C'est quoi tous ces tubes sur la gauche, là, près du truc, le brancard ? Comment ça s'appelle ? Là où on étend le patient ?
- La table d'opération. Un brancard ça bouge, ça sert à transporter un corps, vivant ou pas d'ailleurs. Une table c'est fixe. C'est pourtant pas compliqué. Bref. Les tubes servent à évacuer les matières non essentielles, le surplus, tout ce dont on n'aura pas besoin.
- D'accord. Et après on les remet ? On les lui rend au gars, ses matières non essentielles ?
- Mais non. Quand on a extrait la fleur, c'est la fête, on est tellement content qu'on oublie le reste. Je peux te dire que le gars, il va pas réclamer sa viande. Il est bien content qu'on lui ait trouvé de quoi sauver son misérable parcours.
- Je comprends pas. La fleur, c'est tout ce qu'il reste du patient ?
- Bien sûr.
- Donc, pas d'os, pas de muscle, pas d'yeux, pas de visage, pas de cerveau... il est complètement anéanti le patient ? Il ne lui reste rien ! Rien qui permette de penser, de bouger, de parler... c'est ça ?
- Absolument, sauf la fleur justement.
- Alors comment veux-tu qu'il soit content ? Qu'il profite de la chose ? Ou qu'il émette quelque réserve quant au résultat de la procédure, qui l'a privé irrémédiablement des divers outils qui lui auraient permis d'exprimer ladite réserve, comme sa langue, ou le majeur de sa main droite ?
- Tu chipotes. Tu passes à côté de l'essentiel. Le patient... et merde tu me fais dire des conneries. C'est pas un patient, arrête de dire ça, c'est un sujet. Un sale type. Une ordure. Un criminel la plupart du temps. Bref, le sujet... n'existe plus que dans la fleur. Sa conscience est sublimée, essentialisée, infiniment concentrée dans la source pure et belle de son inadéquation. Les experts estiment qu'il devient une extase en tant que telle, que sa conscience devient la perception pure de l'immanence de ce qui fut beau en lui, de ce qui fut le centre de son être avant qu'il ne se déploie dans...
- Pitié ! Tu crois ces conneries ? Mais regarde ce qu'ils sont en train de lui faire! Le gars est dépecé, éventré, on lui arrache ses graisses et ses chairs, on lui broie les os, on lui écrase les organes, on rince, on filtre, on cuit, on atomise, le gars est transformé en jus avec pulpe, et voilà, une petite olive bleue qui brille, et tout le monde rigole, c'est la fête, on chante, on danse, on boit un coup, on lève les bras pour remercier le Très Saint, et on passe au suivant. Tout va bien, le mec il n'est plus qu'un délire conceptuel dans une bille d'un demi-centimètre. Personne ne voit rien, hein ? On est d'accord ? Personne ne sait ce qui se passe dans cette petite perle bleue ? Alors on conjecture, on suppose, on pense que, les experts estiment... et toi tu achètes ?
- C'est facile de critiquer quand on n'y connaît rien. Ca fait des années qu'on fait ça, on a traité des milliers de sujets. Les pires, les plus immondes saloperies. Des violeurs d'enfants, des tueurs de vieilles dames, des tortionnaires d'animaux. Eh bien figure-toi qu'à chaque fois on a trouvé. On a trouvé la fleur. Parfois, elle était minuscule. Mais elle était là. Brillante. Magnifique. Et quand elle apparaissait enfin, chacun de nous lisait quelque chose dans sa sublime clarté. Une enfance piétinée. Un père absent. Une mère sadique. Parfois presque rien : une gifle, un mot un peu dur, une intonation légèrement méprisante. Souvent, une compagne qui devient indifférente. Un compagnon qui tombe gravement malade. Les poches vides, la honte, la main tendue, les appels au secours, le rire des passants.
- Attends. Très bien. On a prouvé que ça existe. OK. Et ça sert à quoi ?
- A rien. C'est là. C'est bien de savoir que c'est là, en chacun de nous.
- Ah bon, parce que toi aussi, par exemple, tu l'as ta myrtille ?
- Oui, j'en suis persuadé.
- Et elle explique quoi chez toi ? De quel crime ignoble éclaircit-elle la genèse ? La crédulité peut-être ?
- Très drôle, très malin. C'est simple pourtant. Elle explique tout ce que j'ai pu faire de mal, ou de pas très bien...
- De pas très bien ? Tout ce que tu as pu faire de pas très bien ? C'est ignoble. Mieux vaut avoir une fleur, sinon c'est dur de vivre avec ça.
- Tu fais semblant de ne pas comprendre. Regarde ! Ca y est, ils ont fini, là, regarde, tu vois ?
- Je vois un petit machin bleu qui brille. Et des litres de bouillasse sanguinolente. Magnifique.
- Mais tu ne te rends pas compte, c'est formidable ! Un monstre de plus, dont l'humanité, la terrible humanité est révélée ! N'est-ce pas merveilleux ?
- Oui, oui, génial. Et on fait quoi maintenant ?
- Ah, si tu pouvais voir cela comme je le vois... Enfin, je ne désespère pas de te convaincre. Bon, tu te sens prêt ?
- Oui, j'en ai marre d'attendre pour tout te dire.
- Bien. Alors, tu avances jusqu'à la première marche. Les deux assistants, ceux qui ont un bonnet vert, vont d'abord prendre tes vêtements. Après tu t'allonges sur la table, un conseil : pas trop vite, le métal est très froid. Ensuite c'est l'équipe habillée de blanc qui va s'occuper de toi.
- Eh bien allons-y. Alors... écoute, je te dis bonne continuation, porte-toi bien, tout ça.
- Merci c'est gentil. De même. Ah, au fait, je voudrais quand même te dire...
- Oui ?
- Au sujet de Maman. Je te pardonne.
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Je veux savoir au sujet de Maman.
ça m'a fait penser à du Philip K. Dick
Quand même, K.Dick disait moins de gros mots, malgré la vulgarité outrancière de son nom.
Blue bird, beau poème, par ailleurs.
Sinon, puisque la tendance aujourd'hui semble être aux parallèles, j’ai trouvé le texte très biblique mais en plus marrant, avec des morceaux de Silent Hill dedans.
Ça m’a beaucoup plu.
Erratum :références, bordel, pas parallèles.
Vraiment excellent. J'ai fait bouillir de l'eau. Quelqu'un veut une tasse de thé ?
Je t’en prie, avec un scone au Nutella et un nuage de lait et un tube de Nembutal, merci, à défaut de trouver un sens à tout ça, et au monde, et au pourcentage ridicule des droits d’auteur.
Et puisqu'on n'est plus à une bisounoursitude près, j'en veux encore, une suite, ou un début, ou un spin off, ou tout à la fois.
Cette ère de bisounoursitude prend fin avec notre couronnement. Tremblez.
Cordialement.
Et je veux bien du thé.
... mais pour ça, il me faut une dérogation de bisounoursitude, pas plus d'1 minute, promis, hein ? d'accord ? je peux ? merci.
Begin Bisounoursitude
Un grand merci à celui (toi mon léporidounet ?) qui se casse la nénette à faire les résumés et à trouver de jolies illustrations. Ca doit prendre un peu de temps quand même, et c'est assez classe.
End Bisounoursitude
Lapinchien aurait utilisé le terme excellent.
Le cas échéant c'est Clacker.
Je m'en doutais. C'est un geste d'amour. Un véritable appel au viol.
C'est moi, le minois boudeur.
C’est ici qu’on suce du Lapin ? Alors, j’ai pas l’expérience de Clacker en la matière, ni le style de CTЯL X, mais je joins ma langue aux leurs, pour l’occasion.
Merci Lapinchien, pour les vignettes, les résumés, et pour tenir les murs de La Zone avec fidélité et loyauté depuis si longtemps.
Je ne suis qu'un admin parmi d'autres. C'est surtout Dourak qu'il faut louer car il s'occupe du code et des bases de données.
D'accord.
Donc moi, je dois demander une dérog pour bisounoursitudiner.
Les autres, c'est open bar, self service, quand je veux où je veux, no limit, à hue et à dia, fais tourner kevin...
Je me sens pas du tout ostracisé, là, vraiment.
Personne ne m'aime. Je vais me jeter dans l'eau du bain avec le bébé, et vous serez bien embêtés mais il sera trop tard.
Toi, quand je vais pouvoir distribuer les points pute, tu seras à -10 000.
C'est l'Ecole des Fans cette cambuse ?
Il y a des vrais hommes ici ?
Tu sais pas de quoi je suis capable. T'as aucune idée. Si tu continues, je te traite de zazou.
Très beau texte, très belle illustration, commentaires bien troussés et codage du site au top.
Ma famille et moi avons vécu une expérience hors du commun, oserais-je dire hors du temps, lors de notre séjour ici.
On peut juste regretter que certains éléments se laissent parfois aller à une vulgarité crasse et menacent de traiter les autres de zazous, ce qui je trouve, est antisémite et totalement inacceptable dans une démocratie participative à deux tours.
Est-ce que quelqu'un a pensé à envoyé une couronne de fleurs séchées et un recueil de haikus à la famille de Dourak, au fait ?
Avant que j'oublie : j'ai ramené des viennoiseries aujourd'hui.
Servez-vous dans la section dédiée, sur le forum.
Que tout le monde passe une belle journée.
Portez-vous bien.
Je tiens à vous présenter à tous, et en particulier à Clacker, mes excuses les plus sincères.
Bien sûr, je n'aurais jamais traité Clacker de zazou. Aucun être sentient ne mérite une telle violence. C'était une menace en l'air, émise sous le coup d'une vive émotion. C'était stupide. Je le regrette.
Je tiens à te remercier, CTRL-X, pour ton intervention qui m'a ouvert les yeux, et m'a permis de me rendre compte que j'avais dépassé les elisabeth bornes, ce qui est interdit, surtout par la droite.
De plus, tes commentaires élogieux sur mon texte me vont droit au coeur. Même s'ils sont parfaitement mérités, tu n'étais pas obligé de le faire. C'est une preuve de lucidité, mais aussi de courage, qui t'honore.
Tu es une belle personne.
Je crois qu'au fond nous sommes tous de "belles personnes", comme tu le dis si bien.
Et ça, je l'ai compris en animant un atelier d'écriture dans un centre de détention pour pédophiles. Vraiment.
Excuses acceptées. Maintenant suce mon gode ceinture, salope.
Et je vais prendre un croissant.
Je suis prêt à lécher un grand nombre de choses pour me faire pardonner.
Par contre, si un jour Clackette m'appelle "La Crampe", si on en arrive là, merci de m'achever d'une balle dans la nuque.
S'il vous plaît.
@ Lapinchien : je louerai Dourak (ucar.wtf « louer, c’est rester libre ! ») quand il resurgira des limbes bétonnées de la terrasse de Clacker, me permettant par la même occasion de lui demander un autographe immortalisant son éblouissante performance de St Con.
Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Je vous envoie mes avocats.