Ce texte est le résultat d'un honteux pillage de lapinchien du texte "Les cafards ne veulent pas mourir - chapitre 5" de Mill et posté dans ses commentaires. D'ailleurs le lagomorphe n'hésitera pas à s'en justifier : "J'adore. ça fait 3 épisodes qu'on fait du surplace dans le noir absolu, ou peut-être des cercles sous terre ou des boucles temporelles ou qu'on tournicote sur soi-même en pataugeant dans la gadoue. C'est exactement ça la définition de la vie, tout du moins de la mienne, un long râle d'agonie depuis la naissance, se prolongeant jusqu'à la mort. Mais pour autant il ne se passe pas absolument rien. J'en ai appris beaucoup plus sur ma maladie mentale. De la spéléologie dans mon cul, depuis le début, sans même me retourner, voilà ma quête éternelle. Il y a un texte caché dans le texte, au milieu de toutes ces excellentes descriptions, toutes ces belles phrases que je ne saurais pas rédiger et dont je suis extrêmement jaloux. Quelques coups de gomme par ci, quelques points de colle UHU, un peu dans les narines au passage, quelques ajouts par là. Voici l'histoire de lapinchien en auto-consultation psychiatrique dans les méandres de son cul." Cependant, alors que le texte était en attente de publication, Mill était repassé dessus avec la ferme intention de troller ce petit fils de pute de lagomorphe de mes couilles...
Il ne se souvenait plus de l'opération. Ou de la... Mince, c'était quoi, au juste ? Un examen invasif, type coloscopie ou sondage par l'IFOP, putain de foutue mémoire. Il se hissa hors de sa torpeur avec l'impression tenace qu'on lui avait fourré la tête dans une capote géante et comprit qu'un esprit malade avait mené à bien un certain nombre de modifications sur son corps déjanté.
Une partie de lui s'était déplacée à l'intérieur de lui-même. Lorsqu'il ouvrait les yeux, il contemplait les nervures de son cerveau et ses narines lui renvoyaient des fragrances absurdes qui se situaient d'ordinaire au fond d'une semelle. Il dut se contorsionner, se tordre, jouer sur des muscles et des ligaments insoupçonnés pour parvenir à finaliser un mouvement digne de se nom. A tel point qu'il se chanta le refrain d'un vieux de Kylie Minogue en guise de récompense.
Il ne tarda pas à comprendre - par association d'idées, une technique comme une autre - qu'il allait avoir besoin de sa copine, la Veuve Poignet. Alors quelque chose en lui poussa, tira, joua sur ses gonds et plop !
Il sourit. Il allait enfin pouvoir se branler.
Sa main droite, émergeant du tube digestif, dépassait tout juste des amygdales. Et Hop ! Le lagomorphe attrapa sa langue et la tira d'un coup sec. Elle descendit d'un trait tout le long de son appareil digestif et soudain se retrouva à poindre hors de ses fesses : lapinchien tenait son fil d'Ariane ! Pas question de se perdre et que, des mois plus tard, une expédition de sauvetage ne le trouve en décomposition dans un recoin isolé de ses boyasses putrides. Une fois qu'il avait réussi à faire entrer sa tête, le reste du corps était passé tout seul.
Il souffrait toutefois d'un manque de place patent. C'était bien beau de s'exciter en fredonnant des vers dénués de sens musical mais non exempts de suggestions érotiques, mais là, il risquait la tendinite s'il se lançait dans une séance frénétique de va-et-vient avec lui-même.
Lapinchien, en effet, se trouvait à présent dans son cul, éclairé d'une lampe frontale, pour y découvrir le secret caché de sa maladie mentale. C'est du moins ce qu'il en déduisit parce que, concrètement, cette nouvelle situation n'avait pas grand chose à voir avec la choucroute. Ni une ni deux, il se mit à ramper. Il progressa rapidement au delà de son rectum. Une grosse pierre chuta et il l'esquiva de justesse. C'était son amour propre. Alors il se mit en marche dans le côlon sigmoïde. Et le mutant prenait son temps. Il appréciait la balade et de jouir de l'instant présent en parfait hédoniste amoureux de spéléologie.
Il songea un instant qu'il était bien, à la fraîche, décontracté du gland et se fit la réflexion qu'il était de bon ton de citer les Valseuses tout en conspuant Depardieu. Alors il conspua Depardieu, Moix et PPDA, sans oublier Jacquot et Doillon, l'Abbé Pierre et Polanski, et faillit s'assoupir par que c'était un peu comme compter les moutons. Il se dit alors qu'on ne pouvait plus rien dire, puis se demanda si on pouvait encore dire qu'on ne pouvait plus rien dire, du moins ailleurs que dans son cul, et clôtura le débat en se disant qu'il valait mieux rien dire quant à ce qu'il fallait dire ou ne pas dire parce que, de toute façon, ça empêchait pas ceux qui avaient envie de dire de dire ce qu'ils avaient envie de dire et ceux qui n'avaient envie de rien dire de dire qu'ils n'avaient pas envie de dire ce qu'ils n'avaient pas envie de dire, soit parce qu'ils n'avaient rien à dire, soit parce qu'ils avaient peur d'avoir à dire des trucs à ceux qui y trouvaient quelque chose à redire.
L'épisode de la chute de pierres - même si elle ne concernait qu'une seule pierre - l'avait pour le moins déconcerté. Les rares fois où survenaient ces incidents, les risques d'éboulements avaient été signalés, voire répertoriés. Probablement dans le cul d'un spéléologue, ajouta-t'il dans son for intérieur, avant d'éclater d'un rire généreux. Ah la vache, se dit-il, je commence à fatiguer, c'est sans doute les gaz qui me montent à la tête. Alors il se confectionna un masque anti-COVID avec un bout de sopalin en espérant qu'il le protégerait au moins partiellement de toute émanation toxique.
Ensuite, lapinchien s'amusa un peu à jouer au con avec la réverbération sonore. Il cria "ohé". Puis, "timber!", puis "la jeunesse emmerde le Front National!", puis trois fois "ok boomer" et six fois "je suis Charlie!" Mais cette caverne brillait par son silence - hormis l'écho lointain de la cascade qu'il tenait tant à voir.
Lorsqu'il était arrivé à la fin de la diaclase et débouché sur la grande salle, il avait vraiment vu ce... cette forme flottant de l'autre côté du bassin. Il songea qu'il s'agissait peut-être d'un OFNI, ou Objet Flottant Non Identifié. Ou peut-être était-ce le programme du NFP, abandonné dans un méandre par un système médiatico-politique hautement répressif. Ou peut-être était-ce le talent de Johnny Depp ou de Vincent Lindon. Mais non. C'était bien sa maladie mentale. Elle prit peur, toutefois, et se carapata le long d'un feuillage bizarrement taillé, dans un amas rocheux de viande. Il fut touché par la grâce de la créature et alluma un cierge. Plus pour s'éclairer que par conviction religieuse.
Il put alors consulter sa montre et constater que l'heure de bivouaquer était arrivée. Aussi le lagomorphe s'installa-t-il dans un coin et concocta un petit lit douillet avec cette couche de vernis qui semblait parer le réel d'une tessiture artificielle, un tissu, un tapis, du papier peint, sa propre chair en fait. Il regarda fixement la paroi et une paréidolie s'imposa dans son concevoir. Il n'y avait rien de familier dans cette espèce de vapeur noire qui semblait faire du surplace - même si cette définition s'apparentait violemment au programme économique en vigueur depuis plus de douze ans. Puis petit à petit, le visage se fit de plus en plus évident et lapinchien se reconnut. C'était juste son propre visage qui se reflétait sur les replis de son gros intestin. Surpris, il gueula : 'Putain, con ! Je me suis fait une de ses frayeurs !' occupant ainsi l'espace sonore, tout en bougeant la tête, caressant les parois de sa lumière virevoltante de sa lampe frontale, insistant sur ce plafond majestueux pour finir sur l'étendue d'eau dans son lit de porcelaine.
Il était temps de se remettre en route et de pénétrer dans l'iléon. C'était la dernière partie de l'intestin grêle, la plus longue, qui absorbait les éléments nutritifs provenant des aliments digérés. Le mutant sentit alors comme une sorte de succion du sol comme une pompe aspirante au niveau de ses pieds. 'Merde ! Je vais m'auto-digérer si je ne fais pas gaffe !', cria lapinchien. Son corps n'était qu'une pliure de l'espace-temps, une échancrure à la con dans ce qu'on appelle le réel, le monde tangible, cette foutue réalité dont il n'avait jamais eu rien à foutre. Alors, pourquoi s'obstiner à y trouver du sens ? Tandis qu'il s'extasiait à voix haute devant la beauté des draperies au plafond, des parois contrastées, avec cette étrange alternance d'angles et de rondeurs, du fond émaillé sous l'eau transparente, si ostensiblement dénuée de vie, ses voix intérieures s'empoignaient comme des chiffonnières, avec violence, avec mépris. Au dehors de son crâne : silence glacial. La sueur froide qui lui coulait dans le creux des reins eut raison de cet soudaine catalepsie.
"Vous auriez dû prendre une serviette. C'est toujours bon de se munir d'une serviette, on ne sait jamais.
- Ta gueule, Servietski!"
Le lagomorphe s'était longtemps contorsionné dans ses boyaux, il se retrouvait face à l'entrée de son pancréas. Inquiet des ténèbres qui pesaient davantage sur ses épaules, lapinchien vit qu'il y avait là comme une sorte d'amphisbène chétif qui susurra quelque mots à son oreille avant de détaler. Un ver solitaire libérant des substances psychoactives dans son organisme ? Le serpent avait peut-être essayé de le prévenir. « N'entre pas là-dedans. Ici règnent les ténèbres et quelque chose ici attend. »
Wowowow ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire de serpent ? C'est une métaphore freudienne ? On en revient à ma branlette avortée ? C'est le retour de Kylie Minogue et du NFP ? Mais quels sont ces serpents qui sifflent sur mon crâne, bordel de merde en chocolat vanille?
Conscient qu'il perdait la raison, lapinchien se pinça très fort, hommage timide mais sincère au petit lapin du métro, et se réveilla enfin de ce pénible cauchemar. Ah, il allait enfin pouvoir respirer le grand air, cheminer dans des sentiers campestres en cueillant des fleurs sauvages.
Il fut très déçu lorsqu'il s'aperçut qu'il s'était endormi dans son cul et qu'il avait rêvé justement qu'il s'y promenait.
Ah, mes aminches, il n'y a que moi pour rêver à ce que je vis. Il se demanda s'il avait ronfler er reprit sa progression en se disant qu'il était totalement hors-sujet.
Aussi , lapinchien contourna le canal pancréatique et pénétra dans son duodénum. Il avait traversé la salle dans un silence ponctué par les flics-flocs de ses pas dans les flaques. Au loin résonnait le ronflement de la cascade mais ce n'était qu'un murmure, à peine un bruit blanc. Les vastes parois au-delà de l'eau cristalline formaient comme une promesse d'un avenir radieux. Sa silhouette, que déformaient le relief des murs et l'éclairage instable, oscillait constamment entre le grotesque et le monstrueux. Les ombres chinoises n'en devenaient que plus fugaces et inquiétantes. Et ça le dérangeait à la fois dans sa chair et dans sa façon d'appréhender la spéléologie. Soudain, l'hybride avait eu peur de la grande galerie qui partait sur sa gauche. Celle qui ressemblait à des égouts dans un film d'aventures. Large comme un tunnel de métro, remplie d'une eau qui se perdait au loin et que l'ombre transformait progressivement en une étendue d'encre noire. Une eau sans vaguelettes, sans l'illusion de la vie. Il pouvait surgir n'importe quoi d'un tel passage.
Genre Ronald McDonald ou Nétanyaouh.
Alors lapinchien lança un regard dédaigneux à ces espèces de catacombes : 'Bah, c'est juste la grotte qui continue. Si j'avais le temps et des fringues de rechange, ça pourrait être rigolo d'aller par-là. Mais je suis à peu près sûr que ça ne va pas très loin.' Comme ça le démangeait, il pensa très fort aux synapses et dendrites dans sa caboche et à leur activité électrique : 'Je suppose qu'il y aurait du courant si ça communiquait avec autre chose.' C'est alors que sa maladie mentale surgit de nulle part. Elle mâchouillait grossièrement des neuroleptiques qui traînaient par dizaines en ces lieux cauchemardesques. Mais comme le lagomorphe essaya de l'entourer de ses bras, comme pour lui faire un gros câlin, la maladie mentale s'échappa de nouveau en pataugeant dans les sucs gastriques. Dans ce conduit humide dont il n'avait pas réussi à voir la fin alors qu'il en longeait l'entrée, qui sait s'il ne grouillait pas des hordes de rats faméliques, prêts à dévorer n'importe quoi.
Comme un kébab au chat acheté chez Mounir ou une salade Sodehbo.
Et là, à quelques mètres derrière lui, dans la dense profondeur de l'obscurité la plus noire qu'il eût jamais connu, des tentacules grisâtres, puant la poussière et la viande avariée, rampaient peut-être sur la roche, sur le sol, sur les parois, au-dessus de sa tête. Cette fois, la maladie mentale ne le distancerait pas. La caverne qui l'attendait, béante et gigantesque était recouverte de parois stomacales. Dans ces plafonds arrondis, dépourvus d'anfractuosités, de concrétions, ou de protubérances. On aurait pu croire à une excavation humaine, pratiquée à l'aide de machines. En réalité, lapinchien souffrait de reflux gastriques et toute la voûte avait-elle été polie par les attaques acides. L'hybride avait adopté la position du chasseur à l'affût, du guetteur. La maladie mentale était à portée de main. Mais une angoisse le terrassa alors : 'Je crois que je me sentirais mieux si je sortais.' Il n'était pas monté jusque là pour revenir sur ses pas, aussi près du but. Un long écho diffus semblait descendre de son œsophage à la verticale. La réverbération du son avait ceci d'étrange qu'elle changeait indiscutablement à la moindre déambulation. Mais lapinchien grimperait jusqu'à la résurgence : 'Un pied devant l'autre et en avant !'
Il songea que la prochaine fois, il essaierait plutôt le parapente ou la Via Ferrata. De l'air, que diable, de l'air ! Mais il continuait à marcher, volontaire, comme une majorette pendant un cyclone en Louisiane.
La largeur du couloir l'autorisait à prendre ses aises et le plafond nervuré se situait suffisamment loin au-dessus de sa tête. Il s'élança en se promettant à lui -même : 'Tu vois, aucun problème, aucun risque, zéro difficulté. Je te parie que j'y serai dans deux minutes.' La maladie mentale remontait vers la trachée en évitant une pluie de salive. Le mutant, tout excité, parvint à un virage en épingle. Le tunnel se réduisait drastiquement, changeait d'allure, le plafond bas et les parois ressemblant dés lors à des empilements anarchiques de rochers autonomes. Sa main droite, émergeant du tube digestif, dépassait tout juste des amygdales. Et Hop ! Le lagomorphe relâcha sa langue qui lui avait servi de fil d'Ariane. La maladie mentale ne pouvait plus lui échapper. Sa progression était obstruée par deux longues rangées de dents. Dans sa cavité buccale se déroulait une nuit intensément noire et ce lieu lui semblait invraisemblable. Pour ne pas dire impossible.
Alors lapinchien déclara en observant ses dents : 'On dirait presque que ces murs ont été érigés par des êtres humains.' Mais ils reposaient sans cohérence, sans logique, conséquence probable d'un éboulement plutôt que d'un entassement conscient et réfléchi. Des années de laisser-aller de sa santé bucco-dentaire en vérité. Sa maladie mentale ne lui échapperait pas. Il la tenait à la frontière de deux mondes, semblait-il. Alors lapinchien la roua de coup, la tabassant copieusement, cette grosse salope. Ce fut là leur dernier moment de tendresse véritable.
Lorsqu'il réussit à s'extraire de la housse mortuaire, il se dit qu'il méritait bien une petite clope mais les infirmiers du légiste lui avaient fait les poches en plus de l'anus. Il se vengerait plus tard. Pour l'heure, il avait enfin la place requise. Il s'empara d'un kleenex et chantonna :
"Nanana nananana nanana nananana..."
Une partie de lui s'était déplacée à l'intérieur de lui-même. Lorsqu'il ouvrait les yeux, il contemplait les nervures de son cerveau et ses narines lui renvoyaient des fragrances absurdes qui se situaient d'ordinaire au fond d'une semelle. Il dut se contorsionner, se tordre, jouer sur des muscles et des ligaments insoupçonnés pour parvenir à finaliser un mouvement digne de se nom. A tel point qu'il se chanta le refrain d'un vieux de Kylie Minogue en guise de récompense.
Il ne tarda pas à comprendre - par association d'idées, une technique comme une autre - qu'il allait avoir besoin de sa copine, la Veuve Poignet. Alors quelque chose en lui poussa, tira, joua sur ses gonds et plop !
Il sourit. Il allait enfin pouvoir se branler.
Sa main droite, émergeant du tube digestif, dépassait tout juste des amygdales. Et Hop ! Le lagomorphe attrapa sa langue et la tira d'un coup sec. Elle descendit d'un trait tout le long de son appareil digestif et soudain se retrouva à poindre hors de ses fesses : lapinchien tenait son fil d'Ariane ! Pas question de se perdre et que, des mois plus tard, une expédition de sauvetage ne le trouve en décomposition dans un recoin isolé de ses boyasses putrides. Une fois qu'il avait réussi à faire entrer sa tête, le reste du corps était passé tout seul.
Il souffrait toutefois d'un manque de place patent. C'était bien beau de s'exciter en fredonnant des vers dénués de sens musical mais non exempts de suggestions érotiques, mais là, il risquait la tendinite s'il se lançait dans une séance frénétique de va-et-vient avec lui-même.
Lapinchien, en effet, se trouvait à présent dans son cul, éclairé d'une lampe frontale, pour y découvrir le secret caché de sa maladie mentale. C'est du moins ce qu'il en déduisit parce que, concrètement, cette nouvelle situation n'avait pas grand chose à voir avec la choucroute. Ni une ni deux, il se mit à ramper. Il progressa rapidement au delà de son rectum. Une grosse pierre chuta et il l'esquiva de justesse. C'était son amour propre. Alors il se mit en marche dans le côlon sigmoïde. Et le mutant prenait son temps. Il appréciait la balade et de jouir de l'instant présent en parfait hédoniste amoureux de spéléologie.
Il songea un instant qu'il était bien, à la fraîche, décontracté du gland et se fit la réflexion qu'il était de bon ton de citer les Valseuses tout en conspuant Depardieu. Alors il conspua Depardieu, Moix et PPDA, sans oublier Jacquot et Doillon, l'Abbé Pierre et Polanski, et faillit s'assoupir par que c'était un peu comme compter les moutons. Il se dit alors qu'on ne pouvait plus rien dire, puis se demanda si on pouvait encore dire qu'on ne pouvait plus rien dire, du moins ailleurs que dans son cul, et clôtura le débat en se disant qu'il valait mieux rien dire quant à ce qu'il fallait dire ou ne pas dire parce que, de toute façon, ça empêchait pas ceux qui avaient envie de dire de dire ce qu'ils avaient envie de dire et ceux qui n'avaient envie de rien dire de dire qu'ils n'avaient pas envie de dire ce qu'ils n'avaient pas envie de dire, soit parce qu'ils n'avaient rien à dire, soit parce qu'ils avaient peur d'avoir à dire des trucs à ceux qui y trouvaient quelque chose à redire.
L'épisode de la chute de pierres - même si elle ne concernait qu'une seule pierre - l'avait pour le moins déconcerté. Les rares fois où survenaient ces incidents, les risques d'éboulements avaient été signalés, voire répertoriés. Probablement dans le cul d'un spéléologue, ajouta-t'il dans son for intérieur, avant d'éclater d'un rire généreux. Ah la vache, se dit-il, je commence à fatiguer, c'est sans doute les gaz qui me montent à la tête. Alors il se confectionna un masque anti-COVID avec un bout de sopalin en espérant qu'il le protégerait au moins partiellement de toute émanation toxique.
Ensuite, lapinchien s'amusa un peu à jouer au con avec la réverbération sonore. Il cria "ohé". Puis, "timber!", puis "la jeunesse emmerde le Front National!", puis trois fois "ok boomer" et six fois "je suis Charlie!" Mais cette caverne brillait par son silence - hormis l'écho lointain de la cascade qu'il tenait tant à voir.
Lorsqu'il était arrivé à la fin de la diaclase et débouché sur la grande salle, il avait vraiment vu ce... cette forme flottant de l'autre côté du bassin. Il songea qu'il s'agissait peut-être d'un OFNI, ou Objet Flottant Non Identifié. Ou peut-être était-ce le programme du NFP, abandonné dans un méandre par un système médiatico-politique hautement répressif. Ou peut-être était-ce le talent de Johnny Depp ou de Vincent Lindon. Mais non. C'était bien sa maladie mentale. Elle prit peur, toutefois, et se carapata le long d'un feuillage bizarrement taillé, dans un amas rocheux de viande. Il fut touché par la grâce de la créature et alluma un cierge. Plus pour s'éclairer que par conviction religieuse.
Il put alors consulter sa montre et constater que l'heure de bivouaquer était arrivée. Aussi le lagomorphe s'installa-t-il dans un coin et concocta un petit lit douillet avec cette couche de vernis qui semblait parer le réel d'une tessiture artificielle, un tissu, un tapis, du papier peint, sa propre chair en fait. Il regarda fixement la paroi et une paréidolie s'imposa dans son concevoir. Il n'y avait rien de familier dans cette espèce de vapeur noire qui semblait faire du surplace - même si cette définition s'apparentait violemment au programme économique en vigueur depuis plus de douze ans. Puis petit à petit, le visage se fit de plus en plus évident et lapinchien se reconnut. C'était juste son propre visage qui se reflétait sur les replis de son gros intestin. Surpris, il gueula : 'Putain, con ! Je me suis fait une de ses frayeurs !' occupant ainsi l'espace sonore, tout en bougeant la tête, caressant les parois de sa lumière virevoltante de sa lampe frontale, insistant sur ce plafond majestueux pour finir sur l'étendue d'eau dans son lit de porcelaine.
Il était temps de se remettre en route et de pénétrer dans l'iléon. C'était la dernière partie de l'intestin grêle, la plus longue, qui absorbait les éléments nutritifs provenant des aliments digérés. Le mutant sentit alors comme une sorte de succion du sol comme une pompe aspirante au niveau de ses pieds. 'Merde ! Je vais m'auto-digérer si je ne fais pas gaffe !', cria lapinchien. Son corps n'était qu'une pliure de l'espace-temps, une échancrure à la con dans ce qu'on appelle le réel, le monde tangible, cette foutue réalité dont il n'avait jamais eu rien à foutre. Alors, pourquoi s'obstiner à y trouver du sens ? Tandis qu'il s'extasiait à voix haute devant la beauté des draperies au plafond, des parois contrastées, avec cette étrange alternance d'angles et de rondeurs, du fond émaillé sous l'eau transparente, si ostensiblement dénuée de vie, ses voix intérieures s'empoignaient comme des chiffonnières, avec violence, avec mépris. Au dehors de son crâne : silence glacial. La sueur froide qui lui coulait dans le creux des reins eut raison de cet soudaine catalepsie.
"Vous auriez dû prendre une serviette. C'est toujours bon de se munir d'une serviette, on ne sait jamais.
- Ta gueule, Servietski!"
Le lagomorphe s'était longtemps contorsionné dans ses boyaux, il se retrouvait face à l'entrée de son pancréas. Inquiet des ténèbres qui pesaient davantage sur ses épaules, lapinchien vit qu'il y avait là comme une sorte d'amphisbène chétif qui susurra quelque mots à son oreille avant de détaler. Un ver solitaire libérant des substances psychoactives dans son organisme ? Le serpent avait peut-être essayé de le prévenir. « N'entre pas là-dedans. Ici règnent les ténèbres et quelque chose ici attend. »
Wowowow ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire de serpent ? C'est une métaphore freudienne ? On en revient à ma branlette avortée ? C'est le retour de Kylie Minogue et du NFP ? Mais quels sont ces serpents qui sifflent sur mon crâne, bordel de merde en chocolat vanille?
Conscient qu'il perdait la raison, lapinchien se pinça très fort, hommage timide mais sincère au petit lapin du métro, et se réveilla enfin de ce pénible cauchemar. Ah, il allait enfin pouvoir respirer le grand air, cheminer dans des sentiers campestres en cueillant des fleurs sauvages.
Il fut très déçu lorsqu'il s'aperçut qu'il s'était endormi dans son cul et qu'il avait rêvé justement qu'il s'y promenait.
Ah, mes aminches, il n'y a que moi pour rêver à ce que je vis. Il se demanda s'il avait ronfler er reprit sa progression en se disant qu'il était totalement hors-sujet.
Aussi , lapinchien contourna le canal pancréatique et pénétra dans son duodénum. Il avait traversé la salle dans un silence ponctué par les flics-flocs de ses pas dans les flaques. Au loin résonnait le ronflement de la cascade mais ce n'était qu'un murmure, à peine un bruit blanc. Les vastes parois au-delà de l'eau cristalline formaient comme une promesse d'un avenir radieux. Sa silhouette, que déformaient le relief des murs et l'éclairage instable, oscillait constamment entre le grotesque et le monstrueux. Les ombres chinoises n'en devenaient que plus fugaces et inquiétantes. Et ça le dérangeait à la fois dans sa chair et dans sa façon d'appréhender la spéléologie. Soudain, l'hybride avait eu peur de la grande galerie qui partait sur sa gauche. Celle qui ressemblait à des égouts dans un film d'aventures. Large comme un tunnel de métro, remplie d'une eau qui se perdait au loin et que l'ombre transformait progressivement en une étendue d'encre noire. Une eau sans vaguelettes, sans l'illusion de la vie. Il pouvait surgir n'importe quoi d'un tel passage.
Genre Ronald McDonald ou Nétanyaouh.
Alors lapinchien lança un regard dédaigneux à ces espèces de catacombes : 'Bah, c'est juste la grotte qui continue. Si j'avais le temps et des fringues de rechange, ça pourrait être rigolo d'aller par-là. Mais je suis à peu près sûr que ça ne va pas très loin.' Comme ça le démangeait, il pensa très fort aux synapses et dendrites dans sa caboche et à leur activité électrique : 'Je suppose qu'il y aurait du courant si ça communiquait avec autre chose.' C'est alors que sa maladie mentale surgit de nulle part. Elle mâchouillait grossièrement des neuroleptiques qui traînaient par dizaines en ces lieux cauchemardesques. Mais comme le lagomorphe essaya de l'entourer de ses bras, comme pour lui faire un gros câlin, la maladie mentale s'échappa de nouveau en pataugeant dans les sucs gastriques. Dans ce conduit humide dont il n'avait pas réussi à voir la fin alors qu'il en longeait l'entrée, qui sait s'il ne grouillait pas des hordes de rats faméliques, prêts à dévorer n'importe quoi.
Comme un kébab au chat acheté chez Mounir ou une salade Sodehbo.
Et là, à quelques mètres derrière lui, dans la dense profondeur de l'obscurité la plus noire qu'il eût jamais connu, des tentacules grisâtres, puant la poussière et la viande avariée, rampaient peut-être sur la roche, sur le sol, sur les parois, au-dessus de sa tête. Cette fois, la maladie mentale ne le distancerait pas. La caverne qui l'attendait, béante et gigantesque était recouverte de parois stomacales. Dans ces plafonds arrondis, dépourvus d'anfractuosités, de concrétions, ou de protubérances. On aurait pu croire à une excavation humaine, pratiquée à l'aide de machines. En réalité, lapinchien souffrait de reflux gastriques et toute la voûte avait-elle été polie par les attaques acides. L'hybride avait adopté la position du chasseur à l'affût, du guetteur. La maladie mentale était à portée de main. Mais une angoisse le terrassa alors : 'Je crois que je me sentirais mieux si je sortais.' Il n'était pas monté jusque là pour revenir sur ses pas, aussi près du but. Un long écho diffus semblait descendre de son œsophage à la verticale. La réverbération du son avait ceci d'étrange qu'elle changeait indiscutablement à la moindre déambulation. Mais lapinchien grimperait jusqu'à la résurgence : 'Un pied devant l'autre et en avant !'
Il songea que la prochaine fois, il essaierait plutôt le parapente ou la Via Ferrata. De l'air, que diable, de l'air ! Mais il continuait à marcher, volontaire, comme une majorette pendant un cyclone en Louisiane.
La largeur du couloir l'autorisait à prendre ses aises et le plafond nervuré se situait suffisamment loin au-dessus de sa tête. Il s'élança en se promettant à lui -même : 'Tu vois, aucun problème, aucun risque, zéro difficulté. Je te parie que j'y serai dans deux minutes.' La maladie mentale remontait vers la trachée en évitant une pluie de salive. Le mutant, tout excité, parvint à un virage en épingle. Le tunnel se réduisait drastiquement, changeait d'allure, le plafond bas et les parois ressemblant dés lors à des empilements anarchiques de rochers autonomes. Sa main droite, émergeant du tube digestif, dépassait tout juste des amygdales. Et Hop ! Le lagomorphe relâcha sa langue qui lui avait servi de fil d'Ariane. La maladie mentale ne pouvait plus lui échapper. Sa progression était obstruée par deux longues rangées de dents. Dans sa cavité buccale se déroulait une nuit intensément noire et ce lieu lui semblait invraisemblable. Pour ne pas dire impossible.
Alors lapinchien déclara en observant ses dents : 'On dirait presque que ces murs ont été érigés par des êtres humains.' Mais ils reposaient sans cohérence, sans logique, conséquence probable d'un éboulement plutôt que d'un entassement conscient et réfléchi. Des années de laisser-aller de sa santé bucco-dentaire en vérité. Sa maladie mentale ne lui échapperait pas. Il la tenait à la frontière de deux mondes, semblait-il. Alors lapinchien la roua de coup, la tabassant copieusement, cette grosse salope. Ce fut là leur dernier moment de tendresse véritable.
Lorsqu'il réussit à s'extraire de la housse mortuaire, il se dit qu'il méritait bien une petite clope mais les infirmiers du légiste lui avaient fait les poches en plus de l'anus. Il se vengerait plus tard. Pour l'heure, il avait enfin la place requise. Il s'empara d'un kleenex et chantonna :
"Nanana nananana nanana nananana..."