Les demeures aisées chaulées de blanc et cernées de coquets jardins s’alignaient le long des larges avenues intimement éclairées, dans un puritanisme de façade conforme aux préceptes de l’ordre nouveau. De l’autre coté des barbelés et d’un no man’s land de terrains vagues minés s’étalaient dans la pénombre les barres d’immeubles prolétaires soumises au black-out policier. Les projecteurs des miradors balayaient le béton lépreux de leur pinceau indiscret. La fin du monde n’était pas pour ce soir. Pourtant, comme propagés à travers les canalisations souterraines et les égouts marécageux des fantasmes urbains, montaient dès la mi-nuit de lourds et pesants relents de stupre et de débauche. Des bas-fonds crasseux et affamés, des bas-ventres congestionnés et biens nourris s’échappaient la même plainte de la chair, le même gémissement libidineux au souffle de brûlante frénésie. Les jésuites rigoristes des hautes sphères ploutocratiques s’offraient des destinations de luxure. Derrière les rideaux feutrés des riches propriétés, de petits enfants blonds et nus défilaient sur les écrans télévisés d’honnêtes bourgeois pédophiles. La masse informe et populaire s’entassait devant de miteux exutoires, au fond de salles obscures et prohibées. Le quart-monde exploité évacuait son trop-plein de rancœur et d’injustices en s’abrutissant de pornographie factice et bon marché. La chaleur régnait sur la mégalopole.
Assis sur un fauteuil à coté de son lit, le vieillard chenu suçotait sa pipe au coin du feu en regardant l’heure. Elle viendra bien ce soir, chacun son tour, comme au lupanar. Pour tromper le temps de l’attente, il songea à la journée écoulée, riche en pendaisons martiales et en accidents de moto simulés. La justice implacable suivait son cours tortueux et impénétrable. Tout cela l’ennuyait au plus haut point et lui donnait la nausée. Il ressentait la solitude des cimes et des grands fonds, l’ivresse du pouvoir ne l’habitait plus que rarement. Seule Lilith lui donnait encore le sentiment de vivre et d’exister. Le nonce de l’aréopage rouge vint le prévenir de l’arrivée d’un taxi aux grilles du palais. Un sourire lubrique illumina sa face d’ivoire parcheminé, et il pria l’obséquieux laquais d’introduire l’infirmière dans son cabinet privé et de ne plus le déranger. Lilith entra et vint se planter lascive devant le vieillard, ouvrant largement son imperméable ciré et ses cuisses nacrées. Il saisit la croupe offerte de ses serres griffues et s’abreuva goulûment au calice de l’hétaïre, lapant le divin nectar à longs traits. Récitant intérieurement le cantique des cantiques, le vieillard goûtait avec avidité aux fruits défendus, croquant les pommes à belles dents. Comme son lointain ancêtre avant lui, il succombait aux charmes de l’antique succube, aux appâts de la sorcière de la nuit. Dégageant le sceptre sénile et vénérable, Lilith essaya alors de lui assurer une certaine rigidité au prix d’un long effort buccal. Peine perdue. Renonçant contraint et forcé à toute autre forme d’épanchement, le vieillard soulagea son vague à l’âme par quelques confidences sur l’oreiller, piètre consolation. Mais déjà, l’infirmière se levait et prenait congé, glissant la liasse convenue sous sa fine bretelle de dentelle avant de quitter l’alcôve. Le vieillard se sentit aspiré par le néant de son insignifiance. La petite mort se refusant définitivement à lui, il s’était résolu à appeler la grande faucheuse de ses vœux. Mais il ne partirait pas seul, il emporterait avec lui la prostituée de Babylone. Il décrocha le téléphone intérieur et aboya quelques ordres brefs à l’attention de l’aréopage rouge. La chaleur régnait sur la mégalopole.
Sur la scène du minable cabaret, une improbable Marilyn blonde platine terminait son tour de chant et d’effeuillage, récoltant quelques maigres applaudissements de l’assistance morne et clairsemée. Lilith ramassa ses frusques à paillettes, descendit d’un bond de l’estrade et se dirigea entre les tables vers les toilettes enfumées où l’attendait le goémonier manchot fortement imbibé sous son casque. Ils partagèrent dans l’urgence un rail usagé, une seringuée de paradis interdits, une passe non déclarée ainsi que de précieuses informations de première fraîcheur. Elle savait que le temps lui était compté. Au dehors, l’aube grise et terreuse se levait sur les silhouettes brunes des escadrons de la mort. La traque avait commencé. Mouvements souples de semelles de crêpe et de mains gantées investissant en silence une petite chambre meublée. L’avenir est une baby doll fardée déflorée à coups de matraques.
Au cœur de l’aube calme et torride, l’infirmière livide de nudité reposait sur un lit d’hôtel ravagé, les traits figés dans un ultime sourire rouge sang. La chaleur régnait sur la mégalopole.
Lilith, l’infirmière rhabillée de cuir aux jambes livides gainées de bas résille, ferma la porte du vestiaire et s’engouffra dans la première volée d’ascenseurs. Dans la cage, elle rajusta son string et termina de maquiller ses lèvres de rouge carmin. Aussitôt hors de l’hôpital, elle héla un taxi de circonstance et lui cracha une adresse cossue dans les banlieues huppées. Le taxi démarra docile, l’emportant fissa dans sa tournée nocturne de péripatéticienne à domicile.
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c'est 'achement joli tout ça mais la fin du monde, c'est pour quand, hein ?
paske vu l'état du pape, c'était prévisible la panne, pfffffff...
j'ai bien aimé, pas le temps d'en dire plus
tiens de la littérature, même sur la zone
de la pas mauvaise en plus
joli photo aussi
je ne sais pas pourquoi mais c comme ça que j'imagine aka
C'est moi qui ai trouvé cette photo sur le net, c'est comme ça que je m'imagine aussi.
c'est beau l'imagination mais faut virer les photos d'Aka vite fait sinon son fan club risque d'etre decu et cedille
Bien écrit. Peut-etre un rien pesant, surchargé, par moments. Mais bon, c'est juste pour avoir quelque chose à dire.
Pour le contenu, ça manque d'intrigue, donc difficle de commenter. Ce n'est pas compètement statique, mais il ne se passe pas grand chose non plus. On dirait que tu es plus un peintre qu'un conteur. Ce qui n'est pas une insulte, restons calme.
Le pape qui se fait sucer par une pute de luxe, t'appelle ça pas grand-chose, toi ? Ou alors, c'est que ça doit arriver fréquemment dans la vraie vie, c'est pour ça qu'il est enrhumé, le pov' gars, à force de laisser son zozio à l'air.
Lilith? Putain, encore elle partout ou je passe...Y'a-t-il un exorciste sur la zone? Dourak Smediakov peut être?
Tout de suite les grands moyens, toi. Commence donc par le repentir et la prière, Darkside.
Le "nonce de l’aréopage rouge", c'était donc le Pape. Logique, au fond, mais, désolé, je n'avais pas percuté, malgré les "jésuites rigoristes". Et, sans cela, tu m'accorderas qu'une petite fellation, d'un point de vue strictement narratif, ce n'est tout de même pas grand chose, même pratiquée par Aka.
Euh, nan, le nonce de l'aréopage rouge, c'est pas le pape (sans majuscule, fo pas pousser non plus), c'est juste le nonce apostolique. Et t'as pas capté toutes les références bibliques de ce passage ? Ben là, tu me déçois, Dourakouninet.
Je vais supposer que tu t'adresses à moi, raclure de sac à foutre.
Bon, j'avais relu de travers en cherchant ton pape que j'avais loupé à la première lecture ; le nonce n'est que le serviteur, autant pour moi. Ceci dit, un nonce n'est pas un portier ou un valet de chambre.
"Toutes" les références ? Je ne vois que les deux appellations de Lilith et de prostituée de Babylone qui aient un rapport avec la sainte Bible.
j'ai beaucoup aimé le côté futuriste qui ne se laisse qu'entrapercevoir. J'ai bien aimé aussi la narration assez "lointaine", j'ai eu l'impression que ce qui est raconté est comme un songe lointain dont on ne conserve que les émotions et les sensations principales sans parvenir à se rappeler tous les détails.
Je ne sais pas pourquoi, mais pour moi ce texte suinte le rouge sang de la mort, orangé du crépuscule et bordeau de la luxure qui pète dans la soie.
Et puis l'ambience ça m'a encore rappelé une BD dont j'ai oublié le titre, où l'héroïne est une pute/tueuse à gage qui descend des chefs apostoliques.
J'avoue que le sens profond m'avait totalement échappé à moi aussi, mais on se laisse porter par le style et on cesse vite de chercher un sens profond, le trop-plein de métaphores fait une sorte de brouillage qui empêche de se pencher trop sur le fond, un peu comme un cryptage alien qui transformerait les humains en somnambules tueurs, en quelque sorte. On se laisse porter, tout simplement.
Faut dire que la poésie en prose, ça cache souvent un grand vide intersidéral.
le truc du vide intersidéral c'est qu'il n'est pas si vide que çà, il est saturé de rayons lumineux... ce qui est loin d'être le cas de la poésie en prose.
J'aimerais bien lire le texte mais je fais un blocage zieutal sur l'entrejambe de la fille
Y a pas de chien jaune dans cet épisode ??
nan, mais y a un pape jaune.
Tyler ta BD c'est pas "YIU" par hasard ?
Sympa, le début est particulièrement bien écrit je trouve.
Mais le paragraphe du milieu est...euh...je sais pas comment dire, mais il est trop...bon ben je trouverai pas le mot aujourd'hui visiblement. Enfin bref, pas top le paragraphe du milieu.
Sinon, tout le reste, trés bien j'aurai voulu que ce soit plus long.
J'en veux encore.
poésie en prose = vide intersidéral = pas vide donc différent de poésie en prose = vide intersidéral = zone trou
ah ouais bien vu Narak, c'était ça, YIU, avec son petit frère qui est malade et qui vit sous une bulle de verre...
ptain elle me fou la gaule
c un gars sensible eldefduc
El Trou Duc, c'est tout ça et plein de choses à la fois. Qui dira jamais ce qu'est vraiment El Trou Duc, tellement défoncé qu'il en oublie même parfois de faire des fautes ?
Le trou Duc défoncé, c'est un bon moyen mnémotechnique pour se souvenir qui est qui.
j'ai pas mis de "u" >a< putain donc c'est un faute ça non ?
une faute, eldèfduc, une faute
quoi un faute ? bah oui un faute, merde fais pas chier sale pute
les putes sont plus propres que toi, el client
J'aime vraiment beaucoup, ça m'a sorti des lectures précédentes de cette rubrique. Moins confus, mais très efficace. L'introduction et le premier paragraphe sont très réussis, il m'ont particulièrement marqués.
Sur ce texte, j'ai pensé à Sin City, dont le climat se rapproche, très sombre et à la fois féminin. Mais aussi pour la référence faite à Babylon. Sin City étant également une espèce de Babylon si je me souviens bien.
Les répétitions de "la chaleur régnait sur la mégalopole" sonnent comme des sentences. C'est vraiment très classieux et bien écrit.
J'ai par ailleurs trouvé une sorte de fil conducteur, de terme commun à ces textes, cette phrase encore obscure :
"La fin du monde n’était pas pour ce soir."
En bref, vraiment très bien foutu.