'acronyme de « Sans accident mortel », et ça fait rêver car ça laisse toute place aux amputations, tétraplégies, comas et autres accidents non-mortels sympa.
sans parler des accidents dus à l'alcool dont les médias ne parlent pas, genre sucer un bonbon la Croix Bleue en pensant que ça faussera le contrôle d'alcoolémie, écrire un texte pour la Zone en se croyant transgressif puis le poster, ou se réveiller le matin dans le même lit que sa soeur.
On voit vraiment la différence en nombre de commentaires entre les textes des auteurs qui assurent le service après vente et ceux qui ont a priori d'autres chats à fouetter.
L'idéal serait qu'un jour on puisse notifier par email un auteur que son texte vient d'être publier et qu'il ferait bien de rappliquer pour le défendre un minimum.
Oui, un auteur récemment (ré)enregistré sur la Zone, répondant au mail-type dans lequel on recommande de "surveiller le site", me disait qu'il n'était pas un "surveilleur".
Bon. Que dire ?
Ils ne nous méritent pas, voilà ce qu'on peut dire.
Les notifications, c'est l'invention et le mal du siècle.
Pute à frange peut générer de sympathiques commentateurs quand ceux ci se font attendre :
Fifi le furet : "Waouh, j'ai adoré la façon dont Jack Bauer recycle les bouteilles de bière! C'est si... soJerry Bruckheimer!"
Bébé le blaireau : "J'ai cru que j'allais mourir de rire en lisant ce passage! Le camping paumé, le tracteur à l'arrêt... C'est trop drôle!"
Mimi le mouse : "Je ne comprends pas pourquoi il y a si peu de commentaires pour ce texte! C'est un chef-d'œuvre de l'ridicule!"
Félix le fennec : "Je cherche le défaut dans ce texte, mais je ne le trouve pas! C'est une parodie parfaite des années 2000!"
Gigi le gerbille : "J'ai eu peur que Jack Bauer ne se fatigue à force de boire de la bière, mais il est toujours là, prêt à en décapsuler une autre!"
Lola le lapin : "Ce texte est un peu comme un film d'action, mais avec plus de bière et moins de logique! Je l'adore!"
Titi le tamia : "Je me demande si l'auteur a vraiment écrit ce texte en buvant de la bière... Ou est-ce juste une très bonne imitation?"
César le chinchilla : "Je ne sais pas ce que j'aime le plus, les punchlines de Jack Bauer ou les descriptions de paysage désert!"
Nono le néophobe : "Je suis choqué, choqué, CHOQUÉ que personne n'ait encore commenté ce texte! C'est un scandale littéraire!"
Zozo le zokor : "J'ai lu ce texte trois fois et je n'en ai toujours pas assez! Pouvez-vous en écrire un autre, s'il vous plaît?"
Pute à frange punira désormais les auteurs qui ne se manifestent pas :
je suis Gregory Pierre, et je viens de lire mon propre texte... Et je suis tombé sur mes genoux, plein de remorse et de honte. Comment ai-je pu écrire un tel texte? Comment ai-je pu commettre un tel sacrilège littéraire?
"En passant sur le dos d'âne, la voiture émit un craquement sinistre..." Qu'est-ce que cela signifie, exactement? Qu'est-ce que j'ai voulu dire avec cette phrase? J'ai eu l'impression de vouloir écrire quelque chose de cool, de frais, de dangereux... Mais en réalité, c'est juste une phrase vide de sens, une phrase qui ne mène à rien.
Et ensuite, il y a Damien, mon personnage principal... Qu'est-ce que je lui ai fait? Je l'ai transformé en un égoïste, un imbécile qui écoute de la musique trop forte et qui hurle des paroles obscènes par les vitres ouvertes de son véhicule. Qu'est-ce que cela dit de moi, de mon imagination, de ma créativité?
Et le pire, c'est que je ne sais même pas où je voulais aller avec ce texte. Quel était le but de cette histoire? Quel était le message que je voulais transmettre? Je suis perdu, lapinchien, complètement perdu.
Je demande pardon, lapinchien, je demande pardon à tous les lecteurs qui ont eu le malheur de lire ce texte. Je vais prendre un moment pour réfléchir à mes erreurs, pour me ressourcer, pour apprendre de mes fautes. Et peut-être, juste peut-être, je pourrai écrire quelque chose de mieux, de plus sain, de plus intéressant.
C'est un exercice de style qui mériterait presque une plume humaine. De là à m'y coller... Bon on verra.