Edito du matin, chagrin - 25 novembre 2024 - Le monde d'après

Le 25/11/2024
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par Gimini Khrouchtchev
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Rubriques / Edito du matin, chagrin
Allons bon, Gimini Khrouchtchev se paye un édito sur heu... sur quoi au juste ? On sent qu'il a envie de lâcher un peu de sa bile, le bougre. Bon, il fait mine de se retenir. Pas crédible pour deux sous, pas franchement de quoi rire à la place d'un bon steak, mais ma foi, on pourra se laisser porter par une tendresse infinie à l'égard des institutions, des médias et du prénom Gérard.
    Salut les moldus.
    J'ai regardé le soleil se lever aujourd'hui. Il a redressé sa petite gueule de fouine pas réveillée à travers un épais nuage de pollution - celle dont Mathieu Kassovitz dénie l'existence, sans doute qu'il la confondue avec son talent - et j'ai pensé : « Mais en fait, j'en ai rien à carrer de ce qui va mal puisque tout s'équilibre au final entre Eros et Thanatos. Nous sommes unis dans le grand tout, ou le grand rien, au final ça revient au même, et rien n'a d'importance. Alors aujourd'hui, je positive.
    Alors voilà, je dis :
    Salut, le monde. Bonjour à toi, je t'aime. Tu es beau avec ton climat déréglé qu'on sait très bien que tu pousses un peu quand même, hého, faut pas exagérer hein, faut pas non plus nous prendre pour des cons, après tout on a eu des journées bien pourries cet été, j'ai raison ou pas ?
    Ouais non, je recommence avec mon ironie de cosaque bourré à la vodka.
    1-2-3, j'efface tout, je recommence.
    Salut la France, bonjour le monde, je vous aime. Vous êtes b...
    …
    Ptain.
    …
    Hm.
    Bon.
    1-2-3 gnagnagna.
    Aujourd'hui donc, en résumé, je positive. Ça, ok, je valide. C'est après que...
    En réalité, aujourd'hui, je n'ai qu'un mot : « bienvenue ».
    Bienvenue dans le monde d'après. D'après George Orwell dans « 1984 », qu'il faudrait écrire en toutes lettres, c'est pas possible qu'aucun des traducteurs n'ait encore pigé le sens profond de ce bouquin. Si on écrit le titre en chiffres, on passe à côté de l'idée maîtresse du roman, le sens des mots, le lien quasi organique que Georgie (je l'ai bien connu) aimerait tisser entre l'association de caractères que constitue un mot et la notion que contient celui-ci.
    Traducteurs de merde formés par des imbéciles, pas foutu de piger que l'annexe qui arrive en queue de roman, celui qui entend nous instruire sur la novlangue, commence par une phrase employant un prétérit, temps du passé évoquant un passé daté mais surtout révolu, ce qui signifie bien sûr que lorsque l'on nous dit que la novlangue fut, c'est bien qu'elle n'est plus, ce qui signifie, bande de cuistres gérant l'édition dans ce pays de vendus, que « Nineteen Eighty-Four » parle de la fin d'un règne, celui de Big Brother, bordel de merde aux aligot-éléments, et que si le titre du roman propose une date, c'est pour la simple raison que la date en question, c'est celle de la révolution espérée et attendue par le protagoniste, Winston Smith, rien à voir avec Will, mais alors rien du tout, si ce n'est éventuellement que tous les deux meurent à la fin même si l'un des deux bouge encore, je vous laisse deviner lequel.
    Putain.
    1-2-3, gnagnagna, salut les roudoudous, aujourd'hui je vois tout en rose, c'est pas parce que la vie est une tartine de merde et qu'on en mange tous les jours un petit peu qu'il faut passer à côté de ce joyeux pain bio à la farine d'épeautre, il suffit d'essuyer la merde et de se boucher le nez, ça vous rappellera le cul de vos vieux à torcher, si vous n'y êtes pas, ça viendra, vieillissement de la population oblige.
    Un seul mot, disais-je.
    Bienvenue dans le monde d'après Orwell, un monde où les hommes sont au service des hommes, un monde où la vérité, on en fait ce qu'on veut, on se la fourre dans la bouche, on la mâche, on la malaxe pendant des heures, c'est bon, c'est sucré, et un jour on la recrache à la gueule des populations et tout le monde crie « alléluia ! », parce que la vérité, ça fait frémir, ça fait bander, ça émeut, ça nourrit, ça remplace le chèque de fin de mois et le biberon du bébé famélique que tu te demandes encore pourquoi tu l'as accouché, celui-là.
    Bienvenue dans le monde d'après Orwell, où l'écran te domine, t'épie, te bouffe la tête en te dictant ta conduite de la journée, de la nuit, jusqu'à tes rêves, tes désirs, tes dégoûts et tes haines. C'est beau comme un confetti sur le cul d'un quidam atteint de diarrhée.
    Bienvenue dans le monde d'après Ray Bradbury. Dans « Fahrenheit 451 », on brûlait des livres pour que les gens ne se fourrent pas des idées ridicules dans la tête. Comme, je sais pas moi, la poésie ou la révolution, ou même un je ne sais quoi de beauté pure parce qu'une histoire qui se raconte bien, c'est beau comme un confetti dans la narine d'un cocaïnomane, voire un peu plus, et il paraît qu'on peut même apprendre de Shakespeare, de Corneille ou de Stephen King.
    Il paraît. Moi je ne lis pas. Parce que, justement, tiens, pas besoin de brûler des livres, il suffit de publier Michel Onfray, Raphaël Enthoven, Michel Houellebecq, et tous les cons qui te mangent le cerveau en prétendant que tout n'est que décadence et misère morale. Que Vincent Tesson s'étouffe en avalant un brassard SS - oui ben renseignez-vous hein, j'ai pas le temps de donner mes références - je préfère me crever les yeux plutôt que de m'en aller pourrir ma mémoire littéraire avec des récits abscons sur comment c'est trop bien d'aborder la vie avec des valeurs bien chrétiennes et comment c'est vraiment trop cool d'affronter la nature quand on est un petit blanc possédant un compte en banque bien garni.
    Merde.
    1-2-3, salut les loukoums, aujourd'hui je veux positiver à mort, parce que le yin, le yang, et bien plus encore, et je n'ai qu'un mot, ce mot c'est « bienvenue » alors je dis « bienvenue au monde d'après Aldous Huxley ».
    Ah ben oui, on vous l'a déjà faite, celle-là aussi, je sais. On vit dans la dystopie d'Orwell, dans celle De Huxley, dans le meilleur des mondes, et bientôt dans celle de Margaret Atwood dans « la Servante écarlate ». Qu'est-ce que j'y peux, moi hein ? Vous croyez que c'est facile de positiver par les temps qui courent ?
    Trouvez-moi une bonne nouvelle. Une seule vraie bonne nouvelle.
    Dans un pays où l'on juge depuis près de deux mois plus de cinquante bonhommes pour avoir violé même pas en même temps une femme endormie, droguée par son mari, en qui elle avait toute confiance. Dans un pays où il est maintenant notoire que les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis 2017 financent la vie merveilleuse et sans souci d'un pourcentage ridicule de la population sur le dos de tous les autres au nom de la raison, de la cohérence et du pragmatisme. En prenant bien soin de cracher sur les Arabes et les migrants au passage, ça mange pas de pain.
    C'est peut-être aussi pour cette dernière raison, ajoutée en fin de paragraphe pour ponctuer plutôt que par simple souci éthique, que, dans ce même pays, domine l'idée que les habitants de Gaza méritent de se prendre des tonnes de bombes et de crever par milliers, les femmes et les enfants d'abord, les civils, les innocents - et quelques vrais méchants du Hamas, ah ben oui, ah quand même, ça mérite des applaudissements, tiens - en défendant l'idée corrélaire que si tu soutiens pas, t'es antisémite, tu détestes les Juifs, tu portes des sous-vêtements de la Waffen SS, et tu es donc « wokiste » parce que c'est bien connu, être wokiste, c'est être nazi, être antifa, c'est le vrai fascisme, et la terre est plate, tiens, soyons fous, le ruissellement existe et les profs sont des planqués.
    Dans un pays où les médias appartiennent très majoritairement à l'extrême-droite, déforment les faits, racontent ce qu'ils veulent sans vérifier l'info, tout en vomissant leur haine de tout ce qui leur paraît suspect, différent et bien sûr de gauche. En inventant des mots super, comme « wokiste » et « islamogauchiste ». Ou « fonctionnaire ».
    Je vous rappelle qu'on vit dans un pays où l'atmosphère médiatique est devenue tellement délétère sur les plateaux des talk-shows que l'on en vient à se réjouir des interventions de Dominique de Villepin.
    J'adore ce pays, j'adore cette planète.
    Si, une bonne nouvelle. Allez, on s'y accroche jusqu'au verdict et probable qu'on sera déçu. Mais ok, allons-y pour celle-là, elle est pas mal. Marine Le Pen, son parti et je ne sais plus combien de ses acolytes menacés de prison, de fortes amendes et d'inéligibilité.
    Bienvenue dans le monde qui va peut-être mettre Marine Le Pen en prison.
    Ma foi, j'ai beau me réjouir sincèrement en tâchant d'y croire, je ne peux pas m'ôter de la tête l'image de cet escroc de Sarkozy, avec son bracelet électronique, invité à bouffer à Matignon, donnant des conférences pour un salaire que je n'ose reproduire ici non par respect pour la décence mais parce que j'ai la flemme de chercher le montant exact.
    Alors Marine en taule ? Ou au moins dans l'incapacité de se présenter aux élections de 2027 ? On croise les doigts, on touche du bois, on sacrifie un veau élevé en plein air et nourri avec des trucs bios qui sortent d'un circuit local, équitable, etc.
    Autre bonne nouvelle, tiens. Après j'arrête. Trop de bonnes nouvelles d'un coup, ça peut vite faire tourner la tête. On pourrait y prendre goût et en attendre d'autres.
    Ouais, elles est bien celle-là aussi : la cour internationale de justice, ou la cour de justice internationale, hein, vous irez voir par vous-mêmes hein, n'allez pas gober tout ce que je raconte sans vérifier dans un vrai journal (et ça n'inclut pas le Figaro ou Valeurs actuelles, s'il vous plaît un peu de jugeote), bref, la Cour pénale internationale (ou CPI) a émis un mandat d'arrêt contre cette vieille raclure de Nétanyahou et son ancien ministre de la défense. Je doute que la CPI soit antisémite mais je n'ai aucun doute sur le faite que Nétanyahou se comporte comme un assassin de masse psychopathe. Si j'osais, je pourrais même le comparer à un dirigeant nazi porteur de moustache du siècle dernier et invoquer une sorte de resucée bizarre du syndrome de Stockholm.
    Mais j'ose pas alors je le ferai pas, j'ai envie de positiver.
    Bienvenue en tout cas dans le monde d'après tous les cons qui ont eu l'idée un jour de pondre un film catastrophe. Personnellement, j'en suis friand. Je crois que ça me rassure de voir des gens mourir pour de faux. Comme les films d'horreur à base de surnaturel. Du frisson thérapeutique, de la trouille sans faux frais. Un bon petit cauchemar pour te laver les méninges et tu peux repartir lire Mediapart sans passer par la case lexomil.
    Ouais, j'adore ça les films catastrophe, mais depuis quelque temps, quand j'en vois un, j'ai l'impression de regarder un JT qui aurait bénéficié d'un budget conséquent. Un Complément d'enquête avec John Cusack ou Gerard Butler.
    …
    Je viens de réaliser que Gerard Butler s'appelle Gerard.
    Ca va être de plus en plus dure de positiver.
    Je vous laisse, j'ai un climato-sceptique à étriper.