Il est évident que je ne pouvais, étant encore pourvu de bon sens, présenter cet article en dévoilant ma véritable personnalité, puisqu'il est incontestable que si j'avais eu un fils de vingt-sept ans il serait, à l'heure où je révèle cette vérité, l'otage qu'il ont toujours ambitionné détenir afin de me pousser dans les extrêmes retranchements du renoncement, mais heureusement je n'ai pas eu de descendant mâle, déjouant par le fait leur sinistre manoeuvre qui m'incitait à choisir après de nombreuses heures de réflexions en galimatias ancien, langue qu'il ne leur est pas aisé de délabialiser selon le principe de l'élargissement progressif de consonnes ternaires mis au point dans leurs laboratoires les plus obscures, un patronyme d'apparence ridicule et anodine, bien que j'avoue avoir hésité entre ce dernier et une assiette de moules frites, un instant seulement, les dites moules frites risquant, suite à d'habiles et industrieuses déductions dont je les sais friands, de le conduire sur les traces d'un de mes ascendants présumé, brasseur de son état, ayant porté haut l'honneur de la famille lors de la prise d'une citadelle rebelle par des troupes régulières, ce qui donna lieu à un épisode héroïque qui lui valu ce surnom envié et respecté jusque dans les bas-fonds les plus fangeux et glauques d'un port sinistrement illustre, en effet, qui ne connaît encore de nos jour, ou du moins n'en aura entendu chuchoter la légendaire mémoire au détours d'une ruelle cafardeuse propice aux confidences murmurées, la triste aventure de cet homme, remarquable en de nombreux points qu'il me faut hélas taire en ces heures douteuses, qui me confia, ivre de douleur retenue et de désarroi maussade, ce terrible secret, ultime soubresaut de cet être traqué, car c'est bien de lui qu'il s'agit, qui avait pris la vénérable habitude de ne parler qu'à demi-mots généralement couverts, d'où ce surnom énigmatique qui a pu laisser croire pendant de nombreuses années que son inexplicable participation à la prise de la forteresse le laissait affublé du pseudonyme précité, ce qui n'était, vous ne manquerez pas de l'avoir soupçonné, qu'un leurre habilement élaboré par cette femme hors des normes communément reconnues qui compris très tôt que se faire passer pour un autre ne pouvait que compliquer la tâche de ces implacables poursuivants, et c'est ainsi que cette éblouissante manipulation que je fis mienne dès mon plus jeune âge me permit d'être en cette heure tardive et propice aux embuscades sur le point de vous divulguer d'invraisemblables révélations que vous ne manquerez pas de lire entre les lignes, ce qui est, vous le reconnaîtrez, une astucieuse manière de divulguer sans laisser de traces une certitude dont la mise en lumière ne manquerait pas de déclencher d'insoutenables représailles, faisant suite de ces rocambolesques révélations qui immanquablement n'auront de cesse de vous retourner les sangs et de couvrir d'une sueur nauséabonde les plus incrédules, en risquant, il n'est que de voir votre mine éperdue, de s'avérer insupportables bien plus tôt que vous ne le pensiez, ne serait-ce qu'en prenant en considération le simple fait que vous soyez parvenus sans encombre à ce point du récit, alors, alors seulement, vous admettrez, l'échine frissonnante et trébuchante, que ce répit qui vous est accordé ne peut être que le résultat mûrement élaboré d'une stratégie pernicieuse, insoupçonnée jusque là, mais dont l'écheveau qui se déroule sous vos yeux exorbités fait déjà sombrer dans l'incontinence sénile les plus téméraires, vous incitant à admettre la lippe tremblante que de telles révélations ne peuvent se propager sans que de nombreuses victimes se contorsionnent dans le plus grand anonymat, et c'est bien là le point le plus implacable de cette malédiction qui sème sur son passage, tel un lapin de garenne ses prédateurs essoufflés, une absence totale de signes plausibles qui devrait vous pousser à vous défier de cette apparence paisible, car, soyez en conscient, même s'ils n'existent pas leurs desseins n'en sont pas moins irréalisables, c'est bien là que réside leur force, leur ignoble stratagème, en tous cas, vous voilà prévenus, j'ai fait ce que j'ai estimé être mon devoir, dus-ai-je y sacrifier, comme ce point tant espéré, ce qui aurait pu m'être le plus cher.
Voilà.
TinnoZib Junior.
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Excellent, Zinnobit. A lire d'une traite sans reprendre sa respiration, afin que le lecteur inaverti expire et que le secret ne s'ébruite. J'ai failli me faire avoir.
Belle performance. J'ai eu autant l'impression de lire un texte que de jouer à un jeu. Le fond colle à la forme, et si on ne triche pas en sautant des mots, on comprend suffisamment rapidement pour ne pas "se faire avoir" comme le dit ce très cher Dourak.
C'est pas encore sur ce coup-ci que je serai déçue.
Apparemment par contre tous les autres se sont fait niquer par ce petit test de survie élémentaire il semblerait... Ainsi que par le célèbre priège dit "du week-end de Pentecôte"...
Commentaire édité par nihil.
Pas mauvais le Junior. Juste dommage le "dus-ai-je".
Lucchini enlèle ton masque !
Un peu dommage aussi le "enlèle"
Putain je me prépare à aller au boulot, vous y croyez à ça, vous ? Hein ? Putain je sais même pas à qui je parle, c'est le comble du désespoir là
Commentaire édité par nihil.
J'aime bien la dernière phrase qui donne encore plus de force et de consistance à l'ensemble, lequel est fort bien structuré au demeurant, à l'instar de tous les textes de Bizontin dont je suis un fan inconditionnel et compulsif, mais cependant pas à la façon un peu trouble d'Aka et lorsque j'écris un peu trouble, je modère mes propos, car je sais que je ne couperai pas au fait que ceux-ci soit repris et déformés pour servir d'argumentaire à je ne sais quelle obscure polémique visant à me décrédibiliser tout en déstabilisant le lecteur et faire en sorte que le doute le gagne et le ronge inexorablement, entâmant ses ultimes certitudes sans apporter pour autant un quelconque placebo substitutif de pensée, l'abandonnant ainsi dans un état de confusion mentale et d'abattement proche de celui qui est en train de me gagner, malgré une indéniable force de caractère et une lucidité implacable, et j'en suis d'ailleurs à me demander (après tant et tant d'années...) si tout cela ne vient pas s'intégrer dans une machination plus globale dont les arcanes se perdent dans les limbes, au point même que ses instigateurs ou leurs descendants en viennent à douter de sa tangibilité, mais dans le doute poursuivent néanmoins leurs missions, entretenant ainsi l'illusion de savoir ce qu'ils font et pourquoi ils le font, ce qui est somme toute une façon comme une autre de pallier ce grand vide métaphysique que nous percevons tous à des fréquences et des degrés divers à certains moments plus ou moins cruciaux de notre vie, comme par exemple lorsque nous sommes confrontés de près à la mort, ou encore lorsqu'il n'y a plus de papier dans les toilettes.
désolé pour le retard... Je tiens à te signaler que je viens de remarquer que ton texte est rayé entre l'avant dernière et l'avant avant dernière ligne du coup pendant trois jours j'ai lu en boucle comme un malade sans m'en apercevoir puisque çà avait l'air coherent... faut dire que mon cerveau n'est capable d'analyser le sens d'une phrase que lorsque je l'a lu entièrement. Y a t il un Alkazeilzer dans l'audience ?
Franchement, ça le fait beaucoup moins bien avec toi Petit prince. Ca se controle pas la classe hein.
Franchement... T'es une grosse conne ! (j'invente rien, c'est marqué sur ton badge...)
Ben moi j'aime bien découper. Alors je coupe ce que j'ai aimé.
C'est parfois pareil pour les gens, d'ailleurs.
"ou du moins n'en aura entendu chuchoter la légendaire mémoire aux détours d'une ruelle cafardeuse propice aux confidences murmurées"
Un peu surchargé mais beau comme un char de paille.
"en cette heure tardive et propice aux embuscades"
Placé comme ça, ça pète. Sinon ça se trouve plutôt dans la littérature de la Résistance ou les Mémoires du général de Gaulle. Mais là ça pète.
"l'échine frissonnante et trébuchante"
Ca fait très gnou, il faudra qu'on reparle des gnous, mais j'aime bien.
"qui sème sur son passage, tel un lapin de garenne ses prédateurs essoufflés, une absence totale de signes plausibles"
Error error error error error. Fatal sémantic crash. Et c'est ça qui est bon.
Bizontin je t'aime encore, tu me manques !