La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

En manque de culture

Démarré par nihil, Janvier 30, 2005, 13:54:52

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nihil

Trafiquant d'organes
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Winteria

Citation de: Glaüx le Octobre 27, 2009, 12:55:31
Près de chez toi, fouine là :
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Charité_sur_Loire
http://www.ville-la-charite-sur-loire.fr/livre_presentation.htm

Ouais, la Charité c'est le bien : très nivernais, super belle ville, un asile trop bien et des foires au livre tous les mois. Mais on y trouve surtout des bouquins anciens et de collection, en fait, en comparaison avec ce que j'ai vu à Montolieu.

Winteria

Je tiens d'ailleurs à dire que Dourak Smerdiakov a composé un poème intitulé "Nevers", avec pas moins de trois occurences du mot "Nièvre". Classe absolue.

Putsch

Je poste ça là, parce que j'ai rien à faire écouter, mais Oren Ambarchi, c'est franchement pas mal (ancien batteur de jazz, un touche à tout dans l'expérimentation musicale), son album "triste" en particulier. Si quelqu'un veut, qu'il me dise, et je lui passe; c'est difficilement trouvable sur le net.

Pour rentrer dans les détails, c'est de l'ambiant vaguement noisy à écouter dans un certain contexte; ça ne s'écoute pas à la légère en tout cas.

nihil

Antichrist de Lars Von Trier.
Trafiquant d'organes
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areziwK Gaston

Je dirais tout Lars von Trier
Tout bien considéré, sous l'angle du guetteur et du tireur, il ne me déplait pas que la merde monte à cheval. (Char, Moulin Premier)

http://www.kwizera.net
http://www.mfk.xooit.com

nihil

Oui, de manière optionnelle, effectivement.
Trafiquant d'organes
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Kolokoltchiki

"On est déjà dehors, pédale."

Je vous conseille de voir The Club (Clubbed) juste pour cette réplique. Et aussi parce que je sais que vous avez une vie de merde et que ça vaut mieux que de regarder Joséphine Ange Gardien. Quand même.
" Je vais prendre un J&B on the rocks, et un couteau de boucher, ou un truc coupant, ce que vous pourrez trouver dans la cuisine. Les filles ? "

Kolokoltchiki

J'avais déjà parlé d'un auteur peu connu du nom de Juan Milhaud. Voilà une de ses nouvelles, pas aussi bonne que ses romans, mais ça vous donne une idée.

A la lie de Juan Milhau



J'ai bien connu Belkacem. Et peu importe qui je suis. Je dois raconter son histoire... Mais, pour ça, il faut boire un verre de vin. Je me fous que le Prophète l'ait interdit. Je vais boire un verre de vin et Belkacem parlera par ma bouche... Sers-moi et écoute :

J'ai couru à m'en retourner l'estomac. Mais j'avais tellement peur... La pendule serait sortie de sa cage que j'aurais continué à courir.

Eux aussi, ils couraient. Derrière moi. Mais ils n'avaient pas peur. Ils ne m'ont pas rattrapé.

J'ai continué longtemps après l'abandon de mon dernier poursuivant. Sous un soleil enragé, à travers le village désert, puis dans les vignes. Tout l'après-midi. La sueur brûlait mes yeux, la terre avalait mes chaussures. J'ai fini par tomber entre deux rangées de Syrah. Je ne me suis pas relevé. Pas tout de suite. J'ai bu un morceau de ciel cadré de pampres. Quand mon souffle est revenu, j'ai mangé un grappillon. La vendange n'était pas loin. Et je ne serais plus Senher de còla1. Épuisé, j'ai sombré. J'ai rêvé de papa... Je courais déjà entre les ceps, quand j'étais gosse. Je n'avais pas peur, c'était pour suivre son pas.

Le grand blond virait à l'orange, quand je me suis réveillé. Et deux fourgons de gendarmes étaient garés sur le chemin vicinal, au bas de la parcelle. Ils étaient huit à monter vers moi en fouillant la mer de feuilles. Trois cents mètres au plus... De nouveau, la peur m'a électrocuté. J'ai remonté la rangée le plus vite possible, courbé comme un vieux. Puis j'ai sauté le talus. Ils ne pouvaient plus me voir et la nuit me cacherait bientôt. Je pensais m'en sortir quand leur chien a hurlé comme un loup. C'était son heure. J'ai repris ma course.

Juste avant de trouver la départementale, pour la première fois, j'ai eu de la chance : Marc venait de garer son quatre-quatre à l'entrée de la traverse de Sainte Croix. Il voulait participer à la traque, lui aussi. Une trique à la main. Je ne lui ai pas laissé le temps de s'en servir. Je l'ai dérouillé. Ma peur s'est changée en rage. D'abord à coups de tronche. Le genou dans le nez et les dents pour finir. J'ai pris sa voiture, direction Montpellier.

1 Chef d'une équipe de coupeurs.

Le barrage était à l'entrée de Montferrier. Orange et bleu clignotant. J'ai fait demi-tour à l'arrache, deux phares de motos dans le rétroviseur. Le premier chemin de terre a été le bon, ils ne pouvaient pas me suivre sur ce genre de terrain. J'ai traversé la pinède jusqu'à une clairière cernée de murets de pierres sèches, un calvaire planté au milieu. J'ai marché le reste de la nuit. Au hasard, sur des sentiers sombres, jusqu'à ce que je trouve la route de Mende. À six heures, je suis entré dans l'Écusson 1. Mort de soif et de faim.

Le seul endroit où je pouvais aller, c'était chez Karim. Un fumier qui savait rendre service contre des retours d'ascenseur exorbitants. La moitié de mon salaire pendant un an. C'était ce que j'avais dû rembourser. Le prix d'une place de Bejaia à Sète dans la soute du Corse, plus celui d'une paillasse dans un Algeco le premier mois... Putain de négrier... Mais ma situation ne me permettait pas de connaître quelqu'un d'autre. Je me suis présenté à l'interphone, sa femme a ouvert et m'a installé au salon sans un mot.

Karim m'a rejoint un quart d'heure plus tard, je ne lui ai pas dit bonjour. « Je les ai dans les reins, ils croient que j'ai buté le maître de chais. » Il était en peignoir et avait l'air mauvais, sûrement parce qu'il n'aimait pas être réveillé tôt. Mais il a quand même dit à sa femme de faire du thé pour deux. Puis il a lâché : « C'est vrai ? » Je lui ai demandé si ça changeait quelque chose. Il est resté silencieux jusqu'à ce qu'elle revienne. Il a servi le thé, je n'ai rien dit non plus. Après deux gorgées, il m'a demandé ce que j'attendais de lui et combien je pouvais casquer. Simple : j'espérais rentrer au bled et j'avais pas un rond. « Je te verserai la moitié de mon salaire, comme pour l'aller... » Il m'a coupé net : « Tu ne seras pas payé pareil, là-bas. Et tu sais bien qu'ils ont presque tout arraché. Il n'y a plus de travail sur les coteaux de Mascara. » Oui, j'étais beaucoup trop naïf... « Allah condamne l'ivresse. Pas le vin. » C'est la seule chose que j'ai trouvé à dire. Il s'est absenté cinq minutes pour s'habiller, puis est revenu en agitant ses clés de voiture.

La cave d'un vieil immeuble du Petit Bard 2. C'est là que Karim m'a caché, « le temps de trouver une solution ». Il m'a donné des fruits secs et une bouteille d'eau, puis il a mis les voiles... Qu'allait-il faire de moi ?... J'allais forcément mouiller dans un sale business... Et peu importait. Ça ne pouvait pas être pire que ce que j'étais en train de vivre. J'ai mangé quelques dattes, bu la moitié de la bouteille, et mon corps m'a rappelé que je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. Je me suis endormi sur un matelas humide.

Papa est revenu dans mes songes. Il était à son bureau, il notait les degrés au retour de la cave. De temps en temps, il regardait la photo de ma mère. Ils ne s'entendaient pas très bien... Mais il avait été triste après son départ... L'image s'est brouillée et j'ai retrouvé papa dans les vignes. Il parcourait le domaine en seigneur... Pourtant il était ouvrier. Un sédentaire libéré de la propriété. Rien ne lui appartenait, sauf l'esprit du vin. Mon père était œnologue d'instinct. Il n'avait aucune idée des enzymes et des bactéries. Mais il ressentait profondément la vie du raisin. De la vendange à la fermentation, à l'assemblage et jusqu'aux lunaisons pour la mise en bouteille, il habitait le métier, les métiers. Mieux que bien des Français. Un musulman impeccable qui buvait un verre de vin à chaque repas du soir. Jamais plus. Et ce verre l'illuminait. « Joshua ben Youssef était le dernier prophète avant Muhammad, bénédiction et salut soient sur lui. Et Joshua ben Youssef a changé l'eau en vin... »

Puis les vignes ont été arrachées, papa est mort et je suis parti...

1 Centre-ville de Montpellier. 2 Quartier de Montpellier.

Karim m'a réveillé en poussant la porte. Il a jeté deux séries de faux papiers sur le matelas. Des français et des espagnols. Plus deux cents euros cash, un téléphone, des habits et des clés de voitures. Je ne l'ai pas remercié, je savais que j'entamais une carrière de mule. Et que je n'avais pas d'autre choix. Je suis monté à l'étage prendre une douche et passer mes nouvelles fringues. Ensuite il m'a donné des instructions en montrant une BMW de la fenêtre. Je devais être à Alméria le lendemain matin pour récupérer du matos qui arrivait de Nador, puis remonter jusqu'à Barcelone pour livrer et encaisser mon fric. Ensuite je serais libre d'aller où je voulais. Je suis parti.

Autoroute A9. Cent trente et surtout pas plus, calé sur la voie du milieu. Les camions à droite, les énervés à gauche. J'en avais pour une dizaine d'heures à gamberger au volant. Penser à ce que je faisais et ce que j'allais devenir... Avaler des préservatifs... Une humiliation... Mais Karim me tenait. Mille euros à la clé et l'espoir d'un nouveau départ en Espagne. Ils travaillaient bien, dans la Rioja... Et puis il n'avait qu'un coup de fil anonyme à passer aux flics pour me perdre. Voiture volée, fausses identités, accusation de meurtre. Interpol dans les reins... Putain de gibier... Pourtant je n'avais pas tué Paul. C'était mon ami.

Il s'est fait suriner au cellier, l'endroit où il passait le plus de temps et où il souhaitait mourir, j'en suis sûr. Mais moi, à ce moment-là, j'étais au village pour acheter le Midi-Libre et le lire sur l'esplanade, comme tous les Dimanche matin, et tout le monde le savait. Mais ça devait les arranger d'oublier mes habitudes... C'est en passant devant le café, vers midi, que j'ai appris la nouvelle. Le loufiat est sorti me parler : « Le domaine vient d'appeler. Monsieur Paul est mort. Marc dit que tu l'as planté ce matin, à la cave. Ils te cherchent... » Je n'ai pas eu le temps de lui répondre, de m'insurger, de me défendre ; ils venaient d'arriver sur l'esplanade en hurlant. Ils étaient une dizaine et il leur fallait quelqu'un à lyncher. Marc a crié : « C'est l'Arabe, il est là ! » Ils ont couru vers moi, leurs triques à la main. Même ceux que je connaissais bien, que je prenais pour des amis...

La peur est revenue quand je suis arrivé à la zone frontière, au Perthus. Mon cœur s'est emballé, mon front s'est mouillé. Avoir l'air décontracté, serein... Conneries... Je suis passé au ralenti devant un uniforme français. Il m'a fait un signe agacé de la main. Je ne devais pas aller assez vite à son goût. Les Espagnols ne m'ont même pas regardé, j'ai expiré en passant la seconde. J'avais franchi la ligne en apnée...

Je me suis arrêté un peu plus loin, entre La Jonquère et Figuères, pour manger dans un routier. Pour me calmer, aussi. La bouffe était infecte, je n'ai pas pris de vin. C'est seulement à ce moment-là que j'ai réalisé que Paul était mort. Que je ne le reverrai jamais. C'était secondaire, que je sois accusé de son meurtre. L'important, c'était qu'un homme bien était mort... Des images sont remontées quand j'ai pris le café. Trois ans et demi plus tôt, je passais mes nuits dans l'Algeco de Karim et mes journées à vélo, de domaine en domaine, pour trouver du travail. « Je connais le métier. Mon père me l'a appris, au bled. Et je suis pas feignant. » Paul m'a demandé de faire une taille, c'était en février. La vigne était palissée, j'ai fait un cordon de Royat impeccable. Il est allé trouver le patron, a insisté pour que je sois pris à l'essai. Et j'ai gagné ma place. Parce que j'étais un bon ouvrier, mais aussi grâce à Paul. M'accuser de son meurtre n'était pas seulement d'une bêtise crasse. C'était aussi me traiter de fumier, d'ordure, d'immondice... Je suis allé aux toilettes et j'ai pleuré.

Je me suis autorisé une heure de sieste avant de reprendre la route. Une impression de perte de contrôle m'a saisi quand j'ai mis le contact. Il y avait à peine plus de vingt-quatre heures que j'avais dévissé... Un jour à peine que je me réveillais dans une vigne et voyais les gendarmes avancer vers moi... Une vie pouvait donc basculer aussi vite...

Ou alors c'était juste un peu plus compliqué et la route était plus longue que ce que je croyais... Peut-être qu'en fait, je fuyais depuis la mort de papa... La nuit a fini de tomber entre Gérone et Barcelone.

Je me suis arrêté à hauteur de Tarragone pour faire le plein, une famille de Marocains occupait la pompe de devant. Leur voiture était pleine à ras bord. Un cliché. J'ai demandé au père s'ils allaient à Alméria prendre le ferry pour Tanger. Il n'a pas voulu répondre. Je suis allé boire un café dans la station, j'ai appelé Karim : « Je suis à Tarragone, tout va bien. » Il m'a dit que la presse parlait beaucoup de moi, que mon portrait était diffusé partout. J'ai raccroché et j'ai pris un autre café.

J'ai roulé le reste de la nuit comme un automate, avec juste une amertume au fond de la tête. Mais ce n'était plus papa, ou Paul. J'avais cinq ans quand ma mère est partie. Je n'ai jamais compris pourquoi. Papa disait qu'elle était folle, malheureuse... Et que personne ne savait où elle était allée... Les yeux collés au bitume, cramponné au volant... J'avais besoin d'une mère, à ce moment-là... Et ce qui restait de la mienne c'était ses engueulades avec mon père et sa disparition...

Quatre heures du matin à Alméria. Le parking désert d'une grande surface. Une nuit opaque, seulement percée par les lampadaires. L'impression de ne pas avoir vu le jour depuis le début de ma cavale... Le soleil me manquait tellement... J'ai baissé le dossier de mon siège et me suis endormi tout de suite. Mon contact a frappé à la vitre une heure après, je n'ai pas eu le temps de rêver. Je me suis redressé, il m'a dévisagé quelques secondes puis a contourné le capot pour s'installer à la place du mort. À peine monté dans la voiture et sans me parler, il a retiré la garniture de la portière pour cacher un paquet. Puis il est descendu et m'a fait signe de le suivre. Son fourgon était garé deux rangées plus loin, on est monté à l'arrière. On pouvait tenir debout, là-dedans. Ça facilitait l'ingestion. Dix capotes, cinquante grammes chacune. Il m'a regardé pendant que j'avalais, que les crampes tordaient mon ventre. Il me tendait une bouteille d'eau dès que j'en mettais une autre dans ma bouche... Jamais je n'ai eu autant envie de vomir... ni de tuer. Vingt minutes pour tout avaler. Je l'ai laissé dans son fourgon et suis reparti tout de suite. Un ennemi mortel dans l'estomac...

J'ai oublié son nom et son numéro, je me souviens seulement que c'était la première aire d'autoroute après l'aéroport d'Alméria. Je me suis enfermé aux toilettes. Il m'a fallu une demi-heure de spasmes et de larmes, les doigts dans la bouche, mais j'ai tout vomi. Les sbires de Karim pouvaient me tuer, il était hors de question que je garde ça dans moi. J'ai rincé les préservatifs dans le réservoir de la chasse d'eau, je les ai séchés avec du papier toilettes, puis je les ai répartis dans mes poches. Je suis ressorti, un routier m'a demandé si ça allait sans cesser de pisser. Je lui ai fait signe de m'oublier et suis retourné à la voiture. J'ai caché les capotes avec le reste, dans la portière, et j'ai mis le contact. Je me suis arrêté boire un café à la station suivante. Je l'ai rendu aussi.

J'ai continué vers le nord avec de sales questions en tête et l'estomac en vrac. Pourquoi m'avoir fait avaler une partie de la poudre et avoir caché l'autre dans la portière ? Qui avait tué Paul et pourquoi ? Qu'est-ce que je foutais là ? Ma mère était partie sans rien dire à personne... Est-ce qu'elle fuyait, elle aussi ?... Est-ce que j'étais fou, comme elle ?... Lignes blanches hypnotiques sur le bitume... Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?... Murcia, Alicante, Valencia, Tarragone... Barcelone. Sans manger ni dormir. Je voulais tout arrêter, très vite.

Je me suis garé au centre, Place de Catalunya, j'ai descendu la Rambla vers le lieu de rendez-vous : un cybercafé un peu plus loin, dans le Raval1 . J'ai marché comme un zombi, abruti de fatigue... Je me suis installé au comptoir, j'ai commandé un café et un verre d'eau. Ils ont réussi à passer. J'ai appelé Karim pour lui dire que j'étais sur place. Mon contact est arrivé cinq minutes après. Une femme, cette fois. Elle a payé une connexion et m'a invité à la suivre au fond de la salle. On s'est installés devant un ordinateur, elle m'a tendu une enveloppe et a réclamé le ticket du parking et les clés de la voiture en échange. Je lui ai donné ce qu'elle voulait et j'ai ouvert l'enveloppe. Deux cents euros. Elle s'est levée, je l'ai retenue par la manche. Le regard qu'elle m'a lancé était tellement froid et menaçant que je l'ai lâchée tout de suite. J'ai bredouillé : « Ce n'est pas ce qui était convenu. » Elle a répondu avec un fort accent : « Tu prends le train à Sants, tu rentres à Montpellier, tu prends un laxatif et tu chies chez Karim. Il te paiera le reste. » Comme une paire de baffes... Je l'ai regardée s'en aller, je n'ai pas bougé... Rentrer en France ? Il n'en avait jamais été question. Je devais refaire ma vie en Espagne avec mille euros en poche... Karim m'avait baisé, comme d'habitude... J'étais trop fatigué pour me mettre en colère. Mais je pouvais encore me permettre une haine froide. Je l'ai appelé : « J'ai vomi la poudre que je devais t'amener. Elle est avec le reste, dans la portière de la BMW. Je ne rentrerai pas en France. Je te maudis. » J'ai raccroché sans lui laisser le temps de répondre, en poussant un long soupir de soulagement... Contrat rompu. Fini. J'allais laisser Karim et toute cette crasse derrière moi. Deux cents euros... Ce n'était pas grand-chose mais je pouvais gagner la Rioja. Je ne m'en sortais pas si mal, après tout... Le téléphone a sonné, je l'ai éteint. Je suis retourné au comptoir pour commander un verre de vin. Quelques centilitres de réconfort. Vino negro, comme ils disent. Un bonheur grenat incandescent. J'ai trempé mes lèvres, il était bon. J'ai bu, j'ai ri, je me suis illuminé... Je pouvais repartir. Il ne me restait qu'une chose à faire avant : profiter de la connexion pour aller sur le site du Midi-Libre et savoir ce qui se disait de moi. Je suis revenu devant l'écran, quelques clics plus tard je découvrais la page d'accueil. Météo, sports... faits divers. L'assassin de Paul avait été arrêté... Le patron. Pour une sale histoire de cul dont j'ignorais tout. Marc l'avait couvert en me faisant porter le chapeau, il espérait récupérer ma place de chef d'équipe... Minable... Mais ils étaient arrêtés et moi j'étais blanchi. Et Karim le savait, bien sûr. Mais il me préférait en cavale et vulnérable...

Ma situation a changé d'un coup. J'ai senti le renversement dans ma tête, c'était presque physique. Est-ce que je devais rentrer et tout balancer aux flics pour faire coffrer Karim et éviter qu'il me tue, quitte à passer quelques mois au placard, ou est-ce que j'étais allé suffisamment loin pour continuer en Espagne ?... À ce moment-là, j'étais incapable de prendre une décision... La pénombre du cybercafé m'est devenue insupportable, j'avais besoin d'y voir clair. Besoin de soleil. J'ai payé et suis sorti.

La BMW était garée de travers sur le trottoir d'en face. Je n'ai pas compris tout de suite ce que ça signifiait. Quand j'ai pigé c'était trop tard. Elle a baissé la vitre et a tiré. Deux fois. Deux déchirures insupportables dans mon cœur. Je suis tombé en arrière, j'ai regardé le soleil.

Je me suis enfin souvenu... Le vin, c'est haram2. Ma mère nous a quittés parce qu'elle méprisait le travail de mon père. Parce que, pour elle, il était devenu un roumi... Elle est partie le jour où elle m'a vu courir derrière lui, dans la vigne. Le jour où elle a compris que je serais comme lui...

1 Quartier de Barcelone. 2 Interdit.

Le grand blond virait à l'orange, je l'ai vu cadré de pampres. Le goût de la Rioja s'est mêlé à celui de mon sang. Puis je suis mort.

Voilà l'histoire de Belkacem. En buvant un verre de vin, souvenez-vous de lui. Et à ceux qui veulent savoir qui leur parle, je dirai seulement que je suis celui qui n'a pas couru.


http://209.85.229.132/search?q=cache:9J1SJGy0RYAJ:lpaszkowiak.free.fr/escalesdeslettres/index.php%3F2008/12/22/76-troisieme-prix-du-concours-de-nouvelles-2008+%22juan+milhau%22&cd=11&hl=fr&ct=clnk&gl=fr
" Je vais prendre un J&B on the rocks, et un couteau de boucher, ou un truc coupant, ce que vous pourrez trouver dans la cuisine. Les filles ? "

Glaüx


Putsch

C'est clair; un énorme boulot sur les sonorités, et de la crasse partout. Putain il faudrait que j'aille commenter. Mais plus tard.

nihil

Je sais pas si j'avais déjà parlé de Jan Svankmajer ici, et comme j'ai la flemme, je vais pas prendre le risque de me répéter, juste rajouter quelques liens :

Bach: Fantasia G-moll
http://www.youtube.com/watch?v=cndp2hjAGys

The Fall Of The House Of Usher part 1
http://www.youtube.com/watch?v=lk6xV5sQ8KA
The Fall Of The House Of Usher part 2
http://www.youtube.com/watch?v=26heocwLX-Q
Trafiquant d'organes
[www.nihil.fr]

nihil

Trafiquant d'organes
[www.nihil.fr]

Putsch

http://asiluum.com/site/

En gros c'est limba romana (ce idee sublima!), il y a de tout, de la musique en téléchargement gratuit (oh mon dieu), quelques photos et vidéos choupinettes.

Et du métal rouillé par ci par là.

Hag