Richard claqua la porte de son domicile, fourbu. La journée avait été longue, mais il avait devant lui quelques heures pour se détendre.
- Chérie, je suis rentré ! … Tu es là, mon amour ?
Aucune réponse.
- Agathe, tu es là ? Bon, je vais un moment sur l’ordinateur, d’accord ?
Elle devait être en train de dormir, comme d’habitude. Parfait, ça lui laissait le temps d’aller visiter ses sites Internet préférés. Ensuite, il irait la réveiller avec quelques câlins, elle aimait ça, il la connaissait.
En faisant le moins de bruit possible, il passa à la cuisine récupérer un verre à pied et une bouteille de muscadet entamée. Puis il se dirigea vers la chambre d’amis, où était installé l’ordinateur. Il aimait cette pièce. C’est là qu’il rangeait sa collection impressionnante de livres de San-Antonio, son maître spirituel, là qu’il gardait ses vieux vinyles. Il se sentait vraiment bien ici, les moments qu’il passait devant l’écran étaient de ceux qui le détendaient le plus.
Il s’avachit sur son bon vieux fauteuil avec un plaisir non dissimulé, remplit son verre et en savoura la première gorgée. Agathe n’aimait pas qu’il passe tant de temps sur Internet, mais elle-même passait beaucoup de temps dans la chambre du haut. Il sourit en l’imaginant endormie, ses cheveux blonds étalés sur l’oreiller. Il irait tout à l’heure se rappeler à son bon souvenir avec quelques cajoleries, elle adorait ça. Leur sexualité était toujours aussi vive et passionnée malgré les années de vie commune.
Il ouvrit la page Internet de son forum. C’était lui-même qui l’avait créé pour lui et ses amis. C’était une sorte de refuge à l’abri des tempêtes, où il faisait bon vivre, d’un point de vue virtuel s’entend. Il avait réussi à regrouper là des gens qui se comprenaient et s’appréciaient. Il pouvait partager avec eux quelques discussions sur des sujets d’importance, ou plus simplement d’aimables taquineries, souvent sur le thème de la grivoiserie. Il était fier de son forum, qu’il avait appelé le « Bar-Ric ».
Il nota avec satisfaction la présence d’un nouveau texte posté dans l’espace des nouvelles. Il se félicitait en secret de la réussite totale de cet espace littéraire où se côtoyaient des textes variés, intéressants, bien écrits. C’était autre chose que les jeunes de cet autre site, la Zone, qui venaient systématiquement leur chercher des noises. Eux aussi se piquaient d’écrire, mais à part quelques textes intéressants, l’ensemble était profondément immature et sans le moindre intérêt. Richard ouvrit la page de la Zone. Avec une petite joie intérieure, il nota l’absence de nouveaux textes parus depuis au moins quatre jours. Leur site était bien prêt de mourir. Il s’en réjouissait sans se l’avouer vraiment, mais la fin de ce site pouvait impliquer que des gens de là-bas arrivent sur le Bar. Et puis Nihil et sa clique avait tellement cherché à couler le Bar que ce ne serait que justice qu’ils crèvent la gueule ouverte maintenant.
De retour sur le Bar, Richard vit que Aka avait à nouveau posté une remarque désobligeante et il s’assombrit. Celle-ci était une zonarde, c’était même la copine de Nihil. Elle ne venait que pour semer la pagaille, c’était son seul but dans la vie à cette foutue frustrée. Nihil devait avoir un putain d’escargot fané dans la culotte pour que sa nana soit aussi cul-serré. Sur le Bar se regroupaient des gens équilibrés, sains et agréables. Bien loin de la sauvagerie imbécile des boutonneux de la Zone. Il posta une pique à l’égard de la jeune Aka, qui ne trouverait probablement rien d’intelligent à répondre, et l’agrémenta d’un smiley amusant.
Il lut avec plaisir la dernière blague de son ami Sam, rigola un peu bêtement devant une image postée par Daria et s’intéressa au sujet de société débattu aujourd’hui par ses amis : le retour de l’antisémitisme dans les banlieues. Un sujet grave. Richard s’imposait un devoir de réserve puisqu’il était le chef du Bar. Il préférait de rien poster, ou poster des petites blagues sans rapport avec le sujet plutôt que de donner soin opinion. Il devait garder sa crédibilité de maître des lieux, puisque c’était lui qui avait tout pouvoir de suppression ou de modification. Il était très fier de ses pouvoirs de modérateur.
Il posta donc un smiley amusant sur le topic sur l’antisémitisme, et se dirigea le cœur léger vers l’espace réservé aux conversations badines. Il nota un babillage amical entre un nouveau, Cyclopède (car le Bar attirait chaque jour de nouvelles personnes intéressantes venant de tous les horizons) et deux anciennes, Ordia et Nirvana. Elles le chauffaient méchamment, et lui bavait comme un petit chien, c’était très drôle. Quelle garce quand même, cette Ordia, à faire ainsi miroiter ses charmes à tout le monde. Richard se la serait bien tapée, cette putain de grosse chienne en rut qui ne demandait qu’à se laisser noyer de semence en pleine gueule ! Richard commença à se caresser le sexe qu’il avait tout dur.
Et cette Nirvana, quelle sale chaudasse, tu pouvais être sur qu’elle se tripotait gaiement en postant ce genre de messages qui puaient la cyprine à huit kilomètres à la ronde. Il lui aurait bien brouté l’anus avant de lui dégorger un demi-litre de sperme brûlant dans les cheveux à cette putain de salope puante, il était sur qu’elle adorerait ça ! Il commença à s’astiquer fébrilement.
Un peu énervé, les dents serrées, les yeux exorbités, Richard posta un smiley amusant sur le topic et se dirigea lentement vers l’escalier, puis monta à l’étage. Sa respiration était courte, et son teint rougeaud. Il murmurait doucement :
- Agathe… Ma chérie… Lumière de mes jours… Devine qui vient te voir…
Et il cognait au battant avec son gourdin tendu, douloureux. Il ouvrit la porte et détailla les formes généreuses d’Agathe reposant sur le lit. Il était au bord de l’apoplexie.
- Ca va être ta fête ô mon amour !
Il se prit les pieds dans son caleçon qu’il avait descendu aux chevilles et s’écroula sur le lit, sans prendre le temps d’essuyer le filet de bave qui dégouttait du coin de ses lèvres.
***
Les étrangers se regardèrent un instant. Puis ils haussèrent les épaules et dirigèrent le scanner vers un autre bâtiment, non loin.
***
Jean-Baptiste claqua la porte de son domicile, fourbu. La journée avait été longue, il n’en pouvait plus. Il desserra doucement le nœud de sa cravate maigrichonne de petit cadre inférieur et laissa tomber sa mallette près de la porte d’entrée. Mais immédiatement Elodie débarqua dans l’entrée, et sans lui dire bonjour, gronda entre ses dents serrées :
- Ta mallette là, tu crois que tu vas la laisser traîner là comme ça ? T’as rêvé, mon pauvre ami. Tu la ranges. Et tu resserres ton nœud de cravate, abruti, tu ressembles à un clochard comme ça.
Jean-Baptiste la regarda sans rien dire, puis bafouilla en s’exécutant :
- Tout de suite Mimine… Désolé… Ca a été ta journée ?
- Tu vas faire une lessive et puis si possible la vaisselle. Et combien de fois il faudra que je te dise de changer cette foutue litière ? Tu crois que les chats vont la changer tous seuls ou quoi ?
- D’accord Mimine, je m’en charge… Tu… Tu t’en vas ?
- Ouais je vais boire un café avec les potes.
Elle ouvrit la porte et le toisa d’un air méprisant :
- Tu sais à quoi tu ressembles ? A un petit pédé. Ouais.
- Je sais Mimine… Je… Je t’aime !
- Ptit pédé, va.
Et elle claqua la porte.
Fatigué et malheureux, Jean-Baptiste s’effondra devant son ordinateur, et ouvrit son site Web, la Zone. Putain, y avait encore ce pauvre connard de merde de Narak qui faisait chier à raconter n’importe quoi, mais avec des fautes d’orthographe en plus. Putain de branleur depute à la con. Il lui aboya rageusement de fermer sa putain de gueule de tanche.
Et ce merdeux de niqueur de chou-fleur, là, Taliesin, qui se la pétait grave avec sa Bretagne de merde. Pays de putes la Bretagne ouais. Il lui envoya une vanne thermonucléaire dans sa gueule de péquenaud de merde. Enculé va.
Bon il fallait qu’il aille voir son père. Il avait pu faire tout ce que lui avait demandé Elodie. Avec un peu de chance, elle serait contente et lui tapoterait la tête amicalement, en rentrant ce soir. Il resserra son nœud de cravate, rajusta sa veste sans forme et sortit.
***
Les étrangers eurent du mal à suivre leur sujet de test vers sa destination, le scanner ciblait mal. Mais ils réussirent toutefois à le rejoindre au moment où il entrait dans un nouveau bâtiment.
***
Jean-Baptiste entendit du bruit à l’étage. Son père devait être là-haut. Il fallait qu’il fasse au plus vite si il voulait être rentré quand Elodie reviendrait. Il monta l’étage quatre à quatre en glapissant de sa voix de roquet efféminé :
- Papa, c’est moi !
Il débarqua dans la chambre du fond et alluma la lumière. Là il s’arrêta net, les yeux écarquillés :
- Mais… Papa ? Qu’est-ce que… Me dis pas que tu es encore en train de tromper Maman avec cette pute ! HEIN ??
Richard se redressa doucement et regarda son fils. Il enleva doucement son pénis de la fente caoutchouteuse de sa poupée gonflable Agathe.
- Je te l’ai déjà dit cent fois, Jean-Baptiste, ta mère est morte quand tu avais douze ans. Il faut que tu apprennes à accepter Agathe et à la considérer comme ta nouvelle Maman, enfin !
- Une poupée gonflable à la con remplacera pas Maman, je te le dis !
Jean-Baptiste jeta un coup d’œil circulaire autour de lui et se rua sur le bureau, où il s’empara d’un coupe-papier. Avant que Richard ait eu le temps de réagir, Jean-Baptiste chopa Agathe par ses cheveux en plastique jaunes et lui colla le coupe-papier sous la gorge.
- Tu veux voir ce que j’en fais, de ta pute, hein ??! TU VEUX VOIR CE QUE J’EN…
Malheureusement il avait appuyé un peu fort sur le caoutchouc fragile, et Agathe, la gorge percée, explosa bruyamment, sonnant Jean-Baptiste.
Alors Richard se rua sur son fils, lui arracha le coupe-papier des mains, et le lui plongea dans la poitrine en beuglant :
- Tu as tué l’amour de ma vie, salopard ! Expie ! Expie !
Et quand ce fut fini, il se redressa, les yeux fous et les mains couvertes de sang jusque aux poignets. Il se fit hara-kiri en hurlant d’un rire diabolique.
***
A nouveau les étrangers échangèrent un regard. Puis leurs doigts se rapprochèrent, et échangèrent une série de contacts successifs. C’était de cette manière qu’ils communiquaient. Ils étaient d’accord. Ils allaient prévenir les autorités de leur civilisation qu’ils avaient enfin pu localiser une planète vivable, avec une atmosphère oxygénée et sur laquelle ne vivait aucun être doué d’intelligence.
Les étrangers réglèrent la tension entrante dans le scanner, et le dirigèrent sur une maison au hasard. Un petit pavillon noyé dans la masse d’habitations similaires d’une petite bourgade. Ils se penchèrent en avant pour entendre au mieux le décryptage émotionnel.
***
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Encore pissé par terre. Nihil, y a pas : le grotesque ça te va comme un gant.
Mimine ?!???
C'est qui la mère de Nihil ?
Warf ! nikel ! l'étude des personnages est décapante, la chute est poilante. ça méritait bien une 1ère place.
Non Kirunaa tu calmes tes ardeurs, ce n'est que de la fiction. Donc tu ranges ce surnom à la con, merci.
T'énerve pas Mimine, t'énerve pas.
l'analyse de la population terrienne par des extra-terrestres et la déduction qu'elle est dépourvur d'êtres intelligents est un thème qui a été brilament développée également dans une des nouvelles de Frédéric Brown, auteur de S-F américain des années 50.
Je ne cite pas de titre en particulier, la majorité de son oeuvre étant intéressante et bon marché en livre de poche.
Il a des actions chez Denoel le nourz ?
Ah ? Et y a des poupées gonflables chez Frédéric Brown ?
D'accord avec Kirunaa...pas mal aussi en comique.
Je me suis bien marrée...Mimine.