Ce matin, je suis allé chercher de l’herbe pour les lapins, puisque je ne peux pas aller sur la plage. J’aime bien les lapins, leur donner à manger. Les tuer aussi. C’est toujours moi qui les tue, maman me laisse faire. Les attacher par les pattes de derrière avec une corde, et très vite, un coup de bâton sur le cou. Les yeux commencent à rougir, noyés de sang. Je ne suis pas long ensuite à ôter un œil avec mon couteau. N’importe, la bête ne sent plus rien, pas même la lame qui s’enfonce profond dans son crâne. Le liquide rouge se répand pour se mélanger avec la boue du sol. La plaie est comme une porte par laquelle s’échappe la vie. Retirer la peau de l’animal et le mettre dans le plat blanc. Les boyaux iront aux poulets.
Non, je n’ai pas peur du sang. L’autre jour, Soaz, la voisine de maman, m’a demandé si je voulais tuer une portée de petits chats. Elle pensait que j’allais les noyer, elle avait préparé une bassine pour cela. Je les ai fracassé contre le mur de la grange, qui a été éclaboussé de sang. Depuis, Soaz ne veut plus me voir, je lui fait peur. Je fais peur à tout le monde à Menez-Ham, depuis la mort de ma petite sœur, je ne sais pas pourquoi, car je suis un gentil garçon, maman me le dit souvent. Les autres disent que je suis un bon à rien. C’est pas vrai ! Je sais naviguer sur la mer, c’est papa qui m’a appris. Il m’engueulait toujours, papa, il me disait que je ne serais jamais capable de manier un bâteau de pêche. ça m’énervait, ses remarques incessantes, quand nous allions en mer tous les deux. Pourtant, quand il est tombé à l’eau et qu’il s’est noyé, c’est moi qui est ramené le bâteau au port. Tout seul !
J’ai du m’endormir, le soleil est haut dans le ciel, il doit être près de midi. Ça va, mon tas de foin est toujours là, avec ma serpe par-dessus. J’étais pourtant bien adossé à cet arbre, à l’ombre. Quel est ce bruit ? C’est ça qui m’a réveillé. Des voix, il y a quelqu’un pas loin, des gens. Je vais aller voir, ensuite je rentrerais manger. Maman n’aime pas que je sois en retard pour le repas. Prendre ma serpe, papa me disait toujours de ne pas laisser trainer mes affaires. Ça y est, je les vois. Je vais me cacher derrière ce bosquet pour les observer. Ils sont quatre : deux adultes, mari et femme sûrement, avec deux enfants,un garçon et une fille. Je ne comprends rien à ce qu’ils disent, ils doivent parler en français. J’ai jamais appris. Maman m’a retiré de l’école après la mort de Nolwenn. De toutes façons, ça sert à rien l’école, et tout le monde se foutait de moi là-bas, je détestais ça. Ils ont étalé une nappe blanche sur la lande, avec de la nourriture dessus. Qu’est-ce qu’ils sont venus foutre là, pique-niquer ici, au lieu de rester en bas avec les autres fourmis ? Ils n’arrêtent pas de parler, et les enfants jacassent comme des pies. Putain, qu’est-ce qu’il fait chaud ! Il n’y a pas d’ombre et le soleil me tape sur la nuque. J’ai mal au crâne, et ces morveux qui piaillent sans cesse. La gamine se met à chialer maintenant. Elle hurle, hurle. Comme Nolwenn. Papa et maman m’avait laissé seul pour la surveiller, et elle hurlait, hurlait dans son berceau, tellement que ses cris me résonnait dans les oreilles, je ne pouvais plus le supporter. Elle a fini par s’étouffer avec son oreiller. Pauvre petite Nolwenn !
Il faut que je bouge. Le soleil est comme une chape de plomb en fusion qui se déverse sur mon crâne. Ça me broie les tempes. J’ai des fourmis dans les jambes à rester accroupi derrière ce bosquet. Je hais les fourmis. Et puis faire taire cette foutue gamine. Je me lève et m’approche. L’homme m’a vu. Il me sourit et me dit quelques mots, peut-être bonjour, j’en sais foutre rien. Je suis en sueur et j’ai les jambes en coton. Il me dévisage, toujours souriant, puis son regard descend jusqu’à mon bras. Son sourire se fige tout à coup, il a peur. J’ai envie de fuir, mais cette chaleur dans mon dos, cette fournaise. Des gouttes de sueur ruissellent sur mon front et me brouillent la vue. La morveuse continue de chialer, je sens que ma tête va exploser. Ma main moite se contracte sur le manche de la serpe. Il y a comme une vapeur rouge devant mes yeux. Qu’elle cesse de gémir putain !.....
Tout est calme maintenant, plus rien ne bouge, plus de bruit, seulement celui des vagues s’écrasant sur les rochers. Cela m’apaise. Le vent s’est levé et m’apporte un peu de fraicheur. Je me sens beaucoup mieux, comme libéré d’un poids qui m’oppressait la poitrine. J’ai faim. Je me penche vers la nappe chargée de victuailles pour saisir un morceau de poulet froid. Merde, il y plein de sang sur mon pantalon tout propre. Maman va encore me gronder, c’est sûr.
Le Télégramme de Brest - 16 Août 2003 - Pierrick Abjean,42 ans, le principal suspect dans l’affaire du meurtre de Menez-Ham, où une famille de touristes parisiens a été sauvagement massacrée à coups de serpe, a été relaché ce matin après 24h de garde à vue. Sa mère a affirmé qu’il n’avait pas quitté la maison de toute la journée.
Ouf ! Maman n’a rien dit pour le pantalon, et elle m’a dit de ne rien dire aux gendarmes non plus, ce sont des gens méchants. Mais je n’ai plus le droit de sortir de la maison avant cet automne. C’est pas grave, il fait beaucoup trop chaud.
LA ZONE -
J’aime pas l’été. L’été, maman m’interdit d’aller à la plage, c’est trop dangereux, avec tous ces gens. Je dois rester près de la maison, à me balader sur la lande ou dans les bois. Je vois les touristes de loin, du haut de la falaise, comme des fourmis s’agitant sur le sable. Aujourd’hui, de nombreuses fourmis sont arrivées, et je n’ai pas le droit d’aller me baigner, ni d’attraper des anguilles dans les trous d’eau. Ça m’amuse d’attraper des anguilles. Elles me glissent entre les doigts. Quand j’en tiens une fermement, je la fracasse contre les rochers, et le sang gicle. Je n’ai pas peur du sang. L’anguille continue à bouger longtemps après sa mort. C’est bizarre une anguille. Les gens, eux, restent immobiles quand ils sont morts.
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En voilà un qui a fait overdose de Star Academy, toutes les Nolwenn ne sont pas prédestinées à hurler de la daube sur les ondes, pas la peine de les buter à la naissance. Non, foutons plutôt le feu à TF1, puisque ces bons à rien d'intermittents ont pas réussi.
A part le prénom de la gamine, il n'y a vraiment rien à voir avec star académy. Des Nolwenn, il y en a des milliers en Bretagne, dont certaines chantent beaucoup mieux que l'autre en question. Mais si Aka y voit un rapport, alors j'aurais peut-être du l'écrire en breton, ce texte...
Ah si si, je trouve aussi ce texte relativement proche de Star Academy : intelligence du scénario, suspense bien mené, surprise de fin, ambiance bizarre, tarés congénitaux, meurtres de petits chatons, franchement fais gaffe Taliesin tu vas pas tarder à te faire racheter ton concept par la société Endemol
Euh si on pouvait me laisser en dehors de tout ça... Moi j'aime bien la Star ac'... j'aime bien les Nolwenn... j'aime bien les bretons aussi... et donc j'aime bien ce texte qui est un bon condensé de tous ces ingrédients. On ressent bien l'émotion et le suspense comme un soir de prime time sur TF1. J'adore.
Laisse tomber va, ARka elle comprend rien à l'art.
Excuse-moi AKA, j'ai tapé trop vite. Et si je vendais le scénario à TV Breizh, c'est du TFI régional décentralisé (sauf le pognon qui reste à Paris). Ou à Thalassa, faut voir
Moi aussi je trouve que ce texte ressemble à star Academy... je sais pas, en le lisant y a comme un vieux fond pourri d' air de guitar désacordée qui me revient en tête... ah ouais c'est jeux interdits... CQFD
C'est pas pour être gratuitement méchant mais j'ai beaucoup aimé... A quand la version à tartiner au sel de Guérande ?
Et An Naoned alors ? Bretonne ou pas bretonne finalement ?
Moi j'aime bien les chats ! Mais j'aime pas les lapins. Ni les pigeons.
Nantes est en Bretagne depuis plus de 1000 ans, n'en déplaise à l'Etat Français. La décision de séparer la Loire-Atlantique de la Bretagne aurait du être aussi provisoire que le gouvernement qui a pris cette décision. Mais on s'éloigne pas mal du sujet là. A moins de considérer que les parisiens massacrés à coups de serpe étaient des technocrates jacobins centralisateurs dont la famille avait collaboré pendant l'occupation. Ce qui expliquerai tout...enfin presque
et sinon à part çà... que penses tu du rapprochement de certains mouvements radicaux pronant l'indépendance de la Bretagne, de certaines factions marginales armées de l'IRA ? Penses tu que l'action terroristorésistante des groupuscules bretons se trouvera désartisannalisée gràce à l'avis de ces experts en résistance active et des armes qui vont avec ?
Et sinon t'avales ?
Putain, t'as choisi un des plus joli coin pour le théatre de ton crime...!
Et dire que je vais souvent bouquiner là bas.. je te chercherai, l'été est passé, tu as surement le droit de sortir maintenant, et y'a plein de parisiens (têtes de chiens) qui viennent en terrain conquis sur cette terre sauvage qui doit pourtant le rester... et moi les parigos (têtes de veaux) je les aime bien seulement quant ils restent chez eux...
Je t'attendrai près du village des pêcheurs, juste à coté du gros menhir, à minuit, sous la brume...
Alors si tu as une deuxième serpe, on pourrait inventer un nouveau jeu... tous les deux....
Breizh atao,
Penn ar bed da viken...
Kenavo kenvroad
N'eo ket gwir, oc'h hunvreal emaon! Ha komz a rez brezhoneg Maïwenn?
Hé nan mais attendez, à quoi on joue là ? Commencent à me prendre la tronche les communautaristes à la con là, c'est pas le lieu pour ces enfantillages merci
Bon, on le refera plus promis. Mais le mot "communautariste" est un peu exagéré. Est-ce que je te traite de gros branleur de jacobin, moi?
Mouarf tu peux, j'entends pire toutes les dix minutes sur ce site. Mais de ton coté lache-moi un peu les couilles avec ta Bretagne, merci. Je suis de Guérande et je connais la culture celte aussi bien que n'importe qui, c'est juste que c'est pas l'endroit pour les traditions débiles, les sous-cultures passéistes et les langues agonisantes.
Ouais, vive l'anglais et MacDO!
Voilà, on va dire qu'en gros c'est ça
alors, petit cachotier comme ça on a lu l'Etranger?
çà ressemble trop pour ne pas en être inspiré
mais c'est tout de même bien foutu ton affaire
chapeau bas
Ah, en voilà au moins un qui a remarqué ce détail primordial (deux avec Nihil, vu la photo). Neuf mois après, faut le faire. Parler de Camus au lieu de Star Académy, ça aurait quand même eu plus de classe, hein Arka ?
On est 6 ans après, je ne sais pas ce que "Star academy" et "Camus" veulent dire, mais j'avoue que ce texte m'a appris beaucoup de chose sur la Bretagne, qui du même coup, remonte beaucoup dans mon estime des régions (juste avant le Limousin et juste après la Lorraine).