Mona Vial se retourna sur son matelas en grognant contre le présentateur qui gesticulait et bégayait de la voix alors que ses paupières étaient encore fermées. Le serveur qui était censé recenser ses rêves, était déjà en train d’établir ce qu’elle devait garnir dans sa hotte pour sa première journée de boulot…
En particulier ces bretzels à dérober aux pendus du parc d’à côté. Les courses pour toute une semaine pour tous ces notables condescendants. Et avant même que le présentateur s’amuse à se lancer dans une description minutieuse et très chiante de cette lumière des réverbères ressemblant à des becs de gaz, quelque chose la poussait, une urgence, une nécessité, un appel, mais si ténu qu’elle ne pouvait en saisir un mot.
Dehors, elle avait déjà créé une nouvelle playlist pour les têtes et les oreilles aux couleurs de paraffine du plateau d’InterVision. Et elle venait de s’aventurer dans un tunnel, qui était parfois très bas ; elle ressentait le poids de la glace au-dessus de sa tête. Et elle avait déjà prospecté le terrain en surface, ainsi que tombé sur la vieille affiche d’un film, un remix de Blair Witch, collée par ses petits chefs ; ce qui lui avait fait rappeler le prêchi-prêcha de ces types ivres s’échinant à la blâmer…
Et tandis qu’elle n’était pas suffisamment éveillée mais en mode pilote automatique, elle fut maculée de miettes de pain décongelées en passant sous l’étrange arbre des pendus… et en escaladant les remblais, juste en dessous de la terrasse du Parc des Pendus pour être installée aux premières loges, elle était avec sa bande de collègues qui tweetait des admonestations poétiques à Maître Yoda, ce grand philosophe bouddhiste… Telle qu’elle était, on la traitait de folle mais tous les gens de son équipe l’affligeaient - des geeks bons à rien sinon à rafraîchir une énième fois l’écran et leurs pages sur les réseaux sociaux -
L’alcool lui permettait de se rattacher à quelque chose. Et au moment où elle cherchait une bouteille de vodka dans une cabane encore vacante, le présentateur, un imbécile fier comme un paon qu’elle voyait à présent dans son casque virtuel, lui indiqua qu’elle ne devait pas traîner lors de sa collecte de bretzel car une berline japonaise aux lignes carrés et aux commandes entièrement manuelles, longeait déjà les murs du parc pour récupérer le tout.
« Voilà. Il vous reste six minutes, pour faire cette opération que des types dont c’était le métier ont mis plusieurs années à réaliser. Après, avec un mode d’emploi approximatif, vous pourrez vous repaître des bretzels des pendus mais seulement pour une part qui représente un millième, le reste étant placé avec les autres bretzels alsaciens sur la table de l’InterVision afin qu’ils servent à déprécier le parisianisme. »
Cependant elle se concentra légèrement et éteignit son iPhone et changea de canal mental. Le présentateur et son studio s’évaporèrent instantanément tandis qu’elle suivait un étrange bonhomme avec une timbale, avec un mal de crâne à retourner tout ce qui était à l’envers et à l’endroit, après cette collecte des bretzels dont les miettes tombaient maladroitement de la poche des pendus…
Deuxième partie :
Le Pacte était brisé : dans les amphithéâtres on murmurait que la tournée des bretzels des pendus ne ressemblerait plus à ce qu’elle avait été jadis. Cette tournée des bretzels qu’on trouvait dans les poches des pendus au jardin des curiosités et que les hautes sphères du pouvoir voulaient réguler et garder un contrôle permanent et persuasif… D’ailleurs, dans leurs meetings, ne ployant pas vraiment sous le poids atroce d’une illusoire culpabilité, ils allaient réquisitionner tous les bretzels de ces pauvres bougres quand les nuits mouillantes venaient nous renifler…
D’inoubliables prime time avaient raconté que la découverte du parc des pendus était un pur hasard et même à l’insu des dictateurs au pouvoir…
Mona Vial, quant à elle, regardait en ce moment même un sapin de Noël qui clignotait, s’ingéniant à déloger ensuite la dernière femme pendue et dont le khôl, en coulant, avait dépareillé les ailes d’un oiselet. Prudemment et à l’aide d’une charrette, elle l’emmena dans le temple du parc, qui servait de sanctuaire mais ici aussi les moines s’étaient radicalisés, portant la crinière des punks et qu’ils jumelaient avec l’uniforme des trains transsibériens.
Elle siphonna sa vodka dans un grand calice d’une époque hellénistique puis zigzagua entre des culs-de-jatte et leurs fantômes flottant au-dessus de ce conglomérat d’êtres spirituels et éveillés persuadés de détenir la vérité.
Tout s’écroulait. Même les espoirs les plus fous. Et dans le labyrinthe du temple où elle s’était réfugiée, elle croisa des joailliers qui avaient été parachuté là on ne savait trop pourquoi. Et de là où elle s’était arrêtée, une fontaine, assez large pour accueillir des marsouins, jaillissait…
Troisième partie : Le Sanctuaire
J’imaginais une femme. Elle était grande, cambrée, pas du tout nue mais parée de telle sorte que sa poitrine, son ventre, son sexe, sa croupe fussent luxueusement perceptibles sous un voile mince et tendu, sans un pli, épousant à merveille l’opulence des formes.
Avec l’épicurisme inapproprié et inadapté que je lui connusse elle appréhendait sa prochaine liquéfaction comme d’autres appréhende de recommencer leur job le lundi… mais elle avait inventé un jeu : chevaucher les lionnes en sautant des lianes et foutre les jetons à l’approche de minuit à tous ces gens voulant perquisitionner notre temple. Et ce matin l’air était surchargé des mauvaises ondes des buanderies du coin et il y avait d’abord ce désastre qui avait scandalisé les fins limiers… et lorsqu’on découvrit après un duel à l’épée entre malandrins ayant auparavant fouillé notre coffre-fort, la belle pagaille dans notre pagode, elle s’habilla tout simplement de la seule peau d’un hère dans son jardin d’hiver… Alors que les mangoustes en bas dans la fosse combattaient des gladiateurs, la main-d’œuvre locale qui disputait sa place avec d’authentiques esthètes !
Elle était, maintenant je le sais, métisse et intermittente du spectacle et avait décidé de se focaliser sur « la meilleure version d’elle-même » mais là dans la quasi-obscurité où je la matais je me disais qu’il s’agissait d’un numéro d’équilibriste bien trop risqué. Et pendant que je la dévisageais, le vent lui ébouriffait les quelques mèches déjà blanches qui dépassaient de sa capuche. Devant nous sur l'immense terrasse de l'acropole, les ténèbres et les bruits de la nuit. Des sons de techno parade ou de rave party que les festivals du coin regrettaient déjà et n’amenant que de pauvres types du Kosovo sans certification…
Et on essayait pourtant de nous persuader que la description d’une oasis rien qu’à nous avec une vieille machine à écrire avait quand même du panache. On venait même de dresser le petit inventaire de nos objets sacrés comme un trophée Jivaro, une cuisinière électrique dont l’on se fichait bien si elle était du paléolithique, une robe de couture que les huissiers avaient oubliée sans percuter sur sur son authentique valeur… Mais aussi un service de table ainsi que de deux tabourets de bar que Marylin Manson avait rageusement détruit ; et de là où l’on voyait le saccage, de toute notre hauteur et de façon à ce qu’on puisse les regarder tous et pas seulement penché, des lilliputiens tentaient de remonter les meubles sur pied et en recollant vainement les chutes de bois…
À bien regarder Mona Vial qui était dans notre équipée et qui se tenait à présent entre deux colonnes du sanctuaire où il y avait des gardiens et des gardiennes nus on sentait qu’elle aurait aimé se perdre dans le labyrinthe qu’on avait profané, comme une revanche logique après tous les déboires. Elle se planta devant l’un des eunuques qui la drapa silencieusement d’étoffes transparentes, puis chacun de nous s’étreignit de chagrin.
Puis nous demeurâmes longtemps accoudés au parapet et deux beatniks travaillant pour une chaîne comme Ikea ou Burger King passèrent ; l’un des deux nous adressa un clin d’œil d’en bas et l’autre nous montra une carte d’accréditation qu’on discernait mal à cause de cette pâle lumière d’un blond vénitien et partant à l’oblique de ce parapet crénelé comme un mur d’enceinte…
Quatrième partie : L'incendie
« La chance était en baisse et le talent s’était barré. Dans Point Contrepoint, je crois, Huxley ou l’un de ses personnages dit : « N’importe qui peut être un génie à vingt-cinq ans. À cinquante ans, ça demande plus d’efforts. » Et moi, j’en étais à quarante-neuf, plus quelques mois. Mes tableaux croupissaient dans les galeries. On avait publié une anthologie de mes poèmes : Le paradis est la plus grande des vulves, qui m’avait bien rapporté une centaine de dollars, quatre mois plus tôt. Le bouquin était vite devenu un objet de collection, côté vingt dollars pièce à la bourse des raretés, et je n’avais même plus mon exemplaire personnel : un copain l’avait embarqué un jour de cuite. Ça, un copain ? »
Aucune sensation sur terre n’équivaut à cette monstrueuse journée de biture que j’imagine, l’air pensif, être probablement la dernière : j’étais en train de m’éveiller tout juste à l’heure où la nuit meurt, et gambergeait pour savoir comment me faire un peu d’argent en vendant cette anthologie poétique au plus offrant… J’étais déjà éméché ce matin dès potron-minet, comme égaré ou puni par une divine autorité… Arrivé en bout de course, dans les boutiques de quelques arnaqueurs, d’où flottait un assortiment de parfums étranges, avec ses étagères chargées de dossiers et de livres, j’avais rapidement cessé de négocier ; et après les transactions qui auraient dû me rendre plus riche, bien plus tard à la lueur de la lune, je dégobillais ayant bu tout ce qu'ils m'avaient donné en pauvres kopecks, ces fumiers… je me trouvais face à une grande horloge bien foireuse, sur le qui-vive, et au-dessus il y avait un immense écran bloqué sur l’image d’un bouc suggérant l’outrance démoniaque qui allait venir. Mon cerveau archivant en tout cas comme ça cette situation bien plus qu’affolante.
Peut-être que dans mes rêveries, lorsque j’étais guidé par des tentacules gluantes de pieuvre, tout ça ne pouvait probablement que produire ce genre de péripéties où je me voyais pataugeant dans la fange, un jour de pluie diluvienne avec Mona Vial, dans le jardin d’un certain Deke Simmons, mon voisin, sûrement pas un génie dans son genre, poursuivant sans fin un pélican qui fuyait… On ne discernait dans cet épisode onirique — en le ramenant chez moi et en l’enfermant dans une cage d’ivoire — que son jabot énorme, fermement résigné à avaler tout ce qu’il lui passait dans le gosier. Je me souviens aussi qu’il y avait un angélus se maintenant interminablement dans le temps et ce que j’avais vu ensuite s’était tellement enchaîné rapidement qu’en moins de temps qu’il en faut je gisais sur le sol en béton, à l’angle de la Rue René de Obaldia.
Trempé comme des rats d’égout on profitait de ces pluies diluviennes et de leur inondation sur les quais du Rhône pour chasser les oiseaux aux goitres atrophiés et en particulier ces pélicans noirs regardant rêveusement les gouttes de pluie tomber entre les tuiles et le pisé rouge sans jamais échauffer les esprits !
Plus tard dans l’après-midi, choyant des arbres avec une couleur ambrée, et en mettant une touche de plutonium dans nos canettes de bières, le soleil et son aura irisaient tout ce que la sœur Anne ne voyait rien venir… tout ce qui allait brûler aussi ; et ce feu redoublant d’intensité juste après les récentes élections truquées était loin d’être une pitrerie d’étudiants de première année friqués, et avait fait frire consciencieusement tous ceux qui jasaient sur notre déroute. Il en était autant pour ceux qui reluquaient Mona Vial, comme ce groupe de types ivres et arrogants, affluant sur la Place Impériale…
Des barrages se montaient et les cieux se voilaient à cause de leur enquiquinante évaporation par une fumée bien noire : tout le monde se mettait à courir complétement paniqué, seuls les pyromanes restaient là à observer, béats d’admiration, entamant une gigue qui ressemblait à la danse des derviches tourneurs… en les voyant désarçonnés dans leur transe panthéiste, ce n'était pas la peine de sortir de polytechnique pour savoir qu’ils cherchaient quelqu’un ou même quelques troupes se portant candidat pour le bûcher de la Saint-Con !
Au loin dans la vallée, la situation désespérée de ces rêveurs, rejetant en bloc l’implant cérébral jusqu’à l’épuisement, les avait fait vandaliser un pipe-line car ils s’agrippaient encore à l’ancienne version onirique lorsqu’ils s’étaient évadés de l’aile méridionale et capitonnée d’un asile d’aliénés.
Dans un angle de leur salle de danse, un anaconda frétillait et ils chantonnaient des répliques de vieux films poujadistes ; et les autres cons s’approvisionnaient en chargeant leur coffre à mort, anticipant le grand soir où tout allait basculer et les routes se fermer. Et il restait la grande question, à savoir où pouvait-on s’inviter : par exemple dans cette caverne noire et peu accueillante peut-être où Mona Vial se masturbait, ignorant les ombres menaçantes, les plis de son peignoir entrouvert laissant voir ses parures de pacotille et le cercle rosé de ses mamelons ?
Dehors les Rolls-Royce commençaient déjà à s’embraser, et dedans il y avait toujours un oreiller en mousse en train de brûler n’incommodant plus par son odeur les passagers s’étant enfui avant l’incendie ; pour l’audience de la chaîne télé retransmettant ça, l’image étant hachurée, les spectateurs étaient ulcérés et ça les avait mis bientôt tous dehors, bien plus nombreux que cette nuit où j’avais brûlé vif la nuit de la Saint-Jean un pédophile ? Et que j’avait poursuivis sur la route en side-car avant de le rattraper…
Mais maintenant le brasier s’étendait aussi aux Archives et à quelques entreprises ordonnant et listant dans un classeur Excel selon un ordre réfléchi les diverses maladies infectieuses qui sévissent dans nos contrées aux températures continentales, ce qui n’était qu’un avant-goût pour ce type, pyromane aussi, qui brossait tranquillement son cheval dans son ranch en pensant secrètement être John Fante lui-même…
Même le crépuscule et ses horizons inouïs semblaient calcinés, et bientôt on passa devant une boutique où une succession vertigineuse de miroirs reflétait un soldat slave au garde-à-vous.
Et, Mona Vial restait immobile devant un oisillon qui devait être bien au chaud grâce la chaufferette électrique enveloppée d’une couverture que les propriétaires de cet office avaient installée dessous… Même trop chaud, car concernée également par la seule avidité des pyromanes, incendiant tous le quartier, la teinturerie allait devenir un brasier aussi.
Avec son casque virtuel elle tenta d’appeler les pompiers mais à chaque fois le présentateur de l’InterVision resquillait son tour, en monopolisant son canal mental et rabâchait que presque toute la ville allait brûler… Ça, on le savait déjà. C’était l’accession au pouvoir des fous qui jadis était raillés.
Cette nuit là, la lune était d’une couleur rouge monochrome mais rapidement distrait par une gerbe de feu à enflammer toutes les étoiles, on était comme hébétés par ce que l’on croyait être juste un rêve. Un rêve infaillible par rapport à la réalité, sans être obligé de se montrer preux, et avec, dans le voisinage, des animaux nocturnes s’éveillant lors de la flambée et qui avait bien l’intention de grimper jusqu’aux faîtes des plus grands arbres simplement pour nous voir nous enflammer. Et en priorité ceux qui hantaient déjà la grange en feu pour voir si le ridicule tuait ou pas…
Cinquième partie : L’autopsie
Au milieu d’une kermesse il y avait un endroit étrange, un lieu où les gens n’aimaient pas aller, ils laissaient là leurs vieilles frusques par terre si par malheur ils s’aventuraient là ; sur les murs, des affiches jaunâtres de messie se décollaient et il y avait des papiers où un énigmatique Jack avait écrit dans un style autobiographique tandis que des statues morbides en marbre horrifiaient les seuls courageux qui avaient osé entrer. Les couloirs et la galerie des glaces, après nous avoir fait tourner en rond, arrivaient sur une arène où deux docteurs pratiquaient une autopsie en fouillant dans les tripes d’une victime quelconque ; une infirmière plantureuse qui les assistaient, en objectant à chaque fois qu’ils semblaient trouver quelque chose d’intéressant, les insupportait… cependant leur état était proche de l’hypnose quand un organe encore tout frétillant était décoincé de ce tas de chair sanguinolent.
Leurs neurones étaient devenus de la bouillie et sans en avoir l’air ils étaient persuadés que des assaillants allaient interrompre âprement leur travail. Je remarquai avec Mona Vial qu’un boa constrictor dans le brushing de l’infirmière faisait office de nœud pour ses cheveux… et puis prostrées dans un coin obscur, il y avait des ombres obscures qui soliloquaient sur des mouvements révolutionnaires n’ayant jamais existé… ou s’attaquaient à mandater de discrètes espionnes, du même âge que Mona Vial.
Le sol était mouillé, mélange d’eau et de sang, mais ce qui nous intriguait c’était cette ménagerie de laboratoire : certaines espèces d’animaux gisaient dans leur cage où sur une petite plaque on pouvait lire des généralités les concernant… Leurs confréries et tout le bataclan comptaient bien s’en débarrasser une fois étudiées. Et étrangement sur une balançoire, près de la table d’examen, une gamine, dont l’orgueil dessaoulait toujours ces prédateurs, brutalisait, entre deux accalmies, un ver de terre plutôt mollasse ou l’étouffait en l’enfermant dans un tube qu’elle avait volé à l’assistante. Peut-être cherchait-elle l’inspiration pour ses trois premiers romans dont l’intrigue était née bien avant que Hunter Thompson plonge dans les narcotiques les plus puissants.
Mais quelque chose s’accommodait bien avec la pénombre des lieux, quelque chose comme un véritable miracle qui allait prendre le pas sur les méfaits et les complots accrocheurs des deux hommes et de ces ombres grimaçantes : Mona Vial, d’un œil flasque, l’avait vu venir cette chose malgré sa gaucherie innée. Cette légende des chamans mongols s’amusant à raconter des contes qui pour l’instant paraissaient encore innocents et dont un ara dans son bec et ses griffes transmettait le message afin que la crémation annuelle des zonards s’offre une cure de rajeunissement ; et là, tout près d’elle, le perroquet cognait en ce moment même contre les vitres mais on ne savait toujours pas qui l’avait assigné à cette tâche… Allait-il flancher avant qu’on prenne connaissance de sa missive et perdre ses plus beaux atours sous l’effet de la fournaise ?
En tout cas, ça venait sûrement d’un sorcier, d’un marabout tournant la plupart du temps au rhum, un pochard visionnaire ayant longuement vécu cloitré…
Dans le capharnaüm des troncs et des poutres brûlés, les prédateurs marchaient désormais à nos côtés.
Et tout en zonant, on était à présent persuadé qu’un autre événement de ce même acabit ne serait fondé que sur nos propres peurs absurdes…
########
Ce monde sentait la braise prête à être ravivée, haranguée par de multiples étincelles : tout était organisé autour du feu, du cosmos des chamans mongols, des lointains rivages ; de cet oracle aussi qui allait peut-être tout arranger… dans l’obscurité, la sacro-sainte sagesse des allumettes se perdait, allant jusqu’au non-sens qu’elles redoutaient pourtant, et de flambées ordinaires en chaos effroyables, elles briseraient l’inertie par une série de catastrophes délirantes.
Dehors, elle avait déjà créé une nouvelle playlist pour les têtes et les oreilles aux couleurs de paraffine du plateau d’InterVision. Et elle venait de s’aventurer dans un tunnel, qui était parfois très bas ; elle ressentait le poids de la glace au-dessus de sa tête. Et elle avait déjà prospecté le terrain en surface, ainsi que tombé sur la vieille affiche d’un film, un remix de Blair Witch, collée par ses petits chefs ; ce qui lui avait fait rappeler le prêchi-prêcha de ces types ivres s’échinant à la blâmer…
Et tandis qu’elle n’était pas suffisamment éveillée mais en mode pilote automatique, elle fut maculée de miettes de pain décongelées en passant sous l’étrange arbre des pendus… et en escaladant les remblais, juste en dessous de la terrasse du Parc des Pendus pour être installée aux premières loges, elle était avec sa bande de collègues qui tweetait des admonestations poétiques à Maître Yoda, ce grand philosophe bouddhiste… Telle qu’elle était, on la traitait de folle mais tous les gens de son équipe l’affligeaient - des geeks bons à rien sinon à rafraîchir une énième fois l’écran et leurs pages sur les réseaux sociaux -
L’alcool lui permettait de se rattacher à quelque chose. Et au moment où elle cherchait une bouteille de vodka dans une cabane encore vacante, le présentateur, un imbécile fier comme un paon qu’elle voyait à présent dans son casque virtuel, lui indiqua qu’elle ne devait pas traîner lors de sa collecte de bretzel car une berline japonaise aux lignes carrés et aux commandes entièrement manuelles, longeait déjà les murs du parc pour récupérer le tout.
« Voilà. Il vous reste six minutes, pour faire cette opération que des types dont c’était le métier ont mis plusieurs années à réaliser. Après, avec un mode d’emploi approximatif, vous pourrez vous repaître des bretzels des pendus mais seulement pour une part qui représente un millième, le reste étant placé avec les autres bretzels alsaciens sur la table de l’InterVision afin qu’ils servent à déprécier le parisianisme. »
Cependant elle se concentra légèrement et éteignit son iPhone et changea de canal mental. Le présentateur et son studio s’évaporèrent instantanément tandis qu’elle suivait un étrange bonhomme avec une timbale, avec un mal de crâne à retourner tout ce qui était à l’envers et à l’endroit, après cette collecte des bretzels dont les miettes tombaient maladroitement de la poche des pendus…
Deuxième partie :
Le Pacte était brisé : dans les amphithéâtres on murmurait que la tournée des bretzels des pendus ne ressemblerait plus à ce qu’elle avait été jadis. Cette tournée des bretzels qu’on trouvait dans les poches des pendus au jardin des curiosités et que les hautes sphères du pouvoir voulaient réguler et garder un contrôle permanent et persuasif… D’ailleurs, dans leurs meetings, ne ployant pas vraiment sous le poids atroce d’une illusoire culpabilité, ils allaient réquisitionner tous les bretzels de ces pauvres bougres quand les nuits mouillantes venaient nous renifler…
D’inoubliables prime time avaient raconté que la découverte du parc des pendus était un pur hasard et même à l’insu des dictateurs au pouvoir…
Mona Vial, quant à elle, regardait en ce moment même un sapin de Noël qui clignotait, s’ingéniant à déloger ensuite la dernière femme pendue et dont le khôl, en coulant, avait dépareillé les ailes d’un oiselet. Prudemment et à l’aide d’une charrette, elle l’emmena dans le temple du parc, qui servait de sanctuaire mais ici aussi les moines s’étaient radicalisés, portant la crinière des punks et qu’ils jumelaient avec l’uniforme des trains transsibériens.
Elle siphonna sa vodka dans un grand calice d’une époque hellénistique puis zigzagua entre des culs-de-jatte et leurs fantômes flottant au-dessus de ce conglomérat d’êtres spirituels et éveillés persuadés de détenir la vérité.
Tout s’écroulait. Même les espoirs les plus fous. Et dans le labyrinthe du temple où elle s’était réfugiée, elle croisa des joailliers qui avaient été parachuté là on ne savait trop pourquoi. Et de là où elle s’était arrêtée, une fontaine, assez large pour accueillir des marsouins, jaillissait…
Troisième partie : Le Sanctuaire
J’imaginais une femme. Elle était grande, cambrée, pas du tout nue mais parée de telle sorte que sa poitrine, son ventre, son sexe, sa croupe fussent luxueusement perceptibles sous un voile mince et tendu, sans un pli, épousant à merveille l’opulence des formes.
Avec l’épicurisme inapproprié et inadapté que je lui connusse elle appréhendait sa prochaine liquéfaction comme d’autres appréhende de recommencer leur job le lundi… mais elle avait inventé un jeu : chevaucher les lionnes en sautant des lianes et foutre les jetons à l’approche de minuit à tous ces gens voulant perquisitionner notre temple. Et ce matin l’air était surchargé des mauvaises ondes des buanderies du coin et il y avait d’abord ce désastre qui avait scandalisé les fins limiers… et lorsqu’on découvrit après un duel à l’épée entre malandrins ayant auparavant fouillé notre coffre-fort, la belle pagaille dans notre pagode, elle s’habilla tout simplement de la seule peau d’un hère dans son jardin d’hiver… Alors que les mangoustes en bas dans la fosse combattaient des gladiateurs, la main-d’œuvre locale qui disputait sa place avec d’authentiques esthètes !
Elle était, maintenant je le sais, métisse et intermittente du spectacle et avait décidé de se focaliser sur « la meilleure version d’elle-même » mais là dans la quasi-obscurité où je la matais je me disais qu’il s’agissait d’un numéro d’équilibriste bien trop risqué. Et pendant que je la dévisageais, le vent lui ébouriffait les quelques mèches déjà blanches qui dépassaient de sa capuche. Devant nous sur l'immense terrasse de l'acropole, les ténèbres et les bruits de la nuit. Des sons de techno parade ou de rave party que les festivals du coin regrettaient déjà et n’amenant que de pauvres types du Kosovo sans certification…
Et on essayait pourtant de nous persuader que la description d’une oasis rien qu’à nous avec une vieille machine à écrire avait quand même du panache. On venait même de dresser le petit inventaire de nos objets sacrés comme un trophée Jivaro, une cuisinière électrique dont l’on se fichait bien si elle était du paléolithique, une robe de couture que les huissiers avaient oubliée sans percuter sur sur son authentique valeur… Mais aussi un service de table ainsi que de deux tabourets de bar que Marylin Manson avait rageusement détruit ; et de là où l’on voyait le saccage, de toute notre hauteur et de façon à ce qu’on puisse les regarder tous et pas seulement penché, des lilliputiens tentaient de remonter les meubles sur pied et en recollant vainement les chutes de bois…
À bien regarder Mona Vial qui était dans notre équipée et qui se tenait à présent entre deux colonnes du sanctuaire où il y avait des gardiens et des gardiennes nus on sentait qu’elle aurait aimé se perdre dans le labyrinthe qu’on avait profané, comme une revanche logique après tous les déboires. Elle se planta devant l’un des eunuques qui la drapa silencieusement d’étoffes transparentes, puis chacun de nous s’étreignit de chagrin.
Puis nous demeurâmes longtemps accoudés au parapet et deux beatniks travaillant pour une chaîne comme Ikea ou Burger King passèrent ; l’un des deux nous adressa un clin d’œil d’en bas et l’autre nous montra une carte d’accréditation qu’on discernait mal à cause de cette pâle lumière d’un blond vénitien et partant à l’oblique de ce parapet crénelé comme un mur d’enceinte…
Quatrième partie : L'incendie
« La chance était en baisse et le talent s’était barré. Dans Point Contrepoint, je crois, Huxley ou l’un de ses personnages dit : « N’importe qui peut être un génie à vingt-cinq ans. À cinquante ans, ça demande plus d’efforts. » Et moi, j’en étais à quarante-neuf, plus quelques mois. Mes tableaux croupissaient dans les galeries. On avait publié une anthologie de mes poèmes : Le paradis est la plus grande des vulves, qui m’avait bien rapporté une centaine de dollars, quatre mois plus tôt. Le bouquin était vite devenu un objet de collection, côté vingt dollars pièce à la bourse des raretés, et je n’avais même plus mon exemplaire personnel : un copain l’avait embarqué un jour de cuite. Ça, un copain ? »
Aucune sensation sur terre n’équivaut à cette monstrueuse journée de biture que j’imagine, l’air pensif, être probablement la dernière : j’étais en train de m’éveiller tout juste à l’heure où la nuit meurt, et gambergeait pour savoir comment me faire un peu d’argent en vendant cette anthologie poétique au plus offrant… J’étais déjà éméché ce matin dès potron-minet, comme égaré ou puni par une divine autorité… Arrivé en bout de course, dans les boutiques de quelques arnaqueurs, d’où flottait un assortiment de parfums étranges, avec ses étagères chargées de dossiers et de livres, j’avais rapidement cessé de négocier ; et après les transactions qui auraient dû me rendre plus riche, bien plus tard à la lueur de la lune, je dégobillais ayant bu tout ce qu'ils m'avaient donné en pauvres kopecks, ces fumiers… je me trouvais face à une grande horloge bien foireuse, sur le qui-vive, et au-dessus il y avait un immense écran bloqué sur l’image d’un bouc suggérant l’outrance démoniaque qui allait venir. Mon cerveau archivant en tout cas comme ça cette situation bien plus qu’affolante.
Peut-être que dans mes rêveries, lorsque j’étais guidé par des tentacules gluantes de pieuvre, tout ça ne pouvait probablement que produire ce genre de péripéties où je me voyais pataugeant dans la fange, un jour de pluie diluvienne avec Mona Vial, dans le jardin d’un certain Deke Simmons, mon voisin, sûrement pas un génie dans son genre, poursuivant sans fin un pélican qui fuyait… On ne discernait dans cet épisode onirique — en le ramenant chez moi et en l’enfermant dans une cage d’ivoire — que son jabot énorme, fermement résigné à avaler tout ce qu’il lui passait dans le gosier. Je me souviens aussi qu’il y avait un angélus se maintenant interminablement dans le temps et ce que j’avais vu ensuite s’était tellement enchaîné rapidement qu’en moins de temps qu’il en faut je gisais sur le sol en béton, à l’angle de la Rue René de Obaldia.
Trempé comme des rats d’égout on profitait de ces pluies diluviennes et de leur inondation sur les quais du Rhône pour chasser les oiseaux aux goitres atrophiés et en particulier ces pélicans noirs regardant rêveusement les gouttes de pluie tomber entre les tuiles et le pisé rouge sans jamais échauffer les esprits !
Plus tard dans l’après-midi, choyant des arbres avec une couleur ambrée, et en mettant une touche de plutonium dans nos canettes de bières, le soleil et son aura irisaient tout ce que la sœur Anne ne voyait rien venir… tout ce qui allait brûler aussi ; et ce feu redoublant d’intensité juste après les récentes élections truquées était loin d’être une pitrerie d’étudiants de première année friqués, et avait fait frire consciencieusement tous ceux qui jasaient sur notre déroute. Il en était autant pour ceux qui reluquaient Mona Vial, comme ce groupe de types ivres et arrogants, affluant sur la Place Impériale…
Des barrages se montaient et les cieux se voilaient à cause de leur enquiquinante évaporation par une fumée bien noire : tout le monde se mettait à courir complétement paniqué, seuls les pyromanes restaient là à observer, béats d’admiration, entamant une gigue qui ressemblait à la danse des derviches tourneurs… en les voyant désarçonnés dans leur transe panthéiste, ce n'était pas la peine de sortir de polytechnique pour savoir qu’ils cherchaient quelqu’un ou même quelques troupes se portant candidat pour le bûcher de la Saint-Con !
Au loin dans la vallée, la situation désespérée de ces rêveurs, rejetant en bloc l’implant cérébral jusqu’à l’épuisement, les avait fait vandaliser un pipe-line car ils s’agrippaient encore à l’ancienne version onirique lorsqu’ils s’étaient évadés de l’aile méridionale et capitonnée d’un asile d’aliénés.
Dans un angle de leur salle de danse, un anaconda frétillait et ils chantonnaient des répliques de vieux films poujadistes ; et les autres cons s’approvisionnaient en chargeant leur coffre à mort, anticipant le grand soir où tout allait basculer et les routes se fermer. Et il restait la grande question, à savoir où pouvait-on s’inviter : par exemple dans cette caverne noire et peu accueillante peut-être où Mona Vial se masturbait, ignorant les ombres menaçantes, les plis de son peignoir entrouvert laissant voir ses parures de pacotille et le cercle rosé de ses mamelons ?
Dehors les Rolls-Royce commençaient déjà à s’embraser, et dedans il y avait toujours un oreiller en mousse en train de brûler n’incommodant plus par son odeur les passagers s’étant enfui avant l’incendie ; pour l’audience de la chaîne télé retransmettant ça, l’image étant hachurée, les spectateurs étaient ulcérés et ça les avait mis bientôt tous dehors, bien plus nombreux que cette nuit où j’avais brûlé vif la nuit de la Saint-Jean un pédophile ? Et que j’avait poursuivis sur la route en side-car avant de le rattraper…
Mais maintenant le brasier s’étendait aussi aux Archives et à quelques entreprises ordonnant et listant dans un classeur Excel selon un ordre réfléchi les diverses maladies infectieuses qui sévissent dans nos contrées aux températures continentales, ce qui n’était qu’un avant-goût pour ce type, pyromane aussi, qui brossait tranquillement son cheval dans son ranch en pensant secrètement être John Fante lui-même…
Même le crépuscule et ses horizons inouïs semblaient calcinés, et bientôt on passa devant une boutique où une succession vertigineuse de miroirs reflétait un soldat slave au garde-à-vous.
Et, Mona Vial restait immobile devant un oisillon qui devait être bien au chaud grâce la chaufferette électrique enveloppée d’une couverture que les propriétaires de cet office avaient installée dessous… Même trop chaud, car concernée également par la seule avidité des pyromanes, incendiant tous le quartier, la teinturerie allait devenir un brasier aussi.
Avec son casque virtuel elle tenta d’appeler les pompiers mais à chaque fois le présentateur de l’InterVision resquillait son tour, en monopolisant son canal mental et rabâchait que presque toute la ville allait brûler… Ça, on le savait déjà. C’était l’accession au pouvoir des fous qui jadis était raillés.
Cette nuit là, la lune était d’une couleur rouge monochrome mais rapidement distrait par une gerbe de feu à enflammer toutes les étoiles, on était comme hébétés par ce que l’on croyait être juste un rêve. Un rêve infaillible par rapport à la réalité, sans être obligé de se montrer preux, et avec, dans le voisinage, des animaux nocturnes s’éveillant lors de la flambée et qui avait bien l’intention de grimper jusqu’aux faîtes des plus grands arbres simplement pour nous voir nous enflammer. Et en priorité ceux qui hantaient déjà la grange en feu pour voir si le ridicule tuait ou pas…
Cinquième partie : L’autopsie
Au milieu d’une kermesse il y avait un endroit étrange, un lieu où les gens n’aimaient pas aller, ils laissaient là leurs vieilles frusques par terre si par malheur ils s’aventuraient là ; sur les murs, des affiches jaunâtres de messie se décollaient et il y avait des papiers où un énigmatique Jack avait écrit dans un style autobiographique tandis que des statues morbides en marbre horrifiaient les seuls courageux qui avaient osé entrer. Les couloirs et la galerie des glaces, après nous avoir fait tourner en rond, arrivaient sur une arène où deux docteurs pratiquaient une autopsie en fouillant dans les tripes d’une victime quelconque ; une infirmière plantureuse qui les assistaient, en objectant à chaque fois qu’ils semblaient trouver quelque chose d’intéressant, les insupportait… cependant leur état était proche de l’hypnose quand un organe encore tout frétillant était décoincé de ce tas de chair sanguinolent.
Leurs neurones étaient devenus de la bouillie et sans en avoir l’air ils étaient persuadés que des assaillants allaient interrompre âprement leur travail. Je remarquai avec Mona Vial qu’un boa constrictor dans le brushing de l’infirmière faisait office de nœud pour ses cheveux… et puis prostrées dans un coin obscur, il y avait des ombres obscures qui soliloquaient sur des mouvements révolutionnaires n’ayant jamais existé… ou s’attaquaient à mandater de discrètes espionnes, du même âge que Mona Vial.
Le sol était mouillé, mélange d’eau et de sang, mais ce qui nous intriguait c’était cette ménagerie de laboratoire : certaines espèces d’animaux gisaient dans leur cage où sur une petite plaque on pouvait lire des généralités les concernant… Leurs confréries et tout le bataclan comptaient bien s’en débarrasser une fois étudiées. Et étrangement sur une balançoire, près de la table d’examen, une gamine, dont l’orgueil dessaoulait toujours ces prédateurs, brutalisait, entre deux accalmies, un ver de terre plutôt mollasse ou l’étouffait en l’enfermant dans un tube qu’elle avait volé à l’assistante. Peut-être cherchait-elle l’inspiration pour ses trois premiers romans dont l’intrigue était née bien avant que Hunter Thompson plonge dans les narcotiques les plus puissants.
Mais quelque chose s’accommodait bien avec la pénombre des lieux, quelque chose comme un véritable miracle qui allait prendre le pas sur les méfaits et les complots accrocheurs des deux hommes et de ces ombres grimaçantes : Mona Vial, d’un œil flasque, l’avait vu venir cette chose malgré sa gaucherie innée. Cette légende des chamans mongols s’amusant à raconter des contes qui pour l’instant paraissaient encore innocents et dont un ara dans son bec et ses griffes transmettait le message afin que la crémation annuelle des zonards s’offre une cure de rajeunissement ; et là, tout près d’elle, le perroquet cognait en ce moment même contre les vitres mais on ne savait toujours pas qui l’avait assigné à cette tâche… Allait-il flancher avant qu’on prenne connaissance de sa missive et perdre ses plus beaux atours sous l’effet de la fournaise ?
En tout cas, ça venait sûrement d’un sorcier, d’un marabout tournant la plupart du temps au rhum, un pochard visionnaire ayant longuement vécu cloitré…
Dans le capharnaüm des troncs et des poutres brûlés, les prédateurs marchaient désormais à nos côtés.
Et tout en zonant, on était à présent persuadé qu’un autre événement de ce même acabit ne serait fondé que sur nos propres peurs absurdes…
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Ce monde sentait la braise prête à être ravivée, haranguée par de multiples étincelles : tout était organisé autour du feu, du cosmos des chamans mongols, des lointains rivages ; de cet oracle aussi qui allait peut-être tout arranger… dans l’obscurité, la sacro-sainte sagesse des allumettes se perdait, allant jusqu’au non-sens qu’elles redoutaient pourtant, et de flambées ordinaires en chaos effroyables, elles briseraient l’inertie par une série de catastrophes délirantes.