Une nuit un nouveau prisonnier est arrivé dans le secteur 562. Dans le métier, on a l’habitude d’avoir affaire à des cas sordides. Mais le fou-damné dont on m’a confié l’agonie ce soir m’a donné du fil à retordre comme jamais depuis la chute des anges.
Je travail au secteur 562 des enfers en tant que bourreau. C’est un beau métier, un art qui nécessite technique impeccable et sang-froid de médecin. C’est un beau métier que de répondre au crime par le châtiment, de rendre à chacun son dû.
Je travail au secteur 562 des enfers en tant que bourreau. C’est un beau métier, un art qui nécessite technique impeccable et sang-froid de médecin. C’est un beau métier que de répondre au crime par le châtiment, de rendre à chacun son dû.
Quand la wagonette, après avoir traversé un interminable pont, entra en gare j’étais loin de me douter de la gravité du cas auquel j’aurais affaire cette nuit-là. La wagonette est un petit train de seulement 66 voitures remplis de damnés, prêts à recevoir le salaire de leurs crimes. Cette navette sur rail comportait une locomotive semblable à une Citroën C4 berline de 1930, plus large, avec des dorures en pyrite. Sur chaque aile avant se tenait une statue de femme enceinte, nue, maigre comme un squelette, la peau sur les os en somme, elles aussi dorées à la pyrite. Les Voiture suivant la locomotive demeuraient dans le même style. Néanmoins cela n’avait absolument rien à voir avec la superbe et l’horreur du Palais d’Auschwitz. Je n’ai jamais aperçu, ne serait-ce que le parvis de ce Palais nouvellement construit en plein cœur du Pandémonium, et je ne sais même pas si ce que l’on dit à ce sujet est vrai. Je ne sais pas.
Quand les portes des voitures de la wagonette furent ouverte je fus stupéfait de la présence d’un prisonnier à l’intérieur. Ça n’a pas d’importance. Le plus important est de commettre mon devoir. J’ai alors détaché le nœud coulissant qui le maintenait debout, et je l’ai ensuite frappé de mon gourdin recouvert de barbelé pour qu’il sorte de la wagonette. En gare nous avons fouillé sa valise. C’était rempli d’aiguilles ensanglantées et de poupées aux habits déchirés, sans parler de celles qui était démembrées. L’une d’entre-elles avait le mécanisme des yeux cassé, elle ne pouvait plus les ouvrir. J’ai bien beau avoir passé ma mort à dépecer des types, voir cet objet cassé m’était insupportable.
On a ensuite fait des chromolithographies du damné. Puis on l’a conduit au bloc opératoire. Le doc lui a ouvert le ventre pour y extraire ses documents légaux. Albert Hamilton Fish. Le gros poisson me semblait moins spectaculaire que Dirlewanger, mais j’avais tort. A l’intérieur, il est encore plus tordu que les autres de son espèce. Je me demande ce qu’il aurait pu commettre si on lui avait donné les mêmes moyens d’expression que Dirlewanger. Je n’ose même pas imaginer.
Je me souviens ce soir, quand je lui ai enfoncé des aiguilles dans chaque centimètre carré de son corps sclérosé. Il s’est mis à rire aux éclats. Je n’ai jamais rien vu de tel. Il semblait aimer qu’on le punisse. Il raffolait des châtiments. Quand il se faisait du bien cela lui faisait du bien. Quand on lui faisait du mal, cela lui faisait aussi du bien.
J’ai tout essayé.
Le crucifiement : il entre en extase.
L’électrisation : il hurle de plaisir.
L’aigle de sang, le taureau d’airain ou encore le supplice du morse : il y trouve une joie animale.
L’empalement : il éjacule de souffrance.
Le scaphisme : c’est son délice.
L’immolation : il se tord de douleur. Il rit de douleur.
Quand je le vois… quand il se tord de douleur, quand il rit de douleur, une seul pensé me vient à l’esprit. Il est impossible de le punir. Le bâton est pour lui la plus savoureuse des carottes. Il aime tout. Tout l’excite. Les animaux l’excitent. Les enfants l’excitent. Les dangers l’excitent. Les Châtiments l’excitent. La Mort l’excite. L’Enfer l’excite. L’Annihilation elle-même l’excite. Il n’y a rien qui ne puisse le faire bander. Impossible de le punir. Même quand je lui crache dessus, son visage est horriblement déformé par un rire tordu de vieillard dément est interminable. Albert Fish est un enfer dans l’Enfer. Si pour quelqu’un de vindicatif, il est facile de comprendre l’idée de sadisme, il m’est impossible saisir le plaisir qu’il y a dans le masochisme. C’est vraiment terrifiant. La littérature n’a jamais conçu de mot ayant le pouvoir de désigner la terreur abyssale que j’éprouve lorsque j’étudie l’esprit d’Albert Fish.
J’ai trouvé une solution. Si les stimulations intenses, comme l’orgasme ou la douleur, lui font éprouver du plaisir, il faut le priver de toute stimulation. C’est alors qu’une idée me vint à l’esprit. J’ai soumis cette idée au conseil des douze alastères. Le projet fut validé. On a rasé une ville de survivants pour faire couler une dalle de béton à la surface d’une Lutèce. Il n’y avait rien sur cette dalle et j’ai attaché Fish sur une chaise électrique hors service pour qu’il n’ait plus rien à contempler, si ce n’est le sol de béton ou les nuées de pierre. Pas la moindre stimulation. Cela le rendait malade. C’était la plus grande satisfaction que de lire autre chose sur son visage que l’extase. On allait le laisser croupir comme ça pour l’éternité. Cela a duré un petit moment.
J’avais trouvé la solution pour enfin le détruire : le calme.
Comme un enfant turbulent qui ne veut pas faire la sieste, l’ennui est la pire des tortures.
Je venais, parfois, pour le regarder, contempler sa stagnation. Je restais tout le temps dans son dos, bien sûr, pour ne pas le stimuler. Il me suffisait d’observer sa posture pour comprendre à quel point cet amateur de sensations fortes avait désormais une mort lente et morne.
Je suis venu lui rendre une dernière visite, avant de partir pour le Pandémonium, grâce à ma promotion. Quand je le voyais, quelque chose avait changé en lui. Il tremblait. J’avais enfin réussi à vaincre ce paria parmi les démons. Cette fois je suis venu en face de lui pour le garder les yeux dans les yeux. Il délirait. L’absence de stimulation lui a procuré je ne sais quelle hallucination. Maintenant, le voici dans le pire des enfers, les tréfonds de sa psyché. Des mains de bourreau ne pourrait lui infliger un tel supplice. Des mains de bourreau ne pourrait lui procurer une telle extase. J’ai échoué.
Quand les portes des voitures de la wagonette furent ouverte je fus stupéfait de la présence d’un prisonnier à l’intérieur. Ça n’a pas d’importance. Le plus important est de commettre mon devoir. J’ai alors détaché le nœud coulissant qui le maintenait debout, et je l’ai ensuite frappé de mon gourdin recouvert de barbelé pour qu’il sorte de la wagonette. En gare nous avons fouillé sa valise. C’était rempli d’aiguilles ensanglantées et de poupées aux habits déchirés, sans parler de celles qui était démembrées. L’une d’entre-elles avait le mécanisme des yeux cassé, elle ne pouvait plus les ouvrir. J’ai bien beau avoir passé ma mort à dépecer des types, voir cet objet cassé m’était insupportable.
On a ensuite fait des chromolithographies du damné. Puis on l’a conduit au bloc opératoire. Le doc lui a ouvert le ventre pour y extraire ses documents légaux. Albert Hamilton Fish. Le gros poisson me semblait moins spectaculaire que Dirlewanger, mais j’avais tort. A l’intérieur, il est encore plus tordu que les autres de son espèce. Je me demande ce qu’il aurait pu commettre si on lui avait donné les mêmes moyens d’expression que Dirlewanger. Je n’ose même pas imaginer.
Je me souviens ce soir, quand je lui ai enfoncé des aiguilles dans chaque centimètre carré de son corps sclérosé. Il s’est mis à rire aux éclats. Je n’ai jamais rien vu de tel. Il semblait aimer qu’on le punisse. Il raffolait des châtiments. Quand il se faisait du bien cela lui faisait du bien. Quand on lui faisait du mal, cela lui faisait aussi du bien.
J’ai tout essayé.
Le crucifiement : il entre en extase.
L’électrisation : il hurle de plaisir.
L’aigle de sang, le taureau d’airain ou encore le supplice du morse : il y trouve une joie animale.
L’empalement : il éjacule de souffrance.
Le scaphisme : c’est son délice.
L’immolation : il se tord de douleur. Il rit de douleur.
Quand je le vois… quand il se tord de douleur, quand il rit de douleur, une seul pensé me vient à l’esprit. Il est impossible de le punir. Le bâton est pour lui la plus savoureuse des carottes. Il aime tout. Tout l’excite. Les animaux l’excitent. Les enfants l’excitent. Les dangers l’excitent. Les Châtiments l’excitent. La Mort l’excite. L’Enfer l’excite. L’Annihilation elle-même l’excite. Il n’y a rien qui ne puisse le faire bander. Impossible de le punir. Même quand je lui crache dessus, son visage est horriblement déformé par un rire tordu de vieillard dément est interminable. Albert Fish est un enfer dans l’Enfer. Si pour quelqu’un de vindicatif, il est facile de comprendre l’idée de sadisme, il m’est impossible saisir le plaisir qu’il y a dans le masochisme. C’est vraiment terrifiant. La littérature n’a jamais conçu de mot ayant le pouvoir de désigner la terreur abyssale que j’éprouve lorsque j’étudie l’esprit d’Albert Fish.
J’ai trouvé une solution. Si les stimulations intenses, comme l’orgasme ou la douleur, lui font éprouver du plaisir, il faut le priver de toute stimulation. C’est alors qu’une idée me vint à l’esprit. J’ai soumis cette idée au conseil des douze alastères. Le projet fut validé. On a rasé une ville de survivants pour faire couler une dalle de béton à la surface d’une Lutèce. Il n’y avait rien sur cette dalle et j’ai attaché Fish sur une chaise électrique hors service pour qu’il n’ait plus rien à contempler, si ce n’est le sol de béton ou les nuées de pierre. Pas la moindre stimulation. Cela le rendait malade. C’était la plus grande satisfaction que de lire autre chose sur son visage que l’extase. On allait le laisser croupir comme ça pour l’éternité. Cela a duré un petit moment.
J’avais trouvé la solution pour enfin le détruire : le calme.
Comme un enfant turbulent qui ne veut pas faire la sieste, l’ennui est la pire des tortures.
Je venais, parfois, pour le regarder, contempler sa stagnation. Je restais tout le temps dans son dos, bien sûr, pour ne pas le stimuler. Il me suffisait d’observer sa posture pour comprendre à quel point cet amateur de sensations fortes avait désormais une mort lente et morne.
Je suis venu lui rendre une dernière visite, avant de partir pour le Pandémonium, grâce à ma promotion. Quand je le voyais, quelque chose avait changé en lui. Il tremblait. J’avais enfin réussi à vaincre ce paria parmi les démons. Cette fois je suis venu en face de lui pour le garder les yeux dans les yeux. Il délirait. L’absence de stimulation lui a procuré je ne sais quelle hallucination. Maintenant, le voici dans le pire des enfers, les tréfonds de sa psyché. Des mains de bourreau ne pourrait lui infliger un tel supplice. Des mains de bourreau ne pourrait lui procurer une telle extase. J’ai échoué.