La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
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Démarré par lapinchien, Mars 30, 2005, 14:57:40

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quot;Mondialisation libérale, Europe, États-Nations" le 21 mai 2000
1 (20%)
ux Universités d'été du MDC des 2 et 3 septembre 2000
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u 5ème congrès national du MDC des 9 et 10 juin 2001
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e 9 septembre 2001
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iscours lors de la présentation des voeux 2002
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ors du rassemblement national des comités de soutien le 19 janvier 2002
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Total des votants: 5

lapinchien

1.

Chers camarades, chers amis,

Dans une navigation au long cours il faut quelquefois vérifier ses repères. C'est à cela que servent les colloques périodiques organisés par le Mouvement des Citoyens. Nos repères depuis la création du MDC au tournant des années 92-93, après le référendum sur le traité de Maastricht, après la guerre du golfe sont bien connus. Rétablir un équilibre entre le capital et le travail, entre le citoyen et les lieux de décisions, entre le nord et le sud ; endiguer la globalisation sauvage sous l'égide de l'hyperpuissance (nommée ainsi par Hubert Védrine). Construire donc un monde multipolaire, républicaniser la construction européenne en campant le citoyen face au conformisme de ce nouveau cléricalisme que vient de décrire Régis Debray et que nous connaissons bien, par expérience, organiser l'avenir autour des États nations ; non pas que nous idolâtrions une forme historique qui après tout dans des pays voisins ne remonte qu'à un peu plus d'un siècle, bien que les racines soient évidemment antérieures. Mais, constatons que l'Allemagne a fait sa réunification et elle a tourné la page de la CDU dans un grand élan national. De même, l'Italie a mis un terme à la deuxième République et elle a porté sur les fonds baptismaux une formule nouvelle, dans un cadre national. Comme nous l'avons dit à l'instant en citant Valéry "on ne peut détruire que ce qu'on remplace". Or il y a un lien évident entre la nation et la démocratie. Le cinquième repère est de donner un horizon aux politiques publiques et sociales (thème de la table ronde). Comment le faire dans cet univers de la globalisation sauvage ? Dans les rapports préparatoires au colloque, nous avons vu qu'elle puise ses racines dans le triomphe de l'ultralibéralisme au début des années 80. Bien entendu, aussi dans l'immense bouleversement du monde de 1989 à 1991, à la veille de la création du MDC quand nous avons voulu essayer de redonner des repères dans ce monde très difficile. Nos pères fondateurs ne sont ni Jean Monnet ni Robert Schumann, ils sont beaucoup plus anciens et ils s'appellent Sisyphe qui se doit d'être heureux, malgré son rocher et Prométhée qui est le génie laïc par excellence. Avant de pousser plus avant mon intervention, je veux remercier les organisateurs Gisèle Sebag, Marinette Bache, Isabelle Mazzaschi et toute l'équipe de la rue du Faubourg Poissonnière. Remercier aussi pour le rapport introductif Sami Naïr, Jean-Yves Autexier, Dominique Garabiol, Patrick Rigaudière et bien entendu les intervenants : Danielle Auroi, Régis Debray, Sylvain Hercberg et ce matin, Philippe Grasset bien sûr, dont je tiens à saluer la qualité de la publication de défense qui est une chose remarquable (je lisais, déjà, cette revue quand j'étais Ministre de la Défense qui m'apprenait beaucoup plus de choses que de nombreux rapports). Jean-François Kahn, Bernard Cassen, Brigitte Sauzay, Gérard Lafay, Bernard Moss, et les autres. Je souhaite remercier outre les participants, Joschka Fischer qui est, en quelque sorte, la vedette américaine de notre colloque. Comme vous le savez, il a pris la précaution avant de prononcer sa désormais célèbre intervention à l'université de Humboldt, de préciser qu'il s'exprimait à titre personnel.

L'intervention de Joschka Fischer était donc intéressante car d'une certaine manière, il a procédé, en pointant la crise de l'Union européenne, à un formidable aveu qui jusqu'à présent n'avait été fait que dans des cénacles très fermés. Effectivement, la construction européenne telle qu'elle s'est développée depuis une cinquantaine d'années c'est-à-dire depuis la déclaration de Robert Schuman et la CECA est aujourd'hui derrière nous. Il a ajouté qu'il ne voulait pas que l'on fasse des titres après son intervention, moi non plus, pas davantage que les titres faits après la sienne ! Nous sommes en face de la crise d'un certain type de construction européenne que l'on pourrait appeler l'Europe qui progresse de biais, qui ne dit jamais où elle va, qui procède par détours, qui veut créer des faits accomplis en dehors de tout débat démocratique de façon à pouvoir contourner la Démocratie et les Nations, cadres par excellence du débat démocratique. Cette méthode décrite par Joschka Fischer comme la méthode inductive chère à Jean Monnet : la proposition de la Commission puis le Conseil qui délibère en secret, tout cela c'est du passé. Bien évidemment, cette méthode n'a jamais réussi à définir la "subsidiarité". La raison en est simple : l'Europe s'est toujours faite à travers des réglementations concernant les petites choses ; elle s'est rarement définie par un projet clair sur les grandes. Les nations se sont déchargées sur l'Europe de l'accessoire où elle excelle, et de l'essentiel qu'elle néglige. C'est d'ailleurs ce que nous lui reprochons. L'intérêt général européen n'est pas porté par la Commission ; c'est une frénésie du pouvoir qui développe des programmes ambitieux dont on ne perçoit pas toujours le projet qui est derrière. En fait c'est l'idéologie libérale comme le rappelait si bien Sylvain Hercberg à propos du régime de l'électricité et du gaz. Il s'agit toujours d'ouvrir la voie aux grandes sociétés, aux grands intérêts. L'intérêt général est peu porté par le Conseil parce que le Conseil est un lieu de compromis, les débats s'y déroulent à huis clos. En l'absence de débat démocratique, je ne sais pas si l'on peut définir un intérêt général. Autrefois, c'était le privilège des princes : dans la république de Jean Bodin par exemple. Nous pourrions penser qu'à notre époque, l'intérêt général ne vaut rien sans un débat public. Par ailleurs, les institutions de Bruxelles sont surdéterminées par la philosophie libérale. Le traité de Maastricht le dit très clairement : toute politique est désormais obligée de "se conformer au principe d'une économie ouverte où la concurrence est libre". Par conséquent, toute politique qui s'inscrirait dans une autre perspective est rognée.

Enfin, la plupart des pays européens se trouvent aujourd'hui dans le sillage des États-Unis par une étrange mésestimation de ce qu'est l'Europe et son histoire et de ce que sont nos capacités. Pour des raisons historiques, géopolitiques diverses, c'est le cas de presque tous les pays européens.

La Grande-Bretagne se conçoit naturellement comme un pont entre l'Europe d'une part et le monde anglo-saxon et bien sûr les États-Unis. Elle voit là un dessein national. M. Blair explique d'ailleurs que Londres est la capitale du monde : il voit Londres sur ce pont entre l'Europe et les États-Unis, le Commonwealth, le monde anglophone.

L'Allemagne reste marquée par le traumatisme de la période du national-socialisme. Quoi de plus explicable d'ailleurs ? Psychologiquement, elle sait gré aux États-Unis de l'avoir délivrée du Mal et de lui avoir rendu sa liberté et son unité. Cela crée un lien de dépendance évident. Au fond, l'Allemagne fait commencer son histoire au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ou alors, elle revient avant même la formation de la nation allemande au stade anté-national, celui du Saint Empire. L'Allemagne diabolise encore le concept de nation. Elle a beaucoup de peine à trouver un chemin entre sa conception de la nation qui était celle du VOLK dont elle ne veut plus parce qu'elle pressent que c'est là la racine des déraillements successifs qui l'ont conduit à la prise du pouvoir de Hitler en 1933 et elle fuit dans le post-national où elle retrouve d'ailleurs sa tradition anté-nationale c'est-à-dire la tradition du Saint-Empire. Sa vision n'est pas fixée ; cette grande nation n'a pas encore pris toute sa mesure de ce qu'a été son histoire depuis près de deux siècles. On peut considérer que dans la conception de Fichte, il y avait un certain nombre de facteurs qui nécessairement n'entraînaient pas du tout le nazisme mais l'ont favorisé. Puis, il y eut une série de déraillements successifs à travers l'échec de la révolution libérale en 1848 et le triomphe de Bismarck.

Tout cela est très difficile à expliquer mais, nous comprenons parfaitement que l'Allemagne aujourd'hui inscrive sa politique extérieure et surtout sa politique d'ouverture à l'Est, dans le sillage de la politique américaine. Par conséquent, elle ne conteste pas le "new world order" (le nouvel ordre du monde) : l'Allemagne est très contente finalement d'intervenir sous la bannière de l'OTAN au KOSOVO. A ses yeux, c'était presque une réhabilitation, car c'était la première fois que l'on voyait des soldats allemands en dehors des frontières de l'Allemagne, depuis la deuxième guerre mondiale. Et en définitive, ils ne se posaient guère le problème de savoir si cette guerre était juste ou non, nécessaire ou non.



Je pourrais évoquer les pays de l'Europe du sud : l'Espagne, l'Italie qui sont de grandes nations mais qui pensent toujours pouvoir développer vis-à-vis des États-Unis une stratégie d'influence ; notamment les Italiens à travers la forte communauté italienne vivant aux États-Unis L'Espagne, dans la phase historique actuelle correspondant à sa réintégration au sein de l'Europe, ne veut pas s'isoler bien qu'elle ait intérêt à affirmer à l'avenir une ligne européenne indépendante.

Je ne parlerai pas des pays de l'Europe du Nord parce que depuis Narvik et depuis l'invasion de la Hollande et de la Belgique en 1940 ils ont considéré, en effet, qu'ils ne pouvaient plus attendre de secours de la France et de la Grande-Bretagne donc, ils regardent vers les États-Unis

Nous pouvons dire la même chose des pays de l'Europe centrale : la Pologne en particulier, depuis la deuxième guerre mondiale. Coincés entre la Russie d'un côté et l'Allemagne de l'autre, ils regardent bien évidemment d'abord vers les États-Unis

Tous ces éléments rendent la construction d'une Europe européenne particulièrement difficile. D'autant plus difficile que l'Europe qui s'est développée est une Europe libérale qui ne sert pas de contrepoids ou de rempart par rapport à la globalisation sauvage mettant au premier plan les marchés financiers. Elle fonctionne beaucoup plus comme un relais de cette globalisation.

Du point de vue de la culture et de la civilisation ; qu'est ce que l'Europe est aujourd'hui capable de dire qui soit très différent du discours qui nous vient des États-Unis ? Nous sommes, me semble t-il, dans la civilisation des tuyaux, civilisation de l'image, d'Internet, du transport de données. On s'intéresse à la communication pour la communication. Ce monde est celui de la communication vide, l'originalité du message ne se voit pas. Les concepts triomphants en Europe, parfois même plus qu'aux États-Unis, sont les thèmes de la fin de l'histoire, le thème de la nouvelle économie qui renverrait l'économie traditionnelle au vestiaire qui déjà nous fait entrer dans une société duale où il y a d'un côté, les "branchés" et de l'autre, les "débranchés". Cette Europe ne s'est pas donné les moyens de gagner la guerre des contenus parce qu'elle n'a pas de projet, de visée "civilisationnelle" dans le domaine de la production d'informations, d'images, de biens culturels. En matière de formation, ce qui vient d'Amérique a une puissance extraordinaire. Heureusement, l'AFP résiste encore mais pour combien de temps ? Pour maintenir, le rayonnement de nos universités et de la science française, il faut se battre. A cela s'ajoute, le poids du politiquement correct et du nouveau cléricalisme évoqué par Régis Debray. Pour nous exprimer, nous devons aller à contre-courant. Mais ce que nous disons est important parce que cela dérange et cela crée des repères dans le paysage.

J'évoquais la crise de la construction européenne, l'absence d'un projet de civilisation. La faiblesse de l'euro fait couler beaucoup d'encre, mais le MDC l'ayant souhaitée ne la déplore pas. Nous l'avions posé comme une des conditions de possibilité de l'euro, avec l'inclusion des pays d'Europe du Sud. Un euro large devait immanquablement contribuer à ce qu'il fût faible. Mais, comme l'a relevé Gerhard Schröder, ce n'est pas une catastrophe, il n'y avait pas lieu de monter sur les barricades parce que l'euro est trop faible. En effet, le taux de chômage dans l'Union Européenne reste en moyenne à 10%, beaucoup plus qu'aux États-Unis et au Japon. L'euro faible n'est pas une mauvaise chose car il dope les exportations et la croissance (c'est le cas en Allemagne et en France). Après les années de pénitence que nous avons connues après la conclusion du traité de Maastricht et même avant avec le franc fort (l'alignement du franc sur le mark) nous apprécions un peu de répit. Évidemment, le risque est le relèvement des taux d'intérêt par la Banque centrale européenne qui est une banque indépendante, en l'absence de tout contrôle politique et de tout gouvernement économique. Depuis deux ans, ce qui se passe montre clairement que la faiblesse de l'euro n'est que l'envers de la force du dollar. En effet, il suffirait d'un dollar faible pour des raisons décidées par le trésor américain (ce fut le cas au début de la décennie 90) pour que l'euro remonte. Ce n'est pas nous qui décidons, en dernier ressort, de la force ou de la faiblesse de l'euro. Cette faiblesse révèle surtout l'inconsistance de l'idée politique qui sous-tend le projet de l'euro. Nous avons voulu créer la première monnaie sans État, avant d'avoir façonné une identité politique européenne autour d'un projet politique.

Toujours au titre de la crise des institutions européennes, le blocage actuel résulte du choix de l'élargissement fait au lendemain même de la conclusion du traité de Maastricht sous l'impulsion du chancelier Kohl au sommet de Copenhague, l'ouverture aux pays d'Europe centrale et orientale. A 15, le fonctionnement des institutions est déjà bloqué. Nous le voyons au niveau de la Commission avec notamment l'épisode Santer et Romano Prodi qui, il y a un an, apparaissait comme un sauveur ne l'est plus tout à fait aujourd'hui. Le parlement européen qui était conçu pour aider la Commission à s'affirmer vis-à-vis du Conseil se met à la contester ! Dans le Conseil, c'est absolument sidérant : nous assistons à 15 monologues et plus encore lors des Conseils JAI (Justice Affaires Intérieures) où deux ministres sont présents (30 au total). Tandis que les malheureux derniers Présidents finlandais ou portugais doivent faire la synthèse. Je renvoie à Danielle Auroi et à Sami Naïr le soin de vous décrire les débats du Parlement Européen. Cela ressemble à une grande volière. En approfondissant un peu, nous pourrions y trouver du bon. J'ai toujours dit que le Parlement européen pouvait être un forum utile. Définir un intérêt général commun est de plus en plus difficile lorsque le nombre des participants s'accroît.

Ce blocage évident doit nous amener à trouver une solution. Amsterdam a déjà échoué. La CIG (conférence inter-gouvernementale) devait, au terme du Traité de Maastricht, faire un bilan en 1996 et redresser ce qui ne marchait pas. Mais, nous n'avons pas réussi à redimensionner ces institutions alors que nous n'étions que 15. Alors, le traité d'Amsterdam a, faute de mieux, communautarisé les problèmes d'asile et d'immigration.

Pour sortir de cette crise, deux tentations se font jour : elles ne sont pas forcément alternatives ou contradictoires.

La première tentation est celle de l'Europe contentieuse qui va avec l'Europe libérale. Ce projet de charte des droits fondamentaux devrait être élaboré pour le sommet de Nice. Cela ne me semble pas tout à fait innocent car nous avons déjà au niveau européen, la convention de sauvegarde des droits de l'homme qui induit une jurisprudence qui a amené la loi française à évoluer. Par exemple, dans le domaine du regroupement familial, nous avons repris l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme : celle-ci est déjà une convention au niveau du Conseil de l'Europe. Y ajouter une charte des droits fondamentaux entraînera inévitablement un conflit. Plus grave encore, nous subvertissons toute la hiérarchie des normes juridiques en France. Lorsque la jurisprudence européenne se sera établie à travers des décisions qui s'imposeront au législateur français, petit à petit les parlements seront dessaisis de leur droit de légiférer. Tout l'édifice du "bloc de constitutionnalité" forgé par le Conseil Constitutionnel, depuis le début des années 60, se trouvera remis en cause. Le Conseil Constitutionnel a défini ce bloc de constitutionnalité à partir du préambule de la Constitution de 1946 et de 1958, de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et même des droits fondamentaux. A partir du moment où la Charte des droits fondamentaux aurait une vertu contraignante, si elle était incluse dans un traité européen, tout cet édifice serait détruit au profit du pouvoir des juges européens. Donc, la tentation est grande de s'engouffrer dans cette brèche. Et parce que c'est très démagogique, on nous fera valoir que ce seraient des droits sociaux. Un certain nombre de pays et pas seulement la Grande Bretagne s'y opposeront puis, l'inégalité est telle entre le Portugal et l'Allemagne que nous n'irons que jusqu'à un degré très général dans cette direction. Mais on y ajoutera les droits civils et politiques et pourquoi pas le droit à l'éducation bien que ce dernier échappe, en principe, à la compétence de la Commission européenne et de l'Union européenne. Déjà, j'ai pu voir dans des moutures de textes issus des travaux de la Convention pour la charte fondamentale présidée par Roman Herzog, ancien président de RFA, que le principe de laïcité n'existe plus ; on pose simplement le principe de la gratuité de l'enseignement dès lors que l'éducation serait obligatoire.

Ceci est très insuffisant ; ce projet de charte des droits fondamentaux va très bien avec l'idée d'une Europe qui ne serait plus qu'une grande zone de libre échange, régulée par la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes. Je crains que le Conseil européen soit mis devant le fait accompli, dans quelques semaines, au Portugal et plus encore, au sommet de Nice. Lorsque cette charte sera avalisée, nous nous trouverons encore plus devant le diktat du "politiquement correct". Comment combattre une charte des droits fondamentaux sans passer pour un hérétique, quelqu'un ne voulant pas reconnaître des droits ! En Europe, non seulement en France, l'action des gouvernements doit de plus en plus se conformer à la grande maxime : "On ne peut pas ne pas". "On ne peut pas ne pas bombarder Belgrade" parce que nous avons dit que nous le ferions. "On ne peut pas ne pas envoyer des policiers au Kosovo" parce qu'un certain nombre de personnes s'étripent, même si ce problème dépasse bien évidemment la compétence des policiers qui ne parlent pas la langue du pays, n'en connaissent pas le droit, et qui agiraient en dehors du contrôle de juges qui n'existent pas. Tout simplement on ne veut pas peser le problème politique du statut du Kosovo. Le poids du politiquement correct est terrible. Le Conseil Européen de Nice ne pourra donc pas ne pas donner son satisfecit et plus que cela, son accord à un projet mitonné dans le plus grand secret. "On ne peut pas ne pas" est le vrai ressort de la plupart de nos politiques. Nous ne faisons plus ce qu'il est juste et bon de faire, du point de vue de l'intérêt général. Nous donnons notre accord à telle politique parce que nous ne pouvons pas décemment la refuser. Ceci procède de cette "emprise" que décrivait Régis Debray qui, politiquement, se traduit par "on ne peut pas ne pas".

Le grand risque comme l'a pointé le rapport introductif, c'est le règne du marché plus le règne des "lawyers". Cette démocratie appelée contentieuse est très loin de la Démocratie parce qu'elle n'est accessible qu'à ceux qui peuvent se payer des avocats.

Une autre tentation, pas forcément contradictoire et davantage inscrite dans l'actualité, est le projet de Joschka Fischer d'une Europe fédérale. Tout d'abord, je voudrais pointer une certaine continuité avec l'idée que l'on trouvait dans le rapport "Schaüble-Lamers", de 1994, ces leaders de la CDU, réclamant en 1994 un noyau dur européen autour de quatre ou cinq pays. Joschka Fischer envisage de pouvoir être à onze dans le cadre de l'euro et ajoute que cela pourrait s'agrandir. Nous voyons bien comment l'Allemagne, tout naturellement, est amenée à plaquer son modèle fédéral sur l'idée qu'elle se fait de l'Europe future et de son fonctionnement. La proposition de Joschka Fischer vaut d'abord comme aveu d'une crise irréversible de la méthode Monnet et du modèle d'institutions européennes qui s'est développé depuis une quarantaine d'années. Nous voyons aussi que l'idée de définir des domaines de souveraineté distincts, à un niveau pour la fédération, à un autre laissé aux États, est en contradiction complète avec l'Europe telle qu'elle existe où ce qui figure, au niveau des acquis communautaires est surtout : la réglementation de la chasse, la fixation de normes pour les véhicules, les fromages, etc. Tout cela n'a absolument rien à voir avec l'idée de s'occuper au niveau européen de diplomatie, de défense, de monnaie, etc. Tandis que tout ce qui est subsidiaire serait laissé aux nations.

Alors comment passe-t-on d'un système à l'autre ? J'aimerais que Joschka Fischer nous explique cette transition qui selon lui serait une transition à long terme. Le reproche que l'on pourrait faire à la proposition de Joschka Fischer, c'est d'être avant tout une solution technique, procédurale apportée au problème de la crise de la construction européenne. Ce n'est pas une réponse politique, car il ne définit pas un projet politique pour l'Europe du XXIème siècle. Joschka Fischer définit une répartition assez mystérieuse des compétences entre deux niveaux : il raisonne en termes de compétences alors qu'il faudrait mettre en avant un projet de civilisation qui soit aussi un projet géopolitique. Sa conception enfin est dépassée : on ne peut pas, sans aller au rebours de l'histoire, substituer à ce que l'on appelait "le mur de la honte", un mur de l'argent fut-il celui de l'euro 11. Cette idée d'un noyau dur fédéral, à l'intérieur de l'Europe de l'après-communisme, est un contresens historique. Il manifeste simplement la fuite dans le postnational qu'est aussi la résurgence du rêve nostalgique du Saint Empire romain germanique qui ferait remonter tout le cours de l'histoire européenne sur un millénaire. Ce rêve traduit la difficulté de l'Allemagne à s'affranchir de son ancienne conception du Volk pour inventer un concept de nation citoyenne, à la mesure d'une histoire tellement riche qu'elle n'arrive pas encore à la dominer. Il est absurde de ne pas pouvoir se référer innocemment aux Romantiques allemands parce qu'on nous expliquera que c'est dans ce romantisme allemand que l'histoire ultérieure de l'Allemagne plonge ses racines. Cela n'est pas sérieux, on doit pouvoir aimer les romantiques allemands sans être pour autant suspect d'une quelconque inclination pour ce qui a suivi. En réalité, l'Allemagne fait dans le post-national. Vous connaissez les théories de Jürgen Habermas sur ce sujet : une espèce de conception de la nation purement civique, totalement déconnectée de l'histoire réelle. Dans le post-national, elle renoue inconsciemment avec sa tradition anté-nationale parce qu'après ce déraillement catastrophique qu'a été, dans son histoire, l'épisode nazi elle continue à diaboliser le concept de nation. Nous devons donc privilégier le dialogue de fond avec l'Allemagne parce que de toute évidence, l'Europe est ainsi faite : il y a les peuples du Nord et les peuples du Sud, les peuples germaniques et les peuples latins. La France et l'Allemagne sont les deux pays les plus étroitement connectés l'un à l'autre, par lesquels tout passe. Sans cette critique de la conception du Volk et l'affirmation d'une conception de la nation citoyenne allemande, nous ne pourrons pas fonder une relation saine avec elle. Plus simplement, je dirais qu'entre les thèses "völkisch" de Jörg Haider et le concept postnational de Jürgen Habermas, il y a place pour une conception citoyenne de la nation allemande capable de mettre ce grand peuple en mesure de relever les défis du XXIème siècle dans une relation fraternelle avec la France. Il est évident que ce discours n'est pas aujourd'hui le discours dominant, pourtant si l'on veut bien réfléchir au problème de l'identité en Europe , c'est bien là que se situe le blocage, entre l'identité républicaine articulée à l'universel et des conceptions dépassées de la nation souche. Même si l'Allemagne a beaucoup bougé grâce notamment à la victoire du chancelier Gerhard Schröder et au gouvernement SPD Vert : ainsi la réforme du code de la nationalité en Allemagne a été un moment extrêmement important car en changeant la définition de l'étranger, on change forcément aussi la définition de l'Allemand. Mais, c'est un effort de longue haleine.

Quelle Europe voulons-nous construire ? Aucune Europe ne vaut qui ne repose d'abord sur un dessein politique : l'Europe sera un projet ou ne sera pas. Un projet de civilisation, j'ai évoqué la révolution des contenus. Un autre rapport au temps et sans doute aussi aux médias. A ce propos, la réflexion de Régis Debray sur la médiologie nous intéresse au plus haut point. Un projet géopolitique aussi, parce qu'il n'y a pas d'Europe européenne, il n'y a pas d'Europe indépendante dans le monde tel qu'il est, s'il ne s'établit pas un axe Paris-Berlin-Moscou, qui est l'axe de l'indépendance européenne. Bien entendu, beaucoup de problèmes se posent. Si nous voulons faire l'économie d'une réflexion stratégique à long terme dans nos rapports avec la Russie, nous ne ferons jamais autre chose qu'une succursale américaine. Il nous faut donc savoir si nous sommes inféodés définitivement à l'Amérique ou si nous voulons bâtir un monde multipolaire, choix qui conditionne tout le reste. Et puis, l'Europe ne peut pas ignorer la Méditerranée, le Maghreb, la Turquie, la nécessaire solution des problèmes qui se posent au Proche-Orient et d'abord la construction d'un État palestinien qui soit aussi une garantie de sécurité pour Israël. Puis en dernier ressort, ce qui est en cause, c'est bien le rapport de l'Europe aux États-Unis Serons-nous une banlieue, même riche, de l'Empire américain, une sorte de Ligue Hanséatique du troisième millénaire ? Basculerons-nous vers une espèce de grande Suisse ? Nous sommes-nous résignés à ne plus compter dans l'avenir du monde sauf sous l'angle des expéditions humanitaires et des ONG que nous pouvons effectivement envoyer ici et là ? ou entendons-nous redevenir le grand carrefour du monde que l'Europe a été et qu'elle peut être à nouveau, pesant de son poids qui est grand pour orienter la puissance américaine, pas toujours si sûre d'elle-même ? Naturellement, pour cela, nous devons compter avec la Russie, la Chine, le Japon, l'Inde et d'autres encore. Ce projet d'indépendance européenne ne peut naître que d'un dialogue entre les nations, lieu privilégié de la démocratie. Je ne dis pas que les débats se déroulant au Parlement européen ne peuvent pas y contribuer. Le Parlement européen a voté une résolution sur l'Irak demandant la levée de l'embargo, il a eu un écho peut-être trop modeste à nos yeux. Enfin, je ne néglige pas ce qui peut être fait. Mais nous ne pouvons pas faire l'impasse sur les nations parce que cela signifierait faire l'impasse sur la démocratie. Et l'Europe doit être une union de nations comme l'avait dit d'ailleurs Lionel Jospin à la réunion de Milan, l'Europe se fera dans le prolongement des Nations, non pas contre elles. Le discours de Joschka Fischer par rapport au projet Shaüble-Lamers marque tout de même une certaine avancée dans cette direction. Ce dialogue de fond est particulièrement important pour la France et l'Allemagne pour les raisons évoquées tout à l'heure. Dans l'état actuel des choses, je préconiserais avant même les coopérations renforcées qui sont un peu "la tarte à la crème", un nouveau traité de l'Élysée entre la France et l'Allemagne précédé d'un travail sérieux, approfondi, franc sur un certain nombre de domaines clés. L'Europe elle-même ne pourra être d'abord qu'une confédération souple États qui peut être structurée par des coopérations renforcées par domaine comme l'a évoqué Gérard Lafay ce matin. Dans des domaines aussi décisifs que la défense, la diplomatie, la monnaie, l'agriculture, la libre circulation des personnes. Cela existe déjà, il suffit donc de perfectionner ce qui existe. Mais, nous ne voyons pas comment les institutions traditionnelles de l'Union européenne ne perdraient pas un peu de leur substance si l'on privilégie ces coopérations renforcées. L'idée est naturellement d'aller vers le sentiment d'un destin de plus en plus partagé, il faut renforcer le dialogue entre les peuples européens, leur donner le sentiment de ce qu'ils ont à faire ensemble.

S'agissant de l'euro, aujourd'hui monnaie commune, je m'interroge sur le fait de savoir s'il ne serait pas raisonnable d'y regarder à deux fois avant de plonger, le 1er janvier 2002, dans la monnaie unique.

Je m'interroge pour deux raisons : il me semble en effet qu'il y a deux préalables à lever. Tout d'abord, la réforme du statut de la Banque Centrale Européenne inscrite dans notre programme commun, MDC-PS pour les élections européennes. Les statuts de la Banque Européenne n'ont pas été modifiés. La question du gouvernement économique reste toujours posée et puis, l'avenir de la Grande-Bretagne et celui de la livre britannique est évidemment une question essentielle. Ne faudrait-il pas se donner le temps de voir venir ? Au total, l'Europe est un processus qui ne peut progresser que si la France reste capable de faire entendre sa voix ; il y a une cure de désintoxication "européiste" à mener, il faut sortir de la téléologie et j'ajoute aussi de la théologie. Mais enfin, il n'y a pas de téléologie sans théologie : de ce règne des fins qui sanctifient les moyens. Au nom de l'Europe, on peut faire n'importe quoi et que chaque fois que quelque chose ne va pas, comme le rappelait Georges Sarre tout à l'heure, c'est "faute d'Europe". Il faut réapprendre à raisonner à partir du monde tel qu'il est, faire entendre la voix de la France. La faire entendre d'abord au sein de la gauche plurielle. C'est en tout cas la vocation que s'est donnée le Mouvement des Citoyens en choisissant comme slogan "relever la France avec la Gauche" car la France est une articulation particulière avec l'universel que l'Europe ne fournit pas aujourd'hui. Le reste du monde attend encore que la France joue ce rôle. Le Mouvement des Citoyens a refusé au sein de la majorité plurielle la voix des surenchères en privilégiant la cohérence de la majorité gouvernementale. Nous avons voulu donner au gouvernement de la gauche toutes ses chances et d'une certaine manière, nous avons pris sur nos épaules un certain nombre de problèmes qui n'étaient pas parmi les plus faciles. La pertinence de ce choix se manifestera à la lumière des résultats de la conférence inter-gouvernementale qui va s'ouvrir. Quoi qu'il arrive, nous ferons entendre la voix de la France dans la durée. On ne raisonne pas en effet, dans la perspective des municipales ou des présidentielles. Nous devons voir plus loin, une France fidèle à l'idée républicaine qui la porte et qu'elle porte depuis deux siècles. Mais cette idée sera la seule qui pourra porter le projet d'une Europe européenne indépendante, citoyenne. Donc le choix du MDC est de peser autant que possible et de témoigner autant que nécessaire.

Merci.


lapinchien

2.

Chers camarades,

Je suis heureux de me retrouver parmi vous. J'ai dû prendre une décision assez rude mais elle était la conséquence de choix que je ne pouvais approuver. Je vous dirai quelques mots seulement de la Corse. Je souhaite surtout faire le point avec vous trois ans après l'arrivée de la gauche plurielle au pouvoir. Je rappellerai ensuite quel projet nous portons. Je conclurai enfin par le mode d'emploi pour le faire avancer : la création d'un pôle républicain au sein de la gauche et dans le pays.


I – La Corse

Si j'ai retrouvé ma liberté, ce n'est pas mon choix personnel mais la conséquence d'un changement de politique que j'ai cherché à canaliser, en vain hélas, parce que je pense qu'il n'est bon ni pour la Corse ni pour le pays.

Rien n'est plus emblématique en effet que le dossier corse d'une dérive préoccupante pour la démocratie, pour la République et pour la France.

J'entends dire qu'il n'y a pas d'alternative au processus de Matignon, "pas de plan B" dit M. Talamoni. C'est faux.  Il y a surtout dans la politique de l'État un manque de continuité et un manque d'unité.  En Corse il y a d'abord un problème de violence. Or que dit M. Talamoni, par exemple il y a huit jours le 26 août à l'Irish Times de Dublin ?

Il réaffirme l'objectif de l'indépendance de la Corse et ajoute : "La violence est notre stratégie depuis plus de trente ans. Nous n'avons pas changé, car tout ce que nous avons obtenu jusqu'à ce jour s'est fait à travers le spectre de la violence. Nous voulons construire la paix mais la paix, ce n'est pas la tranquillité. La paix signifie élaborer quelque chose qui permette au peuple corse de prendre le contrôle de sa destinée."

Les élus avec lesquels on négocie sont –tout le monde le sait- les otages des organisations clandestines. IL y a donc d'abord en Corse un problème de démocratie face à la violence d'une minorité.

On peut certes simplifier le statut qui est une usine à gaz, voire le changer. J'ai d'ailleurs fait des propositions en ce sens. Mais la violence qui pèse sur les élus du suffrage universel fausse tout. La preuve en est que l'accord s'est fait aux conditions posées par les nationalistes : collectivité unique et surtout dévolution du pouvoir de faire la loi à l'Assemblée de Corse.

Comment expliquer que des députés corses puissent faire la loi à Paris et qu'elle ne s'applique pas en Corse ? La loi doit être la même pour tous. On prétend rompre avec l'uniformité. On rompt en réalité avec l'égalité. Ainsi s'ouvre une brèche préoccupante pour la République tout entière.

J'ai évoqué l'effet "I love you", du nom du virus informatique, pour décrire l'inévitable effet de contagion. Ce qui est en cause, c'est la définition de la France comme communauté de citoyens. Revenir à une définition par l'origine serait une terrible régression. La République n'est pas une parenthèse à refermer dans notre Histoire.

De quel poids la France pèserait-elle demain en Europe si elle renonçait à ce levier d'énergie qui est sa définition par la citoyenneté ?

Nous voulons construire l'Europe. Eh bien, nous ne le ferons qu'autour d'une étroite coopération de la France et de l'Allemagne. Nos deux nations sont très différentes. L'originalité de la France est d'être une construction politique et culturelle menée au long des siècles, alors que l'Allemagne s'identifie depuis l'origine à la germanité, au "Deutschtum", même si elle a heureusement modifié, l'an dernier, son droit de la nationalité.

La France doit veiller comme à la prunelle de ses yeux à cette définition par la citoyenneté qui brasse en son sein des peuples très divers venus du Nord et du Sud de l'Europe et même du monde entier depuis un demi-siècle, pour équilibrer dans un rapport fécond et dynamique la puissance retrouvée de l'Allemagne, nation amie qui a aussi besoin de la France, pour dominer et faire à nouveau son Histoire.

Ce serait ne rien comprendre à la réalité de la France que d'envisager de détricoter son unité, en acceptant qu'il y ait des lois corses, bretonnes, franc-comtoises, etc. et que soit ainsi rompu l'espace de débat public qui est depuis deux siècles au cœur de notre histoire.

Si j'ai refusé de porter devant le Parlement le projet issu du processus de Matignon, c'est que j'ai toujours eu une certaine idée de la responsabilité politique : un homme politique doit avant tout croire à ce qu'il fait.


II – Où en sommes-nous ?

La longue marche que nous avons choisie au début des années 90 n'est pas un long fleuve tranquille. Il y a des rapides que nous ne prévoyions pas, mais c'est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source.

Depuis dix ans, nous savons que la gauche est à reconstruire et qu'il faut créer de nouveaux repères dans un monde déboussolé. Longtemps la social-démocratie a vécu paresseusement en rentabilisant au bénéfice des travailleurs  sa position dans le face à face d'un capitalisme dominé par les États-Unis d'Amérique d'une part, et du communisme soviétique de l'autre. Depuis l'effondrement de celui-ci, elle cherche sa voie parce qu'elle continue à croire naïvement, dans le contexte de la mondialisation libérale, qu'elle pourra encore trouver des compromis sans s'aviser que le rapport de forces lui fait défaut. Pour autant, comme l'a écrit Éric Hobsbawm, "on ne peut laisser l'avenir de l'humanité à la concurrence d'entreprises privées, vouées au seul profit".

Nous savons que le rapport de forces à créer ne peut l'être que par la démocratie. Or, qu'on le veuille ou non, les nations restent le cadre irremplaçable de la prise de conscience et du débat démocratique, et des points d'appui indispensables.

Malheureusement la synthèse jauressienne du socialisme et de la République reste incomprise par les sociaux-démocrates.

On l'observe trois ans après l'arrivée de la gauche au pouvoir.

Ayant cessé d'exercer mes fonctions de ministre de l'Intérieur, je crois pouvoir dire, sans trop d'immodestie, que nous avons donné depuis trois ans de l'air à la gauche en assumant des fonctions ingrates, mais vitales, dans des domaines comme la sécurité ou la maîtrise des flux migratoires.

Nous n'avons pas pour autant été asphyxiés parce que nous avons montré qu'une politique de sécurité répondant aux attentes de tous nos concitoyens, y compris et d'abord ceux qui vivent dans les banlieues, était une politique sociale. Nous avons sorti le thème de l'immigration du débat pourri entre la droite et la gauche qui ne faisait que le jeu de l'extrême-droite. Et on voit bien aujourd'hui, alors que le patronat demande à nouveau qu'on recoure à l'immigration de travail, quels intérêts sociaux nous avons défendus : ceux des travailleurs et d'abord de ceux qui sont au chômage et qu'il faut réintroduire en priorité dans le circuit de la production, avant de faire appel aux trafiquants de main d'œuvre

Le Ministère de l'Intérieur implique de lourdes contraintes. Il nous a amenés à privilégier la cohérence au détriment quelquefois de la clarté. Cette contrainte ne pèse plus de la même manière. Pour autant nous devons refuser la démagogie. Nous sommes des républicains. Si nous sommes passionnément attachés à l'égalité, nous croyons aussi à cette capacité collective de maîtriser la destinée commune qu'on appelle la démocratie. Celle-ci implique la responsabilité. C'est donc en responsables que nous nous exprimerons toujours, car nous avons le souci de la réussite, celle du gouvernement où nous ne sommes plus, mais plus généralement celle de la majorité à laquelle nous appartenons, et celle du pays. Nous ne jouons pas au petit jeu : "Plus républicain que moi tu meurs". La République n'est certes le monopole de personne mais elle est d'abord une exigence. Comme l'a bien dit Claude Nicolet : "la République est d'abord le parti de ceux qui prennent au sérieux ses principes". De cela, chacun est juge.

Le bilan de la gauche plurielle que seule la capacité politique de Lionel Jospin a rendu possible est largement positif : croissance et confiance retrouvées, modernisation technologique relancée, chômage en recul, accès à la citoyenneté facilité, solidarités resserrées, décentralisation renforcée, parité hommes-femmes enfin reconnue, fonctions vitales assumées sans faux fuyant : Nous avons réconcilié la gauche avec la règle démocratique, en contenant les excès d'un individualisme exacerbé. Nous pouvons en être légitimement fiers.

Pour autant force est de reconnaître que face à l'immense défi que représente une mondialisation libérale sans frein ni contrepoids, la réponse de la gauche est restée trop modeste.

La globalisation dont on nous rebat les oreilles se fait à l'enseigne des marchés financiers. Elle n'intègre ni la solidarité humaine ni le long terme.

a) En témoigne le négoce subtil engagé, sur l'ensemble du Vieux Continent, entre deux générations, l'une partisane d'une retraite de plus en plus précoce, l'autre inquiète d'avoir à financer à effectifs fondants cette lourde facilité, deux générations entre lesquelles se dressent pourtant d'obscurs intérêts financiers prônant le lancement de lucratifs fonds de pensions au détriment de la solidarité exercée dans des systèmes de répartition.

b) En témoigne aussi le troc dérisoire qui s'organise dans les entreprises entre modération salariale et baisse de la durée du travail, dans un environnement humiliant pour les salariés les moins aisés, marqué par l'accélération des profits et l'envol extravagant des cours de bourse.

c) En témoigne l'engouement des professionnels d'Internet et du GSM qui n'ont d'autre objectif que de transformer la rapidité d'accès au savoir en juteuses redevances téléphoniques et publicitaires ou en bulle financière explosive.

d) En témoignent ces cris d'orfraie poussés dès que l'euro baisse ... Mais vous le savez bien, chers camarades, la faiblesse de l'euro est peut-être préoccupante pour le capital financier et pour les États-Unis ...

... mais elle ne l'est pas pour l'économie européenne et pour le monde du travail !

Cette faiblesse de l'euro est la contrepartie de "l'euro large" que nous avons voulu en 1996 et que Lionel Jospin a repris dans son programme électoral en 1997. Elle traduit aussi l'inconsistance politique qui a consisté à renverser l'ordre des priorités en construisant une monnaie sans avoir créé au préalable un gouvernement économique démocratiquement responsable pour sa gestion.

"L'abdication d'une démocratie selon Pierre Mendès-France peut prendre deux formes : soit le recours à une dictature intérieure, soit la délégation des pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique."

La Banque Centrale Européenne telle qu'elle fonctionne nous achemine dans cette voie funeste. Il faut rappeler que le chômage reste en Europe plus élevé que partout ailleurs. C'est pourquoi la périodicité et l'intensité des relèvements des taux d'intérêts de la BCE, désormais décidés par des autorités non directement responsables devant les peuples, et indifférentes aux soucis des citoyens, n'est pas acceptable.

Le marché unique oui, le marché inique sûrement pas !

La question sociale reste posée à travers la précarité toujours présente, une flexibilité accrue, une ségrégation sociale et urbaine encore insuffisamment combattue.

Des choix heureux ont été faits -que nous saluons- en faveur du maintien d'un système de répartition en matière de retraites, ou pour affirmer le rôle de la loi et rejeter un faux paritarisme en matière d'assurance chômage, mais il manque une impulsion globale pour résorber les fractures de notre société : Il y a ainsi beaucoup à faire en matière de politique industrielle, tant la non-ingérence dans les affaires des grands groupes a été intériorisée.

Il y a beaucoup à faire en matière d'aménagement du territoire, de reconstruction de nos banlieues, d'accès à la citoyenneté, politique qui ne se résume pas à la stigmatisation des discriminations mais implique un effort continu de promotion des jeunes nés de l'immigration.

Il y a beaucoup à faire pour relever l'École en lui redonnant le sens de ses missions.

Il y a encore beaucoup à faire pour venir à bout des noyaux durs de la délinquance.

Il y a beaucoup à faire enfin pour redresser la justice, afin que la loi républicaine soit appliquée partout.

Sur tous ces sujets nous ferons des propositions, car nous refusons de nous enfermer dans des critiques stériles. Nous voulons relever la politique. La crise de l'État républicain et la crise de la démocratie sont en effet l'avers et l'envers d'une même médaille. Assurément nous ne rendons pas le gouvernement responsable d'une situation qu'il a déjà trouvée très dégradée en 1997.

Dois-je rappeler par exemple que le projet fumeux de réforme de la justice est au départ une initiative du Président de la République ? Ce n'est qu'ensuite qu'il est devenu un enfant de la cohabitation, mort en bas âge d'ailleurs.

Nous souhaitons plus de volontarisme et moins de sensibilité à l'air du temps. Un nouvel élan est nécessaire pour la gauche d'abord, mais aussi et surtout pour le pays. Nous sommes mieux placés pour le donner, dès lors que je n'assume plus cette fonction redoutable de "serre-file" du gouvernement. Quel sont donc les grandes orientations d'un projet destiné à donner un nouveau souffle à la gauche et au pays ?


III – Notre projet.

Il est de relever l'intelligence de la politique, et donc le citoyen.

Il est de relever l'État républicain face à la mondialisation libérale.

Il est de redonner à la France toutes ses chances dans la construction d'une Europe, où les valeurs de liberté, de laïcité et d'égalité ont encore beaucoup de chemin à faire.

Bref, nous voulons une République moderne en France pour pouvoir construire demain une Europe républicaine.

Reprenons ces différents points :

1) La République c'est le règne de la loi, égale pour tous parce que délibérée en commun. C'est l'amour du débat argumenté sanctionné par l'élection. C'est le respect retrouvé du Parlement. Si à cet égard nous sommes pour le quinquennat, c'est bien parce que celui-ci est une première étape pour aller vers un véritable régime présidentiel, condition de la revalorisation du Parlement.

C'est l'une des grandes forces du gouvernement de Lionel Jospin que d'avoir réussi à réconcilier la gauche avec l'idée simple que la liberté ne va pas sans quelques règles de vie commune.

2) Relever le débat politique c'est aussi relever le citoyen et d'abord à travers l'École rappelée à ses missions fondamentales : transmission des valeurs et des savoirs, formation du jugement et donc du citoyen. Bien entendu l'École aujourd'hui au sens large c'est aussi une presse libre, exigeante, soucieuse d'informer les citoyens.

3) Dans la société de communication il y a des repères à maintenir, des valeurs humaines à transmettre. L'ouragan de la mondialisation libérale menace au moins autant le terreau culturel de nos sociétés que leur environnement. La crise de la famille, la démission de trop de parents, la crise de l'École, la perte des repères nourrissent le désarroi de la jeunesse et sapent les fondements de la démocratie.

La "fracture numérique" se creuse et dessine implicitement un monde à deux vitesses : D'un côté les inclus, de l'autre les exclus ... d'un côté les branchés, de l'autre les débranchés ... d'un côté le "Nouveau Monde", de l'autre le "Vieux continent" ... d'un côté les membres du "village planétaire", de l'autre les adeptes du village gaulois ... d'un côté les légions civilisatrices libérales modernistes, de l'autre les hordes barbares socialisantes et régressives...

Derrière cette mutation majeure se cache surtout une guerre des contenus qui va modifier durablement les rapports entre les nations et les grandes cultures : passé l'engouement compréhensible des uns et des autres pour le nouveau média planétaire qu'est l'Internet, le débat se portera en effet bientôt sur le contrôle des producteurs d'information, de biens culturels et de formation. Ici encore, ceux qui paieront les violons choisiront la musique et tenteront d'exercer leur domination.

Face à cela, l'Europe, pourtant dotée d'atouts artistiques, littéraires et éducatifs considérables, n'existe pas ou plutôt réagit comme une éponge. Elle reproduit "la civilisation des tuyaux" autour d'une communication vide, que ne structure aucun projet de civilisation. L'Europe ne devrait pourtant pas hésiter à investir massivement dans l'éducation et dans les industries de programmes ... pour conserver une longueur d'avance (celle de l'accumulation multi-séculaire d'un immense patrimoine) sur les offreurs de facilités multimédias dont le strabisme menace d'être américain.

4) La démocratie est à reconstruire à travers un projet de République moderne.

Je suis entièrement d'accord avec François Hollande quand il fustige ces faux débats entre modernes et archaïques, républicains et démocrates, jacobins et girondins.

Pourquoi vouloir opposer l'idée d'un espace public de débat à l'échelle du pays tout entier, débat sanctionné par le vote de la loi républicaine, et l'épanouissement des foyers d'initiative et de responsabilité décentralisés que rend possible le développement de nouvelles technologies ?

Pourquoi vouloir opposer la nécessaire décentralisation et la solidarité nationale ?

Le développement d'un véritable pouvoir d'agglomération, et plus généralement de l'intercommunalité va permettre une profonde recomposition de la carte territoriale du pays. A la fin de l'année, 14 communautés urbaines et 88 communautés d'agglomération auront été créées dans les plus grandes villes de France. En 2OO7 les conseillers communautaires pourraient être élus au suffrage universel au moins dans les grandes villes, en même temps que les conseillers municipaux. Parallèlement on pourrait calquer sur le paysage de l'intercommunalité l'élection des conseillers généraux dans les départements.

Il n'y a pas lieu de choisir entre le département et la région mais seulement de mieux cerner les blocs de compétence, comme le propose la Commission Mauroy. Parmi les propositions simples et pratiques qu'elle avance, citons particulièrement la spécialisation et l'impôt par niveau de collectivité et la désignation d'une collectivité chef de file pour la conduite des politiques contractuelles.

Ces propositions simples et pratiques feront plus avancer le débat sur la décentralisation que les arguments polémiques des faux frères Alain et Olivier Duhamel dont Pierre-André Taguieff nous a parlé hier après-midi.

Les républicains sont des démocrates. Il n'y a pas lieu d'opposer la République à la démocratie.

5) La République parce qu'elle porte l'exigence d'égalité se doit d'être une république sociale. C'est par la volonté politique qu'on peut combattre les fractures sociales et culturelles que creuse la mondialisation libérale.

a) A travers un secteur public fort et de grands opérateurs publics maintenus : EDF – GDF – SNCF – France Telecom – La Poste.

b) A travers des politiques publiques cohérentes dans le domaine du logement, de l'urbanisme, des banlieues, de l'emploi, de l'accès à la citoyenneté, de la sécurité, de l'aménagement du territoire. Partout, c'est la même ardente exigence qui doit se faire entendre, celle de l'égalité des chances donnée au départ à tous. C'est ce qu'en d'autres temps j'appelais "l'élitisme républicain", possibilité donnée à chacun de pouvoir aller au bout de ses possibilités, à commencer bien sûr par les plus pauvres. C'est cela la gauche : ni égalitarisme niveleur ni résignation à la jungle.

c) Comme ministre de l'Intérieur, je pense avoir conduit une politique sociale en matière de sécurité de proximité, de refus du laisser faire libéral en matière d'immigration, d'accès à la citoyenneté des jeunes issus des dernières vagues de l'immigration, en matière de dialogue avec l'Islam, de solidarité urbaine. Il faut saluer bien sûr en premier lieu l'immense travail effectué par Martine Aubry. Pour autant la question sociale reste bien sûr ouverte dans notre pays.

d) La gauche républicaine ne peut enfourcher le cheval de la baisse des impôts comme priorité première. Une baisse de la pression fiscale est certes nécessaire. Ne faisons pas la fine bouche. Mais la moitié des Français les plus pauvres qui ne paient pas d'impôt sur le revenu sont peu concernés. Une réforme fiscale d'ampleur se fait toujours attendre. La diabolisation de l'impôt, notamment sur le revenu, induit l'État modeste, le démantèlement du service public et des politiques sociales. L'impôt est l'instrument principal de la redistribution et l'un des ciments sur lequel on peut construire une République de citoyens solidaires.

e) La question des salaires doit être posée au moment où recule le chômage mais où apparaissent, comme aux U.S.A. des millions de travailleurs pauvres. Plus que les minima sociaux, la question d'une juste rémunération du travail doit être un thème pour la gauche républicaine, car il renvoie aux valeurs de justice et d'égalité plus qu'à la charité et à la commisération.

f) La remise en cause du droit du travail, la primauté du contrat sur la loi dans les relations sociales, doivent être combattues comme le fait d'ailleurs le gouvernement sur le dossier de l'UNEDIC.

g) Si la croissance a permis un rétablissement spectaculaire de nos comptes sociaux, il serait bon néanmoins, pour la financement de la protection sociale, de passer progressivement d'un système de cotisations principalement assis sur le travail vers un plus large financement par l'impôt pour éviter qu'il soit à nouveau déséquilibré, soit par le chômage, soit surtout par la détérioration du rapport actifs/inactifs. Un tel basculement pose bien sûr avec encore plus d'acuité le problème de la réforme fiscale. A ce point de vue, il serait temps de poser au niveau européen la question d'un rééquilibrage de la taxation du capital et du travail au bénéfice de celui-ci et de l'activité productive et au détriment de la rente et de la spéculation. La taxe Tobin procède d'une juste intuition. Il faudra préciser et pousser ce projet et d'abord dans l'administration française, où elle rencontre de fortes résistances.

La protection sociale a besoin d'être modernisée. Son rapport qualité-prix doit être amélioré. Une grande politique de prévention, notamment en milieu scolaire, reste à concevoir et à financer.

h) En matière de retraites le système de répartition est un principe de lien social et de solidarité entre les générations. L'accumulation de titres ne tient pas lieu de production de biens. Ce sont toujours les actifs qui payent. C'est la vitalité démographique, la croissance économique et la création d'emplois qui seules gagent le montant des retraites.

Veillons simplement à ce que le système de la capitalisation chassé par la porte par Lionel Jospin ne rentre pas par la fenêtre...

6) La République que nous voulons doit être une République européenne. Nous ne sommes pas des antieuropéens, mais nous refusons l'enlèvement de l'Europe par l'ultralibéralisme. Nous voulons une Europe européenne, une Europe démocratique, construite avec les nations, et non pas sans elles et encore moins contre elles. Nous voulons une Union de nations, comme l'avait d'ailleurs fort bien exprimé Lionel Jospin dans son discours de Milan le 1er mars 1999.

Nos propositions sont simples et pratiques : avec l'élargissement de l'Europe à l'Est, nous voulons un rééquilibrage vers le Sud, vers la Méditerranée, une relance du processus de Barcelone, et d'abord vers le Maghreb.

Sur le plan institutionnel nous ne voulons pas voir se recréer un mur entre l'Est et l'Ouest, constitué en utopique "noyau dur fédéral". Nous voulons des coopérations renforcées et d'abord autour de l'axe franco-allemand, en privilégiant l'euro 12 sur le plan économique.

Notre ligne, c'est celle de la plate-forme MDC-PS aux européennes, rien de plus, rien de moins. Nous avons posé des conditions à l'euro en 1996, notamment l'euro large incluant l'Italie et l'Espagne. Nous avons ainsi rompu avec la désastreuse politique de la monnaie forte, responsable depuis 1983 d'un million et demi de chômeurs supplémentaires dans notre pays.

Attachons-nous maintenant à remplir les autres conditions que nous avions posées et notamment la constitution d'un gouvernement économique autour de l'euro 12. Une grande zone monétaire à l'échelle européenne peut avoir beaucoup d'avantages, si un certain pilotage politique peut être assuré.

Rappelons nos conditions pour la monnaie unique:

- modification des statuts de la BCE par l'introduction d'objectifs de croissance et de plein emploi, comme l'a d'ailleurs prévu la plate-forme MDC-PS aux élections européennes de juin 1999 ;

- négociation avec la Grande-Bretagne afin d'inclure celle-ci dans le cercle de l'euro à une date à convenir et si possible ensemble ;

- recherche d'un accord de stabilité entre l'euro, le dollar et le yen ;

- et surtout constitution d'un véritable gouvernement économique européen autour de l'euro douze.

Mais pour cela il faut que la France pèse, car notre pays est le seul capable d'équilibrer la puissance allemande redevenue centrale en Europe. Encore faut-il que la France reste la République et ne se dissolve pas dans un conglomérat d'euro-régions qui nous ramènerait en effet aux temps bénis, non pas des colonies, mais du Saint-Empire romain germanique. Nous voulons que la République française continue dans l'intérêt de l'Europe et de l'Allemagne même. Notre tâche historique, c'est de rapprocher nos nations en élaborant, chaque fois que cela est possible, non pas des politiques uniques mais des politiques partiellement communes en matière de politique étrangère, de défense, mais aussi de recherche ou d'infrastructures.

Nous ne devons pas châtrer les nations qui ont chacune leur vocation et enrichissent ainsi l'Europe, comme l'a d'ailleurs fort bien exprimé Jacques Delors lors du débat qui nous a réunis au Conseil Économique et Social le 26 juin dernier à l'initiative de la Fondation du 2 Mars. Je le cite : "Il faut avancer de manière pragmatique. Je suis favorable à des actions communes pour que les nations continuent en fonction de leurs intérêts nationaux, de leurs traditions, de leur situation géopolitique, à mener une action ... Le mieux est l'ennemi du bien".

De ce point de vue il faut éviter les fuites en avant, ainsi dans l'idée d'une Constitution européenne mise en avant bien légèrement par Jacques Chirac devant le Reichstag : Là où il y a trente peuples, ne faisons pas comme s'il n'y en avait qu'un seul.

Évitons ensuite la fuite en avant "procédurale", c'est-à-dire purement institutionnelle. Faisons l'Europe par la politique, par le débat, sur un projet.

S'agissant de la Charte des droits fondamentaux, je me retrouve aussi avec Jacques Delors pour adresser une mise en garde : ceux qui pensent que le progrès social passe par une Charte contraignante ayant valeur de traité se trompent, à moins qu'ils n'aient été trompés: il n'y a rien à gagner à substituer à la démocratie citoyenne et au pouvoir du Parlement, le pouvoir du juge européen. On l'a vu avec le travail de nuit des femmes. On le verrait dans d'autres domaines.

Jacques Delors a cité un exemple pédagogique de ce qu'une telle Charte contraignante pourrait signifier : "Nous risquons de mettre en cause notre système de sécurité sociale à cause des arrêts de la Cour de Justice et au nom de la liberté de circulation des travailleurs, ce que je refuse". Eh bien, nous aussi, et nous exprimons notre inquiétude vis-à-vis des organisations syndicales –y compris la CGT- qui le 3 juillet dernier semblent s'être ralliées à l'idée d'inscrire la Charte des Droits fondamentaux dans des instruments juridiques contraignants : C'est un piège !

Cette Charte doit comme la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen garder une valeur proclamatoire. Elle ne doit pas aboutir à substituer une jurisprudence européenne, forcément frileuse et aléatoire, aux luttes politiques et sociales, c'est-à-dire en définitive à la démocratie même !

7) La France doit enfin continuer à parler au monde et c'est aussi pour cela qu'elle doit veiller à préserver sa définition républicaine. Aider les pays du Sud c'est d'abord favoriser la construction d'États de droit, porteurs des valeurs républicaines de citoyenneté, d'égalité devant la loi, et de laïcité, ou tout au moins de neutralité religieuse.

Comment pourrions-nous accomplir cet immense travail en restant fidèles à la défense des "immortels principes", si nous commencions chez nous par mettre ceux-ci en congé ?

J'ajoute que nous devons aussi arrimer la Russie à l'Europe. C'est la condition d'une paix durable sur notre continent. Là aussi les valeurs républicaines importent à l'avenir de ce grand pays qui doit surmonter le défi de sa diversité ethnique. C'est ainsi que nous construirons une Europe européenne, qui pourra d'autant mieux préserver une relation amicale avec les États-Unis que ceux-ci n'auront plus à s'investir dans un continent trop compliqué pour eux. Ils ont tant de choses à faire par ailleurs !

*

*   *

Voilà, notre projet, citoyens. Il me plaît de pouvoir l'énoncer avec plus de clarté, dès lors que le même devoir de réserve ne s'impose plus à moi, depuis que j'ai dû quitter le gouvernement.

Je sais que certains me critiquent de l'avoir fait pour la troisième fois. Mais croyez-vous que je m'y suis résigné de gaieté de cœur ? Quitter le gouvernement peut être la marque d'une exigence mais c'est toujours aussi une peine pour ce que l'on quitte.

D'autres que moi, plus prestigieux, ont démissionné aussi souvent que moi : Sans évoquer De Gaulle, Mendès-France et Alain Savary. Ils ne trouveraient évidemment pas grâce aux yeux d'Alain Madelin qui, lui, a été viré avant d'avoir eu le temps de démissionner. Je me bornerai à lui rappeler ce mot de Rivarol : "C'est un terrible avantage de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser".

Notre projet est très ambitieux, citoyens ! Nous sommes au pied de l'Himalaya. Quel est le mode d'emploi ? Il faut pour cela une immense réserve de courage : cela ne nous fait pas défaut. Il faut aussi un peu d'ingéniosité. Nous devons nous perfectionner. Nous devons surtout être des rassembleurs, et pour cela développer un pôle républicain dans la gauche et dans le pays.

IV – Créer un pôle républicain dans la gauche et dans le pays.

Si le cap de juin 1997 s'est infléchi, c'est parce que l'attelage était tiré dans un seul sens, celui qu'imprimaient non seulement les pressions des verts mais plus généralement celles des socio-libéraux.

Il a manqué un pôle capable d'exercer une attraction aussi forte, en faveur des thèses républicaines.

Notre tâche est à présent de l'organiser et d'abord pour donner à la gauche une dynamique sociale et politique.

Le dessein de la gauche dépasse le "stabcroissance" prônée par Laurent Fabius. L'État républicain ne doit pas se mettre aux abonnés absents comme y a incité bien inutilement par exemple Daniel Cohn Bendit, avec sa troisième gauche verte, au moment de l'affaire Michelin. Le même n'a pas besoin de rappeler aux patrons du MEDEF que le capitalisme se moque de la morale et d'ajouter "C'est très bien ainsi". Les patrons se marrent et nous aussi. Les Verts devraient prendre garde à ne pas favoriser les mauvais penchants du PS, je veux dire les courants libéraux qui sont assez puissants comme cela.

Si vraiment ils sont pour la taxe Tobin, comme le dit Mme Voynet, il faut qu'ils pèsent de l'intérieur comme nous pèserons de l'extérieur pour donner forme à ce projet.

La politique de la gauche ne doit pas être à la remorque des thématiques qui sont d'abord celles d'une petite bourgeoisie qui prétend confisquer la modernité au nom de la mondialisation libérale. La gauche doit réellement faire la synthèse entre les classes populaires et les couches moyennes et elle ne peut le faire que si elle désigne aussi ceux auxquels elle s'oppose: les rentiers de la finance, les agioteurs, tous ceux qui s'enrichissent en dormant, ou plutôt en spéculant. La gauche doit aussi rassembler en faisant voler en éclat les problématiques désuètes, en faisant bouger les lignes dans le pays.

Le MDC est attaché au succès de la France et de son gouvernement.

Nous apporterons donc au gouvernement de Lionel Jospin notre soutien au Parlement, à l'occasion du vote du budget et, nous l'espérons en maintes autres occasions, mais nous garderons notre autonomie de vote, comme les Verts et le PCF l'ont fait quand il s'est agi par exemple de voter la loi sur l'immigration. Nous nous interdirons cependant la démagogie à laquelle ils ont cédé en soutenant sans pudeur les manifestations sans-papiéristes alors même que la loi proposée par moi-même au nom du gouvernement auquel ils participaient, avait été votée par le Parlement.

Nous ne voterons pas non plus les motions de censure présentées par le RPR qui ne manque pas de culot en lançant une pétition sur la Corse oubliant et le vote de ses élus à l'Assemblée de Corse et le fait que le Président de la République le 14 juillet se soit mis aux abonnés absents sur cette grave question. Il a ainsi pris la coresponsabilité de la dérive corse qu'on pouvait déjà voir venir et qui a suivi dans la semaine suivante, dérive dangereuse pour l'unité de la République, que j'ai cherché de toutes mes forces à éviter, mais dont j'ai tiré les conséquences, quand elle s'est produite.

La cohabitation tire la démocratie vers le bas. On l'avait déjà vu sur d'autres sujets : la guerre des Balkans, guerre disproportionnée dans laquelle la France s'est laissée entraîner contre ses intérêts, la réforme de la justice, et aujourd'hui la Corse.

En créant un pôle républicain dans le pays, nous sommes sûrs de contribuer aussi à hausser le niveau de l'exigence républicaine chez ceux qui ont la charge de défendre la République. C'est la raison pour laquelle je vous invite non seulement à ne pas soutenir la pétition hypocrite du RPR mais à participer aux initiatives que nous prendrons pour amener le gouvernement à revoir le processus, en opérant le nécessaire "recadrage".

Notre soutien sera donc un soutien vigilant, avec le souci de faire gagner la gauche en relevant le niveau de son ambition. La question de notre participation au gouvernement n'est pas essentielle. Nous ne conditionnons pas notre soutien à l'obtention d'un maroquin. Nous prendrons cette décision, s'il y a lieu, en fonction de l'intérêt du pays.

Quant aux prochaines élections, nous souhaitons être associés aux discussions programmatiques avec le PS et le PCF. Les accords conclus doivent être respectés par tous les partenaires de la gauche. L'expérience des manquements passés –onze au moment des élections régionales et cantonales de mars 1998- nous a enseigné que le respect des engagements pris dépendait moins des services rendus que de l'intérêt électoral. Bref s'il faut créer des rapports de forces nous nous y résignerons, puisque telle est la loi du genre, mais nous faisons confiance au bon sens de chacun, afin que la gauche plurielle puisse s'enrichir de ses différences.

Le pôle républicain que nous voulons construire, nous l'organiserons dans la gauche et dans le pays.

1) L'organiser dans la gauche.

Nous ne sommes pas isolés au sein de la gauche. Le dossier corse le montre –avec tout ce qu'il sous-tend : refus de la violence, attachement à la démocratie, à l'égalité et à la France. L'écho est grand parmi les socialistes et parmi leurs élus, parmi les communistes à qui la direction ne peut faire avaler sans réaction un alignement surprenant sur l'affaire corse, parmi les radicaux de gauche, où des républicains sincères comme Émile Zuccarelli et Nicolas Alfonsi, se sont fait entendre avec courage.

Les valeureuses phalanges du MDC doivent impérativement se redéployer. Il faut recruter massivement, s'ouvrir, donner des responsabilités aux jeunes et aux femmes. Ensuite il est nécessaire de créer des passerelles, de faciliter les contacts entre ceux qui comprennent ce qu'exige la République. Les cercles "République moderne" peuvent en être le cadre : ils seront ouverts à ceux qui souhaitent établir ces contacts, sans rompre les engagements politiques qu'ils peuvent avoir par ailleurs : socialistes, communistes, radicaux et gaullistes de gauche, voire militants formés dans les organisations de l'extrême gauche, mais ayant compris qu'ils n'avaient rien à rabattre de leurs exigences en l'investissant dans le combat républicain.

2) Organiser le pôle républicain dans le pays.

Mais le plus important sera d'organiser ce pôle républicain dans le pays et non dans un face à face lassant et souvent peu fécond entre les formations politiques.

Aller vers la jeunesse.

La tâche la plus urgente est d'aller vers la jeunesse. La République est une promesse d'égalité. Les jeunes en ont le pressentiment. Les grands mouvements qui l'ont agité dans un passé tout proche étaient fondés sur l'exigence d'égalité des chances, face à des projets qui la compromettaient. La démagogie "jeuniste" a mauvaise presse auprès des jeunes eux-mêmes. En leur proposant des repères plus exigeants, nous servons leur liberté future et ils le savent.

Les jeunes issus de l'immigration, plus que d'autres, savent que la République est la seule promesse d'égalité et de citoyenneté accomplie.

Dans un premier temps, la charité communautaire, les discours de compassion peuvent les flatter ; mais ils découvrent vite leurs limites : celles d'une "assignation à résidence communautaire", celles d'un "développement séparé". Nous devons tenir aux jeunes issus de l'immigration un seul discours : celui de l'égalité ! Nous savons parfaitement que l'immense majorité aspire à réussir sa vie, trouver un emploi, fonder une famille. Nous n'acceptons pas ces amalgames qui confondent une infime minorité délinquante avec "les jeunes des cités". Car les jeunes des cités, ils veulent s'en sortir ! En étudiant, en travaillant ! Et seule la République peut leur ouvrir un horizon de pleine égalité. C'est le sens que j'ai donné à la création des CODAC dans les départements.

Les jeunes issus de l'immigration sont aujourd'hui nos nouveaux citoyens, ils seront demain les meilleurs militants de la République moderne. Eux savent que face à la réussite par l'argent, face aux privilèges de la naissance ou de la fortune, face aux discriminations, face aux différences religieuses, la République laïque peut seule garantir l'égalité des droits, l'égalité des chances à tous les siens. Qu'ils soient d'origine auvergnate ou marocaine, blancs noirs ou jaunes, athées, chrétiens ou musulmans, qu'ils s'appellent Ali ou Alain, Leila ou Liliane, Norbert ou Norredine : tous citoyens de la République française !

Nous avons là un vaste horizon : amener à la vie publique, à l'engagement politique, aux responsabilités électives les meilleurs de cette génération.

Je me tourne aussi vers le monde du travail et vers les syndicalistes qui peuvent apprécier la constance de nos engagements dans la durée : je leur demande de prendre contact avec nous, quelle que soit leur confédération ou leur fédération d'origine.

Je me tourne vers le milieu associatif où il y a des milliers de militants qui ont envie que ça bouge et que ça décoiffe.

Les Républicains de l'autre rive.

La République n'est le monopole de personne, mais elle a besoin d'une aile marchante. Notre action s'enracine dans la gauche. Nous avons fait avec le CERES le congrès d'Épinay en 1971: et quand la besogne du renouveau du parti socialiste fut accomplie, beaucoup accoururent alors dans les locaux remis à neuf. Ce n'est pas un reproche, mais –convenez-en-, ce n'est pas une raison suffisante pour donner aujourd'hui des leçons de socialisme !

François Morvan et ses amis d'Utopie critique nous permettront de les inviter à participer à cette entreprise : la République est le chemin par lequel leur exigence intacte pourra avancer.

J'affirme donc sans complexe que le dialogue avec les Républicains de l'autre rive est précieux à mes yeux. Nous l'avons poursuivi aujourd'hui à notre Université d'été avec Paul-Marie Couteaux et je m'en réjouis. Nous nous sommes souvent retrouvés dans des combats qui concernaient l'essentiel, et nous nous retrouverons encore à l'avenir.

Cela ne contrarie en rien notre engagement au sein de la majorité. Mais pour mener aujourd'hui en France un combat novateur, il faut se fixer non pas aux repères et aux clivages anciens mais aux réalités. Certes j'ai bien entendu François Hollande me rappeler qu'il n'existait rien en dehors de l'opposition de la droite et de la gauche. Quand même, François, l'art, l'amour, et même l'amitié, nous permettent heureusement de transcender ces clivages ! Il m'est même arrivé de faire voter des lois à l'unanimité du Parlement sur les polices municipales ou sur l'intercommunalité par exemple. La gauche doit savoir être rassembleuse.

Il faut pour cela se déterminer par rapport aux questions posées aujourd'hui : l'avenir de la France dans l'Europe et dans la mondialisation, la question de la citoyenneté, le respect de la loi, l'École de la République, le service public  Ces problèmes opposent bien souvent républicains et libéraux. Telles sont à mes yeux les vraies questions en débat ; elles sont plus importantes que les routines ou les classements politiques ressassés et qui ne correspondent pas aux attentes des citoyens.

J'attacherai donc du prix à ce que nous poursuivions nos échanges fructueux et à ce que nous continuions d'éclairer, des deux rives, l'unique objet de nos ambitions : la République accomplie, la République moderne.

Les mouvements tels Attac...

Nous voyons dans tout le pays de profonds mouvements d'opinion, comme celui qu'ont fait naître et qu'ont organisé nos amis d'Attac. Ils témoignent de ce qu'il est possible de rassembler des femmes et des hommes d'horizons divers, non engagés le plus souvent dans des politiques.

L'exigence de maîtrise de la mondialisation, l'exigence de démocratie face à la logique libérale planétaire a besoin d'appuis ; elle a besoin de leviers pour agir dans les institutions françaises et européennes. Le premier de ces leviers, c'est l'État, qu'il ne faut pas démoniser.

C'est le rôle d'un mouvement républicain que d'exprimer, dans les institutions, ces aspirations, de montrer que l'État-nation n'est pas forcément un adversaire mais peut-être le premier allié de ceux qui veulent maîtriser la mondialisation et combattre le libéralisme sauvage.

Organiser un pôle républicain dans la gauche et dans le pays, c'est donc à la fois créer des repères, promouvoir un projet et aussi nous adresser, sans sectarisme et sans volonté d'embrigadement, à tous ceux, où qu'ils se trouvent, qui veulent travailler au ressaisissement nécessaire de la France et qui refusent la globalisation sauvage.

Ensemble nous saurons prendre les moyens nécessaires en pariant sur la jeunesse, en utilisant tous les moyens des technologies modernes de communication.

Nous trouverons des relais politiques, médiatiques, organisationnels.

J'ai quelques idées sur le sujet et je suis preneur de toutes celles que vous me donnerez.

Je lance donc un appel à tous ceux qui croient en la force vivante de la démocratie, à ceux qui savent que la République est une idée toujours neuve.

Je les appelle à prendre contact avec le Mouvement des Citoyens – 9, rue du Faubourg Poissonnière Paris 9ème – et avec "République Moderne" – 52, rue de Bourgogne Paris 7ème – pour qu'ensemble nous nous organisions afin de peser sur l'avenir.

Certes la tâche sera rude. Nos adversaires, nombreux, feront tout pour étouffer ou, mieux, discréditer notre voix. Cela nous le savons par avance. Nous nous y sommes mentalement préparés, car nous avons confiance en nos idées. Nous savons qu'à la longue tous les mensonges finissent par tomber.

Oui, citoyens, l'énergie que nous allons dégager, nous saurons la réinvestir dans les années qui viennent, au service de la République, au service de la France !


lapinchien

3.
Nous sommes heureux de nous retrouver à Marseille, qui pour moi reste la ville de Gaston  Deferre, avec Edmonde Charles-Roux toujours présente à nos côtés et à qui je veux dire notre affection et notre admiration. Je veux bien sûr aussi remercier nos invités et toutes les délégations des partis de gauche ici représentés ainsi que les délégations étrangères.

 

Je veux remercier bien sûr la Ville de Marseille pour son accueil et le Conseil Régional de PACA. C'est d'ici qu'a jailli " le chant de guerre pour l'Armée du Rhin " qui a fait le tour du monde sous le nom de la Marseillaise.

 

Marseille est pour la France la porte du Sud. Elle nous appelle à reprendre l'initiative vers la Méditerranée et vers l'Orient.

 

Enfin, the last but not the least, je veux remercier Jean-Luc Laurent, Marinette Bache, Paul Loridant, Jean-Yves Autexier et l'équipe du Faubourg Poissonnière ainsi que Jean-Louis Dieux et les militants du Mouvement des Citoyens des Bouches du Rhône pour la parfaite organisation de ce Congrès. Merci enfin aux personnels du Palais du Pharo pour leur disponibilité et pour leur gentillesse.

 

*

 

Neuf mois se sont écoulés depuis notre Université d'été de Grasse. Comme je vous le disais alors : " La longue marche que nous avons choisie depuis le début des années quatre-vingt-dix n'est pas un long fleuve tranquille ". En créant le Mouvement des Citoyens en 1992-93, nous avons voulu enrayer la dérive libérale et gestionnaire de la gauche engagée depuis 1983, aux antipodes des choix affirmés, il y a très exactement trente ans, par le parti socialiste à son Congrès d'Épinay. Le parti d'Épinay voulait tourner la page d'une SFIO enlisée dans la gestion. Le moins qu'on puisse dire est que le Parti Socialiste, pour parler comme le Pape, " n'a pas tenu les promesses de son baptême ". Nous n'avons jamais fait la politique du pire, et à chaque étape, nous avons essayé de donner à la gauche la possibilité de se reprendre et de relever l'idée républicaine.

 

La dérive libérale a malheureusement repris après les espoirs qu'avait fait naître la déclaration de politique générale de Lionel Jospin en juin 1997 et elle a été redoublée par une dérive que je qualifierai aimablement de " postrépublicaine ". L'égalité devant la loi reniée au profit de bandes maffieuses, la différence sanctifiée par la création de classes d'immersion en breton ou en basque, au sein même du service public de l'École, les exemples sont nombreux d'un différentialisme qui fait de plus en plus litière de l'égalité républicaine. La France se trouve ainsi détricotée d'en bas mais aussi d'en haut : on nous parle maintenant de Constitution européenne en 2004, comme si la France n'était déjà plus qu'un Land, au sein d'un Super- État fédéral européen. Pour le coup, et sur ce sujet, nous demandons nous aussi un référendum.

 

Ainsi voit-on sortir du flou les contours de la fameuse " Europe des régions ", alliage d'ethnismes et d'Empire où sombrerait la République et ses valeurs : laïcité, égalité, fraternité.

 

On comprend que les apôtres de la mondialisation libérale applaudissent au démantèlement de la République, mais il est proprement sidérant que ceux qui prétendent lutter " contre la société de marché ", ne voient pas que la fragmentation  territoriale, et la mise en concurrence des territoires font d'abord le jeu des grands intérêts économiques mondialisés.

 

 

 

I – Un pays déboussolé.

 

A) En réalité, la France ne sait plus où elle va. Les décisions en matière économique se prennent désormais à Wall Street, à Francfort, à Bruxelles. Les marchés financiers exercent leur dictature. Décrétés d'ailleurs, des plans dits " sociaux " et les licenciements boursiers se multiplient sans rencontrer de réels obstacles. C'est pourquoi nous nous réjouissons de la manifestation qui a réuni hier à Paris plusieurs dizaines de milliers de personnes. Des restructurations qui apparaissent comme de vrais plans de casse, comme chez Alstom ou chez Danone, démembrent  nos industries au nom du seul profit financier. Les sièges sociaux des grands groupes émigrent de plus en plus nombreux à l'étranger, Alstom-Power et Dexia à Bruxelles, Usinor devenu New Cop à Luxembourg, et même la Seita à Madrid !

 

Tous les gouvernements successifs se sont défaits, malgré mes mises en garde répétées, des moyens d'action que l'État, au nom de l'intérêt national, était chargé de mettre en œuvre. Ils les ont transférés à des instances qui les exercent au nom d'une idéologie de la concurrence qui redouble au niveau européen le triomphe de l'ultralibéralisme venu d'Amérique.


Les Français ne sont plus maîtres chez eux et ils l'ignorent encore trop souvent. Faut-il rappeler qu'en 1990 la Commission de Bruxelles a prohibé l'interdiction d'importer des farines animales en provenance de Grande-Bretagne, au nom de la liberté du commerce, ouvrant ainsi la voie à la maladie de la vache folle ? Et qu'en 1991 la même Commission décidait de supprimer la vaccination des bovins contre la fièvre aphteuse, au nom d'impératifs financiers et commerciaux dérisoires, au mépris de toute considération de long terme ? Il n'est pas jusqu'à la chasse populaire, conquête de la Révolution française, dont le Parlement ne peut plus fixer les règles. Charbonnier n'est plus maître chez soi !

 

Les inégalités se creusent entre privilégiés et laissés pour compte de la mondialisation financière. Le chômage a certes régressé, depuis que la politique de la monnaie forte a cessé d'imposer son diktat, mais chacun sait que le nombre des contrats à durée déterminée, lui, n'a pas cessé d'augmenter. La globalisation crée des fractures profondes entre des millions de travailleurs prisonniers du local et ce que le sociologue polonais Zigmunt Bauman a appelé " les élites mondialisées ". Tout le raisonnement économique et social de la gauche depuis 1997 a été accroché à une courbe de croissance ascendante, comme si celle-ci était assurée pour l'éternité.

 

La France, en vertu d'un traité qu'ont approuvé en son temps presque tous nos dirigeants, et particulièrement  Jacques Chirac et Lionel Jospin, a abandonné sa monnaie, même si la conversion en euros nullement nécessaire des billets et des pièces en francs, très pénalisante pour les personnes fragiles, n'interviendra qu'en janvier 2002. Déjà, nous maîtrisons beaucoup plus difficilement notre fiscalité et notre budget. Les contraintes du pacte de stabilité budgétaire, que Lionel Jospin qualifiait au printemps de 1997 de " Super Maastricht ", pèsent lourdement sur les services publics et valent à la France les admonestations de Bruxelles pour avoir laissé croître trop rapidement ses dépenses de santé. La France risque de s'effacer dans un nouveau Saint-Empire, sans que jamais, depuis le référendum hold-up de 1992, il en ait été réellement débattu.

 

 

B) En tous domaines, on efface les repères républicains :

 

Avec la suppression du service national, le principe d'une défense indépendante ; avec la dévolution du pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse l'égalité devant la loi de tous les citoyens ; avec la suppression entamée du concours, le principe du mérite ; avec la Charte des langues régionales et minoritaires et les classes d'immersion, le rôle du français comme langue de la République. La laïcité de l'Ecole est bafouée par les concessions faites aux communautarismes et aux ethnismes.

 

La baisse des impôts avantage évidemment ceux qui les payent, c'est-à-dire la moitié la plus riche de la population. Elle pénalise les services publics, outil essentiel d'égalité. Ceux-ci sont de plus en plus ouverts à la concurrence européenne, ainsi pour l'électricité, le gaz, les chemins de fer, la poste et les télécommunications.

 

Les missions de l'École ne sont plus rappelées avec assez de force par ceux qui en ont la charge.

 

Les moyens d'une sécurité plus efficace pour lutter contre la délinquance des mineurs ne sont pas pris, parce que la bienpensance libéral-libertaire refuse de voir que toute société a besoin de repères et de limites, dont le franchissement doit être sanctionné, et cela pour que l'éducation puisse porter ses fruits, et l'esprit de responsabilité reprendre ses droits.

 

Pour des centaines de milliers de jeunes dont les parents sont nés Outre-Méditerranée, la citoyenneté française, à égalité de droits et de devoirs, reste un mirage, faute d'une volonté politique et d'une mobilisation des énergies qui seules pourraient en faire une réalité. C'est ainsi que l'action des CODAC, outils de promotion et d'égalité de tous les citoyens, a été dévoyée vers un numéro 114, alibi de la bonne conscience ; comme si le problème de l'égal accès à la citoyenneté se résumait à la non-discrimination, évidemment souhaitable, à l'entrée des discothèques !

 

La crise de la citoyenneté et la crise de la France sont une seule et même chose. Le discrédit de la France est organisé en haut lieu. La repentance est à la mode sans qu'on cherche à prendre une vision d'ensemble de l'Histoire qui permettrait à notre pays de reprendre une raisonnable confiance en lui-même.

 

Faut-il s'étonner que la langue française recule partout dans le monde alors que les élites installées ont cessé de croire en l'avenir du pays ?

 

Ce qui reste de nos armées, après la suppression du service national, est enlisé dans les Balkans. La France a réintégré l'OTAN. L'indépendance nationale, dans le discours de Jacques Chirac prononcé il y a trois jours à l'IHEDN, paraît n'être plus qu'un souvenir.

 

Ainsi la question posée à moins d'un an de l'élection présidentielle est-elle simple : la France sera-t-elle roulée dans le tourbillon de la mondialisation financière, comme galet dans la rivière ?

 

 

C) Ni Jacques Chirac ni Lionel Jospin n'offrent de perspective claire.

 

1.     Le premier sans lequel -faut-il le rappeler- le traité de Maastricht n'aurait pas été adopté, a oublié qu'il est chargé par la Constitution de garantir l'indépendance nationale et le fonctionnement des institutions de la Vème République. Dans son discours au Reichstag, Jacques Chirac a proposé qu'en 2004 soit élaborée une Constitution européenne qui ravalerait la France au rang d'une grande région. Ce serait la landérisation de notre pays. Dans l'affaire corse, il s'est mis aux abonnés absents, le 14 juillet 2000, alors qu'il pouvait  bloquer le processus de Matignon. A tous les grands et petits féodaux, il promet d'élargir leurs pouvoirs, en métropole mais aussi Outre-Mer où il laisse entrevoir aux DOM des statuts différenciés selon leurs intérêts. Que restera-t-il de la République quand elle ne sera plus qu'un empilement de statuts dérogatoires ? La citoyenneté et l'égalité seront ainsi minées par l'octroi de privilèges qui, à la longue, susciteront inévitablement des réflexes de rejet.

 

De quelle force pèsera la voix de la France, si elle n'est plus qu'une addition d'intérêts locaux ?

 

2.     S'agissant de Lionel Jospin, nous n'allons évidemment pas joindre notre voix à ceux qui critiquent ses engagements de jeunesse. Dans les années soixante, ils n'étaient nullement déshonorants. Le trotskisme était une critique de gauche du stalinisme, même s'il n'échappait pas à la matrice du léninisme. Et nous avons partagé, à l'époque, les mêmes indignations, même si nous les avons traduites de manière différente. Beaucoup plus que leur cheminement ce qui est important c'est ce que les hommes politiques font.

 

Or, à cet égard nous sommes bien obligés de constater, à grand regret, que l'engagement pris en juin 1997 de faire en tous domaines retour à la République n'a pas été tenu, le traitement du dossier corse étant évidemment emblématique d'une dérive plus profonde. Lionel Jospin est un homme de valeur mais il y a en politique des logiques de structures auxquelles il est difficile d'échapper.

 

La gauche dite plurielle, réponse astucieuse à une situation imprévue et circonstancielle, est aujourd'hui une formule usée, faute d'un projet propre à souder ses cinq composantes.

 

Les élections municipales ont révélé un déséquilibre désormais structurel entre un PC en crise et des Verts qui se croient  déjà la deuxième composante de la gauche, et tiennent un PS, qui a perdu ses repères, à la merci de leurs chantages. Le créateur est ainsi dépassé par sa créature.

 

3.     Une cohabitation délétère paralyse la France. Quand ne triomphe pas la surenchère, ainsi à propos de la décentralisation depuis le discours de Rennes du Chef de l'État, c'est le plus petit dénominateur commun qui s'impose. Le social-libéralisme et le libéralisme qui se dit social, également fanatisés de sondages, courent à la rencontre l'un de l'autre, afin de pouvoir épouser l'air du temps. Une commune myopie les réunit.

 

Il n'y a pas de meilleur exemple que la proposition reprise de Jacques Delors par Jacques Chirac et Lionel Jospin de Fédération d'États-nations, expression contradictoire dans ses termes, mais ô combien révélatrice d'un vacillement de la volonté, face à l'offensive menée tambour battant par Josckha Fischer et Gerhard Schröder en faveur d'un Super État fédéral européen, foncièrement anti-démocratique. Tous deux se sont placés sur le terrain où on voulait les amener : celui du fédéralisme européen.

 

Disons les choses clairement : les conditions de possibilité d'une Europe fédérale n'existent pas aujourd'hui, non seulement parce qu'il n'y a pas de peuple européen, mais parce qu'il n'y a pas non plus d'opinion et d'espace public de débat structurés à l'échelle de l'Europe.

 

Le Super Etat fédéral étoufferait la démocratie et redoublerait le diktat des marchés financiers sur tous les aspects de notre vie quotidienne.

 

Face au déplacement du centre de gravité de l'Europe vers l'Allemagne, qui est dans la nature géopolitique des choses, la volonté française ou plus exactement l'espoir d'un sursaut se dissoudrait.

 

Beaucoup d'hommes de gauche se refusent à voir que le projet fédéral s'intègre parfaitement dans un projet d'uniformisation libérale et marchande, comme le montre la motion du SPD avalisée par le Chancelier Schröder. Celle-ci ne propose-t-elle pas l'ouverture des services publics à la concurrence, la création d'un marché financier unique, la réaffirmation d'un unique objectif pour l'euro - la stabilité -, et la renationalisation de la Politique Agricole Commune et des fonds structurels, c'est-à-dire de 80% du budget européen ? Ce qui nous est proposé, c'est une Fédération libérale, à la solidarité et au coût financier minimaux.

 

Ainsi la mondialisation libérale et le Super État fédéral qui frappe à la porte, posent-ils la question de la pérennité indissociable de la France et de la République.

 

Ce n'est pas par hasard que 2004 est à la fois la date fixée pour la révision constitutionnelle destinée à permettre l'octroi d'un pouvoir législatif à la Corse et pour la Conférence Intergouvernementale censée accoucher d'une Constitution européenne : passé le cap des élections en France comme dans le reste de l'Europe, tous les mauvais coups deviendront possibles !

 

 

D) L'effacement n'est pas notre destin.

 

La mondialisation financière n'est pas le dernier mot de l'Histoire. Génératrice de graves et insupportables inégalités -et particulièrement entre le Nord et le Sud de la planète-, elle ne peut être l'horizon de l'Humanité. La Bourse, avec ses aléas, n'est pas un guide pour construire l'avenir.

 

Elle consacre la dictature des actionnaires, traite les travailleurs, aujourd'hui, comme les seigneurs autrefois les manants. Surtout elle ignore les citoyens et les peuples.

 

Or les peuples et les nations, qui permettent d'articuler le particulier et l'universel, sont la vraie permanence de l'Histoire. Quelque dévoyée que soit aujourd'hui l'utilisation par les bien-pensants du mot de Citoyenneté, il faut rappeler que les hommes, politiquement, se définissent par leur appartenance nationale.

 

Le peuple français, malgré un vingtième siècle où deux guerres mondiales l'ont épuisé, la première physiquement, la seconde moralement, n'est sans doute pas encore prêt à quitter la scène de l'Histoire. D'abord parce que l'Europe qui nous est assignée comme un destin subi, n'aura de sens que si une France consciente et maîtresse d'elle-même y pèse de tout son poids pour équilibrer celui de l'Allemagne, et cela dans l'intérêt de l'Europe tout entière, y compris de l'Allemagne.

 

Oui, les élites de cette grande nation, héritière d'une immense culture, avec de grands atouts, mais aussi de grands défis à relever, doivent renoncer à faire l'Europe en imposant leur modèle historique, celui du fédéralisme, et en nous demandant de renoncer au nôtre, le modèle de la nation républicaine.

 

Parce qu'on ne peut pas faire surgir par un coup de baguette magique un seul peuple, là où il y en a trente, nous devons, ensemble, construire une union de nations respectueuse de la démocratie qui vit dans chacune d'elles.

 

Qui ne voit aussi qu'une Europe exclusivement polarisée vers l'Est et oublieuse de la dimension du Sud, du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, de l'Afrique Noire, créerait à terme les conditions d'un véritable séisme géopolitique ?

 

C'est le rôle de la France de rééquilibrer l'Europe vers la Méditerranée et vers le Sud !

 

Qui ne voit enfin qu'une Europe où la France ne jouerait pas son rôle propre deviendrait inévitablement la grande banlieue de l'Empire américain ? Cette Europe-là serait incapable d'assumer un rôle mondial, pourtant nécessaire à l'équilibre de la civilisation !

 

 

E) J'entends, comme beaucoup, le scepticisme qui s'exprime, et d'abord dans nos élites : celles-ci ne croient pas à l'avenir de la France. Elle n'ont plus confiance ni en elles-mêmes ni dans le peuple. Certes, elles lui dissimulent le destin en peau de chagrin qu'elles lui ont préparé depuis le milieu des années soixante-dix :

 

- Giscard d'Estaing, avec la création du SME et la pernicieuse élection au suffrage universel du Parlement de Strasbourg.

 

- François Mitterrand ensuite avec l'aveugle politique du franc fort, qui a créé 1,5 million de chômeurs supplémentaires, et avec le Traité de Maastricht, véritable Constitution libérale pour l'Europe, reposant tout entière sur l'illusion qu'on pourrait ligoter l'Allemagne, en ligotant la France.

 

Jacques Chirac enfin, sans lequel le traité de Maastricht n'aurait pas été approuvé par référendum et n'aurait pu s'appliquer sans le plan Juppé. Est-il besoin de rappeler que celui-ci tournait le dos à l'engagement pris, six mois plus tôt, pendant la campagne présidentielle, de réduire la fracture sociale.

 

Nos élites, depuis 1940, ne croient plus en la France.

 

Mais le peuple, lui, y croit encore, malgré le sentiment inévitable des obstacles réunis pour l'en dissuader.

 

Beaucoup de choses en témoignent en profondeur : le renouveau de la natalité qui fait plus qu'accompagner le recul du chômage et qui témoigne de l'excellence de notre système de crèches et d'écoles maternelles, l'esprit d'entreprise chez les jeunes, le goût des nouvelles technologies - et pas seulement les prouesses du TGV - le dévouement des enseignants malgré l'absence d'une politique éducative rigoureuse, la floraison des initiatives dans la vie locale, dont témoigne le succès de la loi sur l'intercommunalité, la vitalité de l'artisanat. Les signes abondent qui témoignent qu'en profondeur, la France vit.

 

Il faut s'appuyer sur cet élan venu du peuple pour lui rendre pleine confiance en lui-même, pour desserrer les contraintes qui nous enserrent, bref pour remettre la France d'aplomb !

 

 

 

II – Remettre la France d'aplomb.

 

A)     Le modèle républicain français est un modèle d'avenir.

 

1.    La citoyenneté est plus que jamais le creuset de la France moderne.

 

La France est un pays de citoyens, viscéralement attaché à l'égalité républicaine. Celle-ci n'opère pas de distinction selon l'origine ou l'ethnie. Elle révère le talent et la vertu, pour parler comme la Déclaration des Droits de l'Homme. La France a toujours été et reste capable d'agréger des femmes et des hommes venus de tous les horizons. La laïcité est une dimension essentielle de la liberté. Liberté de conscience, liberté de pensée, capacité à penser par soi-même.

 

Notre conception de la citoyenneté est moderne. Elle nous rend capables de répondre aux défis de l'immigration, d'accueillir en restant nous-mêmes, fidèles à nos valeurs et à nos lois.

 

Le défi des jeunes issus de l'immigration est en passe d'être relevé, si nous le voulons. La France doit, pour cela, tenir sa promesse d'égalité. Les CODAC n'ont été que l'esquisse de la grande politique d'accès à la citoyenneté qui deviendra demain un devoir national.

 

2.    Il n'y a pas de citoyenneté sans l'École républicaine.

 

L'École républicaine doit être rappelée à ses missions : transmettre les savoirs et les valeurs. Former le citoyen. Rappelons cette évidence : selon le ministère de l'Éducation Nationale lui-même, 15 % des élèves de 6ème, en 1997, éprouvent  des difficultés en lecture. C'est en amont du collège, dès l'école maternelle et même dès la crèche, qu'il faut faire porter l'effort : engager des pédiatres, des psychologues de l'enfance, des orthophonistes, dépister tout ce qui dans le comportement de l'enfant porte en germe ses difficultés futures. Ensuite, il faut impérativement que l'École primaire puisse concentrer ses efforts sur les apprentissages fondamentaux. Revoir les conditions du passage en 6ème en accordant s'il le faut une année supplémentaire et faire en sorte que le collège assure une prise en charge complète et permanente des jeunes par des études accompagnées, la recréation d'internats là où il le faut, et surtout la promotion d'un enseignement donnant à tous les élèves, en les respectant dans leur diversité, un socle commun

 

Une école capable de promouvoir la connaissance et la réussite par le travail, fera reculer les fausses valeurs de l'esbroufe et de la réussite par l'argent !

 

Pour réinventer l'instruction civique il faut non pas des cours de droit administratif, mais l'apprentissage du vivre-ensemble : faire aimer la loi délibérée en commun, qui libère de la tyrannie du plus fort, du plus riche ou du dogme, faire aimer l'intérêt public, distinct de la somme des intérêts privés, et garant de notre avenir commun, faire comprendre la nécessité des règles dans la vie en société et apprendre le respect des autres.

 

3.    Ensemble nous devons relever l'État et promouvoir le service public.

 

Dans la mondialisation, la France doit réunir ses moyens, faire jouer tous ses atouts. Pour réussir nous avons besoin d'un État modernisé, efficace, responsable, qui se sente, lui et ses fonctionnaires, en charge du long terme et de la cohésion sociale.

 

Il faut moderniser l'État : contre la bureaucratie et l'anonymat, il faut savoir redéployer ses moyens, recréer de la transparence par l'utilisation de nouvelles technologies et la mise en œuvre de contrats de service public. Il faut déconcentrer et décentraliser chaque fois que c'est nécessaire, mais dans le respect de la solidarité nationale et d'une loi qui reste la même pour tous.

 

 

L'État a le devoir de protéger les plus faibles :

·       d'assurer un droit égal à la sécurité pour tous ;

·       de conduire une politique de santé publique qui se ne réduise pas à la seule gestion des soins ;

·       de garantir l'avenir des retraites, patrimoine de ceux qui n'en ont pas. La répartition a montré qu'elle tenait la route. Ne la livrons pas aux fonds de pension qui ne prépareraient que l'insécurité des plus démunis, à la merci des krachs boursiers. Sachons promouvoir les réformes financières nécessaires et renouveler notre approche du vieillissement.

 

Le service public à la française mérite d'être défendu. Le legs de Madame Thatcher en Angleterre est si lourd à porter ! Nous pouvons y parvenir à Bruxelles, à condition de prendre appui sur la volonté populaire. L'Europe ne doit pas être l'alibi du libéralisme pour démanteler les services publics.

 

Que, le cas échéant, on demande un référendum sur ce sujet !

 

4.    Les moyens de la réussite : loi anti-trust, feuille de paye, monnaie et développement technologique.

 

Dans la recherche, l'industrie, la France est synonyme de réussite : qu'on pense aux télécommunications, à l'espace, à l'informatique, à l'aéronautique, à l'énergie, au nucléaire. Assez de masochisme national infondé !

 

Le carcan monétariste du franc fort, puis les critères de Maastricht, nous ont étranglés, nous ont saignés pendant deux décennies. Un million et demi de salariés l'ont payé de leur emploi.

 

Mais on l'a vu, dès que la contrainte monétaire s'est allégée, l'énergie a repris le dessus. La France a reconquis depuis 1997 un million d'emplois.

 

Il nous faut desserrer les carcans qui étouffent l'initiative, par exemple par le vote d'une loi anti-trust à la française, qui libérerait les paysans, le commerce indépendant, les professions indépendantes de la dictature des monopoles, notamment dans la distribution.

 

Il faudra aussi songer sérieusement, dans ce pays, à augmenter, la feuille de paye de la masse des salariés qui gagnent moins de 10.000 Francs par mois. Rien n'est plus important en effet que de revaloriser le travail.

 

Plusieurs moyens s'offrent pour cela : la baisse des charges sur les salaires qu'il faut amplifier, l'élargissement des possibilités d'heures supplémentaires qui peut retrouver sens avec le passage aux trente-cinq heures, l'intéressement des salariés aux bénéfices, sous des formes qui permettent à la fois la préservation du tissu industriel français et la démocratisation de l'entreprise. Quatrième levier enfin, le relèvement du SMIC allant de pair avec une révision de la grille des salaires.

 

Tout cela, bien conçu, bien dosé, peut nourrir une croissance fondée à la fois sur une plus grande justice sociale et sur la mobilisation de la vraie source de la valeur qui n'est pas la Bourse mais le travail.

 

Encore faudra-t-il aussi qu'au niveau européen nous sachions imposer une politique monétaire intelligente et de grands programmes de développement technologique publics.

 

Ce qui mine la croissance à long terme, c'est la paralysie de l'ambition et de l'imagination aujourd'hui.

 

Mais la croissance ne se suffit pas à elle-même.

 

5.    Nous devons concilier le souci de la croissance avec le respect de l'environnement et la préservation de ces biens rares que sont l'eau, l'air, les sols, les réserves d'énergie fossile et de matières premières.

 

Nous devons inventer une écologie de l'Humanité : il n'est pas acceptable que 20 % de l'Humanité confisquent 80 % des ressources de la planète. Le développement n'est pas une vieille lune, comme le croient certains écologistes. C'est là une thèse réactionnaire.

 

Mais le développement durable -c'est le sens du Forum Mondial de Porto-Alegre, organisé avec succès par ATTAC- n'est pas compatible avec la mondialisation des marchés. Mieux vaut compter sur la coopération des États, que nous devrions d'abord aider à faire surgir et à s'organiser dans les pays du Sud. Le renouveau des services publics doit relancer le développement technologique, ainsi dans le domaine de l'électronucléaire. Depuis les pannes d'électricité survenues dans la Silicone Valley et à New-York, l'Administration Bush commence à mesurer que seule la construction de nouvelles centrales nucléaires, avec des réacteurs à haute température, utilisant de nouveaux combustibles, produisant peu de déchets et ne rejetant pas de gaz à effet de serre, peut permettre à la fois de satisfaire les besoins d'énergie des États-Unis et de respecter les objectifs de l'accord de Kyoto. D'autant plus choquante est l'absence de volonté pour lancer en France le réacteur nucléaire de nouvelle génération !

 

6.    L'agriculture aussi est un bon exemple de ce qu'il faut penser dans le long terme. Il ne reste plus en France que 664.000 exploitations. Il est temps d'interrompre cette hémorragie. La France a impérativement besoin de ses paysans. Cette ambition doit nous mobiliser.

 

7.    La Recherche et la Culture.

 

La recherche française demande à être relancée, et profondément rénovée. Ce que nous avons fait en 1982, avec le grand colloque national et la loi d'orientation et de programmation de la recherche et du développement technologique, doit être remis en chantier et redynamisé.

 

Dans le domaine de la culture, l'édition porte à des niveaux jamais connus encore le nombre d'ouvrages publiés chaque année. Le cinéma français est créatif, inventif ; il renoue avec le meilleur de son histoire, celui où il était en phase avec le peuple.

 

Après des années de conformisme, de politiquement correct, de masochisme national obligatoire, de contrition généralisée, les nouvelles générations débarrassées de l'encombrant fardeau soixante-huitard, redonnent sens à la France.

 

 

B)     La France doit marquer son retour dans les affaires du monde.

 

1.    Nous critiquons à juste titre la mondialisation libérale, mais nous devons jouer la carte du monde !

 

Oui, aujourd'hui comme hier, la mondialisation est un défi. Non, elle ne périme ni la France, ni les nations. La logique des marchés est aveugle : elle a besoin de repères. Les nations sont les garants du long terme. Jouer la carte du monde c'est en particulier resserrer nos liens avec la Chine, Le Vietnam, l'Inde, le Japon, le Brésil, le Maghreb qui sont pour nous autant d'alliés.

 

La France n'est pas dépourvue de moyens dans la mondialisation.

 

La politique industrielle n'est pas une vieille lune. Il faut la relancer au niveau européen si possible, sinon au niveau national. Nos banques, y compris la Caisse des Dépôts, doivent sentir qu'elles ont des obligations à l'égard du pays.

 

Organisons-nous pour faire valoir les droits des citoyens face aux marchés : l'exemple de la France sera contagieux. Il fera école dans toute l'Europe. Dans les pays du Sud, il sera le signal qu'il y a une alternative à la résignation.

 

 

2.    Pour une Europe de nations libres.

 

L'élargissement rend très difficile l'organisation d'une Europe fédérale. Beaucoup voudraient construire un noyau fédéral, autour de l'euro. L'offensive est lancée. Une date est fixée : 2004. Le traité de Nice va être ratifié par une majorité de députés hétéroclite, rassemblant le PS, le RPR, DL, et l'essentiel de l'UDF. Ce traité, que l'Irlande vient de rejeter, avec de bonnes et de mauvaises raisons, car on ne peut pas être contre l'élargissement de l'Europe aux PECOS, pourrait être pire. Il marque cependant un glissement vers le Super État fédéral que nous promet Gerhard Schröder. Nos dirigeants, Jacques Chirac et Lionel Jospin, n'opposent pas de résistance sérieuse à ce projet anti-démocratique et anti-national. C'est pourquoi nos parlementaires voteront contre, mardi 12 juin à l'Assemblée Nationale. Nous demandons qu'un référendum ait lieu avant d'engager toute négociation sur un projet de Constitution européenne, qui aliénerait la liberté nationale et la démocratie. Il n'est pas convenable de demander aux Préfets d'organiser sur ce sujet un débat dont les dés sont pipés à l'avance.

 

La France doit se placer dans cette affaire, du point de vue de la démocratie. C'est parce qu'aujourd'hui, et pour longtemps encore, la démocratie s'organise dans les nations, que les nations ont toute leur place dans l'Europe que nous voulons. Il n'y a pas un peuple en Europe. Il y en a trente. Et les peuples, entre eux, passent des traités. Croire qu'ils pourraient accepter une Constitution au-dessus de la leur propre, constitution européenne qui ferait de chaque pays une euro-région, c'est cultiver l'illusion que l'acceptation de la règle de la majorité par la minorité, qui fonde la démocratie dans chaque nation, puisse être transférée à l'échelle de l'Europe tout entière, sans nourrir de violents conflits.

 

Des délégations de compétence sont nécessaires pour que les pays d'Europe, en les exerçant en commun, soient ensemble plus forts, et plus efficaces. Il est bon que nous rapprochions encore nos destins. Oui, nous sommes pour une Europe des nations solidaires, mais dans la démocratie !

 

Mais aucun républicain ne peut accepter qu'un pouvoir soit exercé qui n'émane pas du suffrage universel, ou qui ne soit pas contrôlé par lui.

 

C'est donc le Conseil, émanant des gouvernements légitimement choisis par les peuples, qui doit prendre la place centrale. Il doit partager le pouvoir de proposition avec la Commission, exécutif du Conseil. Le Parlement européen doit être constitué de délégations des parlements nationaux ou d'une seconde Chambre ainsi composée. Les coopérations renforcées nous permettront demain de remettre les projets concrets, les grands desseins au centre de la construction européenne. A géométrie variable, avec ceux des pays qui le souhaitent, d'immenses chantiers sont à ouvrir : les transports à grande vitesse sur tout le continent, la dépollution de la Méditerranée, la politique de l'énergie, l'aéronautique et l'espace. Cette Europe-là, nous la voulons et nous la construirons, à rebours des chimères fatiguées, aujourd'hui usées jusqu'à la corde.

 

 

3.    Une France exemplaire dans un monde multipolaire.

 

Vouloir construire un monde multipolaire, c'est d'abord donner l'exemple d'une politique étrangère indépendante. La voix de la France est attendue. Car plus les moyens de communication se développent, plus le contenu des messages est uniforme ! A nous de rompre ce conformisme étouffant.

 

Avec la Russie, car le redressement de la Russie est de l'intérêt même de l'Europe et de la France, et le Chancelier Schröder a eu raison de souligner la nécessité d'un partenariat stratégique avec elle.

 

Avec le monde méditerranéen et d'abord le Maghreb, une coopération intense et redynamisée doit permettre de réussir l'entrée dans la modernité de ces pays et de réinventer un espace euro-méditerranéen, pourvoyeur de sens. Le processus de Barcelone est dépassé. Il faut aller au-delà d'une zone de libre-échange, penser un vrai co-développement entre les deux rives.

 

Avec l'Afrique, aidons-la à construire des États, instrument nécessaire du développement. Lançons un grand programme d'éradication du SIDA !

 

Avec l'Asie, avec l'Amérique latine, des puissances se lèvent -la Chine et le Brésil- qui partagent avec nous la volonté de construire un monde multipolaire, respectueux des cultures.

 

 

 

 

4.    Se battre pour une humanité fraternelle.

 

La France doit avoir l'audace de s'affranchir de la discipline des riches ou de l'Occident, pour embrasser la cause de toute l'humanité : aider à construire des États qui deviennent des États de droit, bâtir un commerce équitable et résister partout, à l'OMC d'abord, contre la marchandisation du monde au profit des seules entreprises transnationales, obtenir par la taxe Tobin que les échanges spéculatifs viennent irriguer un fonds de développement mondial pour alléger de poids étouffant de la dette sur les pays du Sud.

 

A nous de donner à l'espace francophone sa dimension politique et solidaire. La francophonie peut réunir le Nord et le Sud au service de valeurs communes, et dessiner un monde distinct des empires marchands. Aux jeunes Français, nous devons offrir un cadre pour un engagement personnel, au service du développement, pour une partie de leur vie, et cela pour tous les milieux sociaux : le Sud a autant besoin d'électriciens et de mécaniciens que d'économistes ou de juristes !

 

Oui, le défi est immense pour redonner à la France le goût des grandes entreprises, seul conforme à son génie.

 

Ces choix ne dépendent que de la volonté du peuple français, mais le veut-il et pouvons-nous encore l'y conduire?

 

 

 

III – Changer la donne.

 

Ce n'est possible ni avec une droite qui n'a absolument pas renouvelé ses idées et semble avoir remis, par une sorte de réflexe conditionné, les clés de son avenir à celui que Jean-Marie Colombani a surnommé le Résident de la République.

 

Et ce n'est pas possible  non plus avec un PS privé de sa boussole républicaine et que le chantage des Verts empêche de toute manière de faire les choix à longue portée que requerraient, ainsi en matière énergétique ou d'organisation territoriale, les intérêts du pays.

 

Est-il néanmoins possible de changer la donne ? Car cela seul mérite d'être tenté, tant il est vrai que, selon le mot de Goethe, "seul l'exceptionnel est intéressant".

 

 

A) Tout cela -nous dira-t-on- serait-il possible avec le petit Mouvement des Citoyens ?

 

Tout d'abord nous ne sommes pas si petits. Nous avons combattu pour nos idées et nous sommes ressortis non seulement vivants, mais renforcés de l'épreuve. Le logiciel du MDC est clair. Il séduit et attire.

 

Depuis neuf mois, des militants nouveaux sont venus vers nous. Avec maintenant 6.200 militants, le MDC s'est rajeuni et s'est féminisé. Il rencontre une large et croissante sympathie dans l'opinion publique. Ses élus sont plus nombreux. Les débats d'hier ont montré la vitalité de votre réflexion.

 

Et puis nos finances sont saines. Certes, nous n'avons pas été présents lors de la campagne des Européennes de 1999, mais devons-nous le regretter ? Si l'on s'en réfère à Antoine Waechter en 1989, à Philippe de Villiers et à Bernard Tapie en 1994, et à Charles Pasqua en 1999, les élections européennes ne portent pas chance à ceux qui les remportent.

 

Le MDC a toujours inscrit son effort dans la durée. Il compte dans ses rangs un grand nombre de militants de valeur qui maintiennent des repères clairs et qui ont su préserver l'avenir.

 

A vous tous donc je veux renouveler l'hommage que vous méritez pour votre constance et votre pugnacité. Je vous l'ai dit hier, il est nécessaire que je me recueille avant de prendre une décision qui m'appartient en dernier ressort, même si elle vous concerne vous aussi.

 

Beaucoup d'entre vous en effet et d'abord votre nouveau Président, Georges Sarre, mon ami et mon compagnon depuis 1964, m'ont demandé d'être candidat à l'élection présidentielle comme l'ont fait, il y a quelques jours aussi, une soixantaine de personnalités éminentes, pour lesquelles j'éprouve estime et respect.

 

La confiance que vous me témoignez et celle qu'ils me font, m'obligent grandement. Je mesure la responsabilité qui m'incombe face à une équation difficile. Gardons à l'esprit cependant qu'aucune élection présidentielle ne s'est jamais déroulée comme les commentateurs les plus avisés l'avaient prévu. Mais soyons clairs : je n'entends pas être un candidat de témoignage.

 

 

B) Dès lors que le but est de changer la donne, je dois prendre toute la mesure d'un défi que je ne pourrais relever que si des millions d'hommes et de femmes croient possible, ce dont beaucoup aujourd'hui ne croient pouvoir que rêver : redonner à la France le goût de la République, faire renaître l'exigence qui rompra le tête à tête anesthésiant et à la longue morbide du libéralisme qui se dit social et du social-libéralisme.

 

Est-il possible de sortir du théâtre d'ombres de la politique française, pour opérer une profonde recomposition à partir de la seule force que nous représentons ?

 

Mieux que d'autres, instruit par trente ans de vie politique active, je mesure les obstacles que représentent le poids de l'Establishment, le rôle de l'Argent dans notre société, l'immensité du conformisme, le sens aigu du compromis qui souvent, dans nos élites, tangente l'absence de courage.

 

Dans une élection de cette sorte, où la circonscription est la France, c'est-à-dire immense, il faut non seulement de bonnes idées, mais aussi le soutien d'hommes et de femmes nombreux, actifs, résolus, et enfin, beaucoup d'argent.

 

S'agissant des idées, je sais par expérience qu'il faut d'abord du  travail pour arriver, dans des domaines très complexes à la simplicité du concept, sans lequel il n'y a pas d'action féconde. Je sais aussi la résistance du réel et, par tempérament, vous savez que je ne suis pas un démagogue. La démocratie est inséparable d'une grande pédagogie collective. C'est une contrainte dans une campagne que le jeu des média transformera inévitablement en une sorte de loft story, où plus le nombre des candidats sera important, plus l'identification du troisième homme attendu par beaucoup sera difficile. Mais ce positionnement républicain peut aussi être une force.

 

S'agissant des hommes, j'ai la chance de pouvoir compter sur les militants du MDC, sur le Club République Moderne, sur un solide réseau de collaborateurs de grande qualité et pas seulement dans les institutions à la tête desquelles j'ai exercé des fonctions de responsabilité.

 

Votre capacité de mobilisation pèsera évidemment lourd dans mon choix. Il vous appartient en effet de faire bouger les mentalités et de montrer, à la suite de la manifestation qui s'est déroulée hier contre les licenciements boursiers, qu'il n'y a pas de sauvegarde qui vaille dans le seul tête à tête des directions et des comités d'entreprises, si l'État républicain, garant du long terme et de la cohésion sociale, se met aux abonnés absents, quand un intérêt industriel majeur est en jeu.

 

Tel est le sens d'un amendement que j'ai déposé au projet de loi de modernisation sociale. Nos parlementaires voteront contre ce projet de loi si notre demande n'est pas prise en compte.

 

A vous donc de porter le message pour que les Français comprennent où sont, dans ce domaine comme dans d'autres, les libéraux et les républicains.

 

 

C) Chacun le comprend, je ne peux pas être le candidat du seul MDC, si je veux remplir le contrat que devant vous je me suis fixé à moi-même : changer la donne. L'audience du courant républicain dépasse largement, sur des sujets comme l'École, la sécurité, la Corse, la souveraineté nationale et la démocratie, les limites du seul MDC.

 

Il faut donc que vous m'aidiez à faire surgir et organiser dans le pays un pôle républicain qui soit une alliance d'un nouveau type, à même de se substituer, le moment venu, à des formules épuisées. Unir, rassembler, telle est votre tâche.

 

Là se pose la question lancinante de savoir si la République est de gauche ou de droite. Peu d'historiens contesteront que la République soit née à gauche, du temps  du roi Louis XVI et que la droite ne s'y est ralliée qu'un siècle plus tard, à l'appel du Cardinal Lavigerie. Mais en même temps force est de reconnaître que la République a été sauvée en 1940 par un homme catalogué à droite, héritier du catholicisme social même si son père avait été plutôt dreyfusard. La vérité est qu'il y a dans notre peuple une exigence républicaine qui dépasse les clivages politiciens.

 

J'essaierai -et je vous demande de m'y aider- de créer les conditions d'une alliance large entre ceux qui ressentent que la gauche a rencontré le pouvoir mais pas la République, et ceux qui ont vu la droite française, après s'être débarrassée du Général de Gaulle, renier son héritage et jusqu'aux valeurs qui lui faisaient mériter d'exister. Mais il faut convertir cette double déception historique en énergie créatrice et positive. Cela est possible à travers le logiciel républicain

 

Dès maintenant, nombreux sont les associations, les clubs, les hommes et les femmes qui, de tous horizons, prennent contact avec nous. Le pôle républicain se constitue déjà sur le terrain à travers les comités qui se lancent dans nos villes et nos départements, et particulièrement à votre initiative.

 

Un courant républicain plus large se manifeste aussi dans les milieux les plus divers, dans le monde syndical, dans la mouvance qui entend donner un contenu clair à la lutte contre la mondialisation libérale, dans les services publics, dans le monde enseignant, chez les intellectuels, dans une fraction encore minoritaire de la jeunesse mais politiquement très consciente et affamée de se lancer dans l'action concrète -je pense en particulier à nos amis de Génération République-.

 

Il n'est pas jusque dans les milieux industriels soucieux de l'avenir technologique du pays et bien sûr dans les grandes institutions de l'État, à juste titre préoccupés de l'avenir de la France, où nous ne rencontrions beaucoup d'écho.

 

Il faut créer une dynamique dans la société pour entraîner ensuite les recompositions nécessaires au niveau politique. Car il y a des républicains partout : chez les communistes qui ne comprennent pas pourquoi le parti communiste en perdant l'URSS a aussi perdu les repères qui l'enracinaient dans la nation.

 

Il y a des républicains chez les socialistes qui ne se reconnaissent nullement dans la démagogie libéral-libertaire.

 

Il y a des républicains chez les radicaux de gauche que révulse le changement de cap sur la Corse.

 

Il y a des républicains chez les gaullistes, cela devrait aller de soi, mais quand le parti gaulliste s'est fondu dans la nébuleuse libérale de la droite, il y a surtout de ce côté-là des orphelins de la République. Sachons à tous tendre une main fraternelle. Il y a tant de choses à faire ensemble !

 

Le pôle républicain a certes un contenu protestataire mais il ne doit pas se laisser enfermer dans une protestation stérile.

 

Notre but n'est pas de cristalliser des mécontentements mais de les transformer en élan créateur au service de la France et de la République.

 

A plusieurs reprises dans notre histoire en 1792, en 1848, après 1871 et à la fin du dix-neuvième siècle, en 1945 et pendant les trente années qui ont suivi, la République a été la matrice du renouveau de la France.

 

*

 

A nous d'organiser ce sursaut pour les années qui viennent.

 

Pour tout cela, j'ai besoin de vous, je compte sur vous, je vous demande de m'aider ! Sachez que si je prends une décision positive en septembre, ma détermination sera totale, car j'engagerai alors beaucoup plus que moi-même. Et vous-mêmes, vous le savez, ce choix devra vous engager tout entiers, parce qu'alors vous répondrez à l'appel de la République, venu des profondeurs de notre Histoire.

 

Alors vous transmettrez aux nouvelles générations l'envie de continuer la France.


lapinchien

4.

Chers camarades, chers amis,

Je veux d'abord remercier les comités d'appel devenus aujourd'hui comités de soutien qui ont créé les conditions de la décision que j'ai prise. Dès aujourd'hui nous sommes une force.

Comment en effet ne pas être saisi de stupeur et de colère devant l'affaissement de ce qui nous unit, et de ce dont nous avons la charge devant l'histoire ? Comment ne pas être préoccupés devant l'effacement de la France, le vacillement des principes républicains qui la charpentent, le brouillage des valeurs qu'elle porte depuis deux siècles, comme si la République n'était plus qu'une parenthèse à refermer dans notre Histoire ? Où le dire mieux qu'à Vincennes ? D'ici, l'unité de la nation et de l'État nous parle du fond des âges. Dans ce grand lieu de notre Histoire, nous mesurons mieux à quel point nos gouvernements successifs se sont défaussés de leurs responsabilités.

La France ne sait plus où elle va. Son destin lui échappe. Les marchés financiers mondiaux en disposent. Notre politique monétaire se décide à Francfort, notre politique économique à Wall Street, nos engagements militaires à Washington. Dans quatre mois, le franc va disparaître. Et nous voici démunis de moyens pour faire droit aux exigences de nos concitoyens. Dans l'euphorie de la mondialisation heureuse, nos gouvernants considéraient la croissance comme garantie pour longtemps par l'essor des nouvelles technologies. Que la conjoncture se retourne, comme aujourd'hui, et nous découvrons la dictature des marchés financiers, les plans sociaux -Moulinex-, les délocalisations industrielles -Flextronics-, le creusement des inégalités, bref le retour à un archéocapitalisme du XIXème siècle !

En tous domaines, nos dirigeants ont laissé effacer les repères républicains. Ils ont bradé les valeurs de l'École Publique et découragé en Corse les Républicains.

Pour tout ce qui concerne la préparation du long terme –planification de l'énergie et des transports, politique industrielle, aménagement du territoire-, l'État, dont c'est pourtant la tâche essentielle, s'est mis aux abonnés absents.

Citoyennes et Citoyens, chers compatriotes, il existe un autre chemin que celui qu'on nous propose, une autre voie que celle où piétinent depuis des années une droite et une gauche aujourd'hui à bout de souffle. Sans doute beaucoup seront tentés de s'en remettre, selon les fatales habitudes qui ont conduit le pays là où il est, au chef d'un parti, le chef du RPR ou le chef du PS, dont le temps a usé les principes, et dont les programmes, pour l'essentiel, se confondent. A chaque grande échéance, ces partis ont toujours fait les mêmes choix de renoncement : Maastricht, l'euro, l'enlisement dans les Balkans, la déconstruction de l'État, la fragmentation du territoire.

Bien sûr il est arrivé à Jacques Chirac d'invoquer l'autorité de l'État : c'était le 14 juillet dernier, mais c'était pour refuser de déférer à la convocation d'un juge !

*
*   *

Les victimes de cette politique d'abandon sont d'abord ceux qui n'ont pour vivre que leur travail, licenciés atteints par les plans dits sociaux, condamnés au chômage de masse, privés de perspectives pour eux-mêmes et pour leurs enfants, guettés par la désespérance dans les quartiers de nos villes où s'accumulent difficultés et handicaps.

La victime c'est aussi la démocratie ; notre Parlement est devenu théâtre d'ombres, résigné à ce que 80% de nos normes soient à présent édictées hors de son enceinte.

La victime, c'est la France, nation politique par excellence, dont le souffle est la souveraineté populaire, le désir de vivre ensemble, la volonté de faire de grandes choses pour l'avenir. La France, tant de fois relevée par la République, chancelle aujourd'hui avec elle.

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*   *

 

Le pouvoir pour le pouvoir ! Là est le mal ! C'est par là que la démocratie dépérit ! Tout l'effort de tant d'hommes et de femmes sincères, dérivé, capté, détourné et trahi, par mille ruses, cabales, reptations, dissimulations, mensonges, assauts de démagogie, cynisme en bandoulière, opportunisme érigé en doctrine, pour faire « la seule politique possible », voilà qui découragerait le citoyen le plus vertueux si nous n'étions pas là, capables de tracer et de maintenir les repères de la République. Oui, je maintiens qu'il y a une autre politique possible que celle que nous imposent tour à tour, prisonniers de la même orthodoxie, des mêmes dogmes, des mêmes allégeances, des mêmes appétits, les libéraux-sociaux et les sociaux-libéraux.

Ce destin n'est pas inexorable. Les marchés financiers ne sont pas l'horizon de l'Humanité. Voyez nos entreprises de haute technologie : Alcatel, Cap Gemini, massacrées à la Bourse par les Fonds spéculatifs américains, pour se faire ramasser demain par n'importe quel prédateur boursier ! D'autres valeurs que l'argent meuvent le monde. Ce sont les nations et les peuples qui sont la vraie permanence de l'Histoire. Le destin des peuples ne se confond pas avec la marchandisation de la planète.

Cette résignation des uns et des autres à la fatalité d'une sorte de pancapitalisme, je l'appelle renoncement.

La mondialisation, le sens perdu de la citoyenneté, ce sont autant de défis à relever.

Si je me tourne à présent vers le peuple, ce n'est pas pour l'aboutissement d'ambitions personnelles ou la réalisation d'une obsession rentrée. C'est expérience faite et après mûre réflexion. Comme responsable politique et comme membre du gouvernement à quatre reprises ayant eu la charge de cinq ministères, j'ai toujours d'abord servi le pays : en redynamisant la recherche, en construisant une politique industrielle, en relevant l'École publique, en modernisant l'outil d'une défense française indépendante, en assumant la responsabilité de l'ordre public, et en faisant vivre la citoyenneté. Et en même temps, j'ai toujours cherché à enrayer la dérive qui nous faisait dévaler la pente des abandons. Je n'ai jamais fait la politique du pire. J'ai toujours assumé mes responsabilités et je ne renie rien de ce que j'ai fait et dont je vous ferai grâce. Mais je suis arrivé aujourd'hui à la conclusion que seule une détermination entière au sommet de l'État peut désormais renverser le cours des choses. La mienne est solidement établie.

Je crois profondément aux valeurs de la République : Liberté, laïcité, citoyenneté, égalité devant la loi, égalité des chances, solidarité et indépendance des peuples. La République ne va pas sans le citoyen. Le civisme est la forme moderne du lien social. Cette exigence ne serait, paraît-il, pas moderne ? Mais qu'est-ce qui est moderne ? L'exacerbation de l'individualisme au détriment des solidarités les plus élémentaires ? La corruption, la spéculation, la délinquance, le mépris des fonctions assumées dans l'État ? Entre la République et la loi de la jungle il faut savoir ce qui est moderne ou pas. Voilà la question que je pose au peuple français.

Que nous propose-t-on en face du modèle républicain ? Le modèle « égaux mais séparés » sur fond de ghettos et de quartiers réservés ?

Non ! Le modèle républicain est jeune, porteur d'espoir en Europe et dans le monde. Les exemples sont nombreux du danger que l'explosion des communautarismes et des identités meurtrières fait peser sur la paix.

Notre peuple attend qu'on lui tienne le langage simple de la vérité. Je n'évoquerai pas Périclès qui tenait son autorité, selon Thucydide, non seulement  de ses qualité d'esprit, mais aussi –je cite- « de son éclatante intégrité pour ce qui est de l'argent ». Non ! plus près de nous, j'évoquerai deux grands hommes qui ont marqué mon adolescence : Mendès-France et De Gaulle, dont personne n'a jamais douté qu'ils parlaient en vue du bien public, quelque différente que fût l'idée qu'ils pouvaient s'en faire, et qui n'hésitaient pas à remettre en jeu leur mandat quand cette idée-là était en cause ! Car les ors de la République c'est bien, mais la République c'est encore mieux !

Eh bien, je vais vous proposer, je vais proposer au peuple français dix orientations fondamentales et cohérentes pour relever la République  :

- Les principes d'abord ;
- ensuite l'École ;
- la sécurité ;
- la revalorisation du travail ;
- la reconstruction de l'État ;
- la pleine égalité de la femme ;
- la garantie de la retraite et de la protection sociale ;
- l'aménagement du territoire et l'homme mis au cœur de l'environnement ;
- la création : science et culture ;
- la France doit rester enfin une grande puissance politique,
- dans une Europe de projets ambitieux, complément et non substitut des nations,
- une puissance tournée vers le Sud,
- capable de proposer des règles dans la mondialisation,
- avec une défense qui soit d'abord la sienne.

 

1. La République doit retrouver ses principes.

La discrédit du politique a une cause essentielle : c'est l'écart entre les paroles et les actes de ceux qui nous dirigent à la petite semaine, sans conviction véritable, au gré des sondages, à coup d'effets d'annonce et de trompe l'œil. Nos dirigeants ne veulent plus gouverner. Ils veulent « gouvernancer », selon l'expression de Pierre-André Taguieff : les privilèges des fonctions sans les responsabilités. C'est cette conception de la politique qui est ringarde. Nos concitoyens réclament compétence, vérité, honnêteté, constance. Plus la réalité est complexe, plus elle change vite et plus nous avons besoin de principes clairs. J'en énoncerai quatre –l'autorité de la loi, la souveraineté populaire, la citoyenneté et l'égalité des chances- à charge pour moi de les traduire ensuite en actions.
 

1. L'autorité de la loi.

La République n'est pas un régime de faiblesse. C'est un régime de liberté, ce qui est tout à fait différent. Elle n'accepte pas la loi de la jungle. Elle affirme fermement l'autorité de la loi égale pour tous.
 

2. La souveraineté populaire.

La République lie indissolublement la souveraineté populaire et la démocratie. La souveraineté appartient au peuple. Elle est inaliénable. Le Peuple français peut déléguer des compétences, à condition que celles-ci soient démocratiquement contrôlées. Il ne peut pas déléguer sa souveraineté, sauf à se dissoudre lui-même. C'est tout cela qu'il faut ressaisir, relever, rattraper. La tâche est immense. C'est à cela que je vous convie !
 

3. La citoyenneté.

Notre idéal, c'est la citoyenneté active. Mais soyons clairs : la liberté n'autorise pas toutes les dérives. La citoyenneté implique des devoirs, envers soi-même, envers les autres, envers la nation, envers l'Humanité. Bien sûr, la citoyenneté signifie aussi don de soi, solidarité, participation responsable à ce que Jaurès appelait « la grande vie humaine ».

Promouvoir l'éveil de la conscience, faire comprendre ce que signifient devoir, responsabilité, solidarité, générosité, c'est, je le crois, répondre à l'attente véritable des jeunes.

La jeunesse méprise le jeunisme, cette complaisance et cette démagogie propres à certains de nos responsables qui ont peur de parler à la jeunesse le langage de ses intérêts véritables. Le moment est venu de siffler définitivement la fin de l'époque où il était interdit d'interdire.
 

4. Le sens de l'égalité.

Au cœur de l'exigence républicaine, il y a enfin l'égalité, le sentiment de ce que chaque homme porte en lui d'immenses potentialités. L'égalité républicaine c'est à la fois l'égalité devant la loi et la chance donnée à chacun d'épanouir toutes ses capacités.

Rien n'est plus urgent à cet égard que la mise en œuvre d'une véritable politique d'accès à la citoyenneté.

 

2. Fixer ses missions à l'École.

Au cœur de la République, il y a le citoyen éclairé par l'École. De l'école, les parents comme les enseignants attendent que les pouvoirs Publics fixent enfin clairement les missions : d'abord transmettre le savoir et la culture et faire, pour le pays tout entier, le pari sur l'intelligence ; ensuite former le jugement de nos jeunes pour qu'ils puissent faire demain leur métier de citoyen, avec leurs droits, mais aussi avec leurs devoirs.

Je sais l'inquiétude des parents qui voient s'affaiblir l'outil de l'égalité des chances qu'est l'École pour leurs enfants ; je sais leur préoccupation quand ils constatent qu'au lieu de s'ouvrir sur la vie comme on l'avait promis, l'école a ouvert ses portes à l'irrespect, à la violence, à l'inégalité.

Loin de perpétuer l'excessive confusion des rôles, où la connaissance finit par être dévalorisée, où la responsabilité se perd, j'entends placer la transmission des savoirs et l'autorité des maîtres au centre de École Une école républicaine digne de son rôle affirme que l'acquisition des connaissances affranchit de l'ignorance et qu'elle ne va jamais sans effort.

Cela passe par une acquisition sûre et sérieusement évaluée des savoirs fondamentaux à l'école primaire : Il faut cesser de disperser l'attention des élèves par une multitude de matières, et souvent au détriment de l'essentiel, c'est-à-dire de l'apprentissage du français, alors que 17 % des élèves ne le maîtrisent pas à l'entrée en classe de sixième.

Il faut mettre un coup d'arrêt à la fuite dans l'innovation permanente, au culte de l'actuel, au suivisme à l'égard de la mode. Halte au bougisme ! Ainsi les langues régionales peuvent faire avantageusement l'objet d'un enseignement par option. La République comme espace commun à tous les citoyens ne proscrit nullement l'attachement de chacun à ses racines particulières. Ce sont les adversaires historiques de l'égalité qui cherchent à confondre celle-ci avec l'uniformité.

A l'inverse, le protocole qui intègre à l'École publique des établissements qui pratiquent en totalité « l'enseignement par immersion » dans une langue régionale réduit le français à n'être plus qu'une langue étrangère. Après le franc, c'est le français qu'il faudrait faire disparaître ?

Comment ne pas voir que cette politique complaisante nourrira à terme des ethnicismes qui, au nom d'une identité mythique, se croiront demain autorisés à remettre en cause la loi républicaine ? C'est cela la modernité ? Le FLNC, l'ETA, l'ARB, l'UCK ?

L'encouragement aux micronationalismes ethniques va de pair avec l'uniformisation marchande du monde. Alain Madelin est le plus sûr soutien du processus de Matignon. Est-ce un hasard ?

Revenons à l'École : assurer à tous les élèves une bonne maîtrise du français, c'est le moyen le plus efficace de remédier en amont aux difficultés du collège. S'agissant de celui-ci, il faut savoir rompre avec les credos d'hier pour aider chaque élève à trouver sa voie en diversifiant les itinéraires, tout en maintenant un socle d'exigences communes.

École de la République est une. Elle est à la fois creuset et ciment de l'unité nationale. Dans une société tellement inégale, l'unité de l'École, c'est-à-dire l'unité du savoir et des valeurs qu'elle est chargée de transmettre, demeure une garantie de justice sociale qu'il faut préserver. Or, cette unité est menacée par tous ceux qui, à droite bien sûr, mais parfois aussi à gauche, se sont engagés dans une surenchère permanente au prétexte de la décentralisation. Recrutement régional des maîtres, autonomie et mise en concurrence des établissements, pouvoir de recrutement donné aux chefs d'établissement, possibilité pour eux, et même pour les enseignants, de choisir dans les programmes nationaux ce qui répond aux besoins locaux, intervention des parents sur les contenus d'enseignement, telles sont les principales revendications qui, si elles étaient satisfaites, accentueraient les inégalités, défavoriseraient encore plus les plus démunis, sonneraient le glas de l'École de la République. Sachons mettre des bornes à la démagogie qui depuis le discours de Rennes de Jacques Chirac emporte notre Janus exécutif.

La qualité de la formation est garante de la qualité de l'École. Rendons aux enseignants l'hommage qu'ils méritent. Si l'École tient, c'est grâce à eux d'abord. Loin de les mettre au pilori, ces piliers de la République, confrontés en première ligne aux défis d'une société inégale, fragmentée, violente, doivent être soutenus fermement dans leur mission.

Pour que la France fasse monter la sève, l'inégalité sociale devant les études devra être âprement combattue. Je propose des mesures concernant tous nos jeunes de famille modeste, qui ont plus d'intelligence et de dévouement que de revenu ou d'entregent. État et les grands services publics offriront à des jeunes étudiants recrutés par concours, une rémunération durant leurs études, sous condition qu'ils s'engagent dans le service public durant dix ans. Ce sera le moyen d'amener au service de l'État les meilleurs, au moment où notre Fonction Publique doit être profondément renouvelée. État jouera son rôle au service de l'égalité, loin de mériter l'ironique condescendance dont l'affublent les libéraux. Ce sera le moyen d'améliorer grandement l'égalité des chances, de favoriser l'accès de tous -et je pense aux jeunes Français issus des vagues les plus récentes de l'immigration- aux emplois publics.

L'inégalité se creuse entre ceux qui ne disposent que des ressources scolaires, qui sont misérables, et ceux qui bénéficient du soutien de leur famille.

C'est particulièrement vrai pour l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les efforts d'équipement accomplis jusqu'à présent dans nos établissements scolaires ne sont pas négligeables ; ils restent encore dérisoires au regard des besoins, comme ceux de la formation des enseignants. Il ne s'agit pas de se nourrir d'illusions sur les bienfaits du web, mais d'y reconnaître l'une de ces innovations techniques qui, comme le téléphone ou la voiture automobile, s'imposent au monde moderne. C'est un lourd handicap de ne pas savoir en user.

J'ai réintroduit enfin l'instruction civique à l'École en 1985, mais il faut cesser de la confondre avec le droit administratif. Il faut que nos jeunes se pénètrent de l'esprit de la loi républicaine : respect de la règle délibérée en commun, qui libère de la loi du plus fort, débat éclairé en raison qui affranchit des dogmes, amour de la loi inscrit dans le cœur de chacun, comme garantie de sa liberté et promesse d'égalité.

Oui, tout commence à l'École, et c'est sur elle qu'il faut fonder l'effort de renouveau républicain.

 

3. Une citoyenneté également partagée est le meilleur socle d'une politique cohérente de sécurité. Cette politique ne demande que du courage.

Le droit, égal pour tous, à la sécurité doit devenir réalité. Je m'y attacherai en écartant les deux démons symétriques que sont la démagogie et l'angélisme. Entre une droite tentée par le discours musclé, masquant son inaction et son manque d'inspiration, et une gauche encore prisonnière de dogmes sommaires flattant sa bonne conscience, il y a place pour une politique de la réalité, à la fois rigoureuse et juste.

Je m'étais attaché à lui donner corps : création de la police de proximité assurant la mutation d'une police d'ordre vers une police au service des citoyens, encadrement des polices municipales, recrutement de policiers à l'image des citoyens, mise en place des commissions départementales d'accès à la citoyenneté...

Pour aller plus loin, j'avais tracé, en janvier 1999 dans une longue note d'orientation, les grands traits des actions nouvelles à mener. Vous savez le destin qui fut dans bien des cas réservé à mes propositions : Celles où je proposais des moyens cohérents pour réduire les noyaux durs de la délinquance dans nos cités furent soumises à un hallali où se mêlaient le refus de la réforme, le laxisme et l'absence de volonté. La gauche bien-pensante montra là son incapacité à sortir de ses ornières et à répondre aux préoccupations populaires. Le chantier est donc à reprendre et il est immense.

La première tâche est de réussir le plein accès à la citoyenneté de tous ces jeunes, quelle que soit leur origine, Français pour la plupart, dont certains croient que l'inégalité des droits les dispensent de respecter leurs devoirs.

Ainsi, solidement assise sur l'exigence  d'égalité, une politique républicaine visant le droit égal pour tous à la sécurité pourra être menée. Il faut rompre avec l'indifférence ou l'impuissance des élites devant l'insécurité subie par les plus modestes.

Les yeux ouverts sur la réalité nous montrent l'explosion de la délinquance des mineurs et la colère de la population devant la multiplication d'exactions qui restent impunies. L'inadaptation de la réplique est flagrante. Le mineur délinquant n'est généralement guère sanctionné avant un très grand nombre de récidives. La Garde des Sceaux nous explique qu'il y a 650 mineurs incarcérés. Elle oublie de nous dire qu'en dessous de seize ans, ce n'est pas possible, sauf crime. Et surtout qu'il y a d'autres solutions que la prison. L'ordonnance de 1945 -le tout éducatif-, conçue à une époque où la délinquance des  mineurs n'avait rien de comparable à ce qu'elle est devenue, est aujourd'hui périmée. Il s'agit donc de la modifier, en distinguant clairement les tâches d'éducation et la sanction, en organisant l'échelle des réponses à la délinquance, du simple rappel à la loi jusqu'aux sanctions plus graves. Il est vain d'opposer la sanction à la prévention, car la sanction qui est rappel à la règle comporte à l'évidence une dimension pédagogique. Toute société repose sur des limites dont le franchissement doit être sanctionné.

Une telle réforme législative doit s'accompagner de moyens d'accueil des jeunes délinquants en péril. Je propose de créer des centres de retenue, internats destinés à recevoir des délinquants multirécidivistes, à reprendre le cycle de leur éducation scolaire et professionnelle, capables de les retenir loin du milieu criminogène du quartier, le temps qu'il faudra pour les remettre dans le bon chemin. Je sais qu'une certaine bien-pensance est prompte à accorder aux délinquants des excuses absolutoires pour cause de pauvreté ou d'immigration. Mais c'est faire injure aux gens modestes comme aux familles d'immigrés que d'inventer je ne sais quelle prédestination à la délinquance. La vérité est qu'en République, un délinquant, fut-il riche ou pauvre, d'origine auvergnate ou maghrébine, doit être sanctionné. Et que la République se doit de tendre une main généreuse aux familles modestes ou récemment immigrées, à leurs enfants, dont l'immense majorité aspire à étudier, à réussir sa vie, à trouver un métier motivant. Aidons les à réussir, au lieu de pratiquer des amalgames indignes !

Lutter contre l'insécurité que subissent les Français exigera aussi d'améliorer la coopération police–gendarmerie–justice. La tâche est rude –et je tiens à saluer particulièrement le dévouement et le courage de nos policiers et de nos gendarmes, au contact des réalités ingrates qu'ils affrontent, souvent au péril de leur vie. Mais les institutions de la République doivent travailler en harmonie et en communauté de vues. En empêchant les situations où police et justice se contrarient ou s'opposent, on pourra faire reculer la délinquance, et notamment briser les noyaux durs de celle-ci. A l'inverse, l'angélisme qui a prévalu dans la préparation de la dernière réforme de la procédure pénale, votée par la droite comme par la gauche, malgré les réserves que j'ai été l'un des rares à émettre, a réduit de plus de  10% le nombre des gardes à vue, et cela au moment même où l'opinion s'inquiète de la montée de la délinquance. A qui faire croire que ceci n'a pas de rapport avec cela ?

La politique pénale doit être la même sur toute l'étendue du territoire national. Comment y parviendrait-on si les Parquets ne reçoivent pas d'instructions comme l'habitude s'en est prise ? L'essentiel est que ces instructions soient publiques et guidées par le seul souci de l'intérêt général. L'idée de rendre les Parquets autonomes, selon la proposition de la Commission Truche, réunie à l'initiative de Jacques Chirac, est une faute. Ceux qui sont soupçonnés souvent à juste titre de peser sur la justice, préfèrent, plutôt que de servir l'intérêt public, abandonner les rênes que le Peuple leur a confiées, ou plutôt faire semblant. Personne en effet n'est dupe des luttes d'influences qui se déroulent au sein de la Justice, théoriquement indépendante.

Les moyens en personnel de la police n'ont guère évolué depuis cinquante ans, et ceux de la justice depuis cent ans. Il faut prendre la mesure de la situation actuelle : elle est préoccupante mais elle n'a rien d'une fatalité. Une loi de programmation pour la police et pour la justice, une volonté claire, de bons textes, une citoyenneté renaissante, renverseront le cours des choses.

 

4. Revaloriser le travail et mobiliser tous nos atouts.

La réhabilitation de la valeur du travail est au cœur du pacte républicain. Je veux prendre ces termes dans leur double dimension.

a) La première, c'est la rémunération du travail. Depuis 1983, le rapport entre les revenus du capital et ceux du travail se sont dégradés de près de dix points. La réduction du temps de travail légal à 35 heures s'est accompagnée de la modération salariale. Eh bien c'est à présent la feuille de paie qu'il faut faire évoluer. La progression du salaire direct est nécessaire au soutien de l'activité économique. Est-il normal que la marge soit si faible entre les revenus de substitution et le revenu d'un smicard qui ne ménage pas sa peine ? Est-ce qu'une vie de travail, souvent dur et pénible, est vraiment respectée quand on voit le niveau des bas salaires ? C'est bien là dessus qu'il faut agir.

Une augmentation forte du SMIC sera rendue possible par la généralisation des allègements de charge et l'assouplissement des contraintes excessives liées aux trente cinq heures.  Une conférence des salaires sera réunie pour examiner les minima de branche et les grilles salariales.

Je propose de relever le salaire direct et d'améliorer la feuille de paie, en accélérant le glissement nécessaire et justifié, d'une partie des charges sociales vers une base de cotisation plus large, celle de la fiscalité. Il n'est plus possible de soumettre l'emploi, notamment dans les petites entreprises, au fardeau des charges sociales et fiscales. Celles-ci sont devenues des obstacles à l'activité, des encouragements au travail au noir, un empêchement à la création d'entreprises. Les réductions d'impôts doivent être réalisées avec plus de discernement. Choisies avec sagesse, elles peuvent stimuler l'activité. Je veux en prendre pour exemple le taux de TVA dans la restauration. Ramené à 5% -c'est à dire au même taux que les Mac Donald's sous prétexte de cuisine à emporter- il serait un superbe encouragement à l'embauche dans un secteur qui cherche des salariés, à l'amélioration des salaires, à la modération des prix. Plus globalement, une mesure de cet ordre retentirait positivement sur le secteur de la production agricole de qualité, sur la viticulture, et sur un certain art de vivre à la française. Pourquoi s'y refuser ? Parce qu'aucun gouvernement français n'a demandé à la Commission de Bruxelles le bénéfice de cette dérogation, alors que certains de nos voisins l'obtenaient sans difficulté. La France, première destination touristique mondiale, n'aurait-elle pas quelque titre pour justifier ce taux réduit de TVA à propos d'une activité particulièrement exigeante en main d'œuvre ?
 

b) Relever la valeur du travail, c'est aussi, tout simplement, mieux le considérer. Pour faire une société, il ne faut pas que des bourgeois bohèmes : il faut des ouvriers, des paysans, des employés, des fonctionnaires. C'est peu dire que la considération sociale qui les entoure s'est gravement effritée. Les travailleurs à qui, hier, le mouvement du progrès assignait la tâche rédemptrice de la révolution sociale, sont aujourd'hui la cible des quolibets. Pour la pub et la mode, pour les commentateurs post-modernes, ils sont ringards, considérés comme des freins à l'entrée de la France dans la mondialisation heureuse. Ce sont les Deschiens, bons à jeter aux chiens. Le mode de vie rural est offert en dérision ; ceux qui s'adonnent à la chasse sont vilipendés. L'ouvrier, hier icône de la gauche, est devenu un boulet qu'elle traîne honteusement, tant elle s'est identifiée à la vulgate libérale-libertaire.

Eh bien, la République, elle, n'ignore pas où sont les Républicains ! Une République moderne est une République sociale, qui rend justice au travail, à celles et ceux qui vivent de leur travail. Elle fait passer l'amélioration des salaires et des bas-salaires avant les stock options. Elle veille à la pérennité des régimes de protection sociale, à la réhabilitation de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage des métiers, à la construction de véritables carrières ouvrières dans les entreprises. Elle valorise l'acquisition de nouvelles compétences, favorisant ainsi les mutations techniques dans l'industrie.



 

c) Revaloriser la valeur du travail, c'est aussi mobiliser nos marges de croissance.

Il existe des réserves considérables et totalement sous-estimées de mobilisation de la population active dans la décennie qui vient : beaucoup de femmes aspirent légitimement à trouver une activité professionnelle, si on leur facilite la vie par ailleurs. Il y a des millions de chômeurs qu'il faut remettre au travail en priorité avant de songer à ouvrir à nouveau les vannes de l'immigration. Enfin, le taux d'activité des jeunes et des plus de soixante ans est, en France, le plus bas d'Europe. Cela n'est pas raisonnable. On ne doit empêcher personne de travailler, bien au contraire. La France ne manque donc ni de travailleurs ni de capital. Encore faut-il les mobiliser activement, plutôt que de guetter, telle Soeur Anne, la reprise venue d'Amérique, comme certain Premier ministre, en principe socialiste, que je connais bien. Ce paradoxe s'explique pourtant aisément : nos dirigeants se sont défaits des leviers de commande qui leur permettraient d'agir.

Les variables d'ajustement de l'économie nous échappent désormais. Ou plutôt, dans le système actuel, il n'en reste plus que deux : les salaires et l'emploi. Si rien ne change, bonjour la stagnation salariale et les charrettes de licenciement !

Il est urgent de se ressaisir. Je propose une politique économique fondée sur trois axes essentiels : le soutien de la demande, l'amélioration de l'environnement des entreprises, le renouveau de l'action sur les structures.

? Pour soutenir la demande, il existe quatre leviers : outre une revalorisation des salaires et une politique active de la dépense publique, une politique d'argent bon marché et le maintien d'un change compétitif d'abord. Ces deux dernières politiques dépendent en tout ou en partie de la Banque Centrale de Francfort. Les Européens vont découvrir tardivement non seulement le séisme auquel l'introduction de l'euro va conduire, et les immenses difficultés que cela créera en particulier pour nos concitoyens les plus démunis. Malgré mes mises en garde, nos dirigeants collectivement, préfèrent sauter dans le noir, comme en quatorze.

Mais les Européens et les Français vont aussi découvrir les effets néfastes d'une Banque Centrale déliée de tout engagement à l'égard des citoyens et de leurs représentants et qui, au prétexte de lutter contre l'inflation, ne soutient pas la croissance et l'emploi. Eh bien, il faut réformer les statuts dépassés de la Banque Centrale européenne ; qu'on lui assigne comme tâche de soutenir la croissance et l'emploi par une politique de bas taux d'intérêt, et pas seulement de lutter contre l'inflation ! Que le gouvernement de la France prenne à témoin l'opinion publique européenne et propose de modifier l'article du traité de Maastricht fixant ses missions à la Banque Centrale.

Dernier levier pour soutenir la demande : l'assouplissement du pacte de stabilité budgétaire jadis qualifié de Super Maastricht.
 

? Deuxième axe : l'amélioration de l'environnement des entreprises.

Chacun le sait, les entreprises décident de s'implanter là où elles trouvent une main d'œuvre qualifiée, un appareil de formation de qualité, de bonnes infrastructures de transport, des équipements sanitaires et sociaux (ainsi des crèches) facilitant la vie professionnelle, et bien sûr un niveau élevé de sécurité. Pour maintenir et accroître l'attractivité du territoire français, il faut des services publics de qualité. Méfions-nous du dogmatisme libéral en la matière : les accidents de chemin de fer en Grande-Bretagne et les pannes d'électricité dans la Silicon Valley devraient tempérer la furia des privatisations. Orientons-nous plutôt vers des emprunts européens multi-émetteurs pour engager la modernisation des infrastructures sur le continent : fret ferroviaire, voie d'eau, liaison TGV, réseaux à haut débit.

Si le rôle de l'État ne peut être dans l'économie d'aujourd'hui celui d'un interventionnisme au quotidien, il reste un acteur majeur, un stratège. Son rôle est d'assurer la stabilité dans le long terme. Des investissements majeurs en matière d'énergie ou d'infrastructures de communication requièrent des décennies d'exploitation pour être rentables. Dans d'autres cas, les coûts de développement technologique dépassent les capacités du secteur privé. C'est le cas dans le nucléaire, l'aérospatiale ou l'aéronautique... Même dans les pays à affichage libéral, ces secteurs sont largement soutenus par l'État. Celui-ci peut aussi faciliter la prise de risque par les entrepreneurs, en soutenant fiscalement les efforts de recherche, mesure que j'ai fait prendre en 1983.

Il est capital que nous portions notre effort de recherche à 3 % du PIB dans des domaines aussi variés que les nouvelles technologies de l'information, les biotechnologies, l'énergie, notamment les réacteurs nucléaires du futur et la pile à combustible, la santé, les transports, l'agriculture et l'environnement, tout en maintenant notre effort de recherche militaire qui, sans nous engager dans l'inutile compétition du « bouclier anti-missiles », doit nous permettre de maîtriser les technologies clés, en particulier dans l'espace et la simulation nucléaire.

Toute l'expérience du dernier demi-siècle en France, comme celle des États-Unis depuis vingt ans, montre que l'initiative publique en matière de développement technologique est le terreau indispensable du développement économique futur et de l'émergence de nouvelles entreprises.

Les marchés financiers ne garantissent aucun avenir stable dans le long terme. L'économie de marché a besoin de cadres et de normes pour se développer. Seule la démocratie peut fonder une légitimité propre à assurer des constructions durables. Méfions-nous des modes passagères : chacun sait bien qu'une exigence de rentabilité à 15 % n'est pas soutenable, quand la croissance est inférieure à 3 %. Faut-il rappeler qu'en cas de coup dur, c'est à l'État qu'on fait toujours appel, pour renflouer les Caisses d'Épargne américaines, garantir la dette du Crédit Lyonnais, tenir à l'Argentine, au Mexique, au Brésil, à la Russie la tête hors de l'eau, et si c'est encore possible, sauver les banques japonaises ?
 

? Troisième axe d'une politique économique active : le renouveau de l'action sur les structures.

La maison France ne doit pas disparaître. Il est capital de maintenir des synergies étroites entre nos entreprises. Le contrôle des fusions boursières doit favoriser les rapprochements stratégiques et tenir en respect les prédateurs boursiers. Les OPE doivent être réservées aux opérations amicales. Nos entreprises ont besoin d'un actionnariat stable pour mener des politiques qui s'inscrivent dans la durée. Le pôle financier public peut les aider à reconquérir leur autonomie aujourd'hui obérée par les exigences souvent exorbitantes des fonds de pension. En matière industrielle l'État ne peut pas se mettre aux abonnés absents.

La politique industrielle n'a rien perdu de son intérêt dès lors qu'on se projette dans le moyen et le long terme. Ainsi, la disposition d'une énergie non polluante, à bon marché, exige des choix dès aujourd'hui. Veut-on brûler du gaz, du fioul ou du charbon et continuer d'émettre des gaz à effet de serre, ou va-t-on engager les nouveaux programmes nécessaires à la modernisation de nos filières électro-nucléaires avec des réacteurs à faible production de déchets ? Par quelle démagogie ferait-on croire aux Français que la gestion sûre, durable, et réversible, de 500 tonnes de déchets sur vingt ans serait inaccessible, et qu'il faudrait se résigner à produire non plus 500 mais cinquante millions de tonnes de gaz carbonique pendant la même période ? Ces choix sont moteurs pour l'activité, pour l'emploi et pour l'environnement. Développons dans ce domaine une coopération avec l'Allemagne si elle le souhaite, et si elle ne le souhaite pas, avec les États-Unis Pareils enjeux ne sauraient être mis à la merci d'une démagogie à courte vue ou d'une exploitation des peurs, les Verts tenant le PS en otage. Le souci de précaution doit conduire à prévoir l'approvisionnement en énergie pour demain, une énergie indépendante dans ses sources et non polluante pour la nature.

 

5. Il faut reconstruire l'État républicain et les services publics : les moderniser, non les démanteler.

C'est là un grand sujet auquel j'ai appliqué ma réflexion. On ne peut réformer l'Etat que si ses tâches à long terme sont d'abord clairement fixées. Tâches régaliennes : défense, sécurité, justice, impôts, mais aussi transports, énergie, aménagement du territoire, développement technologique. Tout commence par la définition claire des missions et l'élaboration de véritables projets de service public. L'explosion des nouvelles technologies et le renouvellement des effectifs de la Fonction Publique offrent une chance exceptionnelle de mener à bien ce grand chantier.

Réformer l'État c'est d'abord simplifier la loi. C'est un rôle nouveau pour le Parlement. C'est mettre ensuite à la diète la folle machine interministérielle qui de chaque décret d'application fait une usine à gaz. La décentralisation commence par le coup d'arrêt mis à la prolifération des règlements, qu'ils soient nationaux ou européens. En tous domaines il faut mettre de la clarté, de la lisibilité. Dressons la liste des usines à gaz : la fiscalité nationale et locale, la réglementation de l'urbanisme, la gestion des fonds structurels européens, la procédure judiciaire, la liste en serait longue. Convoquons, sous la responsabilité du Parlement, des Commissions de réforme. Convoquons surtout l'esprit de Descartes. Bref, ouvrons enfin ce grand chantier de la réforme de l'État.

S'agissant de la décentralisation, les orientations de la Commission Mauroy offrent une base de travail sérieuse, et j'ajoute consensuelle. Dans ce domaine je ne crains pas la concurrence des démagogues car j'ai mené à bien deux chantiers majeurs : la décentralisation des collèges et des lycées par la loi que j'ai fait voter en 1985 et dont chacun s'accorde à reconnaître l'éclatante réussite, et l'essor nouveau donné à l'intercommunalité par la loi du 12 juillet 1999. Plus de cent communautés d'agglomération ont déjà surgi : avec des compétences stratégiques, une taxe professionnelle unique, un périmètre enfin pertinent, nos villes disposent désormais du moyen de planifier un développement solidaire à long terme et d'éviter –si la volonté en existe- des ghettos à l'américaine.

On peut aller plus loin dans la voie de la décentralisation : par exemple en dotant les inter-régions d'une compétence propre en matière de développement technologique et d'une part de la TIPPE, afin qu'elle puissent mieux soutenir l'innovation dans le tissu industriel. Je ne propose pas pour autant qu'on revienne sur la délimitation des régions et pas davantage sur l'existence des départements qui jouent un rôle important de cohésion sociale.

Réformons intelligemment, sans casser les repères. Mais décentralisons hardiment pourvu que ce soit dans le respect de la loi républicaine et de la solidarité nationale.

Comme l'État, nos services publics doivent être modernisés. Sachons le cas échéant demander à Bruxelles des clauses dérogatoires.

 

6. La sixième orientation que je propose touche à l'égalité des femmes qui doivent pouvoir mieux concilier leur vie professionnelle et leur épanouissement familial et personnel. C'est un chantier décisif pour notre avenir.

Il y a en effet une solidarité des générations qu'aucun gouvernement républicain ne peut laisser détruire.

Rien n'oppose, bien au contraire, l'engagement résolu en faveur du droit des femmes, de la parité, de l'égalité professionnelle, du libre-choix de la maternité, à une conception évoluée et adaptée de la politique familiale. Aujourd'hui, beaucoup de couples n'ont pas autant d'enfants qu'ils le souhaiteraient (1,8 par femme contre 2,3 désirés, le taux de renouvellement se situant à 2,1). Une politique de la famille doit donc les aider à surmonter les obstacles matériels qu'ils rencontrent et d'abord dans la vie quotidienne.

Il est possible d'augmenter de moitié en cinq ans le nombre de places en crèches et celui des assistantes maternelles. Un effort de cette nature, capable de résoudre le casse-tête des jeunes mères en quête d'un mode de garde, représente un effort de quelques milliards de francs. N'est-ce pas là le meilleur usage de l'excédent de la branche famille ?

En matière de revenus, il est temps de mettre un terme à la dépréciation des allocations familiales.

La France peut et doit assurer le renouvellement de ses générations : c'est à terme la seule vraie solution au problème de la garantie des retraites et de la protection sociale. Ce choix de l'avenir est aussi celui de la jeunesse qui a été sacrifiée au profit de la rente dans les années 80 et 90.

Il y a deux injustices criantes dans notre société : la situation des familles monoparentales, c'est-à-dire des femmes qui doivent élever leurs enfants seules, et celle des jeunes auxquels leur famille ne peut assurer de ressources pour financer leurs études. Je proposerai que le système des bourses d'enseignement supérieur soit amplifié et qu'il puisse tenir compte de l'évolution sociale vers la plus grande autonomie des jeunes.

 

7. Septième orientation qui découle de la précédente : nous devons et nous pouvons garantir un bon niveau de retraite et de protection sociale.

C'est par le travail et par la croissance que nous garantirons en effet l'avenir des régimes de retraites. La démographie est la variable essentielle à long terme, et pour la décennie qui vient c'est le taux d'emploi qu'il faut relever: ces deux paramètres conditionnent presque entièrement l'équation que le pays doit résoudre.

Mais le redressement indispensable de ces deux données fondamentales ne dispensera pas d'autres réformes courageuses. Le principe de la répartition ne doit pas être remis en cause mais l'âge de départ à la retraite peut être lié à la durée d'activité et non à un âge-couperet. Il n'y a rien de choquant à ce qu'un salarié entrant dans la vie professionnelle tardivement, après des études supérieures, la quitte aussi plus tardivement qu'un ouvrier entré tôt dans la vie active. C'est la durée de cotisation qui doit établir l'âge de départ en retraite. Cet âge doit cesser de constituer une barrière. Je propose que la retraite progressive soit mise en place, permettant à ceux qui le souhaitent de conserver une activité réduite progressivement ou de continuer à travailler quelques années au-delà de la limite d'âge.

 

8. J'en viens à la huitième orientation : Aménageons notre espace et mettons l'homme au cœur de l'environnement.

Il faut réconcilier l'Homme et la Nature, reconstruire nos banlieues en substituant aux barres et aux tours de petites maisons de ville, lutter contre le bruit et la pollution en favorisant non seulement les transports en commun, mais aussi les voitures électriques et les véhicules utilisant les piles à combustible, privilégier les filières énergétiques qui ne rejettent pas de gaz à effet de serre, dégager les financements nécessaires à la priorité dont doivent bénéficier la voie d'eau et le fret ferroviaire, réorienter la politique agricole au bénéfice des exploitations familiales, qui disparaissent en trop grand nombre. Nos paysans ont besoin d'être mieux reconnus et considérés. Que seulement 6.200 jeunes agriculteurs  s'installent à la terre chaque année doit nous préoccuper : cela signifie que dans trente ans il y aurait moins de 200.000 exploitations agricoles en France contre 600.000 aujourd'hui. Pour encourager l'installation de nouveaux paysans, compte tenu de ce qu'est l'évolution des modes de vie, il n'y a pas de secret : il faut maintenir des prix rémunérateurs et attribuer des aides directes substantielles correspondant au rôle utile que jouent nos paysans : qualité des aliments, sécurité sanitaire, préservation des terroirs et des paysages. Veillons à valoriser les espaces ruraux qui sont un grand atout de la France. Une politique nationale d'aménagement du territoire s'impose pour valoriser notre espace au sein de l'Union européenne. Elle ne peut résulter de la simple juxtaposition de vingt-deux contrats de plan État-région élaborés sans vue d'ensemble. La suppression par le gouvernement du schéma national d'aménagement du territoire dès 1998 a été une erreur. Il y a beaucoup à faire pour que les réseaux à haut débit par exemple irriguent non pas seulement les zones denses, mais l'ensemble du territoire et permettent, grâce au télétravail, de vivifier les zones rurales.

Au-delà de la France, pensons et mettons en œuvre une véritable écologie de l'Humanité. Tous les peuples ont droit au développement. Faisons en sorte que celui-ci soit à la fois respectueux des cultures et des équilibres fondamentaux de la vie, mais refusons d'en exclure les pays tard venus à la modernité. C'est une thèse réactionnaire ! La croissance des jeunes nations reste plus nécessaire que jamais.

 

9. Science et Culture, faisons se lever les forces de la création.

Plus que jamais, l'avenir est à inventer. Il nous faut donc affirmer sans complexe la liberté de la recherche. Ne confondons pas la science et la démocratie qui, elle, implique des choix d'opportunité et par conséquent des décisions prises à la majorité. Rien de tel ne peut exister en matière de recherche. Sachons donc résister au retour de l'obscurantisme, quelque parure chatoyante qu'il revête. Le moment est venu de donner de nouveaux moteurs à la recherche. L'initiative publique sera pour cela nécessaire. En matière d'emploi scientifique plus qu'ailleurs peut-être, il faut mettre en route des plans de recrutement pluriannuels : Je propose une grande loi de programmation pour la recherche pour les années 2003-2007 portant à 3% la part de la recherche dans le PIB.

La culture et la science marchent naturellement de pair. Une vraie politique culturelle suscite avant tout le désir de culture. Il y a, dans ce pays, une immense ferveur en matière culturelle : 50 millions de visiteurs dans les musées l'an dernier, c'est énorme ! Oui, le peuple français éprouve un vif désir d'images, de gestes, de mots à partager. Mais pour qu'il y ait partage, il faut des créateurs. Et il y a fort à faire pour insuffler l'énergie créatrice et bâtir un contre-pouvoir à la loi du marché. Refonder la culture, c'est délivrer le service public de la télévision de la publicité, en finir avec l'Audimat, bref, lui rendre sa liberté. C'est surtout ouvrir la culture française sur le monde, largement, en joignant les pays francophones aux pays de langue espagnole et portugaise, pour faire barrage à l'uniformisation marchande. La culture n'est pas séparable de cette franche réorientation de la France vers le Sud qui est dans sa vocation : Il nous faut faire connaître et aimer les créateurs du Sud, Youssou N'dour le chanteur, Youssef Chahine le cinéaste, Ousmane Sow le sculpteur, Ahmadou Kourouma l'écrivain, et tant d'autres qui ouvriront la France à l'avenir du monde.

Là est le génie de la France : la capacité à brasser tous les peuples, toutes les émotions à travers la discipline choisie d'une langue, dont Fernand Braudel disait qu'elle était 80% de notre identité. Là est notre rôle : affirmer l'unité de la grande vie humaine par-dessus les fractures que creuse une mondialisation sans âme.

 

10. La France est et doit rester une grande puissance politique.

a) La France est un grand pays, qui parle au monde entier.

Elle porte le legs d'une conception de la nation fondée non pas sur l'origine, mais sur la volonté d'appartenance à une communauté politique. Faisons vivre pleinement chez nous cette conception républicaine de la citoyenneté. Proposons là en exemple aux peuples déchirés par des haines ancestrales.

Nous sommes fiers de la geste séculaire par laquelle le peuple français a su donner sens à son Histoire, même si les sommets y font voir des abîmes. Ceux qui veulent définitivement gommer la nation parce qu'elle est un obstacle à l'uniformisation marchande du monde n'ont de cesse que de discréditer la France. Ne nous laissons pas prendre à ces campagnes de « repentance » qui imputent à notre peuple tout entier les crimes commis par Vichy ou encore l'incapacité de la IVème République à sortir du bourbier algérien.

Ici, à Vincennes, nous assumons toute l'Histoire de France avec ses ombres et ses lumières, mais nous ne laisserons pas entamer le socle de confiance dont le peuple français, comme tout peuple, a besoin pour forger son avenir.

L'Histoire de France, il nous revient de la continuer. Le moment n'est pas venu d'y mettre fin.  La France ne vas pas disparaître avec le franc. Sa voix, longtemps encore, devra résonner puissamment en Europe et dans le monde, au service des grandes valeurs dont nous avons à faire fructifier l'héritage.
 

b) La France doit être le moteur d'une Europe de projets ambitieux.

Il ne s'agit pas d'être pour ou contre l'Europe. C'est absurde. La France est en Europe. On ne peut pas être contre le continent auquel on appartient. Il s'agit de savoir ce qu'on veut faire de l'Europe. On nous répond par des formules attrape-tout : « Une Fédération d'Etats-Nations ». Le Janus bifrons exécutif, ce dieu antique à deux faces, a trouvé sa motion nègre-blanc, mais serait bien incapable de nous dire ce qui pourrait sortir de ce cercle carré.

L'élection de 2002 sera à cet égard décisive car le Janus exécutif en faisant sienne l'idée d'une Constitution européenne, a déjà accepté de voir la France reléguée au rang d'une grande région. Quand il y a trente peuples en Europe, on fait un traité, on ne fait pas une Constitution, sauf à vouloir dissoudre les peuples.

L'élargissement à vingt-sept États rend absurde tout projet d'intégration fédérale. La solidarité souhaitable des nations européennes ne doit pas signifier uniformisation, effacement de notre personnalité et de notre culture, dévalorisation de notre Histoire, mépris de nos intérêts.

L'Europe que nous voulons signifie projets, dynamisme, ambition partagée. Elle doit compléter les nations qui la composent, et non s'y substituer. Je suis un euroréaliste. Je sais par expérience qu'une forte volonté politique, à condition qu'elle s'appuie sur les nations peut infléchir la lourde machinerie communautaire.

Mais je ferai plusieurs suggestions pour mobiliser les nations européennes et créer un espace commun de débat public :

- D'abord, étendre le droit de proposition, qui aujourd'hui n'appartient qu'à la seule Commission, à toutes les nations membres du Conseil européen, instance maîtresse de l'Union.

- Ensuite rendre publiques les délibérations et les votes au sein du Conseil.

- En troisième lieu, créer au Parlement européen une deuxième Chambre représentative des Parlements nationaux, lieux essentiels de légitimité.

- Loin de se perdre dans des mécanos institutionnels, l'Europe doit s'engager dans de grands projets. La procédure des coopérations renforcées doit devenir le cadre de ces projets : coopération monétaire d'abord, liaisons ferrées à grande vitesse, tunnels transfrontaliers, voies dédiées au fret ferroviaire, mise à grand gabarit des voies d'eau, dépollution de la Méditerranée, sûreté des centrales nucléaires, programmes de recherche, et développement technologique, industries aéronautiques et spatiales, coopération universitaire.

- La France est en Europe une puissance d'équilibre et d'ouverture.

Équilibre dans l'intérêt de toute l'Europe et de l'Allemagne elle-même : il serait judicieux à cet égard d'élaborer un nouveau traité de l'Élysée. Les temps ont changé depuis 1963.

Ouverture, et d'abord vers le Sud, en resserrant notre coopération, en particulier avec l'Italie et l'Espagne : Nous devons affronter tant de défis communs ! Le processus de Barcelone n'a pas tenu ses promesses ; un quart seulement de l'effort annoncé a été engagé : raison de plus pour nous engager résolument en faveur d'une initiative méditerranéenne de co-développement. La croissance et le progrès social peuvent seuls apporter à la rive sud à laquelle tant de liens humains nous attachent, les moyens de faire reculer la misère, terreau d'un intégrisme fanatique qui serait une terrible régression pour ces pays et une grave menace pour notre société.

A nous de convaincre l'Europe tout entière à commencer par l'Allemagne que nous devons nous tourner à la fois vers le Maghreb et vers l'Afrique au Sud, comme vers la Russie à l'Est, pour créer un véritable partenariat stratégique au service d'une paix durable.
 

c) La voix claire de la République doit se faire entendre dans les affaires du monde.

La politique étrangère de la France doit servir l'idéal républicain et non se laisser asservir par les puissants. C'est vrai dans les Balkans, où manque cruellement la voix d'une conception laïque de la citoyenneté déliée des origines et des religions. C'est vrai au Proche et au Moyen-Orient où la France doit aider à empêcher que se referme l'étau d'une violence sans fin. Israël est capable de puiser le meilleur dans la tradition de justice et de progrès qui l'a fondé. Les Palestiniens doivent voir reconnus leurs droits légitimes aujourd'hui bafoués. Ils ont droit à un État réellement viable. Ce sera d'ailleurs la meilleure garantie du droit à la sécurité d'Israël.

Nous devons aider le monde arabe à accomplir cette renaissance, dont il rêve depuis deux siècles, et à réussir son entrée dans la modernité. En Orient aussi, c'est dans une conception laïque de la citoyenneté que les trois religions du Livre pourront apprendre à coexister. Il n'y a pas de paix durable qui ne soit fondée sur le respect de l'identité et de la dignité des peuples. C'est pourquoi la paix doit être pensée de la Méditerranée au Golfe.

J'avais désapprouvé sans équivoque, en son temps, la participation de la France aux opérations américaines contre l'Irak. Avec le recul, chacun peut observer qu'aucune des promesses lancées alors aveuglément n'a été tenue. Il ne reste que la maîtrise américaine sur les deux-tiers des réserves pétrolières du monde, l'envol des prix du brut, et un embargo cruel qui a fait déjà plus d'un million de morts. La France doit faire cesser ce crime.

Je ne serai jamais de ceux qui invitent à jeter par dessus bord les liens particuliers de la France avec le continent africain. L'Afrique pour son développement a besoin d'États, qui soient des États de droit. Les recettes du libéralisme ou de l'ultra-libéralisme n'apporteront que des malheurs sur la terre africaine. Je propose ainsi que la France prenne l'initiative de défier les règles de l'OMC pour sauver la vie de millions d'Africains menacés par le sida. Il est inacceptable que la dévotion à l'égard du droit commercial des brevets interdise la fabrication de médicaments anti-viraux génériques, qui coûtent pourtant 350 $ pour un traitement d'un an, contre 10 000 $ pour les mêmes médicaments sous licence, soit une baisse des prix de 96%. Si la France, ou si des laboratoires français sur le sol africain, produisaient ces anti-viraux génériques, n'aurions-nous pas le courage de mener, contre les « panels » de l'OMC, la bataille pour la vie ?

Le monde aspire à l'unité mais refuse la dictature de l'argent et la morgue des puissants. Il attend que la voix de la France –raison, justice- se fasse entendre pour fixer des règles équitables à la mondialisation : relèvement de l'aide publique, effacement de la dette, accords de co-développement, taxation des mouvements de capitaux à caractère spéculatif. Que la République se dresse contre la loi de la jungle ! Oeuvrons à construire avec les grands pays du Sud un monde multipolaire et rééquilibré !
 

d) Refaisons enfin de notre défense la défense de la République !

La défense a un prix qu'il faut payer, mais elle doit servir les intérêts de la France d'une manière qui puisse être comprise par tous les citoyens.

Il est difficile de revenir sur la professionnalisation dont, en 1996, j'avais été l'un des seuls à annoncer par avance les effets pervers : baisse des moyens consacrés à l'activité des forces et surtout à leur équipement, difficultés prévisibles du recrutement et de la fidélisation des engagés.

L'armée française n'a pas vocation à jouer les supplétifs. Les opérations extérieures coûtent cher : plus de cinquante Milliards de Francs en une décennie, au détriment bien sûr de nos programmes d'équipement et sans bénéfice évident pour l'intérêt national.

Il est temps de réagir enfin et de redéfinir nos priorités :

? Réduire le niveau de nos engagements extérieurs dès lors qu'ils ne répondent à aucune visée politique sensée. Une Europe réellement européenne s'efforcerait de sortir du bourbier balkanique et de recréer un espace yougoslave associé à son développement.

? Dans la longue durée, la dissuasion reste l'outil essentiel d'une politique extérieure indépendante ;

? Il nous faut par ailleurs préserver les moyens de notre autonomie stratégique : programmes spatiaux, capacités de commandement sur le champ de bataille ; renforcer notre capacité d'agir à distance : avions de transport – avions-ravitailleurs.

? Mais aussi et peut-être surtout, penser aux hommes sans lesquels il n'y a pas de défense qui vaille, c'est-à-dire à la condition militaire.

La défense doit redevenir nationale. Encore une fois, elle a un prix. La France le paiera quand elle comprendra que la défense est l'outil d'une diplomatie indépendante au service de la République.

 

Conclusion

Des tâches enthousiasmantes s'offrent ainsi à nous, pour peu que nous ne renoncions pas à mettre l'action au service de la pensée.

Peu à peu, notre démocratie a été réduite à un système binaire : Chirac-Jospin, Jospin-Chirac sans que les sujets essentiels on ne voit plus en quoi ils se différencient, la campagne ne s'alimentant que des faits divers, qu'il s'agisse de la chronique des affaires pour l'un, ou de la rubrique « errements de jeunesse » pour l'autre. Il faut sortir de ce système binaire appauvrissant pour le débat démocratique. Il ne suffit pas d'un troisième homme. Il faut un autre possible. C'est ce que je vous propose.

Si je me tourne vers le Peuple français, c'est parce que je sais qu'il existe en son sein des réserves de courage, de désintéressement, d'amour du bien public, et pourquoi ne pas le dire, de patriotisme.

A aucun d'entre vous je ne demande d'où il vient. L'essentiel est la direction dans laquelle nous voulons aller ensemble.

A ceux qui ont partagé les espoirs et les combats de la gauche, pour donner à notre pays un nouvel élan, je le leur dis franchement : ils peuvent se reconnaître dans le combat que j'entreprends.

- Socialistes enracinés dans la République et qui trouveront par là le moyen de rester fidèles à l'enseignement de Jaurès et à leurs convictions les plus profondes, plutôt que de servir éternellement de béquilles à un système qu'ensemble – rappelez-vous- nous rêvions jadis de transformer ;

- Communistes, qui n'ont pas renoncé à faire fructifier le meilleur de leur héritage, quand la classe ouvrière, à travers eux jadis, rencontra la nation.

Les uns et les autres peuvent comprendre que le monde du travail serait réduit à l'impuissance, si la République venait à disparaître. Il est temps de surmonter la tache aveugle qui a fait passer tant d'hommes de gauche sincères à côté de la nation. La gauche et la droite continueront d'exister à l'avenir sous des formes et avec des contenus différents, mais il y a une chose qui est au-dessus de la droite, au-dessus de la gauche, c'est la République !

Il y a tout à gagner à mener de front le combat pour la justice sociale et le combat pour la France.

Et de la même manière, ceux qui ont aimé le général de Gaulle parce qu'il a incarné l'honneur et la liberté du pays, pourquoi refuseraient-ils la main que je leur tends sans arrière-pensée ? Cette main, elle est tendue tout simplement à des Français qui ont raison de vouloir conserver ce qui mérite de l'être : la nation, sa mémoire, les valeurs qui illustrèrent notre Histoire, les principes sans lesquels aucune société civilisée, et à plus forte raison démocratique ne peut survivre, et sont prêts à changer avec nous ce qui doit l'être raisonnablement. Ils savent bien que l'héritage du général de Gaulle a été piétiné d'abord par ceux qui s'en réclament. Là où de Gaulle avait reconstruit l'État, Jacques Chirac l'a déconstruit, par une surenchère permanente sur toutes les modes.

La droite, aujourd'hui entièrement ralliée à la mondialisation libérale, ne voit plus dans la nation qu'un obstacle à contourner.

Relever d'un même mouvement la démocratie et l'État républicain, redonner à la France le sens d'une mission exemplaire, telles sont les tâches de la génération qui vient. Ce sera difficile, certes, mais je compte que le courage, comme en d'autres périodes de notre Histoire, sera au rendez-vous ! C'est l'appel que je lance, sans exclusive, à tous les Français.

Chacun doit le mesurer : prisonnière du système du pareil au même, la République, c'est-à-dire la France, peut, dans les années qui viennent, s'abîmer, comme le soleil dans l'océan, dans un conglomérat marchand où elle perdra définitivement son indépendance et son âme. Ou bien elle peut, par un effort de conscience et de volonté, rebondir et encore une fois surprendre le monde.

Pour rompre avec le système du pareil au même, il faut –je l'ai dit- commencer par la tête. Dans le choix des hommes et des orientations, un Président de la République qui serait l'homme de la nation, peut exercer une influence décisive. Une présidence absolue n'est certes pas souhaitable : le Président de la République ne doit pas absorber tous les pouvoirs. Mais c'est à lui de donner le sens, l'orientation générale. Il lui faut une vision, une certaine idée de la France.

Parce qu'il est la clé de voûte des institutions, il lui faut aussi l' expérience de l'État et de la vie politique. Je crois pouvoir dire qu'il y a des hommes de valeur dans tous les partis et qui peuvent comprendre le langage de l'intérêt public, dès lors que celui-ci est porté au sommet de l'Etat.

Le chemin que je vous propose sera difficile et il sera long. Je ne me dissimule pas une seconde, croyez-le, les difficultés de toute nature auxquelles je devrai faire face. La voie que je vous propose est la plus droite, la plus difficile, mais comme l'a dit le général de Gaulle, tout compte fait, c'est aussi la plus sûre. Elle consiste à compter d'abord sur nous-mêmes. Vous pouvez compter sur ma détermination. Elle sera totale et ne se relâchera pas car je crois dans ma chance, parce que j'ai foi dans la France et dans la République

lapinchien

5.

Je veux d'abord saluer et former des vœux sincères pour 2002 à l'intention des personnalités, ambassadeurs et généraux qui ont accepté de répondre à mon invitation ainsi que les journalistes et personnalités des media venus nombreux. Qu'il me soit permis d'avoir une pensée particulièrement émue pour leurs confrères victimes du devoir d'informer, notamment en Afghanistan.

Vous comprendrez naturellement que je me tourne aussi vers mon équipe et mon cabinet qui, sous l'impulsion de Raphaël Bartolt et Patrick Quinqueton, se dépensent sans compter dans le loft de la Cité Paradis, vers les militants du MDC et vers les membres de mes comités de soutien qui ont fleuri dans tout le pays. A tous je présente mes vœux ardents de combativité pour l'offensive d'hiver que nous allons engager. Je salue particulièrement ceux qui font vivre le pôle républicain qui s'est mis en mouvement autour de ma candidature. Je salue bien évidemment Max Gallo, le Président talentueux de ce rassemblement, mais aussi tous les autres venus de tous les horizons, pour la contribution qu'ils apportent et qu'ils apporteront dans ce combat décisif.

Je suis fier de cette diversité de sensibilités, mais je sais aussi que l'exigence républicaine et le vrai patriotisme qui nous réunissent sont plus forts que nos différences, en elles-mêmes parfaitement légitimes, et que je respecte, comme je respecte le parcours de chacun. Cette diversité et cette unité font notre force.

Certains raillent un rassemblement hétéroclite, « une auberge espagnole » disent-ils. Mais à quoi ressemblait la France libre à ses débuts, pour ses contempteurs, sinon à une auberge espagnole ? Et toutes les formules d'union républicaine, de Waldeck Rousseau aux gouvernements de la Libération, sans parler du gouvernement de Pierre Mendès France ou du premier gouvernement formé par le général De Gaulle en 1958 : tous rassemblaient des sensibilités très différentes et tous ont fait de grandes choses.

Nos adversaires seront surpris le 19 janvier prochain à la réunion de nos comités de soutien à la Défense de voir surgir un pôle républicain à la fois structuré et ouvert.



I – Non à une campagne écourtée ! Que le débat commence !

Me tournant vers vous, je m'adresse aussi aux Français pour leur souhaiter beaucoup de discernement et de courage en 2002, pour que cette année soit une année de renouvellement de la France. Qu'elle puisse relever les défis qui sont devant elle : le risque de la récession bien sûr avec la remontée du chômage et le creusement des inégalités, mais aussi les risques de l'insécurité à l'intérieur et à l'extérieur, dans un monde dangereux. Pour cela je souhaite que notre pays retrouve le chemin de la grandeur qui est toujours -d'abord- une grandeur morale : recherche de la vérité et de la justice, adéquation des paroles et des actes.

Tout est fait bien naturellement dans le système du pareil au même pour occulter le fait que je suis le seul candidat d'alternative véritable. Non seulement parce que je suis le troisième dans les sondages mais parce que, à la différence de ceux qui prétendent me rattraper, j'ai une très forte capacité de rassemblement qu'ils n'ont absolument pas.

Le système du pareil au même veut enfermer les Français dans un choix binaire : Chirac-Jospin, Jospin-Chirac, qui n'est qu'une fausse fenêtre et qui n'ouvre que sur de faux débats.

La pensée unique veut occulter ma percée, en se berçant de l'idée que Jean-Pierre Chevènement n'aurait été qu'un « candidat d'automne ». Nos piètres penseurs prennent leurs désirs pour des réalités. Ils sous-estiment le rejet des candidats sortants, le besoin de sens et l'ardent désir de renouvellement qui monte de notre pays.

Les candidats sortants veulent faire une campagne courte pour priver les citoyens du débat de fond auquel ils ont droit sur les orientations fondamentales de la politique du pays. Les deux sortants entendent confisquer et confisquent d'ailleurs l'essentiel de l'espace médiatique parce qu'ils entendent bien continuer à confisquer la démocratie. La campagne présidentielle appartient aux citoyens.

Or, en voulant l'écourter, le Janus exécutif sortant veut, en fait, la faire sans eux. Même courte, la campagne des sortants s'annonce détestable : du mauvais théâtre et des coups bas. Des mots et des affaires.

Ce serait indigne de l'attente des citoyens et inacceptable, compte tenu de la situation gravissime du pays qu'on lui cache obstinément.

*

Combien a contrasté, en revanche, ma campagne, menée sur le fond des choses, et précisément sur les dix orientations pour redresser la République que j'ai présentées dans mon discours de Vincennes le 9 septembre dernier !

Quelles que soient les immenses difficultés que je rencontre et qui iront croissant, les résistances opposées par les « Royaumes prébendiers », les attaques et les insinuations des « tontons-flingueurs » de service, je continuerai à porter le débat dans le pays à la rencontre des citoyens.

Je serai à Toulouse le 14 janvier pour parler de l'industrie et de l'environnement, le 16 à Bayonne et à Pau pour parler de la République, et pour traiter des problèmes du commerce, de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises.

Le 22 je serai à Dakar pour parler de l'Afrique. Et le 24 janvier à Besançon, je traiterai de l'égalité hommes-femmes, de la jeunesse, des retraites, de la nécessaire solidarité des générations et de notre politique familiale.

Je m'envolerai ensuite pour le Forum social mondial de Porto Allegre, comme je l'ai déjà fait l'an dernier, pour participer au débat nécessaire sur la manière dont il faut dominer la mondialisation. Car le mouvement anti-mondialisation a avant tout besoin d'approfondir sa réflexion pour se doter des outils théoriques et des moyens politiques de ses ambitions de justice et de démocratie qu'il affirme.

Notre pays est confronté à de graves problèmes : insécurité – risque de terrorisme et de déstabilisation dans le monde arabo-musulman, grosse de risques pour la sécurité des Français – récession, remontée du chômage – délocalisation de nos industries – injustices sociales – avenir de nos retraites et de notre système de protection sociale - fuite en avant dans une Europe à la fois libérale et bureaucratique.

Ce sont ces problèmes concrets dont il est temps que nos concitoyens soient saisis.

Je souhaite qu'en 2002 notre pays choisisse une rupture radicale avec le système du pareil au même, avec la pensée unique qui imprègne les deux partis qui se partagent le pouvoir et qui en réalité n'en forment qu'un seul, que j'appelle parti unique, Président Jacques Chirac, Secrétaire général Lionel Jospin. Certes, ce sont l'un et l'autre d'immenses tacticiens, mais sur l'essentiel, les choix du RPR et les choix du PS sont convergents.

Ils acquiescent à la dure loi de la mondialisation libérale, celle du capitalisme patrimonial selon Alain Minc, à la dictature des actionnaires, aux plans sociaux et à la délocalisation de nos industries.

Ils prônent ensemble une Constitution européenne sans nous dire ce que deviendra la Constitution française et par conséquent la démocratie. Pour cela, Jacques Chirac et Lionel Jospin ont désigné ensemble le même sherpa : Valéry Giscard d'Estaing, désormais au pied de l'Himalaya.

Les candidats sortants déconstruisent ensemble l'Etat républicain. Ils effacent les repères. A l'extérieur ils ont mis la France en roue libre, aux abonnés absents. Il leur arrive de le dire eux-mêmes : il n'y a pas, entre eux, « l'épaisseur d'une virgule ». Ils travaillent la main dans la main, quand ce n'est pas la main sur l'épaule, instant fugitif saisi par le talent d'un photographe, mais qui en dit plus long que bien des discours.

Aucune des décisions majeures que le gouvernement de la France a été amené à prendre depuis cinq ans -et à tout bien penser, au moins depuis le traité de Maastricht- ne les a jamais séparés. Le vide désolant d'une vision sans perspective les rend de plus en plus interchangeables. Entre celui qui s'est empressé d'oublier la fracture sociale derrière lui et celui qui laisse alourdir la facture sociale devant lui, la différence de fond est de l'ordre du courant d'air. La gauche et la droite ne peuvent retrouver leur sens dans l'esprit des Français et avec lui le débat politique que dans une reprise de possession collective de la République, c'est-à-dire de la conscience du bien commun, de l'intérêt général et de la responsabilité partagée des citoyens pour en débattre et en décider. Je m'efforcerai de faire en sorte que la campagne présidentielle soit une heure de vérité : c'est le sens d'une campagne que je compte bien mener à la victoire. Ma candidature, qui suscitait l'ironie il y a quatre mois, donne aujourd'hui aux Français l'occasion d'un vrai choix et non pas d'un choix du pareil au même.



II – Relever l'Etat républicain.

A) Le retour de la République.

Depuis que j'ai annoncé ma candidature le 4 septembre dernier, un spectre hante la vie politique française, c'est le spectre de la République. Il tourmente les deux candidats sortants au point que, déjà, la République est devenue le « mot-valise » de la campagne.

Devant le Congrès de l'AMF ou dans ses vœux, le Chef de l'Etat ne cesse d'évoquer la nécessité d'un Etat fort, l'intérêt général, la règle et l'idéal républicain.

Le Parti Socialiste veut, dit-il, « démocratiser la République » alors que notre démocratie souffre surtout, selon moi, d'une absence de République et d'abord du sens républicain de l'Etat chez les dirigeants, et par ailleurs d'une grave crise de la citoyenneté.

Ainsi l'explosion des revendications catégorielles traduit-elle une profonde carence de l'Etat qui semble désormais incapable d'anticiper, de préparer le long terme et de faire régner une justice sociale élémentaire.

Souvenez-vous : Tout a commencé avec les infirmières parce que les 35 heures ne devaient pas, aux yeux du gouvernement, entraîner de créations d'emplois dans la Fonction Publique.

Les policiers ont suivi parce qu'aucune loi de programmation n'avait prévu, comme je l'avais en vain demandé en 1999, d'accompagner la généralisation de la police de proximité, réforme utile et nécessaire, par la création étalée dans le temps d'emplois de gardiens de la paix.

Puis ce fut le tour des gendarmes qu'on avait oubliés en chemin, avant qu'on entende le Chef d'Etat Major des Armées revendiquer, à juste titre, un effort pour les autres militaires. Un grave désordre s'est ainsi installé dans l'Etat.

Enfin, vinrent les médecins dont les tarifs, comme je l'avais dénoncé à Lyon en septembre dernier, avaient été trop longtemps bloqués. Ces désordres sont le fruit du délitement de l'Etat républicain. Il faut le relever.

*

Parce que j'ai conquis, depuis trois mois, sans contestation possible, la position du seul candidat capable de proposer une alternative et d'inquiéter à la fois Jacques Chirac et Lionel Jospin, ils vont donc tous les deux, dans les semaines qui viennent, jouer à « Plus républicain que moi tu meurs ! ». Je ne doute pas que les Français préfèreront l'original à la copie parce que j'ai su rompre, quand il le fallait, avec le parti unique . Ils savent bien que l'insécurité procède à la fois de la démagogie de la droite et de l'angélisme de la gauche. Plus de politique pénale avec l'indépendance des Parquets ! Jacques Chirac l'a proposé. Lionel Jospin l'a fait. Ensemble, ils avaient juré, à Paris et à Ajaccio de « faire appliquer la loi républicaine, en Corse comme ailleurs sur le territoire national ». « Une loi, un droit ». Et comment donc la dévolution du pouvoir législatif à la Corse aurait-elle pu être engagée sans l'accord implicite du Chef de l'Etat ?

C'est ensemble qu'à Doha ils ont donné le feu vert à un nouveau pas dans la voie d'un libre-échangisme biaisé par les distorsions monétaires, sociales et environnementales, sacrifiant les intérêts de notre agriculture et de ce qui nous reste d'industries textiles.


B) Face à la mondialisation.

En France, plus encore qu'ailleurs en Europe nous assistons à une désindustrialisation accélérée : notre industrie électronique –Philips, Alcatel- déménage. Bientôt ce sera le tour de l'industrie chimique si AZF-Toulouse fait école.

Nos grands groupes sont dans la main des fonds de pension anglo-saxons. Nos PME sont rachetées l'une après l'autre, transformées en comptoirs commerciaux ou tout simplement fermées. Des industries rentables disparaissent, comme Moulinex, parce qu'elles ne le sont pas assez au yeux de leurs actionnaires. La plus grande usine française de mécanique, celle de Belfort, est découpée au chalumeau : nos alternateurs électriques seront désormais fabriqués en Suisse et en Allemagne.

Depuis 1983, la politique industrielle nationale a été laissée en jachère. En vain ai-je pu dire à cette époque qu'il n'y avait pas de vieille industrie mais seulement des technologies dépassées. Après le tissu industriel, ce sera le tour des services, les logiciels par exemple. Aucune politique industrielle n'a pris le relais au niveau européen comme l'a montré l'opposition de la Commission à la fusion Schneider-Legrand.

On ne s'en tirera pas par une indignation factice contre les dirigeants de Michelin, mais par une politique de développement technologique et par une nouvelle alliance entre un Etat réformé, des entreprises citoyennes, qui se souviennent qu'elles appartiennent à la « Maison France » et un monde du travail « conscientisé », motivé et intéressé au développement. On ne s'en tirera pas sans revaloriser le travail, à la fois sa rémunération et la considération qui lui est due.

Les Français n'attendent plus de l'Etat qu'il intervienne partout mais qu'il joue son rôle d'acteur stratégique pour préparer l'avenir et notamment pour garantir les retraites et notre système de protection sociale.

Dans tous les domaines il faudra retrouver le courage de décider en fonction du seul intérêt public et non pas au service des grands intérêts financiers ou de tel ou tel corporatisme. On ne fera pas l'économie de la fermeté en matière de sécurité, ni celle de l'effort en matière économique, ni celle de la justice en matière sociale.



III – L'avenir de l'euro.

La célébration de l'arrivée de l'euro –Jacques Chirac et Lionel Jospin agenouillés devant le nouveau Veau d'Or- dissimule aux Français qu'on les convie aujourd'hui à enterrer un mort dont le décès est survenu il y a deux ans déjà. Depuis le 1er janvier 1999 le franc n'était déjà plus qu'une subdivision de l'euro. Le mérite de la réussite technique de la conversion des billets et des pièces en euros revient d'abord aux transporteurs de fonds, aux forces de sécurité, aux employés de banque et aux commerçants dont je demande à nouveau qu'ils bénéficient d'une déduction de mille euros sur leur TVA pour les dédommager du surcroît du travail qu'ils ont dû assurer.

Mais la réussite technique d'un projet ne valide pas celui-ci au fond. Le pont de la rivière Kwaï était une réussite technique. Je ne m'attarderai pas sur le dérapage des prix -+ 7 % sur la baguette de campagne : 0,90 euro, soit 5,9 Francs au lieu de 5 Francs, ou sur le prix du stationnement + 30 % : 1 euro pour une heure, soit 6,56 Francs au lieu de 5 Francs. Non, j'irai à l'essentiel : l'avenir de l'euro se jouera sur sa capacité ou non à aider l'Europe à conjurer la récession et à plus long terme à sortir de la croissance lente qu'elle connaît depuis 1991, en tout cas par rapport aux Etats-Unis et même au reste du monde. Cela dépendra des taux d'intérêt aujourd'hui plus élevés qu'aux Etats-Unis de 1,5 % et de la politique de change dont on sait qu'elle reflète en réalité les choix des autorités américaines.

C'est une grave blessure infligée à la démocratie que de confier le soin de gérer ce ressort essentiel de l'activité sociale qu'est la monnaie, à une Banque Centrale Européenne indépendante du suffrage universel, et donc hors du contrôle des citoyens. Au point où nous sommes engagés, il ne suffit pas de dire : le vin est tiré, il faut le boire ! Il faut rendre à la politique son dû, et donc donner aux gouvernements qui, eux, sont responsables devant leurs électeurs les mêmes moyens d'intervenir sur les décisions de la Banque Centrale Européenne que ceux dont le Trésor américain dispose à l'égard du Federal Reserve Board. C'est à cette réforme que je consacrerai mes efforts pour que la Banque Centrale serve la croissance et l'emploi.

Sans doute cette réforme des traités ne mettra pas les pays de la zone euro à l'abri des tensions entre des économies et des structures sociales aussi différentes les unes des autres que celles des pays membres. Mais la repolitisation, pour ainsi dire, de la politique monétaire de l'Union permettra au moins à la voix des peuples, par l'intermédiaire de leurs gouvernements élus, de se faire entendre dans le concert des oligarchies financières

Ne nous laissons pas endormir par un confort illusoire. Ne confondons pas l'euro qui n'est qu'un moyen avec un objectif. L'Europe, tragiquement absente dans la vie internationale et dans ce monde dangereux pour notre sécurité, est une tâche devant laquelle je ne rechigne pas car sur le fond je me sens plus européen que les européistes.

a) La France n'a pas aujourd'hui de politique européenne. La fuite en avant dans la rhétorique lui en tient lieu.
b) La politique européenne que je propose doit donner une vraie consistance politique aux institutions de l'Union européenne. Elle doit permettre à l'Histoire de l'Europe de rejoindre sa géographie, sans que cet élargissement ne re-divise un continent réuni depuis la fin de la guerre froide.
c) Il faut donner le droit d'initiative, actuellement monopolisé par la Commission aux gouvernements de l'Union. Fonder la démocratie sur les nations sans cesser d'affirmer l'existence d'un intérêt général européen.
d) Il faut rendre publiques les délibérations du Conseil européen pour construire un espace public de débat commun.
e) Il faut privilégier les coopérations renforcées, en matière monétaire, de développement technologique ou d'ouverture vers le Sud, le Maghreb et l'Afrique notamment.
f) L'idée d'une Europe européenne, associant son Est et son Sud, est l'occasion de refonder un partenariat stratégique franco-allemand dans le XXIème siècle.



IV – L'ouverture vers le Sud.

Je dirai quelques mots sur le monde dangereux dans lequel nous vivons. La lutte contre le terrorisme est une affaire de longue haleine. Elle doit être menée sans concession ni pour le terrorisme ni pour les causes du terrorisme. Je souhaite que les Etats-Unis en 2002 soient capables de prendre les mesures nécessaires pour assurer la transparence des circuits financiers dont l'opacité favorise le terrorisme et la criminalité organisée.

Je souhaite aussi qu'ils prennent le moyen d'assécher le terreau de l'injustice sur lequel a pu prospérer le terrorisme. Je souhaite que 2002 voie la création d'un Etat palestinien viable, seule garantie de la sécurité à laquelle Israël a droit, et la levée de l'embargo sur l'Irak, conflits pendants depuis trop longtemps, qui blessent l'âme musulmane à juste titre et qui devraient blesser la conscience humaine tout entière.

Je viens d'achever une tournée des capitales du Maghreb. Par ce voyage j'entends signifier une claire volonté de réorienter notre politique étrangère vers le Sud et d'abord vers notre Sud le plus proche. Le processus de Barcelone est en panne. A peine le tiers des crédits, d'ailleurs insuffisants, prévus en 1995 a été engagé. Une association de libre échange débouche sur un échange inégal gros de déstabilisations futures. Il est absolument impératif d'ouvrir l'Europe qui s'élargit à l'Est vers le Sud pour que ces pays ne chavirent pas dans une régression intégriste qui serait une catastrophe pour eux mais également pour nous. Pour la France mais aussi pour l'Europe méditerranéenne, il y a là un intérêt vital. Le tropisme de l'Europe vers l'Est doit être rééquilibré par un investissement massif vers le Sud. C'est le rôle de la France. Ainsi nous pourrons donner un contenu concret à l'idée du dialogue des civilisations et éviter que demain la Méditerranée ne devienne un fossé.

Les pays du Sud ont moins besoin de procureurs que de compréhension et de solidarité. Comme le disait déjà Jacques Berque « Nous sommes en présence de sociétés qui sont moins sous-développées que sous-analysées. »

Ajouterai-je que là est aussi l'intérêt de la France ? Je sais évidemment que peu désormais raisonnent à cette aune.

Les temps sont pourtant mûrs pourtant pour que la France à nouveau fasse entendre une voix de raison et de justice. Le général de Gaulle savait par des analyses profondes et justes poser des actes politiques majeurs : je pense au discours de Phnom Penh en 1966 mettant en garde les Etats-Unis contre le risque de l'enlisement au VietNam.

La France connaît le monde arabo-musulman depuis des siècles. Elle a donc un rôle naturel de médiation à jouer pour servir les intérêts de la paix. Il en va aussi de la sécurité de la France et de la sécurité des Français.



IV – La campagne.

A) Le contexte : une fin de cycle.

Nous sommes à la fin d'un cycle historique et politique.

Fin du cycle diplomatique, fin d'une décennie d'illusions où le Nord croyait pouvoir ignorer le Sud ; après les attentats du 11 septembre qui nous obligent à penser l'avenir autrement.
Fin d'un cycle économique avec l'éclatement de la bulle financière il y a un an et la récession aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne.
Fin du cycle idéologique : épuisement de la thématique libéral-libertaire, dominante depuis plus de trente ans et besoin d'un ressourcement dans les valeurs et les principes de la République.
Fin d'un cycle politique : la bipolarité a perdu le sens qu'elle avait il y a vingt ou trente ans. Un système binaire appauvrissant pour le débat ne permet pas de dissimuler l'ère du vide : le Parti Socialiste est redevenu un parti de système récitant des patenôtres et dont le programme ressemble toujours à un couteau sans manche auquel il manque la lame. Quant à Jacques Chirac, il est enfin parvenu à liquider le gaullisme, en le dissolvant dans un parti de droite acquis à une mondialisation sans règle qui méconnaît profondément les intérêts de la nation.

B) Le débat au fond.

J'ai conquis, en quatre mois, autour des « dix propositions fondamentales pour relever la République » que j'ai avancées à Vincennes, et comme je l'avais prévu, cet espace stratégique à partir duquel la victoire est devenue possible. La recette de cette percée n'est pas mystérieuse. Je la confie à M. Bayrou : il faut avoir un message tout simplement. Ne pas se contenter de disputer à Jacques Chirac et à Lionel Jospin la paternité de la monnaie unique.

C'est la voie d'une refondation républicaine que je propose aux Français : la France ne doit pas disparaître avec le franc. Elle a encore un grand rôle à jouer. Le message de la citoyenneté n'est pas désuet.

La République reste une idée neuve, en France, en Europe, et dans le monde. L'avenir n'est pas, comme le proposent les sociaux-libéraux, dans la renonciation à l'effort, dans l'assistanat généralisé, et dans l'oubli des valeurs républicaines et nationales. Il n'est pas davantage dans la résignation, commune à la droite et à la gauche établies, à servir un capitalisme rentier, oublieux aussi bien des intérêts de la nation que de ceux du monde du travail.

Funeste est l'erreur de celui qui, il y a à peine deux ans, prétendait fonder sur une croissance garantie à perpétuité par les nouvelles technologies le retour au plein emploi. La remontée du chômage montre qu'il n'est pas si facile de sceller l'alliance des classes moyennes, des classes populaires et des exclus à l'ombre du capitalisme patrimonial.

Triste est la promesse reniée de « faire en tous domaines retour à la République ».

Les Français verront clair : pour battre Jacques Chirac, fourrier du libéralisme dans le gaullisme, cheval de Troie de la décomposition sociale, c'est Jean-Pierre Chevènement qui est le mieux placé. Oui, je suis le meilleur candidat anti-Chirac.

Pour renverser le déclin, il faut un cap et un capitaine. C'est ce Président que je veux être pour la France.

En dehors des deux sortants et de moi-même, seul capable de rassembler largement, il n'y a que deux catégories de candidats : les trappes à voix et les rabatteurs de voix.

Trappes à voix : Le Pen et Laguiller. Ils stériliseront un potentiel de voix qui voudraient le changement et contribueront ainsi au statu-quo.

Rabatteurs de voix : M. Madelin, ou M. Bayrou qui réclame de Monsieur Chirac « une alliance sincère », ou tel autre que M. Poncelet exhorte publiquement à se porter candidat pour m'enlever des voix.

Et de l'autre côté le candidat vert, plus préoccupé par la contestation antinucléaire que par le beau souci de l'environnement, sans parler du candidat communiste avant tout soucieux, tout comme Noël Mamère, d'apporter des voix à Lionel Jospin.

Robert Hue n'est pas à une contradiction près : dans ses vœux du 8 janvier, il flétrit « la pensée unique et ses dogmes » mais se range dans le système binaire Chirac-Jospin tout en constatant –je cite- que « pour l'essentiel les questions demeurent ».

Il prétend peser sur le parti socialiste pour, sans rire, « mettre un terme à la vague ultralibérale ». Que ne l'a-t-il fait depuis 1997 alors qu'avec trente-quatre députés, le parti communiste fournissait un appoint indispensable à l'ex-majorité plurielle ?

Il est dommage que les dirigeants communistes m'aient laissé seul le soin d'approfondir ce qu'ils appelaient jadis « l'union du peuple de France ».

Ils ont lâché sur la nation ; puis, forcément, sur le social ; et, donc immanquablement, sur l'internationalisme. Tant il est vrai que redonner une voix à la France dans le monde, est le meilleur service qu'on puisse rendre aux peuples qui, un peu partout sur la planète, cherchent à se libérer des injustices.

Evidemment, pour ceux qui croient dur comme fer que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, où « rien n'est plus comme avant », tout cela n'est que nostalgie. C'est ce qu'a insinué à mon endroit Lionel Jospin dans une émission télévisée.

Alors, laissons parler Jean Jaurès : « Je trouve médiocres les hommes qui ne savent pas reconnaître dans le présent la force accumulée des grandeurs du passé et le gage des grandeurs de l'avenir. » (discours pour la laïque, janvier 1910).

Notre peuple a faim d'Histoire, c'est-à-dire de politique. Je souhaite donc aux Français de pouvoir à nouveau en 2002 faire de la politique dignement. C'est la possibilité d'une véritable alternative que, seul entre tous, je leur offre.

Il suffit que j'atteigne en mars la barre des 15 % et que l'un ou l'autre des sortants voire les deux, descendent en-dessous de la barre des 20%, pour que le système tout entier entre en turbulence.

Alors les Français auront un véritable choix.

Comme Mendès France, je leur propose de préparer les « révolutions légales » nécessaires à la France.

Le 26 avril prochain sera le 1er floréal de l'an 210 de la République. Ce jour-là il n'y aura pas de prime aux sortants. La cohabitation les a usés. L'affiche n'est plus attractive. Même la crise internationale n'a pas profité à Jacques Chirac.

En votant pour moi les Français voteront contre l'Etat RPR et contre l'Etat PS. Ils voteront pour un profond renouvellement de notre démocratie, qu'il s'agisse des hommes ou des idées : cela va ensemble. Je forme le vœu que nous revenions à une conception saine de la Vème République : non pas une Présidence absolue mais un Président qui garantisse, en tous domaines, le retour aux principes et aux valeurs de la République.


lapinchien

6.

Le Pôle républicain en marche.

Ainsi vous voilà rassemblés, venus de tous les départements de la métropole et de l'Outre-Mer, rassemblés dans votre diversité mais, comme l'ont montré tous les intervenants qui se sont succédés à la tribune, rassemblés sur la République, rassemblés sur la France. Vous êtes venus de tous les départements de métropole et de l'Outre-Mer pour cette rencontre de travail, mais aussi pour ce moment intense de mobilisation. Présidents, coordonnateurs ou animateurs des comités de soutien, jeunes de Génération République et d'Agir pour la Citoyenneté, vous incarnez tous, dans la diversité de vos origines, de vos engagements, de vos parcours, la force de la France.

Depuis déjà plusieurs mois, vous travaillez dans vos départements au rassemblement le plus large autour des propositions que j'ai formulées à Vincennes le 9 septembre. Votre dynamisme, votre engagement, votre créativité constituent pour moi des encouragements précieux, sachez le bien. Vous êtes le cœur battant de la France.

Je vous l'ai dit à Vincennes le 9 septembre dernier : « Dans toute bataille, il y a un espace stratégique à occuper. Si grâce à tous ceux qui me font confiance, je peux occuper cet espace dans les semaines qui viennent, alors je gagnerai la bataille »

Eh bien ce pari a été gagné et je suis le seul aujourd'hui qui soit en capacité de battre les deux sortants, parce qu'il s'est créé dans tout le pays une dynamique qui continue de s'enfler et parce que je dispose de réserves considérables chez tous nos concitoyens, de droite ou de gauche, dont les yeux sont en train de se dessiller.

C'est donc vous et l'armée de ceux qui me font confiance qui détenez les clés de l'élection. De ce moment, à partir de ce lieu dont le nom évoque le sursaut de la Défense nationale, commence la marche qui doit nous conduire à la victoire. C'est le moment de lancer notre deuxième offensive, l'offensive d'hiver, celle qui doit nous conduire d'ici le printemps prochain à faire turbuler le système que j'appelle du pareil au même. Ce pari n'est pas plus osé que le précédent.

Il dépend de vous de m'aider à le relever.

Alors les Français verront qu'ils ont un véritable choix. Ce sera le moment de l'offensive finale, de l'offensive victorieuse.

*

Mais d'ici là il nous faudra encore vaincre bien des obstacles.

Les deux sortants, candidats non candidats, ont entre eux un pacte d'acier : il ne faut surtout pas qu'un troisième puisse surgir pour perturber le jeu. Ils occupent l'espace médiatique du haut de leur position institutionnelle. Depuis trois semaines, ils nous assomment de leurs vœux. Leurs poulains ont reçu mission de remplir les interstices laissés libres pour amuser la galerie avant que, le plus tard possible, eux-mêmes ne se déclarent. Bref, ils veulent confisquer la démocratie à leur profit et priver les Français d'un débat ô combien légitime, à la veille d'une élection présidentielle qui va fixer pour cinq ans les orientations du pays et peut-être sceller son destin.

Les Français ont droit à une campagne digne, sur le fond des choses, sur l'avenir de notre République, sur l'Ecole, sur la sécurité, sur la manière d'assurer l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, sur l'avenir de nos retraites et de notre système de santé et de protection sociale. De tous ces débats nos concitoyens ne doivent pas être frustrés. J'appelle donc à un immense sursaut civique. Je demande à Monsieur Baudis de rendre publiques les règles qu'il entend faire appliquer pour que la campagne présidentielle se déroule entre candidats, à la loyale et non pas à travers le trompe-l'œil et les artifices de décomptes trompeurs accordant aux deux sortants le privilège exorbitant d'emplir eux ou leurs affidés tout l'espace du débat. Et cela alors que sur l'essentiel, il n'y a pas entre eux l'épaisseur d'une virgule, mais simplement le banal conflit de deux royaumes prébendiers, l'Etat RPR d'un côté, l'Etat PS de l'autre, fondamentalement d'accord pour confisquer le pouvoir, pour s'y relayer, et le cas échéant se le partager. C'est cela qu'il nous faut faire sauter.

L'élection présidentielle ne se ramène pas à choisir un supposé moindre mal dans un océan d'indifférence et d'abstention. C'est l'élection directrice. C'est le moment des grands choix, le moment privilégié où chaque citoyenne, chaque citoyen peut fixer un cap à la nation. L'élection présidentielle appartient aux Français et à eux seuls !

C'est pour cela que le Pôle républicain s'est constitué : pour déverrouiller le débat dans le pays et pour libérer l'expression de la volonté du peuple, sur le terrain d'abord, avant qu'elle ne le soit demain dans les urnes.

*

Nous n'avons pas la puissante machine du RPR et du PS qui drainent vers eux l'essentiel des financements, y compris légaux.

C'est pour briser leur étau que nous avons constitué ce Pôle républicain, ce rassemblement de femmes et d'hommes de sensibilités diverses qui ne cessera de s'étendre et de se renforcer au fil des semaines à venir. Chacun a fait un long parcours dont je lui sais gré.

A aucun je ne demande de renier ses valeurs ni les choix qu'il a faits dans le passé, car je mesure l'immense richesse qu'ensemble nous représentons : tous, nous savons qu'au-dessus de la droite et au-dessus de la gauche, il y a la République.

Dans ce Pôle républicain, il y a ceux qui viennent de la gauche de la gauche, ceux qui viennent du parti communiste, et qui savent bien que pour relever le défi de la mondialisation libérale, nous avons besoin de la nation, nous avons besoin de cet outil de la volonté populaire qui se nomme l'Etat. Ensemble, nous allons renouer les noces du monde du travail et de la nation, celles qui ont toujours porté la France au plus haut et l'ont tirée de l'ornière, quand elle y était enfoncée.

Il y a les socialistes qui communient dans l'esprit de Jaurès, ce magnifique synthétiseur du socialisme et de la République, et qui ne veulent plus servir de béquille à un système épuisé. Il y a les militants et les élus du Mouvement des Citoyens, dont je salue le Président Georges Sarre, sans lequel rien n'aurait été possible et qui ont su ouvrir grandes les portes et les fenêtres et mettre toute leur énergie dans la bataille.

Il y a les radicaux et les républicains qui, fidèles à l'héritage de Mendès France et à l'inspiration des grands fondateurs, Gambetta et Clémenceau, n'ont jamais désespéré de la capacité d'une République moderne à relever les défis de l'avenir.

Il y a ceux qui ont vibré à l'appel du général de Gaulle et qui sont très nombreux à rejoindre le combat que j'ai entrepris pour le redressement de la République et pour la liberté de la France. Ils savent bien où est aujourd'hui l'esprit de la France libre. Ils savent que les soi-disant héritiers du gaullisme ont, derrière Jacques Chirac, foulé aux pieds son héritage, ne songeant plus désormais qu'à fonder un grand parti libéral-mondialiste. L'épopée du 18 juin sert de marchepied à Nicolas Sarkozy ! L'or est changé en plomb.

Il y a les souverainistes qui font découler à juste titre de la souveraineté nationale la capacité de la France à rester une démocratie.

Et puis il y a tout simplement les démocrates, très nombreux eux aussi, qui veulent à nouveau pouvoir faire de la politique dignement.

On me reproche stupidement de renvoyer la droite et la gauche aux oubliettes de l'histoire. Ce que je renvoie aux oubliettes, c'est ce que la droite et la gauche sont devenues dans les hommes et les partis qui prétendent les incarner. Une droite crispée sur le privilège des rentiers et l'individualisme le plus féroce, une droite que le sens de l'intérêt national, l'esprit de dévouement ont totalement désertée, une droite qui se confond avec la logique de la mondialisation libérale ; une gauche confite dans l'éternel veuvage de ses générosités révolues, sorte de radotage interminable et tous azimuts du principe de précaution, qui, après avoir esquissé le geste de lever le petit doigt contre l'injustice sociale, s'empresse au nom de ce même principe de se couper la main, de peur de la laisser entre l'arbre et l'écorce.

Je n'ai jamais prétendu, comme je l'entends dire ici ou là, que la gauche et la droite allaient disparaître. Je ne suis pas le candidat « ni gauche ni droite ». On ne peut décemment me confondre avec Antoine Waetcher ! Ce qui est vrai, c'est que j'inquiète à droite et à gauche les Etats-Majors des deux partis dominants qui confisquent depuis si longtemps le pouvoir.

J'inquiète parce que je dis qui ils sont :

Dois-je rappeler que Jacques Chirac, jadis, a installé Giscard d'Estaing au pouvoir avant de le faire battre et qu'il a toujours sacrifié le fond, c'est-à-dire l'intérêt du pays à son ambition, ainsi en faisant approuver le traité de Maastricht en 1992 pour pouvoir recueillir en 1995 les voix de l'UDF ? et qu'à peine élu, il à tourné le dos à son engagement de réduire la fracture sociale, provoquant en retour la colère et la juste sanction du pays ?

Et qui, sinon Jacques Chirac, s'est installé dans une cohabitation qui a abaissé comme jamais la fonction présidentielle ?

Faut-il aussi rappeler que Lionel Jospin, Premier Secrétaire du Parti Socialiste en 1983, a alors déclaré ouverte une parenthèse libérale qu'il n'a jamais cherché ensuite à refermer, tournant le dos aux engagements pris devant le peuple français –d'abord l'emploi !- et cautionnant ensuite tous les choix -Traité de Maastricht, privatisations et mise à mal des services publics- qui ont installé une « dictature de l'actionnariat » qu'il ne fustige qu'en paroles.

Chacun sait que la croissance revenue de 1997 à 2000 doit autant à Lionel Jospin que le lever du soleil à Chanteclerc.

Le bilan de Chirac est nul mais celui de Lionel Jospin devient de plus en plus mauvais au fur et à mesure que le temps passe. Aucun des deux n'a pris la mesure des défis auxquels la France doit répondre dans les temps qui viennent. Aucun ne porte une vision pour notre pays. Certes ils naviguent mais ils sont armés pour le cabotage et non pour le grand large !

Oui, je vous le demande, quel sens, au-delà des habitudes, des étiquettes, des souvenirs, quel sens actuel, actif, exigeant ces mots de droite et de gauche évoquent-ils encore pour le plus grand nombre, les simples gens qui ont pris l'habitude de voir se succéder, à la télévision et à la tête de l'Etat, ces figures interchangeables d'une droite qui a oublié la nation et d'une gauche qui a oublié le peuple ?

Alors mettons bas quelques masques et dénonçons le grand théâtre des clivages obsolètes. Depuis 1983, les élites de ce pays qu'elles soient étiquetées à gauche ou à droite ont été solidaires et co-responsables de tous les grands choix structurants qui nous ont amenés là où nous en sommes, en queue de peloton.

Jospin et Chirac ont soutenu le franc fort, le traité de Maastricht, le bradage des services publics, la déréglementation, l'expédition militaro-pétrolière de M. Bush père en Irak, qui se voulait fondatrice d'un nouvel ordre mondial et qui débouche sur le désordre et la fureur des intégrismes. Ensemble ils ont soutenu un libre-échangisme débridé, le traité d'Amsterdam, le traité de Nice, l'intervention comme supplétif en ex-Yougoslavie, la mise en place de multiples autorités indépendantes dans tous les domaines pour se défausser de leurs responsabilités politiques.

Jacques Chirac a proposé l'indépendance des Parquets. Lionel Jospin l'a réalisée. Jacques Chirac a décidé la fin de la conscription et la constitution d'une petite armée de métier transformée en corps expéditionnaire, Jospin l'a mise en œuvre. Lionel Jospin a retourné à 180° sa politique en Corse, Jacques Chirac s'est réfugié dans un trou de souris, attendant du Conseil constitutionnel qu'il le remplace comme garant des institutions.

La réalité, c'est que nos deux Gullivers, empêtrés dans le carcan maastrichien, qu'ils ont confectionné ensemble, deviennent des nains en termes de propositions. Ils ne se sont donné aucune marge de manœuvre et sont donc condamnés à faire du pareil au même. Plus leur plan de communication est imposant, plus leur programme est mince et en fait interchangeable.

En regard, quel magnifique élan que celui du Pôle républicain !

Deux convictions, nous réunissent ici aujourd'hui : notre attachement aux valeurs fondatrices de nos Républiques et le sentiment angoissant que ces valeurs sont gravement mises en péril, très gravement, comme au temps les plus émouvants de notre Histoire. Ces valeurs sont pourtant plus nécessaires et plus vitales que jamais. Non seulement elles sont modernes, mais elles sont seules à porter un avenir digne de ce nom. Car elles seules sont en mesure d'assurer encore un minimum de justice, d'égalité des droits et des devoirs, de cohésion nationale fraternelle, en ce monde secoué et dévasté par une mondialisation financière aveugle et sourde aux droits élémentaires de ses innombrables victimes, à leurs souffrances, à leurs misères.

La force de la France tient aux valeurs de la République. C'est en nous appuyant sur elles que nous ouvrirons les portes de l'avenir. Loin de nous ramener aux temps d'un passé révolu, comme tentent de le faire accroire les serviteurs du désordre établi, c'est au renouveau de la conscience civique et au renouveau de la France que nous appelle l'exigence républicaine.

C'est en elle-même que la France trouvera la force de rompre avec le déclin que symbolisent également l'un et l'autre des sortants.

Ces convictions font plus que nous réunir : elles nous unissent ! Elles nous soudent ! C'est cela qu'on appelle « le Pôle républicain » ! Un pôle attire, un pôle aimante, il doit maintenant mobiliser de plus en plus de citoyennes et de citoyens, à qui nous allons, dans les mois qui viennent, ouvrir les yeux. Donnons leur des arguments afin qu'ils résistent aux mensonges, aux désinformations en tous genres, voire aux calomnies concoctées dans le secret d'officines à la botte de ces gens et de ces intérêts qui sont prêts à liquider ou à entériner la liquidation de notre nation, mais à qui notre constante progression dans le cœur et la confiance de notre peuple cause de plus en plus de soucis.

Car, le moins qu'on puisse dire, c'est que ces idées de Nation et de République les gênent ! Et on les comprend !

Tandis qu'ils s'apprêtent à instaurer les lois de leurs jungles et laissent s'installer une anarchie contrôlée via les particules dites communautaires, tandis qu'ils cherchent à dépouiller le peuple de son droit souverain de faire la loi seule capable de nous protéger des injustices et des inégalités, nous, au contraire, nous nous sommes rassemblés pour faire vivre les valeurs universelles de la République.

Ainsi que je l'avais déclaré le 3 octobre 2001 à l'Assemblée Nationale, « ces valeurs : souveraineté populaire et citoyenneté, liberté de pensée, laïcité, droit au travail, égalité, ces valeurs seules permettront de dominer les fureurs des intégrismes et des communautarismes et de tracer le chemin semé d'embûches d'une fraternité humaine toujours à construire ». C'est cela notre République à nous, c'est pourquoi elle dérange tant, c'est pourquoi elle se distingue tellement de leur République à eux, celle dont, un peu partout, on se réclame hypocritement : ah, Chevènement aurait-il le monopole de la République ? Ah, ne sommes-nous pas des républicains ?

Ils me font penser à certains fidèles de telle ou telle religion : ils sont républicains, bien sûr, mais ils ne pratiquent pas ! Notre République à nous, celle qui nous unit dans ce Pôle républicain qui rassemble et rassemblera de plus en plus, eh bien, elle leur fait peur ! Ils sont républicains au défilé des Champs-Elysées une fois par an, comme on va communier à Pâques ou entendre la messe de minuit ! Leur liberté à eux, c'est de faire, pardonnez-moi le mot, mais ici il est indiqué, leur « business » comme ils l'entendent, leur égalité à eux porte soudain un nouveau nom : l'équité, et leur fraternité consiste à considérer comme inéluctable ce qu'ils appellent un « volant incompressible » de chômeurs, qu'ils aideront, comme au XIXème siècle, au temps de la Comtesse de Ségur, quand les dames d'œuvre faisaient la charité ! Les voilà, ces républicains, modernes disent-ils, tous soumis à cette fameuse et si triste, j'ajouterais si déshonorante, « pensée unique », les voilà pleins de mauvaise conscience et pour cela souvent pleins de haine à notre encontre.

Nous sommes en effet chaque jour coupables de leur rappeler par nos paroles et par nos actes qu'ils doivent tout à la vraie République, qu'ils la répudient honteusement, par cupidité ou lâcheté, ou les deux à la fois, oui, de cela, nous sommes coupables, coupables de nous battre pour des valeurs que la France a apportées au monde, qui, lui, ne l'a pas oublié ! Souvenons-nous de la Déclaration des droits de l'homme, du discours du général de Gaulle à Pnom-Penh ! Voulez-vous me le dire : ces actes sont-ils devenus archaïques et conservateurs aujourd'hui ? Demandez-le donc aux chômeurs balancés comme des briquets jetables, demandez-le donc à ces milliards d'hommes, de femmes, d'enfants qui vivent au-dessous de ce qu'une expression douteuse désigne comme le « seuil de pauvreté », ou alors, simplement dans la misère, comme des bêtes, fouillant des ordures ! Certes, nous ne résoudrons pas nous seuls, et d'un coup, ces problèmes. Mais nous ne nous laisserons pas caricaturer par des lâches, des snobinards, des politiciens à bout de souffle suivis par des cohortes d'arrivistes prétentieux.

Qu'ils mordent, eh bien mordez-les aussi. Ne vous laissez pas démonter par les insinuations et les ragots mensongers.

Ainsi, certains, non sans quelque malignité, répandent la fable qu'en politique ma posture préférée serait la position du démissionnaire. Ce refrain que chante aussi Le Pen donne une signification équivoque à des choix parfaitement clairs et que j'assume entièrement.

On peut démissionner parce qu'on est las de l'action politique, parce qu'on ne se sent plus la possibilité ou la force de faire bouger les hommes et les choses. Ce fut par exemple le cas de Lionel Jospin lorsque, en 1993, ne disposant d'aucun mandat, d'aucun appui, d'aucune ouverture, il avait pris la ferme résolution, finalement provisoire, de renoncer à la vie publique.

On peut démissionner lorsque l'on estime n'être pas à la seule place qui vous convienne, c'est-à-dire la première, en somme quand on ne rêve que d'être calife à la place du calife, comme dans la bande dessinée. Ce fut le cas du grand Vizir Iznogoud, autrement dit de Jacques Chirac, lorsque en 1976 il estima que le poste de Premier ministre n'était pas taillé à sa mesure et qu'il fit don de sa personne au RPR. C'était il y a vingt-six ans et rien, par la suite, ni cas de conscience, ni reniement, ni faute politique majeure, ni même implication dans des dossiers judiciaire, ne l'a amené à renouveler ce geste orgueilleux et apparemment honorable. C'est qu'il ne lui avait été dicté comme la dissolution de 1997 ou la réduction à cinq ans du mandat présidentiel que par des raisons de convenance personnelle.

Pour ma part, je n'ai jamais considéré comme humiliant et comme au-dessous de ma dignité d'être ministre de la République. J'en ai accepté avec les honneurs les obligations et les servitudes qui en sont aussi la grandeur. Si j'y ai renoncé à trois reprises, c'est parce que je me voyais dans l'impossibilité de faire prévaloir sur des choix que j'estimais erronés ce qui me semblait être la politique de l'intérêt national et qui répondait d'ailleurs à l'engagement initial des gouvernements auxquels je participais : « D'abord l'emploi » en 1981. L'indépendance nationale en 1990, l'autorité de la loi égale pour tous sur tout le territoire de la République en 2000. Dès lors que la poursuite de ma mission devenait incompatible avec mes analyses, avec mes convictions et avec l'idée que je me fais de la République, j'en ai tiré les conséquences. Ce type de décision et cette sorte de démission ne constituent ni un renoncement ni une abdication, mais un acte politique et positif que j'ai assumé devant le suffrage universel.

Donnez-moi les moyens de conduire la politique que je crois bonne pour la France, je ne m'arrêterai pas, croyez-le, à mi-chemin.

Les mêmes qui critiquent mes démissions soulignent aussi ma participation pendant près de dix ans à plusieurs gouvernements. Ah si Chevènement n'avait aucune expérience gouvernementale, ce serait sans doute plus simple ! Cette expérience, indispensable pour prétendre exercer la magistrature suprême, je la revendique. Je me suis toujours efforcé de servir au mieux mon pays, sans jamais faire de concession majeure par rapport à mes engagements fondamentaux. Ma boussole, ce sera demain comme hier, pour vous et avec vous, la République.

Oui, j'appelle les citoyennes et citoyens français à résister à ces forces qui veulent avaler tous les progrès, toutes les conquêtes, toutes les lumières qui ont engendré une Nation libre, forgé les valeurs républicaines universelles que vous soutenez, en me soutenant.

La France doit reprendre confiance en elle-même. Il faudra réapprendre aux citoyens à faire de la politique avec des arguments, leur parler non le langage de la démagogie, mais celui de la responsabilité. Nous en avons assez de la sondagite et de la bougite qui sont les deux mamelles de la nouvelle gouvernance. Gouverner, c'est fournir des repères, traiter les Français en adultes, exercer en tous domaines une pédagogie républicaine, apprendre à écouter, mais aussi savoir décider en fonction de l'intérêt public, sans hésiter, quand il le faut, à saisir le peuple afin qu'il tranche, par la voie du référendum, sur des sujets essentiels. C'est ainsi qu'on relèvera le citoyen et que nous réinstituerons la République.

*

Je ne vous demande pas un ralliement aveugle mais un engagement de toutes vos forces pour refuser l'euthanasie de la nation et pour choisir avec moi la voie du salut public.



Mon projet pour relever la République.

Le Pôle républicain qui prend corps aujourd'hui est réuni par un projet. J'en ai exposé, dès le 9 septembre à Vincennes, les dix grandes orientations, en commençant par la première de toutes : l'affirmation des valeurs de la République par des femmes et des hommes intègres et désintéressés. Il y a dans notre pays un immense besoin de valeurs et de sens. C'est pourquoi, en tous domaines, j'entends fonder mon action sur des principes.

A) Plus le monde change, plus la réalité est complexe, plus les sciences et techniques évoluent rapidement, et plus nous avons besoin de principes clairs pour agir et décider.

1. L'autorité de la loi, égale pour tous, est à refonder. L'invraisemblable projet d'adapter la loi –c'est à dire de la changer- selon que l'on se trouve à Ajaccio ou à Dunkerque vient de tourner court. Mais il est attristant de devoir attendre pour cela la censure du Conseil constitutionnel. Lionel Jospin a voulu cette violation de notre texte fondamental ; Jacques Chirac l'a laissé faire. Car la Corse ne les intéresse pas. Ce qui les intéresse c'est le pouvoir. Le pouvoir pour le pouvoir.

Eh bien le débat qui intéressera les Français, ce n'est pas de savoir s'il faut choisir l'auteur de cette faute, ou celui qui l'a laissé commettre. C'est d'élire un Président garant de l'intégrité des principes républicains.

Le désordre s'installe dans l'Etat quand les policiers puis les gendarmes se trouvent dans la rue, après les infirmières et avant les médecins, parce que l'Etat s'est révélé incapable d'anticiper et de prévoir les effets des 35 heures, les nécessités de la sécurité ou l'avenir de notre système de santé.

Le cri du juge Halphen, nous dit la crise de la justice, reflet d'une crise profonde de l'Etat. Car de cette crise de la justice, le chef de l'Etat est directement responsable : dévaluant sa fonction, laissant prise au doute, refusant que la clarté se fasse autour des mises en cause dont il est l'objet. Quant à la folle entreprise de rendre les Parquets indépendants de tout contrôle, d'instituer deux cents politiques pénales indépendantes dans le pays, c'est Jacques Chirac qui l'avait proposée, mais c'est Lionel Jospin qu'il l'a mise en œuvre. Il n'est qu'une seule réponse à cette crise : le chef de l'Etat, que notre Constitution fait premier magistrat du pays, doit être au-dessus de tout soupçon, et fondé, de ce fait, à impulser les réformes dont notre justice a besoin.


2. La République lie indissolublement la souveraineté populaire et la démocratie. Le Peuple français peut déléguer des compétences, à la condition qu'elles soient démocratiquement contrôlées. Mais il ne peut déléguer sa souveraineté, sauf à se dissoudre. Il faut en finir avec l'expertocratie. Quand il s'agit de l'avenir de l'Union européenne, les Français ont vu les prétendus rivaux de l'exécutif confier de concert à une « convention » non élue le soin d'en débattre, et sa présidence à M. Giscard d'Estaing, dernier enfant nouveau né de la cohabitation.

Je m'engage solennellement si je suis élu Président de la République à saisir le peuple français des résultats de la Conférence Intergouvernementale prévue en 2004 et dont Jacques Chirac et Lionel Jospin ont déjà accepté par avance qu'elle réduise la France à n'être plus qu'une région dans un ensemble où elle s'effacera.

Nous ne voulons pas que la France disparaisse avec le franc et elle ne disparaîtra pas !

3. La citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de devoirs, est capable de faire de chacun de nous un acteur de sa nation et du monde. C'est un horizon mille fois plus enthousiasmant que l'invitation générale à la résignation devant une mondialisation financière incontrôlée.

4. La responsabilité. Face à la loi de la jungle, notre peuple a le droit d'être protégé. Quand les exigences insensées des gestionnaires de fonds de pension, imposant des retours de 15% alors que la croissance n'atteint pas 2,5%, aboutissent à des licenciements massifs, l'Etat a son mot à dire. Il ne peut pas se mettre aux abonnés absents, comme la loi dite de « modernisation sociale » l'a entériné -démission de l'Etat des grands dossiers industriels et judiciarisation de la vie économique-, au prix de quelques concessions provisoires de vocabulaire faites à Robert Hue, bien vite censurées par le Conseil constitutionnel. C'est le règne de la défausse ! Il n'est pas sain qu'un gouvernement fasse voter un texte contraire à la Constitution pour dorer la pilule aux amis de Robert Hue ou de Jean-Guy Talamoni. L'autorité de l'Etat s'affaiblit dans ces marchés de dupes. Il est urgent de la relever en réinventant le principe de responsabilité.


B) Ce n'est pas seulement sur des principes que vous avez choisi de vous réunir mais aussi sur des propositions concrètes.

Réhabiliter la valeur du travail, mobiliser tous nos atouts, fixer ses missions à l'école, garantir l'avenir des régimes de retraites et de protection sociale, défendre ceux qui vivent de leur travail des logiques prédatrices de la mondialisation libérale : voilà un projet fidèle aux valeurs qui ont éclairé le mouvement ouvrier.

La tâche la plus urgente, après le 5 mai, sera de mettre un terme au désordre qui s'est installé dans l'Etat et de rétablir le droit pour tous nos concitoyens, à commencer par les plus modestes, à vivre en sécurité.

La politique d'accès à la citoyenneté que j'avais initiée et qui s'est enlisée sera vigoureusement relancée.

L'action pour faire reculer la délinquance des mineurs dont l'impunité choque nos concitoyens, reposera sur la réforme nécessaire de l'ordonnance de 1945 et sur la création de centres de retenue accueillant les jeunes délinquants multirécidivistes en péril.

La politique pénale sera unifiée sur tout le territoire. Le gouvernement, cessant la pratique de la défausse, prendra ses responsabilités : les instructions du Garde des Sceaux aux parquets seront publiques. Une loi de programmation pour la police et la justice sera mise aussitôt en chantier. Le service de l'intérêt public sera la boussole guidant l'action des différentes institutions chargées de veiller à la sécurité de nos concitoyens. Elles devront travailler dans le même sens et cesser de s'opposer l'une à l'autre.

La loi républicaine sera partout appliquée fermement. Nous ne tolèrerons ni le racisme anti-arabe ou anti-musulman ni la judéophobie renaissante.

Rien ne sera plus nécessaire à l'Education nationale, que de mettre un terme au bougisme, de remplacer la réformiste par une véritable refondation.

Les aventures irresponsables qui s'appellent le recrutement régional des maîtres, la mise en concurrence des établissements, ou encore le pouvoir de recrutement donné aux chefs d'établissements seront closes. L'unité de l'Ecole sera affermie pour mieux faire face à la fragmentation de la société.

Les grandes missions que la République confie à l'Ecole, la transmission des savoirs et des valeurs, la formation des futurs citoyens seront rappelées avec clarté. L'accent mis sur les apprentissages fondamentaux, la réorganisation des collèges, la formation des enseignants, l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'éducation civique seront les priorités de la politique éducative.

Je mettrai en chantier sans tarder la politique qui permettra à des jeunes étudiants recrutés sur concours d'être rémunérés durant leurs études –sur le modèle des anciens IPES - à condition de servir l'Etat ou le service public durant dix ans.

Pour revaloriser le travail et sa rémunération, je demanderai au gouvernement de planifier durant cinq ans une augmentation de 25% du SMIC, qui sera permise par des allègements de charges et par l'assouplissement des contraintes excessives liées aux trente-cinq heures. L'objectif sera d'améliorer la feuille de paie, c'est-à-dire le salaire direct.

Une conférence nationale des salaires sera convoquée pour examiner les minima de branche et les grilles salariales. Il s'agira de préparer aussi la construction de véritables carrières professionnelles dans les entreprises. Il est temps de remettre le monde du travail au cœur de la société, de moderniser vraiment les relations sociales, d'aider au renforcement des syndicats qui devront disposer d'un financement public garanti par leur représentativité aux élections de délégués du personnel.

C'est par le travail et la croissance que nous garantirons l'avenir des régimes de retraites, mais aussi par une politique familiale active encourageant la relève des générations. J'engagerai donc sans tarder la grande concertation qui doit présider à la réforme des régimes de retraites, en fixant sans ambiguïté le cap : le principe de la répartition ne sera pas mis en cause. Mais les possibilités de lier pour tous l'âge de départ en retraite à la durée d'activité, de créer des retraites progressives, seront posées sur la table des négociations.

Notre système de santé et de protection sociale doit être repensé dans la durée et dans son ensemble.

En matière familiale, j'inviterai à financer par l'excédent de la branche famille un effort exceptionnel visant à augmenter de moitié en cinq ans le nombre de places en crèches et celui des assistantes maternelles, et je mettrai un terme à la dépréciation aussi constante que navrante des allocations familiales.

Je ferai en sorte qu'un plan d'ensemble soit élaboré pour réduire les écarts de rémunération inacceptables qui perdurent entre les hommes et les femmes dont le niveau de formation est pour le moins équivalent.

Des réductions d'impôts choisies avec discernement aideront à stimuler l'activité. Je veillerai ainsi au passage rapide au taux réduit de TVA dans la restauration, locomotive de l'agriculture, de la viticulture, du tourisme et d'un art de vivre à la française.

Je ferai prendre en faveur des PME, des artisans et des commerçants, des mesures analogues à ce qu'est aux Etats-Unis le « Small Business Act », une législation favorisant la création, le développement et la transmission des entreprises de petite taille, par un accès facilité au crédit, aux marchés publics, par une meilleure formation et par une fiscalité incitative.

Au lieu d'attendre la reprise venue d'Amérique, j'organiserai la mobilisation de tous les facteurs de croissance économique. On ne doit empêcher personne de travailler, bien au contraire ! Priorité à la réinsertion des chômeurs ! Les femmes, elles aussi, doivent pouvoir concilier mieux leur légitime aspiration à une activité professionnelle avec leur vie personnelle et familiale.

Pour obtenir une politique d'argent à bon marché et le maintien d'un change compétitif, j'entends intervenir sans délai auprès de nos partenaires de la zone euro, en tout premier lieu auprès de l'Allemagne : l'Europe doit prendre sa part de responsabilité dans la lutte mondiale contre la récession. A cette fin, je proposerai avec force, de modifier les statuts aujourd'hui dépassés de la Banque centrale européenne pour inscrire dans ses missions le soutien à la croissance et à l'emploi, et non la seule lutte contre l'inflation. Au sein du Conseil, l'Eurogroupe devra piloter les efforts coordonnés de relance et assouplir le pacte de stabilité budgétaire pour mener, de concert avec les Etats-Unis, une véritable politique contracyclique.

Améliorer l'environnement des entreprises suppose des services publics modernisés et de qualité. Je mettrai un terme à la dilution dont ils sont l'objet du fait d'un dogmatisme libéral à courte vue, en utilisant les moyens à la disposition de la France, pour obtenir des clauses dérogatoires permettant de préserver l'avenir de nos grands opérateurs publics. Des emprunts européens multi-émetteurs doivent permettre de moderniser les infrastructures : fret ferroviaire, voie d'eau, liaisons TGV, réseaux à haut débit. Disposer d'une énergie abondante, à bon marché et non polluante exige de préparer immédiatement la relève de notre parc de centrales par des réacteurs de nouvelle génération. C'est l'intérêt de la France et celui de l'humanité car c'est le meilleur moyen de répondre à la croissance des besoins énergétiques sans rejet de gaz à effet de serre. Je demanderai d'examiner franchement avec l'Allemagne ces perspectives, et sinon de nous rapprocher des Etats-Unis en vue d'une coopération efficace.

La France doit avoir le souci de ses entreprises. Le patriotisme économique, si vivace chez nos voisins, est étrangement faible chez nous : Trop de nos entreprises sont à la merci de prédateurs étrangers. On ne relèvera pas ce défi par des fonds de pensions, qui fragiliseraient les retraites des salariés sans apporter aucune garantie quant à l'affectation des investissements, qui iront à Tokyo ou New-York si le retour est meilleur ! On relèvera ce défi par un renouveau de la politique de développement technologique. Il y a vingt ans que je le répète : il n'y a pas de vieille industrie, il n'y a que des technologies dépassées. Il faut développer le « site de production France ». Nous devons bâtir une nouvelle alliance entre un Etat réformé, recentré sur ses tâches régaliennes et de préparation du long terme, des entreprises « citoyennes », se souvenant qu'à un titre ou à un autre elles font partie de la « Maison France », et un monde du travail conscientisé, motivé et intéressé au progrès. La démocratie dans l'entreprise doit être rénovée et nos syndicats renforcés. J'ouvrirai aussi le chantier d'une nouvelle épargne salariale dans des conditions propres à donner aux salariés un pouvoir de peser sur les décisions stratégiques. La maison France ne doit pas se laisser dissoudre dans la finance mondialisée ! Il faudra tenir en respect les prédateurs boursiers. Et veiller à ce que le pôle financier public aide nos entreprises à reconquérir leur autonomie aujourd'hui obérée par les exigences exorbitantes des fonds de pension. Bref, il faudra aider nos entreprises à penser à nouveau le long terme : industrie, technologie, recherche, investissement, formation, dialogue social.

Réformer l'Etat, c'est d'abord simplifier la loi et mettre un coup d'arrêt à la furia réglementaire. J'inviterai le Parlement à réunir des commissions de réforme, pour clarifier les usines à gaz que nous avons laissé construire, dans le domaine de la fiscalité, de l'urbanisme, de l'emploi, de la Sécurité Sociale. Assez de cette paperasserie écrasante !

En matière de décentralisation, je ne crains pas la concurrence des démagogues. Je suis un décentralisateur et je poursuivrai, après la réussite de la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité, les réformes dont notre pays a besoin pour stimuler les initiatives. Décentralisons, non contre l'Etat, mais pour les citoyens ! La décentralisation, oui, et dans la République ! La commission Mauroy, qui réunissait des élus de toutes les sensibilités, a fait des propositions : je m'en inspirerai directement.

Dès le mois de mai, le ministre de la Recherche se verra confier le soin de rédiger une grande loi de programmation pour les années 2003 – 2007, portant à 3% la part de la recherche et du développement technologique dans le P.I.B.

Dans le domaine de la culture, l'échange fraternel avec les cultures du monde francophone, hispanophone, lusophone, traduira la réorientation de notre politique vers le Sud ; le service public à la télévision aura les moyens de faire vivre son originalité, parce que son financement aura été modifié et délié des contraintes abusives de l'audimat.

Je me battrai bec et ongles pour que les acquis de la politique agricole commune ne soient pas bradés comme ils l'ont été à Doha par le couple exécutif ; pour encourager l'installation de nouveaux paysans il faut maintenir des prix rémunérateurs déconnectés des prix mondiaux et attribuer des aides directes substantielles correspondant au rôle indispensable que jouent nos paysans : qualité de l'alimentation, sécurité sanitaire, préservation des terroirs et des paysages, valorisation des espaces ruraux. Le libre échange n'est pas une solution pour l'agriculture ni en France ni ailleurs dans le monde.

L'aménagement du territoire national sera repris afin de mieux valoriser nos atouts dans l'espace européen et de mieux garantir l'égalité entre les régions.

Enfin, la France reprendra le chemin de la grande puissance politique qu'elle doit demeurer.

L'Europe sera clairement à mes yeux le complément de l'action des nations ; elle ne s'y substituera pas. Respectant la totalité des traités qui engagent la France, je veillerai à ce que notre engagement européen soit compatible avec les exigences de la démocratie et de la République. Je proposerai à nos partenaires un ensemble de réformes qui feront l'objet d'un mémorandum :
- étendre le droit de proposition au Conseil ;
- rendre publiques les délibérations et les votes au sein du Conseil ;
- réduire le champ des directives communautaires ;
- créer au Parlement européen une deuxième chambre représentative des parlements nationaux ;
- réformer la politique de la concurrence ;
- modifier les statuts de la banque centrale européenne et faire du Conseil le lieu du pilotage de la politique économique ;
- développer et simplifier encore la procédure des coopérations renforcées pour construire une Europe des projets, respectueuse des nations.

J'engagerai avec les dirigeants allemands le dialogue politique nécessaire qui sera l'âme de la politique européenne, avec la volonté d'aboutir à la conclusion d'un nouveau traité de l'Elysée. Je chercherai parallèlement à resserrer la coopération avec les pays de l'Europe du Sud, au premier chef l'Espagne et l'Italie.

Avec la Grande-Bretagne j'essaierai de faire revivre une cordiale entente sur ce qui nous importe au premier chef : la préservation de la démocratie.

Tourner l'Europe vers le Sud et vers la Méditerranée est une nécessité vitale. Le processus de Barcelone doit être revivifié et je proposerai des initiatives nouvelles en faveur d'un codéveloppement en Méditerranée, et d'abord vers les pays du Maghreb, dès avant le sommet de Valence en avril 2002. Faire reculer la misère, terreau de l'intégrisme, est un devoir commun. Prendre des responsabilités communes en faveur d'une paix juste et durable au Proche-Orient est à notre portée ; il faut rompre l'engrenage sans fin de la violence et soutenir avec énergie un processus politique qui garantisse un Etat palestinien viable, et la paix pour Israël dans des frontières sûres et reconnues par tous. Je ne souhaite rien tant que d'investir la confiance que j'ai acquise dans cette région du monde, au service du dialogue politique que rien jamais ne remplacera pour installer une paix durable de la Méditerranée au Golfe, dans le respect de l'identité, de la dignité et du droit à la sécurité de chaque peuple.

Je ferai entendre la voix de la France dans les relations internationales, voix de raison, voix de justice : relèvement de l'aide publique, effacement de la dette des pays les plus pauvres, accords de co-développement en direction des pays du Sud : là aussi, la République se dressera contre la loi de la jungle.

Seule cette vision à long terme, qu'on l'appelle dialogue des cultures, politique de civilisation ou encore écologie de l'Humanité, préservera notre pays des périls que la situation internationale fait peser sur la sécurité de la France et des Français. Les attentats du 11 septembre ont mis en lumière l'incohérence ou l'inconséquence des politiques qui ont laissé se développer, voire encourager, le fanatisme puis le terrorisme. Notre solidarité avec la démocratie américaine face aux attentats dont elle a été l'objet est naturelle. Je veillerai à l'inscrire dans une entreprise plus vaste visant à assécher le terreau sur lequel le terrorisme intégriste a pu prospérer. On ne négocie pas avec le terrorisme ; on le combat. Les moyens du renseignement, la lutte contre l'argent sale, les privilèges des paradis fiscaux ou le secret bancaire seront nos armes. Au-delà, la France aura à soutenir les choix de progrès dans le monde arabo-musulman pour l'aider à entrer dignement dans la modernité. Au scénario absurde du choc des civilisations, engrenage terrible de haines et de violences, la France opposera sa pratique séculaire du dialogue fraternel des civilisations et des hommes. Ce sera aussi, soit dit en passant, le meilleur moyen de garantir la sécurité de la France et celle des Français.

Oui, la France et son message sont plus que jamais nécessaires ! Assez de campagnes de repentance. Assez de cette honte de soi qui paralyse au lieu d'appeler à mieux faire !

J'ai confiance en la France. Je rappellerai sans cesse à notre pays ce qu'il est, d'où il vient, où il va. Ceux qui entretiennent le projet de la dissoudre en la ravalant au rang de province dans un Super Etat bureaucratique n'ont pas le courage d'exposer leur véritable projet à nos concitoyens. Il est indicible et avance de biais.

Si demain, mes concitoyens m'investissent de la charge de les représenter, la France, je vous l'assure, ne disparaîtra pas. La France est plus que jamais nécessaire. Non seulement, elle est pour nous-mêmes la garantie de nos droits et de notre avenir mais elle l'est aussi pour le monde, parce qu'elle porte depuis deux siècles les valeurs de citoyenneté, de laïcité, d'égalité, parce qu'elle incarne aussi une conception politique du vivre ensemble qui seule permet de surmonter les identités agressives, les confrontations ethniques ou confessionnelles. Il faut que chacun de nos concitoyens retrouve cette élémentaire confiance en la France sans laquelle nous ne pourrions relever les défis qui nous attendent.

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* *



Face à nous se dressent les Bastilles du conformisme. Me voyant ébranler le monopole qu'elles exercent, soyons sûrs qu'elles ne ménageront pas leurs coups. Faute de décocher directement leurs flèches, Lionel Jospin et Jacques Chirac ne manquent pas d'archers supplétifs. Les rabatteurs de voix rivalisent d'ardeur pour complaire à leurs mentors respectifs. Eux aussi voudraient bien éteindre le débat public, pour ramener les citoyens à choisir l'un des deux royaumes prébendiers dont ils attendent le gîte et le couvert. « Le collier dont je suis attaché de ce que vous voyez est peut être la cause », dirait le bon La Fontaine. Robert Hue comme Noël Mamère se sont mis dans la roue de Lionel Jospin. Alain Madelin et François Bayrou dans celle de Jacques Chirac, et Christian Poncelet voudrait aussi y mettre Charles Pasqua.

L'élection présidentielle n'est pas le premier tour des élections législatives. D'un côté Messieurs Madelin et Bayrou sont priés de baisser d'un ton, par leurs propres amis de Démocratie Libérale et de l'UDF qui jouent la carte Chirac pour mieux assurer leurs sièges. De l'autre côté le PS maintient Robert Hue sous tente à oxygène et tente par une culture hors sol de faire éclore partout des députés Verts. Quel triste spectacle que le partage hypothétique de marocains ministériels entre les leaders chiraquiens ! Combien consternants dans ce qui reste de la majorité plurielle les marchandages incessants pour trouver un point de chute à Dominique Voynet ou freiner la chute de Robert Hue.

Dites le à ceux que vous rencontrerez demain : voter Mamère ou Hue, c'est voter Jospin. Voter Madelin ou Bayrou, c'est voter Chirac. Voter Laguiller ou Le Pen, c'est gaspiller sa voix. Si vous en avez assez des deux frères siamois et de leurs rabatteurs, votez Chevènement. En votant Chevènement vous voterez pour la République, vous voterez pour la France !

Je suis le seul en effet à pouvoir ébranler les colonnes de ce temple parce que je suis le seul à disposer d'une vraie capacité de rassemblement.

Je ne suis pas l'homme d'un clan. Je ne suis pas un homme isolé mais je suis un homme libre et vous avez répondu à mon appel. Je m'efforcerai d'être l'homme de la nation, en charge d'en donner le sens, et d'éclairer la politique du pays. Je m'efforcerai de revenir à l'esprit initial de la Vème République. Je ne chercherai pas à instaurer une présidence absolue.

Pour gouverner, je ferai appel aux meilleurs, sans sectarisme. Il existe dans tous les partis démocratiques des hommes et des femmes de qualité, inspirés par l'exigence de l'intérêt général, qui seront fiers de servir non un parti mais leur pays.

N'étant inféodé à aucun des grands appareils de pouvoir qui quadrillent le paysage politique, je ferai en sorte de trouver dans la nouvelle Assemblée Nationale une majorité capable de soutenir mes options. Le rassemblement républicain que nous constituons à présent devra donc se mettre en mesure de livrer bataille, proposant aux Français de constituer le pôle stable d'une majorité ouverte, et réellement innovante.

La confiance que j'ai dans le peuple français me donne la force de regarder l'avenir sans ciller. Les partis établis pourront se coaliser, l'inertie des habitudes aidant, rien n'empêchera la prise de conscience de nos concitoyens.

Ceux qui annonçaient que ma candidature d'automne s'effacerait aux premiers frimas en sont aujourd'hui pour leurs frais !

Au contraire, c'est l'offensive d'hiver que je lance ! J'étais cette semaine à Toulouse, à Bayonne et à Pau. Je serai lundi à Dakar, où j'évoquerai le lien à revivifier entre la France et l'Afrique, alors que ni le Président de la République ni le Premier Ministre n'ont trouvé le temps d'assister aux obsèques du premier Président du Sénégal, du poète, et fondateur de la francophonie, Léopold Sedar Senghor. Je serai jeudi à Besançon avant de partir pour le Forum social mondial de Porto Alegre et pour nos départements d'Amérique. En février, je m'adresserai particulièrement aux femmes et aux jeunes. Je préciserai aussi ma vision de l'Europe. Partout, je ferai en sorte que la campagne présidentielle soit une heure de vérité et ne soit pas confisquée par la bien-pensance interchangeable des deux sortants.

Chacune et chacun d'entre vous, avez un rôle stratégique pour faire connaître mes propositions, fédérer des énergies, ouvrir à tous ceux qui le souhaitent les portes du Pôle républicain. Celui-ci doit se constituer dans le dialogue, le respect mutuel et l'enthousiasme partagé dans chaque département. Un passeport de droite ou de gauche n'est pas le critère de sélection, encore moins de promotion. Seul le passeport républicain est exigé à l'entrée ! Que chacun apporte le meilleur de lui-même pour ouvrir les portes de l'avenir : Le reste viendra par surcroît !

Ensemble nous pouvons créer l'événement, faire bouger les lignes, remettre en cause le scénario écrit d'avance d'un deuxième tour Chirac/Jospin, véritable archaïsme puisqu'il date du siècle dernier. C'est cela seul qui importe.

Pour cela, je compte sur chacun d'entre vous.

J'ai besoin de vous, de votre mobilisation entière et déterminée pour faire connaître à nos concitoyens ce que sont mes propositions, pour leur montrer la chance de renouvellement que ma victoire offrirait au pays et à sa jeunesse.

Tout dépend de vous, il faut se battre commune par commune, département par département, nous devons toucher toutes les catégories : les jeunes, les femmes, les ouvriers. Mobilisons-nous, mobilisons-nous pour une République moderne qui relance vigoureusement notre pays vers l'avenir, face aux deux candidats du déclin de la France, bientôt lanterne rouge de l'Europe si on les laisse continuer.

Très bientôt, si nous travaillons bien, le système entrera en turbulence. Au fur et à mesure que le chef du RPR et le chef du PS s'approcheront de l'arène, ils descendront une à une les marches des sondages. Alors une évidence simple viendra à l'esprit de beaucoup de nos compatriotes : Jean-Pierre Chevènement est seul en mesure de sortir le pays de l'alternance du pareil au même. Avec la confiance du peuple, cet élan me conduira au second tour. Il me conduira le 5 mai, si vous ne ménagez pas vos efforts, si vous percevez la chance exceptionnelle qui est devant nous, jusqu'à la victoire !

Alors s'ouvriront les portes d'un avenir plus digne. Cela en vaut la peine !

Alors nous commencerons le XXIème siècle non pas avec un nouveau replâtrage de l'Etat RPR ou de l'Etat PS mais avec une République refondée, une République qui sera, demain comme hier, la force de la France.


Abbe Pierre

Tout ça pour avoir son pseudo dans tout le truc des messages postés récemment...

En plus on s'en fout, il crame personne à la fin

lapinchien

ouais mais tu dis çà pasque t'as pas lu tous les discours hein ? pas vrai... pasqu'a un moment y une super vanne planquée.. une vanne trop mortelle ou que je le casse super bien

lapinchien

oui mais JP c'est un visionnaire  dans son discour du 9 septembre 2001 , je le site "8. J'en viens à la huitième orientation : Aménageons notre espace et mettons l'homme au cœur de l'environnement. "

ben 2 jours plus tard des ecowariors islamistes l'ecoutaient et faisaient le menage à manathan... trop fort ce chevenement

Dourak Smerdiakov

Lapinchien, à mort !

Chevènement, président !

Sarkozy, à la lanterne !

Dourak, vas sortir le chien !
Pour le débat citoyen et convivial dans le respect indivisiblement démocratique de la diversité multi-culturelle des valeurs républicaines oecuméniques.

Nounourz

j'ai failli lire.
J'vous jure, j'étais à deux doigts.

Et j'ai pas pu.
je ne vois qu'une chose à faire désormais :
un smiley :-(

encore désolé, j'en vois qui hurlent au fond des bois.
Les autres, j'vous emm...
..Va voir Dans Ton Cul™ si j'y suis (connard).

Kirunaa

Mais ?!?? Nourz ?!?? T'as une longue queue toute fine !!?!! T'es pas sencé avoir une petite queue toute ronde ??

Nounourz

faut pas confondre la queue qui sert à l'équilibre et l'organe destiné à l'accouplement.

SInon il est gros, carré avec des verrues, même que que c'est moi qui pose pour les dessins de vuillemin.
..Va voir Dans Ton Cul™ si j'y suis (connard).