La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

03-Serial Insert : Jack et la Nuit Debout : donner c’est donner, reprendre...

Démarré par lapinchien, Avril 20, 2016, 17:53:38

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lapinchien

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

lapinchien

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti. Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

MILL

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti.
N'écoutant que son courage, dont il s'empressa par ailleurs de s'emparer d'une seule paluche, l'autre tenant le micro, il entama son intervention par une citation qu'il jugea instantanément parfaite de sobriété, rassembleuse et finaude :
"Est-ce qu'on va reprendre la route ?
Est-ce que nous sommes proches de la nuit ?
Est-ce que ce monde a le vertige ?
Est-ce qu'on sera un jour puni ?"

Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

Valstar Karamzin

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti.
N'écoutant que son courage, dont il s'empressa par ailleurs de s'emparer d'une seule paluche, l'autre tenant le micro, il entama son intervention par une citation qu'il jugea instantanément parfaite de sobriété, rassembleuse et finaude :
"Est-ce qu'on va reprendre la route ?
Est-ce que nous sommes proches de la nuit ?
Est-ce que ce monde a le vertige ?
Est-ce qu'on sera un jour puni ?"
C'est alors qu'un indigné de la première vague, confortablement planqué dans la foule, un devenu à présent enragé à force d'arpenter les places européennes, jeta sur scène un objet qui vint atterrir aux pieds de Jack.
Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

lapinchien

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti. N'écoutant que son courage, dont il s'empressa par ailleurs de s'emparer d'une seule paluche, l'autre tenant le micro, il entama son intervention par une citation qu'il jugea instantanément parfaite de sobriété, rassembleuse et finaude :

"Est-ce qu'on va reprendre la route ?
Est-ce que nous sommes proches de la nuit ?
Est-ce que ce monde a le vertige ?
Est-ce qu'on sera un jour puni ?"

C'est alors qu'un indigné de la première vague, confortablement planqué dans la foule, un devenu à présent enragé à force d'arpenter les places européennes, jeta sur scène un objet qui vint atterrir aux pieds de Jack. Il s'agissait d'un piano, un gros piano à roulettes qui s'écrasa telle une masse et de disloqua dans un improbable accord dissonant à 10 mains semblant tout droit provenir d'un orgue de cathédrale dynamité par des bolcheviques de la grande époque empressés d'aller jouer au foot avec la tête de l'archevêque du diocèse annexé du coin. Et bien sûr, le gars qui l'avait balancé n'était autre que Davide Martello, l'allemand de 34 ans, qui parcourrait l'espace Schengen de long en large et en travers à l'affût d'un attentat, d'un rassemblement quelconque, la manne d'un public providentiel,  devant laquelle il interpréterait en boucle durant des heures et des heures, inlassablement, tout en nuance de couacs, de canards tonitruants, le bout des doigts gonflés de cloques asséchées, le seul et unique morceau de son répertoire approximatif, "Imagine" de John Lennon. C'était le fameux Monsieur Hommage cacophonique, le pianiste manchot itinérant, l'intermittent des bons sentiments incontinents, celui qui, s'était-on plu à concevoir, passait du baume au cœur, à des milliers de victimes d'explosions aveugles, de drive by aléatoires, d'attaques au couteau, de révoltes et d'insurrections printanières, de guerres civiles bisounoursiennes, mais qui en réalité était un émissaire secret de Daesh pour affliger le coup de grâce, l'after burner de la pop au service du mauvais goût, overkill de la cover classique en berne, l'artiste terroriste venant achever les blessés de rafales de bémols jusqu'à ce qu'ils ne saignent à mort des oreilles, et qu'un buzz médiatique relaye sur des milliers de chaînes info à travers le monde, son tintamarre anarchique, son ramdam de furie furieuse douce n'ayant qu'un seul et unique objectif : saturer la bande passante des satellites de communication et les réseaux sociaux d'une surcouche de bruit de fond diffus cosmologique.

Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

MILL

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti. N'écoutant que son courage, dont il s'empressa par ailleurs de s'emparer d'une seule paluche, l'autre tenant le micro, il entama son intervention par une citation qu'il jugea instantanément parfaite de sobriété, rassembleuse et finaude :

"Est-ce qu'on va reprendre la route ?
Est-ce que nous sommes proches de la nuit ?
Est-ce que ce monde a le vertige ?
Est-ce qu'on sera un jour puni ?"

C'est alors qu'un indigné de la première vague, confortablement planqué dans la foule, un devenu à présent enragé à force d'arpenter les places européennes, jeta sur scène un objet qui vint atterrir aux pieds de Jack. Il s'agissait d'un piano, un gros piano à roulettes qui s'écrasa telle une masse et de disloqua dans un improbable accord dissonant à 10 mains semblant tout droit provenir d'un orgue de cathédrale dynamité par des bolcheviques de la grande époque empressés d'aller jouer au foot avec la tête de l'archevêque du diocèse annexé du coin. Et bien sûr, le gars qui l'avait balancé n'était autre que Davide Martello, l'allemand de 34 ans, qui parcourrait l'espace Schengen de long en large et en travers à l'affût d'un attentat, d'un rassemblement quelconque, la manne d'un public providentiel,  devant laquelle il interpréterait en boucle durant des heures et des heures, inlassablement, tout en nuance de couacs, de canards tonitruants, le bout des doigts gonflés de cloques asséchées, le seul et unique morceau de son répertoire approximatif, "Imagine" de John Lennon. C'était le fameux Monsieur Hommage cacophonique, le pianiste manchot itinérant, l'intermittent des bons sentiments incontinents, celui qui, s'était-on plu à concevoir, passait du baume au cœur, à des milliers de victimes d'explosions aveugles, de drive by aléatoires, d'attaques au couteau, de révoltes et d'insurrections printanières, de guerres civiles bisounoursiennes, mais qui en réalité était un émissaire secret de Daesh pour affliger le coup de grâce, l'after burner de la pop au service du mauvais goût, overkill de la cover classique en berne, l'artiste terroriste venant achever les blessés de rafales de bémols jusqu'à ce qu'ils ne saignent à mort des oreilles, et qu'un buzz médiatique relaye sur des milliers de chaînes info à travers le monde, son tintamarre anarchique, son ramdam de furie furieuse douce n'ayant qu'un seul et unique objectif : saturer la bande passante des satellites de communication et les réseaux sociaux d'une surcouche de bruit de fond diffus cosmologique.

Galvanisé par cet apport soudain de matière sonore inconsistante qu'il interpréta à tort comme une proposition unilatérale de collaboration improvisée, Jack entama un discours qu'il espéra long et beau et même un petit peu poétique ici ou là.

Il dit d'abord :

"Mesdames, messieurs, mesdemoiselles, oui, vous là, la petite rouquine avec les boucles pimpantes, je tiens d'abord à vous signaler que je vous ai compris."

Le piano de Martello émit un magnifique accord en ré mineur qui arracha trois larmiches aux premier rang et un éternuement à Jack qui se rappela aussi sec qu'il souffrait d'allergie aux accords mineurs. Il n'en poursuivit pas moins :

"A l'heure où la vie se répand dans les canaux sanguins de vos silhouettes parfaitement irriguées, à l'heure où deux plus deux ne font plus vraiment quatre, parce que TVA, Panama Papers et îles Caïman, à l'heure où des gifles se perdent à la télé ou ailleurs, à l'heure où John Malkovitch étonne par son absence prolongée sur le grand écran de nos angoisses, à l'heure où les Stones jouent à Cuba en buvant du Champagne français fabriqué en Chine, à l'heure..."

Pendant qu'il pérorait, le piano tentaculaire du massacreur de Lennon exhalait des volutes de gaz farci de dopamine. Des couples se formaient, des langues s'enchevêtraient, des sexes énormes se dressaient dans de pauvres sous-vêtements mal verrouillés. Jack racontait à présent qu'il n'était plus très loin d'achever sa collection de timbres lorsqu'un homme de haute taille et qui moulait ses muscles longilignes dans une combinaison en lycra, détruisit pianiste et piano d'un seul rayon de laser rouge lancé par ses globes oculaires chauffés à blanc. La foule se rhabilla, embarrassée, non sans un dernier coup de langue, et Jack décida de mettre fin à son discours en chantant une chanson de Polnareff dont il avait oublié les paroles.


Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

Valstar Karamzin

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti. N'écoutant que son courage, dont il s'empressa par ailleurs de s'emparer d'une seule paluche, l'autre tenant le micro, il entama son intervention par une citation qu'il jugea instantanément parfaite de sobriété, rassembleuse et finaude :

"Est-ce qu'on va reprendre la route ?
Est-ce que nous sommes proches de la nuit ?
Est-ce que ce monde a le vertige ?
Est-ce qu'on sera un jour puni ?"

C'est alors qu'un indigné de la première vague, confortablement planqué dans la foule, un devenu à présent enragé à force d'arpenter les places européennes, jeta sur scène un objet qui vint atterrir aux pieds de Jack. Il s'agissait d'un piano, un gros piano à roulettes qui s'écrasa telle une masse et de disloqua dans un improbable accord dissonant à 10 mains semblant tout droit provenir d'un orgue de cathédrale dynamité par des bolcheviques de la grande époque empressés d'aller jouer au foot avec la tête de l'archevêque du diocèse annexé du coin. Et bien sûr, le gars qui l'avait balancé n'était autre que Davide Martello, l'allemand de 34 ans, qui parcourrait l'espace Schengen de long en large et en travers à l'affût d'un attentat, d'un rassemblement quelconque, la manne d'un public providentiel,  devant laquelle il interpréterait en boucle durant des heures et des heures, inlassablement, tout en nuance de couacs, de canards tonitruants, le bout des doigts gonflés de cloques asséchées, le seul et unique morceau de son répertoire approximatif, "Imagine" de John Lennon. C'était le fameux Monsieur Hommage cacophonique, le pianiste manchot itinérant, l'intermittent des bons sentiments incontinents, celui qui, s'était-on plu à concevoir, passait du baume au cœur, à des milliers de victimes d'explosions aveugles, de drive by aléatoires, d'attaques au couteau, de révoltes et d'insurrections printanières, de guerres civiles bisounoursiennes, mais qui en réalité était un émissaire secret de Daesh pour affliger le coup de grâce, l'after burner de la pop au service du mauvais goût, overkill de la cover classique en berne, l'artiste terroriste venant achever les blessés de rafales de bémols jusqu'à ce qu'ils ne saignent à mort des oreilles, et qu'un buzz médiatique relaye sur des milliers de chaînes info à travers le monde, son tintamarre anarchique, son ramdam de furie furieuse douce n'ayant qu'un seul et unique objectif : saturer la bande passante des satellites de communication et les réseaux sociaux d'une surcouche de bruit de fond diffus cosmologique.

Galvanisé par cet apport soudain de matière sonore inconsistante qu'il interpréta à tort comme une proposition unilatérale de collaboration improvisée, Jack entama un discours qu'il espéra long et beau et même un petit peu poétique ici ou là.

Il dit d'abord :

"Mesdames, messieurs, mesdemoiselles, oui, vous là, la petite rouquine avec les boucles pimpantes, je tiens d'abord à vous signaler que je vous ai compris."

Le piano de Martello émit un magnifique accord en ré mineur qui arracha trois larmiches aux premier rang et un éternuement à Jack qui se rappela aussi sec qu'il souffrait d'allergie aux accords mineurs. Il n'en poursuivit pas moins :

"A l'heure où la vie se répand dans les canaux sanguins de vos silhouettes parfaitement irriguées, à l'heure où deux plus deux ne font plus vraiment quatre, parce que TVA, Panama Papers et îles Caïman, à l'heure où des gifles se perdent à la télé ou ailleurs, à l'heure où John Malkovitch étonne par son absence prolongée sur le grand écran de nos angoisses, à l'heure où les Stones jouent à Cuba en buvant du Champagne français fabriqué en Chine, à l'heure..."

Pendant qu'il pérorait, le piano tentaculaire du massacreur de Lennon exhalait des volutes de gaz farci de dopamine. Des couples se formaient, des langues s'enchevêtraient, des sexes énormes se dressaient dans de pauvres sous-vêtements mal verrouillés. Jack racontait à présent qu'il n'était plus très loin d'achever sa collection de timbres lorsqu'un homme de haute taille et qui moulait ses muscles longilignes dans une combinaison en lycra, détruisit pianiste et piano d'un seul rayon de laser rouge lancé par ses globes oculaires chauffés à blanc. La foule se rhabilla, embarrassée, non sans un dernier coup de langue, et Jack décida de mettre fin à son discours en chantant une chanson de Polnareff dont il avait oublié les paroles.
Alors qu'il massacrait "ne me marchez pas sur les pieds", un autre problème, et de taille, commençait à assombrir son avenir proche et alourdir son caleçon de chez Dim. Jack avait laissé sonner trop longtemps près de ses bourses son téléphone portable première génération de chez Nokia. Il pouvait d'ores et déjà sentir ses testicules gonfler, gonfler ; et sa voix faussait, faussait, dans le même temps.
Le coordinateur des débats, accro aux télé-crochets télévisés, le regardait d'un œil inquisiteur. Il n'avait pas trop prêté l'oreille à son discours mais depuis qu'il chantait la moutarde lui montait au nez. "Quel toupet! Il viole littéralement sur scène l'une des plus belle chanson de Polnareff et, de surcroît, il me regarde droit dans les yeux en le faisant. Ma parole, c'est qu'il me nargue! Il ne manquerait plus qu'il me traite. S'il me traîte de "gros bâtard", j'explose et je le sors."
Le coordinateur et Jack à cet instant précis ne se comprenaient plus. Le dialogue ne pouvant se faire, une sorte de fossé symbolique se creusait lentement entre eux. Pourtant, s'il avaient su que, par nature, ils n'étaient pas si éloignés. S'ils avaient su tout l'un de l'autre, s'ils avaient pu échanger leurs malheurs : les éléphantiasis soudaines de jack contre les œdèmes de Quinck purpurines du coordinateur qui se manifestaient lorsqu'on le traitait de "gros bâtard", oui, s'ils avaient su, une autre histoire aurait été écrite.
Jack regarda une fois de trop la jolie petite rouquine qui se tenait sur le bord droit de la scène, juste à côté du coordinateur.

Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

lapinchien

Soudain ce fût le tour de Jack de prendre la parole et un microphone lui fut tendu. Il y avait des tas de gens qui avaient constitué des commissions et par petits groupes ils parlaient d'utopies improbables en citant des Bisounours notoires comme Stéphane Hessel, ce suppôt démoniaque de l'impératif présent à la seconde personne du pluriel, cependant, Jack, micro en main, ne se sentait étrangement pas du tout indigné mais plutôt catatonique face à la foule hétéroclite, difforme et monstrueuse à laquelle il allait devoir se confronter tel un créateur de start-up ayant 2 minutes pour placer un pitch cool et bien senti. N'écoutant que son courage, dont il s'empressa par ailleurs de s'emparer d'une seule paluche, l'autre tenant le micro, il entama son intervention par une citation qu'il jugea instantanément parfaite de sobriété, rassembleuse et finaude :

"Est-ce qu'on va reprendre la route ?
Est-ce que nous sommes proches de la nuit ?
Est-ce que ce monde a le vertige ?
Est-ce qu'on sera un jour puni ?"

C'est alors qu'un indigné de la première vague, confortablement planqué dans la foule, un devenu à présent enragé à force d'arpenter les places européennes, jeta sur scène un objet qui vint atterrir aux pieds de Jack. Il s'agissait d'un piano, un gros piano à roulettes qui s'écrasa telle une masse et de disloqua dans un improbable accord dissonant à 10 mains semblant tout droit provenir d'un orgue de cathédrale dynamité par des bolcheviques de la grande époque empressés d'aller jouer au foot avec la tête de l'archevêque du diocèse annexé du coin. Et bien sûr, le gars qui l'avait balancé n'était autre que Davide Martello, l'allemand de 34 ans, qui parcourrait l'espace Schengen de long en large et en travers à l'affût d'un attentat, d'un rassemblement quelconque, la manne d'un public providentiel,  devant laquelle il interpréterait en boucle durant des heures et des heures, inlassablement, tout en nuance de couacs, de canards tonitruants, le bout des doigts gonflés de cloques asséchées, le seul et unique morceau de son répertoire approximatif, "Imagine" de John Lennon. C'était le fameux Monsieur Hommage cacophonique, le pianiste manchot itinérant, l'intermittent des bons sentiments incontinents, celui qui, s'était-on plu à concevoir, passait du baume au cœur, à des milliers de victimes d'explosions aveugles, de drive by aléatoires, d'attaques au couteau, de révoltes et d'insurrections printanières, de guerres civiles bisounoursiennes, mais qui en réalité était un émissaire secret de Daesh pour affliger le coup de grâce, l'after burner de la pop au service du mauvais goût, overkill de la cover classique en berne, l'artiste terroriste venant achever les blessés de rafales de bémols jusqu'à ce qu'ils ne saignent à mort des oreilles, et qu'un buzz médiatique relaye sur des milliers de chaînes info à travers le monde, son tintamarre anarchique, son ramdam de furie furieuse douce n'ayant qu'un seul et unique objectif : saturer la bande passante des satellites de communication et les réseaux sociaux d'une surcouche de bruit de fond diffus cosmologique.

Galvanisé par cet apport soudain de matière sonore inconsistante qu'il interpréta à tort comme une proposition unilatérale de collaboration improvisée, Jack entama un discours qu'il espéra long et beau et même un petit peu poétique ici ou là.

Il dit d'abord :

"Mesdames, messieurs, mesdemoiselles, oui, vous là, la petite rouquine avec les boucles pimpantes, je tiens d'abord à vous signaler que je vous ai compris."

Le piano de Martello émit un magnifique accord en ré mineur qui arracha trois larmiches aux premier rang et un éternuement à Jack qui se rappela aussi sec qu'il souffrait d'allergie aux accords mineurs. Il n'en poursuivit pas moins :

"A l'heure où la vie se répand dans les canaux sanguins de vos silhouettes parfaitement irriguées, à l'heure où deux plus deux ne font plus vraiment quatre, parce que TVA, Panama Papers et îles Caïman, à l'heure où des gifles se perdent à la télé ou ailleurs, à l'heure où John Malkovitch étonne par son absence prolongée sur le grand écran de nos angoisses, à l'heure où les Stones jouent à Cuba en buvant du Champagne français fabriqué en Chine, à l'heure..."

Davide Martello avait ignoré les règles de communication stipulées sur les prospectus distribués par les membres du service d'ordre : il avait décroisé ses jambes parce que s'asseoir en indien, c'est un truc de boy-scout et lui, cette nuit-là, il n'était pas venu pour jouer les bons samaritains, griller des marshmallows autour d'un bon feu de camp, se tirer la nouille sous le tipi, faire traverser les passages cloutés aux vieilles dames, distiller des heures durant les prêches hippies du compositeur et parolier de Imagine. Non, cette fois, il était passé à la phase deux de son plan et c'est fièrement qu'il fit un quart de tour, prit appui sur ses mains aux doigts tout léprosés d'avoir maintes et maintes fois joué le même morceau au point de voir s'inscrire à jamais dans la moelle nerveuse des poignets du jeune homme, tels de petits trous sur la partition d'un orgue de barbarie conceptuel, les notes de musique de la mélopée utopiste du chanteur visionnaire aux petites lunettes rondes teintées de pourpre. Ses doigts d'ailleurs suivaient exclusivement à présent l'influx nerveux projeté par la moelle des poignets devenue totalement indépendante et réfractaire aux ordres émis par son cerveau perturbé, aussi ils jouaient le morceau en permanence à vide et gigotaient tels des vermisseaux dotés de réflexes et instincts de survie propres, mais Davide avait encore partiellement le contrôle de ses mains qui certes parfois faisaient de grandes embardées car elles aussi avaient entamé une procédure d'émancipation et prenaient vie comme les doigts, réclamant le droit à l'autonomie pour pleinement assumer ce statut d'automates que l'acharnement mécanique de Davide leur avait conféré. C'est donc avec peine que Davide Martello se mit à genoux, pris de spasmes et tremblotant, comme foudroyé d'un Parkison spontané, puis se leva. Ce soir, il allait jouer du piano debout. C'est peut-être un détail pour vous. Mais pour lui, ça voulait dire beaucoup. ça voulait dire qu'il était libre, heureux d'être là, malgré tout. Quand les trouillards sont à genoux et les soldats au garde à vous, simplement sur ses deux pieds, il voulait être lui, vous comprenez ?

La phase deux de son plan allait donc être entamée. Elle était tout à fait simple. Ce piano que Davide avait balancé sur l'estrade contenait une bouteille de gaz comprimé d'une puissance de feu d'une mégatonne d'un mélange de Viagra, gingembre et poudre de corne de rhinocéros concentré. Ce soir, oui, il allait donner de l'amour pour de vrai à des milliers de gens. En respirant son filtre aphrodisiaque, tous ces anonymes de Nuit Debout allaient se donner de l'amour les uns les autres, et par tous les trous. Ce soir, l'utopie du maître allait être concrétisée par le disciple. Il lui suffisait d'appuyer sur le bouton rouge de sa radiocommande. Ne me dites pas que ce garçon était fou. Il ne vivait pas comme les autres, c'est tout. Et pour quelles raisons étranges, les gens qui n'sont pas comme nous, ça les dérange. Ne me dites pas que ce garçon n'valait rien. Il avait choisi un autre chemin. Et pour quelles raisons bizarres, les gens qui pensent autrement, ça les égare, ça les égare. "Dedica speciale per te , John , figlio di una cagna !", beugla Davide en appuyant sur le bouton alors que Jack imperturbable poursuivait son speech.


Pendant qu'il pérorait, le piano tentaculaire du massacreur de Lennon exhalait des volutes de gaz farci de dopamine. Des couples se formaient, des langues s'enchevêtraient, des sexes énormes se dressaient dans de pauvres sous-vêtements mal verrouillés. Jack racontait à présent qu'il n'était plus très loin d'achever sa collection de timbres lorsqu'un homme de haute taille et qui moulait ses muscles longilignes dans une combinaison en lycra, détruisit pianiste et piano d'un seul rayon de laser rouge lancé par ses globes oculaires chauffés à blanc. La foule se rhabilla, embarrassée, non sans un dernier coup de langue, et Jack décida de mettre fin à son discours en chantant une chanson de Polnareff dont il avait oublié les paroles.

Alors qu'il massacrait "ne me marchez pas sur les pieds", un autre problème, et de taille, commençait à assombrir son avenir proche et alourdir son caleçon de chez Dim. Jack avait laissé sonner trop longtemps près de ses bourses son téléphone portable première génération de chez Nokia. Il pouvait d'ores et déjà sentir ses testicules gonfler, gonfler ; et sa voix faussait, faussait, dans le même temps.
Le coordinateur des débats, accro aux télé-crochets télévisés, le regardait d'un œil inquisiteur. Il n'avait pas trop prêté l'oreille à son discours mais depuis qu'il chantait la moutarde lui montait au nez. "Quel toupet! Il viole littéralement sur scène l'une des plus belle chanson de Polnareff et, de surcroît, il me regarde droit dans les yeux en le faisant. Ma parole, c'est qu'il me nargue! Il ne manquerait plus qu'il me traite. S'il me traîte de "gros bâtard", j'explose et je le sors."

Le coordinateur et Jack à cet instant précis ne se comprenaient plus. Le dialogue ne pouvant se faire, une sorte de fossé symbolique se creusait lentement entre eux. Pourtant, s'il avaient su que, par nature, ils n'étaient pas si éloignés. S'ils avaient su tout l'un de l'autre, s'ils avaient pu échanger leurs malheurs : les éléphantiasis soudaines de Jack contre les œdèmes de Quinck purpurines du coordinateur qui se manifestaient lorsqu'on le traitait de "gros bâtard", oui, s'ils avaient su, une autre histoire aurait été écrite.

Jack regarda une fois de trop la jolie petite rouquine qui se tenait sur le bord droit de la scène, juste à côté du coordinateur.

Mais ce gros bâtard de coordinateur de débat fit évacuer Jack de l'estrade.

lapinchien

***FIN du 3eme épisode. Je le poste donc et on peut continuer à jouer avec les autres***