Je m’éveille alors que le soleil est déjà haut dans le ciel. Il fait beau. Je suis allongé dans un sac de couchage, sur l’herbe verte d’une place de village, près d’une église. Je connais bien ce village, c’est celui où j’ai passé mon enfance. Je me lève, j’ai dormi tout habillé. Un peu engourdi, je descends la rue principale, le nez sur mes chaussures, sans rien regarder. J’entends un bruit de pas sur la chaussée, en face de moi. Une vieille femme maigre et sèche, aux cheveux poivre et sel, vient à ma rencontre. Je lève la tête et la reconnais : c’est une amie de ma grand-mère. Je lui adresse un vague signe de la main, mais elle ne me voit pas. Si, elle m’aperçoit enfin et me fixe bizarrement d’un regard réprobateur, puis recule soudain, effrayée. Pourquoi ? Qu’ai-je donc fait ? Je la dépasse et m’éloigne d’elle rapidement, sans me retourner. Je sens sa présence dans mon dos comme une sanction, et j’accélère le pas pour m’en libérer avant de tourner à droite. De part et d’autre de la rue s’alignent de petites maisons blanches et grises aux volets fermés, comme abandonnées. Mais d’innombrables paires d’yeux m’épient, lourds de reproches et de haine à travers les volets clos, dardant ma nuque et mes épaules de minuscules coups d’épingles. Je baisse la tête et j’accélère encore, les poings serrés au fond de mes poches. Mes phalanges frottent contre un trousseau de clés et contre quelque chose d’autre, une sorte de tube cylindrique que je n’arrive pas à identifier. Je cours presque en prenant la route de gauche qui mène à la sortie du village, là où se trouve la maison de mes parents. Je ralentis l’allure et respire à pleins poumons. Tout est calme et désert. Je me sens mieux. J’arrive enfin devant la grille vert sombre qui grince à peine à mon passage. Je remonte en silence l’allée de gravillons jusqu’à la porte du garage. Elle est fermée. Qu’importe, puisque j’ai les clés. J’ouvre et j’entre.
Je pense trouver mon père travaillant sur son établi, comme à l’habitude, mais je ne le vois pas. Ah si, il est allongé sur le sol en ciment, le long de sa voiture. Doit cuver, le vieux. Je m’approche de lui sans bruit. Non, il est mort, les bras en croix, la bouche ouverte. On distingue encore le bas de son visage, le reste n’est plus qu’une bouillie d’os et de chairs. Je m’éloigne à reculons, affolé, pour monter à l’étage. Maman doit être dans sa cuisine, en train de préparer le repas, il est presque midi. Je m’élance dans le couloir et mon pied bute aussitôt sur un obstacle. C’est elle, c’est son cadavre qui gît sur le carrelage froid, un trou sanglant à l’abdomen, ses yeux bleus grands ouverts qui semblent me fixer et me réprimander par delà la mort. J’enjambe le corps presque sans le regarder, troublé par ce regard, et j’entre dans la première pièce à droite. C’est la chambre de mes frères. Ils sont là tous les deux, allongés l’un sur l’autre dans une mare de sang. Je ressors pour me précipiter vers la porte du fond. J’ouvre la porte en grand, le cœur battant à tout rompre.
Ça, c’est MA chambre, avec tous mes livres empilés pêle-mêle sur des étagères fatiguées. Ça c’est mon lit, et à coté du lit, c’est moi. Non, ce n’est pas moi, c’est un garçon d’une douzaine d’années, blond aux yeux bleus, qui me ressemble beaucoup. Ses joues sont rouges, son visage est baigné de larmes. Il est à genoux, le canon d’un fusil de chasse enfoncé dans la bouche. Ses deux bras tendus au maximum, il appuie de toute la force de ses pouces sur la détente de l’arme. Le coup va partir, il ferme les yeux. J’en fais de même, sans trop savoir pourquoi, le souffle coupé dans l’attente interminable de la déflagration. Rien ne se passe, rien d’autre qu’un cliquètement à peine audible. J’ouvre les yeux de nouveau, le garçon me regarde, implorant quelque chose, la main tendue vers moi. Instinctivement, je fouille dans mes poches. Je palpe enfin ce cylindre oblong, cette dernière cartouche qui dort au fond de ma poche depuis plus de trente ans, au fond de mon âme depuis si longtemps.
Je suis couché sur un lit dans une chambre qui n’est pas la mienne. Je suis pourtant dans la maison de mes parents, mais ce n’est pas MA chambre. Il y a deux autres lits à coté du mien, où dorment mes deux frères. Il me faut partager cette pièce avec eux. Je fixe un moment le plafond blanc fissuré, puis je ferme les yeux et je m’endors.
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Putain, la claque ! J'ai voulu être objectif dans le résumé et pas être trop dithyrambique, mais la fin m'a vraiment assomé, le dernier paragraphe est excellent. Par contre tout le début est un peu euh... inutile. Je sais que c'est pour planter un décor onirique et que c'est de toutes façons toujours mieux qu'une bonne moitié des rêves qu'on a lu ici, mais bon, en comparaison de la fin ça tient pas la route.
J'ai (one more time) du changer le titre. Le texte s'appelait "la dernière cartouche", et c'était vraiment un bon titre pour ce texte, mais c'était aussi le titre d'un texte d'Amanite. J'espère que le nouveau est pas trop naze, j'ai eu du mal à trouver quelque chose qui tienne la route. Avant de choisir vos titres, faites une petite recherche par le moteur de recherche en bas de la page d'accueil...
Sinon le début du dernier paragraphe rappelle un peu "Une âme en trop", mon texte du dossier Haine Maternelle, c'est un genre de private joke ? Parce que si c'est pas voulu, putain de coïncidence :
- "Ça, c’est MA chambre, avec tous mes livres empilés pêle-mêle sur des étagères fatiguées. Ça c’est mon lit, et à coté du lit, c’est moi. Non, ce n’est pas moi, c’est un garçon d’une douzaine d’années, blond aux yeux bleus, qui me ressemble beaucoup."
- "Ca, c’est ma chambre. C’est là que je vis. [...]
Ca c’est ma poupée. Elle est si belle. Elle s'appelle Gabrielle. [...]
Ca c’est moi. Une âme à l’agonie dans un corps trop grand. "
En tous cas, pour un mort il a de beaux restes Taliesin.
Putain je suis vraiment trop fort !
Des que j'ai lu "tube cylindrique" j'ai pensé à une cartouche ( ou un tube de rouge à lèvres)
Mais pourtant je m'attendai pas à ce que soit une cartouche, et la fin m'a vraiment fait plaisir, comme un film, les image me venaient déjà en tête...
Aime beaucoup
Bien écrit, bien mené, bonne chute. Un texte que j'aurai aimé écrire.
çà serait bien maintenant qu'on rende sa Night Shamalan touch à Night Shamalan... bon c'est vrai c'est super marant de s'amuser avec, on pond de super belles chutes que même chez video gag y z'en on pas des comme çà, mais Night Shamalan, ben il en a besoin, hein, de sa Night Shamalan touch... pasque lui il fait des films qu'ont des millions de dollars de budget, lui, et il fait vivre des tats de gens avec, comme Mel Gibson... et que sans sa Nigth Shamalan touch ben il nous largue que des bouses dernièrement... Bon maintenant on arrête de déconner et on lui rend...
Taliesin fait tourner une dernière fois avant
Ce qu'on peut faire, c'est renommer le truc en "final twist" (c'est le terme technique), et hop du coup c'est totalement libre de droit et on peut en user et en abuser ! Trop facile nan ?
J'ai bien aimé, mais j'ai pas envie de commenter.
waow quelle chute ! mon disque dur a failli claquer et y'avait des lettres partout en-dessous de mon écran. ton prochain texte, lâche-le de moins haut, sinon mon pc va finir par imploser.
Si le début semble inutile et chiant, c'est qu'il s'agit en fait d'un vrai rêve. j'ai imaginé la fin pour faire plus fun, flinguer toute ma famille, c'est un vieux fantasme. D'ailleurs, j'y pense sérieusement pour Noël.
Nihil> la phrase : ça c'est ma chambre..etc, c'est absolument fait exprès, mais je me suis inspiré de "la bible du néant n°4". Y a pas de raison que tu sois le seul à te plagier. D'ailleurs, pour pallier au manque de mini-articles, je propose que chacun écrive un texte de 10-15 lignes commençant par : "ça c'est ma", "ça c'est mon" ou "ça c'est mes". Sauf moi, puisque je l'ai fait pour ce texte.