Une gifle violente, atterrit soudain sur le cadre et le couple partit valser dans un bruit de verre brisé sur le carrelage sale. Celle là n’atterrirait pas sur le visage de Morgane qui jouait dans son coin avec sa petite poupée de chiffon. Adossée prudemment dans l’angle d’un mur, elle épiait sa mère qui s’agitait nerveusement dans leur petit studio sans âme.
« Saloperie de vie ! photo de merde ! j’en ai marre, cette fois je vais me flinguer, me jeter par la fenêtre et ils iront tous se faire foutre avec leur notes à payer ….. »
- « Tu entends Sophie ? Maman a dit saloperie de vie, c’est pas bien…. »
- « Ta gueule Morgane »
Sur l’étagère la bouteille de whisky remplaça le portrait et Catherine se servit nerveusement un autre verre, puis en maugréant, elle ramassa la photo parmi les débris de verre. Elle la contempla un long moment en silence. Les dernières années de sa vie se mirent alors à défiler devant ses yeux. Kaléidoscope d’images dansantes reflétant une jeunesse dorée. Celle de l’insouciance, du bonheur, des certitudes arrogantes, des projets d’avenir…Les années d’avant.
D’avant qu’elle soit seule. D’avant que l’homme de la photo qui ne voulait pas de l’enfant se tire. D’avant qu’elle ne devienne moche, déformée et grosse. D’avant qu’elle parte de son monde pour venir échouer ici. D’avant les galères, les rencontres sans lendemain et sans joies. D’avant la gosse …. D’avant l’alcool.
Une gifle troua le silence, la troisième depuis ce matin et il n’était pas midi. Morgane sentit sa tête s’écraser dans le mur, puis sa joue en feu et son crane qui éclatait. Elle porta instinctivement ses bras devant elle en suppliant. Devant ce misérable bouclier, Catherine hésita à frapper à nouveau.
« C’est de ta faute tout ça ! Si je ne t’avais pas eu j’en serais pas arrivé là, regarde à quoi je ressemble ! mais regarde ou je t’en colle une autre ! tu vois cette fille ? là sur la photo ! c’était moi avec ton père … j’avais tout, il était à mes pied… A mes pieds tu entends dis ?»
Morgane entendait uniquement un bourdonnement, les yeux écarquillées, remplis de larmes, elle essayait pourtant de regarder pour s’éviter une autre gifle.
Momentanément calmée, Catherine retourna vers l’étagère et posa fébrilement la photo contre le roman de gare. Elle se servi un autre verre. Morgane récupéra aussitôt sa poupée comme si cela était son unique secours et lui murmura en sanglotant :
« C’est de ma faute Sophie je suis méchante ! méchante ! c’est de ma faute tout ça !… ».
Des larmes glissaient de son visage sur la poupée de chiffon et venaient mourir sur la vieille couverture qui lui servait de couvre lit. Ses cheveux blond en bataille, elle se redressa doucement, puis se remis dans son angle de mur en essuyant son bout de nez d’un revers de main.
Le silence revint peu à peu dans la pièce ponctué des spasmes de l’enfant qui se confiait à sa poupée et du verre qui n’en finissait pas de faire la navette entre l’étagère à la bouteille.
Catherine épluchait encore une fois ses factures.
« Maman… j’ai faim ! »
« J’m’en fout ! tu crois que j’ai que cela à penser ? Tu boufferas ce soir . »
- « Tu m’as déjà dis cela hier et j’ai rien eu »
- « Tu me fais chier Morgane ! »
- « Je sais tu me le dis tout le temps… »
Catherine à la limite de l’hystérie se rua une fois de plus sur l’enfant qui instinctivement roula en boule sur la couverture en serrant Sophie. Dérisoire protection face aux coups qui tombaient à nouveau. Catherine hurlait et Morgane souffrait dans l’indifférence générale d’un voisinage absent.
« Sophie ! Sophie ! aide moi ! »
- « Tu veux quoi dis ? Ma vie est foutue, je n’ai plus rien et toi tu m’emmerdes toute la journée »
Morgane serrait contre son corps frêle et meurtri sa poupée. Catherine s’acharnait et les coups s’abattaient sur le corps sans défense d’une petite fille de six ans. En sueur, le souffle court, elle lâcha enfin l’enfant et s’approcha de la fenêtre. L’ouvrit. Un vent froid aéra immédiatement l’espace confiné où agonisait leur sordides existences. Elle tira vers elle le tabouret de récupération en formica rouge et monta dessus puis, se retournant vers sa fille, lança crânement :
« C’est ça que tu veux dis ? que je me jette en bas ? »
- « Non maman fais pas ça ! arrête, je serais sage, je promets ! …. »
Morgane qui s’était relevée, s’accrochait désespérément aux jambes de sa mère. Catherine tremblait. Ses yeux absent rencontrèrent les grands yeux bleus qui mangeait le visage de sa fille. Elle vacilla quelques instants sur le tabouret. finalement dans un instant de lucidité, où calmé par la fraîcheur soudaine sur son visage rougi et marqué par la vie et les excès elle redescendit de son perchoir.
En titubant elle retourna vers l’étagère, prit la bouteille et le verre et sans un mot s’assit sur le divan ignorant la fenêtre, le tabouret et l’enfant...
Morgane la regarda s’éloigner puis retourna se blottir vers sa poupée.
« Tu vois Sophie ? Maman voulait monter dans le ciel parce que je suis méchante, c’est de ma faute »
L’enfant murmurait ainsi toute la journée ses secrets et ses tourments, ses rêves et sa solitude au visage impassible de tissu. Son seul ami.
Il faisait froid dans l’appartement, très froid, Un ronflement régulier montait à présent du divan où Catherine groggy s’était avachit. Sur l’étagère la bouteille était vide. Morgane qui s’était enroulée dans sa couverture se leva de son abris de fortune et alla voir sa mère qui ne réagissait plus. Elle lui toucha légèrement l’épaule du bout de ses doigts glacés.
« Maman, j’ai froid tu sais !….. »
Son regard triste et résigné se posa sur le visage de sa mère inconsciente, puis sur la fenêtre restée ouverte. Elle hésitait, tortillait ses mains, le froid la fit frissonner. A petits pas elle s’approcha de la fenêtre pour la fermer.
Peut être ?
La poignée était tellement haute.
Comme une poupée de chiffon, une femme ivre s’était endormie à quelques pas d’un tabouret sur lequel se trouvait Sophie. Sur l’asphalte mouillé par les pluies de novembre une autre poupée gisait les yeux écarquillés, sans vie, fixant le néant dans un quartier perdu d’une banlieue sordide du nord.
LA ZONE -
Sourire arrogant, un corps de rêve et des jambes qui n’en finissaient pas de s’afficher sous une jupe volontairement trop courte dans une position étudiée, sûre d’elle et de son charme, la fille blonde jouait la star. A ses coté, un homme la dévorait des yeux. Une vraie photo de magazine.
Posé sur l’étagère fourre tout entre un vieux roman de quai de gare et une pile de factures impayées, dans son cadre de plastique, le couple paradait.
Posé sur l’étagère fourre tout entre un vieux roman de quai de gare et une pile de factures impayées, dans son cadre de plastique, le couple paradait.
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J'aime bien, je plains presque la petite oh putain au secours je vire bisounours ...
J'adore la fin belle image.
ben moi, j'ai pas aimé, j'fais jamais rien comme tout le monde.
Le style n’est vraiment pas terrible, je trouve, et il y a beaucoup de fautes. L’histoire, c’est du Zola de seconde ou troisième zone, à mi-chemin entre Germinal (ça se passe dans le Nord) et L’assommoir (la mère est alcoolique). La mère aurait pu s’appeler Gervaise Maheude, tiens ! Nihil n'aurait pas mélangé les prénoms comme ça. Bref, du misérabilisme à deux balles, et rien de vraiment zonard.
Je suis d'accord avec toi y'a rien de zonard mais c'est agréable à lire quand même ... De toute façon a part les textes des zonards les autres c'est du pipi de chat niveau violence et folie bref y'a rien de très trash dans les autres textes donc tant qu'ils sont "bien" écrits c'est déjà ça ...
Moi non plus j'ai pas accroché, c'est trop gnan-gnan
ça me fait penser au film "le huitieme jour"
Texte très bien écrit. Je le trouve par contre un peu fouilli, sans doute à cause du personnage de la poupée (même problème qu'avec le texte de nihil en gros). Il y a quelque chose qui manque, mais je ne sais pas quoi. S'il y avait eu un quatrième, ça aurait été ce texte.
(commentaire écrit avant publication des résultats)