« Arrête-toi sur-le-champ, Roberto ! », S’époumone Normalizer en sueur, qui n’en peut plus de ce sprint de folie qu’il a bravement entreprit sur une dizaine de mètres pour s’acquitter de sa tâche de purificateur. « Arrête-toi, n’aggrave pas ton cas, immondice de clandestin aux meurs inavouables ! Arrête-toi que j’abrège tes souffrances ! », Hurle-t-il alors que l’autre, ne semblant pas être au courant de la beauté du geste que Normalizer s’apprête à accomplir, accélère sa cadence de plus belles.
La chance est cependant au rendez-vous pour ce têtu Brésilien : ces talons démesurés et sa robe moulante l’empêchent de progresser dans les bois dans lesquels un reliquat de neurone sensé de son esprit dénaturé a eu la bonne initiative de l’embourber… Normalizer regagne à nouveau du terrain, progressant à quatre pattes malgré l’épuisement.
Roberto, gueule comme un porcelet mis à bas. Les branchages le blessent et les ronces le lacèrent… il n’en peut plus quand soudain, à l’orée d’un parc, il heurte un arbuste et s’effondre assommé sur un banc public. Normalizer à bout de souffle tente dans un dernier élan de capturer la folle furieuse en projetant son fouet dans les airs. Malheureusement, c’est l’accident et un candide pigeon, innocemment endormi dans les feuillages d’une branche se voit décapité par le fouet. Les deux bouts de corps tombent lourdement au sol et le tout splashe allègrement dans un tourbillon de sang et de plumes.
Normalizer est l’ombre d’un instant attristé par sa bévue mais son instinct de survie prend vite le pas sur ses remords quand il constate que sa seule et unique arme s’est empêtrée dans les branchages et que la travestie brésilienne toute étourdie vient par malchance de trouver un vieux tesson de bouteille dangereusement pointu sans doute abandonné par un vil saoulot du parc sur le banc.
« Onch vach vouarch quiché kich vach rikoléch maintenanch ! », Gueule le scélérat empafouillé dans un ridicule accent fruit du croisement indélicat d’une origine Sao Paulienne indubitable et de l’érosion d’une langue au compteur kilométrique suçopénien plafonnant les records à ce jour homologués… Il s’approche menaçant de Normalizer qui tire de toutes ses forces sur son fouet qui reste obstinément empêtré dans les branchages. Notre héros va-t-il se faire tailler en pièce par ce machin au sexe indéterminé armé d’un bout de Kro 75cl ? Horreur çà serait une fin bien pitoyable !
Fade out sur le générique interprété par Bernard Minou :
« Quand il n’y a plus d’espoir,
Que triomphe le vilain,
Que la police laisse bras choir,
Que l’armée n’y peut plus rien,
C’est alors que de pénombre,
Surgit le Normalizer,
Pour foutre bandits à l’ombre,
Tout régler en un quart d’heure,
Il remet sur droit chemin,
Tout nigaud qui pense en fuir,
S’élever du genre humain,
Ou société tête tenir…
Comme il aime à répéter,
Qu’il n’y a qu’une seule voie,
Celle de la normalité,
Original : Gareee à toaaaa ! »
Fade in sur le tableau peu glorieux de notre héros sur le point de se faire tessonner la chetron par un personnage au costume bien plus ridicule que le sien:
Mais c’est alors que tout semble perdu que surgissant de nul part, un gloussement terrible de colère se propage et résonne dans tout le bois de Boulogne…Un homme nu, sale, rachitique et à la pilosité envahissante bondit de la canopée et tourneboule dans le sable du parc soulevant un beau nuage de poussière dans une gueulante intarissable. Le travesti surpris par le boucan se retourne vers ce jeune homme semblant tout droit venu d’une grotte tel un vétéran anachronique de la guerre du feu.
« Kiché chuilàch ? », S’interloque Roberto sottement suivant d’un regard abasourdi l’exhibitionniste pubère qui maintenant se penche en pleurs sur la dépouille démantibulée du pigeon. Le Cro-Magnon gémissant à grosses larmes lève alors ses mains ensanglantées au ciel et lance d’un cri tonitruant un incompréhensible « MAMAAAANNN !! »
Profitant du moment d’inattention du dangereux criminel portugophone, Normalizer lui décoche en pleine mâchoire un terrible coup de poing le projetant sur au moins 10 centimètres, mais ce vacillement savamment calculé suffit à faire briller au clair de lune son tesson de bouteille qui par un malicieux jeu de réflexions vient attirer l’attention du jeune primate.
« C’EST TOI QU’A FAIT MOURIR MA MAMAAAAN ! », lance dans un roucoulement à l’intonation que l’on devine vindicative le jeune chevelu crasseux avant de se saisir d’une corbeille publique, de se ruer sur le travesti et d’en faire en deux minutes un appétissant steak tartare sanguinolent…
-« Merci, jeune hippie », complimente Normalizer, « Je crois que tu viens de me sauver la vie… Je propose de t’offrir une bonne boule à zéro à la mode actuelle, ainsi qu’un bon bain chaud, un survêtement et une paire de Nikes pour te rendre hommage ! »
-« Esprit de la forêt, peux-tu me rendre ma Mamaaaaaannn ? »,s’effondre le gamin en pleurs se méprenant bien entendu sur la fonction du Normalizer, maladroitement trompé par le halo lumineux dont la lune décidément joueuse vient comme par enchantement d’auréoler le costume de notre Héros scintillant de milles feux de ses paillettes chamarrées…
Normalizer interloqué, se gratte alors le crane et plonge profondément dans ses souvenirs brumeux… Il sombre, remonte le temps et l’espace jusqu’aux années 70 dans ce même bois de Boulogne… En quelques étincelles inter synaptiques, il se remémore la probable histoire de son jeune sauveur :
« Hum donc heu… A ouais… heu… y avait cette jeune Virginie, une fille charmante mais complètement conne et paumée… A ouais… Elle avait pas une tune, aucun diplôme et aucun talent de toutes manières… Oui c’est çà je m’en souviens très bien maintenant… Cette pauv’ cloche s’entêtait à trimer comme une furie, travailler du soir au matin dans des petits boulots minables alors que de toutes évidences, et je m’en étais rendu compte tout de suite, elle était destinée à une brillante carrière de prostituée…Je l’ai donc pris sous mon aile pendant quelques temps… Des temps troubles, peace and love, où l’on m’avait attribué l’immonde sobriquet de Pimp Flowerpower… Damned ! Comment effacer cette tâche indélébile de mon cursus pourtant si brillant… c’est dingue ! Il suffit qu’une génération sombre dans la débauche et le stupre, que la majorité balance, que la normalité change de camp pour que ma personnalité versatile se transfigure… Heureusement çà n’a pas duré ! Enfin bon… A ouais… donc je me souviens que j’avais engrossé la mignonne, un soir qu’on avait foutu le feu à la plantation privée d’un pote et que la fumé nous avait tous rendu stone… stone au point d’en perdre la raison…Quand elle m’a appris qu’elle attendait un enfant de moi, un peu plus tard, j’ai décidé moi-même de l’avorter à grands coups de marteau piqueur… puis ensuite j’ai enterré le fœtus dans un coin paumé de ce bois… Mais alors ? … Non ! … Cela ne se peut ! … L’enfant aurait survécu ? Impensable ! …Il se serait extirpé seul de sa tombe par la seule force de ces petits bras de prématuré ? … Non je ne peux y croire… J’avais creusé bien profond pourtant ! … Abandonné à son propre sort il n’aurait tout de même jamais pu survivre dans ce monde hostile… Cela ne se peut ! … ….Cela ne se peut ! … A moins que ? Oui, c’est çà ! A moins, qu’une femelle pigeon, frappée de terribles pulsions maternelles, n’aie recueilli le nouveau-né et ne l’aie élevé comme son propre fils !… Cela ne se peut ! … Mais alors ? … Mais alors ? … »
Une larme coule le long de la joue de Normalizer qui vient de retrouver son fils… Sa nouvelle personnalité plus austère fait qu’il regrette ce geste insensé qu’il a commis durant cette époque à la normalité trouble… Il ne peut cependant pas lui avouer la vérité ?
-« Enfant Sauvage », reprend-t-il, un pincement au cœur, « accroche-toi bien ! Je dois te révéler quelque chose qui risque fort de te troubler un tantinet ! En fait je ne suis pas plus la fée clochette de cette forêt que toi un volatile… Ce que je tente maladroitement de te dire c’est que tu n’es pas un pigeon mais bien un homme et que cet oiseau n’était pas ta vraie mère ! Et tiens-toi bien ! Je ne suis pas l’esprit du bois de Boulogne mais le célèbre Normalizer ! C’est dingue hein? Je peux même te donner un autographe si tu veux ? »
-« Pas ma mère ? », Répète connement le sauvageon, « Mais pourtant elle m’a nourrit au sein depuis ma plus tendre enfance ? »
-« Je crois bien que les pigeons n’aient pas de seins, petit ! », Rétorque Normalizer, « Tu as du te faire pigeonner par une habile prothèse mammaire au silicone, je pense ! Ne pleure plus cet oiseau fourbe, probablement stérile, qui s’est joué de ta crédulité pour te manipuler et satisfaire égoïstement ses pulsions maternelles ! »
-« Mais alors tout s’explique ! », S’exclame l’enfant sauvage en s’essuyant les larmes et reprenant du poil de la bête, « Voilà la raison pour laquelle je n’ai jamais pu faire plus de deux mètres en volant sans me croûter pitoyablement au sol ! Voilà la raison pour laquelle le goût des vers me faisait gerber, que les petits vieux du parc s’enfuyaient affolés quand je picorais les bouts de pains qu’ils jetaient pour nourrir les miens ? Voilà pourquoi les autres riaient de mes curieuses plumes et que mes roucoulements étaient si bizarres ? Et pis ne parlons pas de mon guano anormal et de la tronche des statues du parc ! Je suis un homme ! C’est génial ! »
-« Ouais petit, çà me fait plaisir que tu le prennes comme çà ! tiens je t’invite au KFC pour satisfaire ces putains de pulsions cannibales qui t’ont rongé jusqu’à ce jour bénit des dieux ! », Reprend notre héros préféré, « Et pis tu sais en fait je cherche une sorte d’assistant pour mes aventures… Tu vois le genre de mec qu’est là pour montrer qu’on est pas complètement un sociopathe refoulant sa misanthropie latente paradoxalement dans des actions destructrices et auto mutilantes de dévouement au bien-être d’autrui…enfin tu vois le genre d’assistant qu’est là pour se faire sauver de temps à autres, capturé par les méchants comme otage et qui porte toujours un costume plus ridicule que le notre juste pour des raisons de merchandising… Tous les autres super-héros en ont un, c’est normal d’en avoir un… tu vois de quoi je veux parler, n’est-ce pas ? »
-« Pas du tout », réponds l’enfant sauvage, « Mais bon faut dire qu’on a pas une culture très vaste, nous autres les pigeons… heu mince j’ai déjà oublié qu’en fait je suis un homme…pffff… On a pas une très grande mémoire, nous autres les…heu…hum… En tout cas, j’accepte volontiers ta proposition, Normalizer»
-« Superbe ! Marché conclu signe ce contrat, …là,…là,…et pis paraphes ici aussi ! »,Réagit promptement Normalizer, « Voilà c’est bien ! Maintenant mon tit gars, tu vas m’obéir au doigt et à l’œil si tu veux pas que mon armée d’avocats se déchaîne sur ton petit fion ! Bon la première chose : Maintenant tu ne répondras plus qu’au doux nom charmeur de Robin ! Robin du bois ! Ce ‘tain de chauve-souris débile et son phénomène de mode Bat mania à la con vont voir ce qu’ils vont prendre ! »
Fade out sur un superbe jour qui se lève et un soleil magnifique éclaircissant le ciel parisien, nous dévoilant toute cette pollution qui l’endeuille, et prenant le relais d’une lune taquine qui cette fois-ci aura été bien utile au Normalizer qui s’entête avec son nouvel acolyte à essayer de démêler son fouet emmêlé dans les branchages d’un arbre…
(O_____O) LAPINCHIEN
LA ZONE -
/ Rubriques / Normalizer
Une lune ronde d’impartialité, trônant au zénith du sombre ciel parisien endeuillé par la réverbération de la mégalopole, a été l’innocent témoin d’un crime odieux, perpétré par un mutin de l’ordre établi… Elle éclaire de toute sa blondeur une clairière du bois de Boulogne où le Normalizer poursuit à toute allure le déviationniste ridiculeusement accoutré ; elle illumine la piste du malfrat en fuite comme pour gratifier notre fier héros d’un appuis des cieux et d’une bénédiction divine.
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
/me s'incline devant Normalizer & Robin
on reconnait bien la bresilienne accrochée a un arbre du bois de Boulogne dans l'illustration de nihil
Je maintiens mes propos tenus dans un certain bar à putes.
Toute la beauté du texte tient en un seul et unique mot :
PORTUGOPHONE
sans lequel l'histoire perdrait toute sasaveur, mystère, humour,