LA ZONE -

Déprédation

Le 15/01/2004
par Tulia
[illustration] Cet après-midi il faisait beau alors je suis sortie un peu pour m’aérer. Ça faisait des lustres que j’avais pas mis un pied dehors. Au début ça me faisait bizarre et puis j’ai fini par trouver ça agréable de sentir les rayons du soleil qui me léchaient agréablement la peau ainsi qu’un petit vent léger qui faisait onduler mes longs cheveux noirs pendant que je marchais.
Les rues que je traversais étaient plutôt calmes mais comme d’habitude, tous les regards convergeaient vers moi. Les gens ne peuvent pas s’empêcher de dévisager les personnes comme moi, ils n’ont pas l’habitude. Mais ça ne me dérange pas, je les comprends quelque part. Je crois que je leur fais peur. Si ils savaient que j’ai bien plus peur d’eux qu’eux de moi…

Je me suis dirigée vers le parc. Une fois sur place, j’ai trouvé un petit coin de pelouse sous l’ombre d’un grand chêne et m’y suis installée après avoir sorti mon plaid de mon sac et l’avoir disposé sur le sol. Je me suis allongée sur le ventre, enfichée les écouteurs de mon discman dans les oreilles et j’ai scruté tout ce qui se passait autour de moi.
Sur ma gauche, il y avait une petite vieille assise sur un banc qui balançait des miettes pour les pigeons et les moineaux. Quelques enfants s’étaient approchés pour regarder de plus près les volatiles. En face de moi, plusieurs canards s’ébattaient dans l’eau d’une petite mare devant laquelle un jeune couple était assis sur un banc, en train de s’embrasser tendrement. Sur la droite, un espace de jeu pour enfants avec des balançoires, un toboggan et un bac à sable. Plusieurs enfants jouaient sous l’œil attentif et attendri de leurs parents.
J’ai longuement observé ce spectacle tout en me posant des questions. Qu’est-ce qui peut bien motiver tous ces gens à faire des enfants ? L’instinct de reproduction ? Et on veut nous faire croire que l’être humain est plus qu’un vulgaire animal… Le conditionnement ? C’est vrai que dès le plus jeune âge, on nous modèle l’esprit selon un idéal sociétaire. Les poupées destinées à sceller le rôle de future mère dans la tête de chaque petite fille en sont la preuve.

Et puis j’ai repensé à ce que j’ai vécu dans le passé et qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. J’ai toujours été plus ou moins solitaire mais je ne rechignais pas toujours non plus la présence des autres. Je refusais de rentrer dans le moule dans lequel ma famille, mes profs et mes amis essayaient de m’enfermer mais j’espérais quand même un jour parvenir à trouver un peu de bonheur avec une autre personne. Ça a été le cas à un moment donné mais je l’ai appris à mes dépens, le bonheur est une notion éphémère et la chute est d’autant plus brutale quand on se retrouve seule confrontée à ses interrogations sans réponses, à ses doutes et à sa peine.
Ça fait presque cinq ans maintenant. Cinq ans que j’ai compris que tout n’est qu’illusion et finit par renvoyer au désespoir. Cinq ans que je me suis définitivement enfermée dans la solitude. Cinq ans que le seul bruit que je suis capable de supporter plus de dix minutes est celui de ma musique. Cinq ans que je n’ai plus prononcé le moindre mot…
Mes parents et mes amis ont fait de leur mieux pour m’aider retrouver une « vie normale », mais c’était trop tard, j’avais pris ma décision et cinq ans plus tard, je n’ai pas changé d’avis. Non, je ne suis pas heureuse mais au moins, j’ai arrêté de me torturer à cause de mes relations avec les autres en m’enfermant ainsi volontairement dans le mutisme…

Ces quelques instants passés à observer mes congénères m’ont conforté dans l’idée que je ne veux pas me mêler à eux, ils me dégoûtent. Quand j’en ai eu assez de contempler leurs petites vies pitoyables, j’ai rangé mes affaires et je me suis levée. Je suis passée tout près du square où les enfants jouaient, je me suis arrêtée quelques instants à côté d’une poubelle pour jeter mon paquet de cigarettes vide et l’emballage du nouveau que j’entamais. Je me suis allumée une clope, j’ai jeté un dernier regard sur le parc et je suis partie.

Il me fallait à peu près 20 minutes pour rentrer chez moi à pied. Quand je suis arrivé à mon appartement, je me suis rallumée une cigarette, j’ai ouvert la fenêtre et j’ai attendu…
Le bruit provoqué par les multiples explosions a retenti dans tout le quartier. Je ne voyais pas le parc depuis chez moi, plusieurs immeubles me bouchaient la vue mais j’ai pu voir un gros nuage de fumée noire et épaisse s’élever au-dessus de ceux-ci. A peine quelques minutes plus tard, les sirènes des camions de pompiers retentissaient déjà dans les rues alentour.

Y a pas à dire, on trouve vraiment des trucs intéressants sur Internet, comme le processus de fabrication d’une petite bombe à fragmentation artisanale avec minuteur qui tient dans un paquet de clopes vide mais qui est suffisamment puissante pour faire péter tout ce qui se trouve à moins de deux-cent mètres.

Va falloir que je me force à prendre le métro bientôt…

= commentaires =

Dariia
    le 15/01/2004 à 18:00:48
... un peu comme du Stephen King : ca commence tranquille, ordinaire, et puis, insidieusement, on glisse, ensuite ... l'irréversible
Je me laisse toujours "attraper" par ce genre là !

Y en a d'autres textes dans le meme style ?
Laul
    le 15/01/2004 à 19:44:07
Très fort, c'est autobiographique ?
pouf
    le 15/01/2004 à 20:47:23
Tulia serait en réalité un Aum?
Tulia

Pute : 0
...    le 15/01/2004 à 20:54:50
C'est toujours partiellement le cas sans l'être je pense... Ca te va comme réponse ?
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 15/01/2004 à 21:17:44
bon Tulia maintenant t'arrete de faire plaisir à G.Bush qui veut relancer la conquète spaciale (apres la conquête spéciale) , c'est pas malin de sateliser 3 patés de maison et d'innaugurer le premier center parc sur la lune !


Et pis tant que t'y est : arretes d'envoyer des collis piègés aux eurocrates... Mais qu'est ce que tu fous à Bologne en plus hein ? C'est nul Bologne ! Ils zont rien inventé la bas depuis la bolognaise...

Laul
    le 15/01/2004 à 23:28:07
Ca me va oui, je cherche toujours quel parc a explosé récemment.
Kirunaa

Pute : 1
    le 16/01/2004 à 12:58:53
Ah ! C'est ça la femeuse scene qu'on voit dans Terminator II ? Juste avant qu'elle se decide enfin à aller butter l'ingénieur black, son fils et se femme ?
Dourak Smerdiakov

site yt
Pute : 0
ma non troppo
    le 17/01/2004 à 05:48:48
Le parc automobile chinois. Autre bonne raison pour arrêter de fumer, et agresser le peuple américain jusqu'à ce qu'il ratifie le protocole de Kyoto.

Si les Bolognais parviennent à ce résultat, il leur sera beaucoup pardonné.
pouf
    le 18/01/2004 à 01:30:28
Mais quel rapport aves les states? Putain mais sortez de chez vous les parisiens ! Ah non finalement restez chez vous...

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