Je suis là, à chercher, perdue au milieu de cet appartement que je connais normalement par coeur. Il me renvoie sournoisement à chaque instant ton image. Alors je suis là, je me cogne contre les murs, mais c’est inutile : les murs ne savent pas non plus. Ils n’ont même pas conscience, eux que tu es parti et que tu ne reviendras pas. Au contraire. Il y a encore l’auréole du verre que tu buvais la veille sur la table du salon. Ton pull traîne sur le canapé. Ta serviette roulée en boule est encore humide dans la salle de bain. L’écran de ton pc est allumé, il y a la dernière page que tu ais visitée encore affichée. Tu as même reçu des mails. Ton odeur imprègne les draps. Il y a encore la marque de ta tête sur ton oreiller. Non, décidemment, ils ne savent pas. Ou alors ils me préservent. Un peu comme si à chaque seconde je pouvais entendre la clef dans la porte, et puis voilà, tu serais là. On fait semblant. On joue à comme si tu étais vivant tous ensemble. Huit jours c’est rien : on est sans doute restés plus longtemps que ça sans se voir depuis qu’on se connaît. Non ? Non, tu as raison.
Il me semble que lorsque j’ai appris, je suis tombée. A vrai dire, je ne me rappelle pas. Mais je n’ai pas pleuré, oh ça non, je n’ai pas pleuré. Je crois que je n’ai pas parlé depuis non plus d’ailleurs. Mes larmes et mes mots, c’était pour toi, il n’y a pas de raison que ça change maintenant. C’est con, mais ça te rend presque perceptible. C’est une sorte d’incantation magique que je me suis laissée : si un jour je remue à nouveau les lèvres, c’est que tu seras en face de moi. Alors je me prends à rêver.
Et puis, ils m’en disent assez des mots. Tous. Ils m’expliquent comment ça se passera pour moi. Ils me racontent qu’un jour où l’autre la douleur s’atténuera. Suffisamment pour qu’il ne reste plus qu’affection, que la passion s’éteigne. Et puis un jour, je rencontrerai quelqu’un d’autre que j’aimerai, certes, différemment, mais au moins aussi fort. Et puis je referai ma vie, parce que, de toute manière, c’est ce que t’aurais voulu pour moi. Si ça avait été l’inverse, j’aurais sans doute souhaité que tu retrouves le bonheur… Bah non, moi je t’aurais crevé si tu avais pu me remplacer pour une autre. Si ça avait été l’inverse… Comment peuvent-ils me laisser entrevoir cette éventualité si douce en toute impunité ? Et puis, comme si ça ne suffisait pas, ils me demandent de ranger notre vie dans des cartons, de quitter cet appartement qu’il y a encore une semaine je haïssais et qui est maintenant pour moi ce qu’il me reste de plus cher. Un sanctuaire que je défends corps et âme, préservant les reliques qu’il contient au péril d’une vie qui, de toute manière, ne signifie plus grand chose.
Ma douleur s’atténuera ? Mais moi je ne sais même pas ce que c’est que la douleur. Je ne suis qu’un grand vide. Un grand vide que tu comblais, un grand vide qui se cogne aux murs.
Alors je me remplis. Je me remplis d’images tout en cherchant. Je regarde cette télé qui me montre que la Terre tout entière continue à tourner sans toi. Je me délecte des guerres, des catastrophes, des morts. Ils doivent tous mourir, parce que toi t’es mort. Ils devraient même tous se mettre à s’arrêter de respirer d’un coup, se suicider. Ils devraient comprendre d’eux-mêmes que toute notion de vie doit s’arrêter vu que tu n’es plus là pour y participer. Pourquoi ils ne comprennent pas ?
Et moi aussi je suis encore là. Et je reste. Je pourrais te rejoindre, mais je sais que ça serait encore pire. Ils ont beau dire ce qu’ils veulent, t’es pas plus heureux où t’es. Tu sais même pas où t’es, t’as plus conscience de rien, même pas de moi. Toi tu t’en fous. Le vide de ce que tu es, c’est moi qui le porte. Mais au moins je te porte en moi.
Et quand leurs images m’insupportent, quand je ne peux plus physiquement les supporter, je me prends à rêver. Je te susurre tous les mots les plus mièvres qu’on détestait, je me mets à aimer l’enfant qu’on ne voulait pas avoir. J’essaye d’imaginer la maison qu’on n’aurait jamais achetée, avec le chien le plus ridicule possible devant. J’invite tous les amis qu’on n’a pas à la cérémonie de mariage la plus improbable que je puisse concevoir. Je crée la routine que nous n’avons pas eu le temps de subir pour m’imaginer me faire baiser par tous les types avec lesquels je ne t’aurais jamais trompé.
Je me mets à envier tout ce sur quoi on vomissait.
Et je cherche, encore et encore. Est-ce que j’étais bien lunée ce matin là ? Est-ce que je t’ai souris avant qu’on parte au boulot ? C’est quand la dernière fois qu’on s’est prit la main ?
Et putain, est-ce que je vais enfin me souvenir de la dernière phrase que je t’ai dite ? Est-ce que je t’ai souhaité une bonne journée ou est-ce que je t’ai parlé des courses du lendemain ?
Je t’ai dis à quel point je ne serais rien sans toi ? A quel point le simple fait que tu existes rendait chaque journée plus légère ? Non, je ne pense pas non plus.
Mais pitié, dis moi au moins si je t’ai souri une dernière fois.
Ca fait maintenant huit jours que je cherche. Sans cesse, à chaque instant. Je me triture, je me retourne le cerveau. Je m’acharne. Même lorsque j’étais penchée au-dessus de ton cercueil, je me martelais le crâne, encore et toujours. Mais je ne me rappelle décidemment pas.
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Pas mal...
En tout cas, ça nous change des textes à camisole de force dont on s'est gavé ces derniers temps. Trop de camisole tue l'envie de lire. ok, ça n'engage que moi.
Les morts ne laissent que des questions et des souvenirs aux vivants, des regrets aussi.
"Je me mets à envier tout ce sur quoi on vomissait."
J'me doute bien qu'on vendrait son âme au diable pour "récupérer" l'être aimé et perdu mais de là à vouloir se conformer, autant se foutre en l'air tout de suite et rejoindre l'ultime continent ds la foulée, non ?
Pas mal...vraiment !
Bon avant de commencer, je précise que ce que je vais dire n'engage que moi, n'a pas valeur de sentence et n'a aucune prétention autre que de fournir à Aka la possibilité d'avoir un point de vue externe sur son texte (ce que je considère comme le but des commentaires soit dit en passant). pas d'éloge ni de dénigrement futiles.
La question posée ici est intéressante : et si ça arrivait aujourd'hui? la grande majorité des humains se retrouve un jour ou l'autre confrontée à cette situation, autant y réfléchir à l'avance.
le style n'est pas vraiment littéraire, Aka utilise plutôt du langage parlé, ça donne un certain réalisme au texte (je suis confronté au problème du choix du style littéraire ou parlé dans un de mes articles d'ailleurs).
Le début est bien posé, on a le réflexe de s'attendre à voir l'autre surgir à tout moment et chaque détail de la vie renvoie douloureusement la pensée vers celui qu'on a perdu. On remarque que le personnage ne cherche pas à s'extraire de ce mécanisme de pensée, puisqu'elle a laissé toutes les choses en place, pour pouvoir se dire : "c'est pas vrai, j'ai rêvé tout ça et il va revenir, là, dans quelques secondes". Mais la souffrance n'en est que plus grande.
La volonté de ne plus parler est quasi-absurde, mais c'est un premier élément de folie.
Arrivent ensuite les conseils de l'entourage, qui sont complètement préfabriqués, inutiles. ils n'ont pour conséquence que de couper le personnage du reste des humains, qui sont incapables de comprendre.
Le passage suivant est un peu confus et emmêle les idées, on y voit apparaître une jalousie "absolue". Elle se met à aimer l'apart qu'elle détestait. Logique. "je ne suis qu'un grand vide que tu comblais", allusion sexuelle sympathique surlaquelle Aka rebondit pour exprimer l'apathie que développe le personnage pour se protéger de la souffrance.
Apparaît l'idée intéressante que le monde entier meurt avec l'aimé, je reviendrai là-dessus. Mais paradoxalement, elle préfère continuer à vivre en se disant que de cette manière l'aimé continue aussi à vivre en quelque sorte. Mensonge destiné à masquer l'instinct basique de survie.
Le paragraphe suivant m'est un peu hermétique, je ne comprends pas bien la logique du personnage qui se met à aimer tout ce qu'elle détestait. J'interprète ça comme une occurence de la folie.
Et enfin, tous les évènements qui précèdent la mort prennent une importance démesurée, comme s'ils avaient signifié quelque chose de plus que tous les autres.
Le titre du texte "trou de mémoire" renvoie à l'occultation de différents souvenirs : d'abord l'instant où la nouvelle est arrivée parce que la souffrance de ce souvenir est insupportable. Ensuite, les derniers instants passés ensemble à cause de la culpabilité qu'elle ressent à ne pas avoir su distinguer ces moments-là de tous les autres.
Une petite digression sur la liberté pour finir :
Voilà donc l'enfer de l'humain qui a construit toute sa vie sur l'existence (ou l'amour, c'est la même chose) d'un autre. Il s'est rendu dépendant de l'existence de l'autre, il s'y est volontairement enchaîné et y a trouvé une raison d'être. Raison qui disparaît avec l'être aimé. L'humain qui existe par lui-même, qui n'a besoin de personne pour se définir ou avoir une raison d'être est autrement plus puissant : s'il ne sera pas épargné pour autant par la souffrance, il gardera néanmoins sa force et la liberté de vivre.
veuillez me pardonner ce commentaire du genre plus-sérieux-t'es-viré-sur-le-champ-à-coups-de-pieds-dans-le-cul.
A moins que j'aie déjà dépassé la limite...
Tyler> j'ai les droits exclusifs sur le mot "digression" pour les cents ans à venir... Tu recevra prochainement une notification de mes avocats
nihil, ben moi si ma meuf elle m'ecrivait un bel hommage posthume comme çà ben je crois bien que çà me donnerais envie de me flinguer... faut pas gacher...
Wow, je suis pas mort, bordel ! Chuis là, ohééé ! Je suis vivant ! Vous me voyez ou quoi ?
on te voit pas, on t'a jamais vu
il se pourrait très bien que tu administres la zone depuis l'au-delà
Y'a une collecte pour l'enterrement de Nihil?
On s'adresse à qui?
Ha! Peut être qu'il nous voit d'où il est et peut être même qu'il ne sais pas qu'il est mort...
Putain je crois qu'en fait c'est encore plus naze d'être mort que d'être vivant, c'est fou ça.
j'ai adoré
tres bien exprimé
ca m'a rapeler pas mal de truc
vraiment tres bon
Tous tes mecs crèvent après quelque temps c'est ça ? Ouais je vois le genre...
TDS
Pardon ? TDS ? C'est quoi encore cette chose ? Troupeau De Socialistes ?
Je ne connais qu'une abrévation, et c'est DTC, là tu me déstabilises, et j'aime pas être déstabilisé, putain de raclure !
Tans Don Sul ?
ouai ca marche aussi
Toutes Des Salopes ? Ca fait quatre heures que je réflechis, j'ai pris des notes sur un paperboard, j'espère que c'est ça, j'ne ai marre là.
Commentaire édité par nihil.
Ton Derrière Salope?
T'as Déjà Sucé?
T'avales Du Sperme?
Ehoh un peu de tenue bordel de merde
Traffic De Stups?
Travailleur Du Samedi?
Tas De Sable?
Tu Désires Savoir? (ce que veux dire TDS)
Tu me fais chier putain De bordel de merdeS?
A mon avis elle va être ravie par l'acuité des commentaires sur son texte, Aka...
non elle aime la
Au moins j'en ai eu plus que Lapinchien. mouahahaha
Si j'étais toi, je ferais gaffe... Il a le droit de suppriomer les commentaires des gens si il veut... Et il est à peu près assez con pour ça...
Il est bien ce texte. Je l'ai trouvé plus agréable à lire que la plupart des textes de Lapinchien, et le nombre de commentaires reçus prouve cette opinion.
3...2...1... FIRE !
nihil> tu l'auras cherché, je propose que dorenavant on t'appelle Ben nihil
kirunaa> Mes textes sont pas fait pour être agreables à lire, si j'avais voulu faire des trucs qui donnent du plaisir aux gens j'aurais ouvert une fabrique de godes vibrants.
Mouahahaha L'autre qui se la pète écrivain incompris : alors hurle pas si t'as pas assez de commentaire, ça jure avec l'image du rebelle incompris justement. Putain de radasse.
Mais bon perso, moi j'adore ce que tu fais, et ça a même tendance à me procurer un début d'excitation sexuelle... Tu devrais donc effectivement te lancer dans la fabriquation de gode vibrant. On pourrait en imaginer des séries où tes textes sont imprimés dessus, ou encore où une sorte d'hollogramme projetterait tes textes au plafond... Bref je te laisse réfléchir mon lapinou.
On peut plus faire un jeu de mots bidon sans être accusé d'avoir pris la grosse chetron... ben tant pis
Si quelqu'un pretend avoir compris mes textes c'est que je les lui ai mal expliqué
Ca y est c'est fini ? Bon béah c'était court, comme deuil, je vais recrever un coup pour la peine, tiens.
la prochaine fois demande à l'embaumeur d'ajouter un pieu dans ton coeur, un crucifix autour de ton cou et une gousse d'ail dans ta bouche... c'est radical comme apparats pour être certain de ne plus jamais avoir a faire à tous ces connards de vivants
Tiens! un Détour, Super à relire! bon...j'ai déjà dit ce que j'en pensais sur le bar...
J'veux pas te faire de eniep cem,mais ton texte y'é a chier dans mes pants
Ton pire cauchemar!!!
Traduction de 2 mots.
eniep=peine ecrit a l'envers
cem=mec encore une fois écris a l'envers
Et "pants", je suppose que c'est "pantalon" ?
Mon pire cauchemar ? Tu permets que je t'appelle maman ?
Et pourquoi est-ce que Aka elle attire tous les débiles de la planète Web ?
OK, je retourne à mon cercueil.
Ah t'as remarqué aussi. Et tu voudrais pas m'aider à passer cette épreuve douloureuse en écrivant avec moi le texte qu'on avait prévu ?
Je viens de comprendre... TDS ça serait pas TS par hasard ?
Mais non je suis pas une acharnée.
commentaire édité par Mill le 2008-6-7 15:20:57
commentaire édité par Mill le 2008-6-7 15:21:14