Jean-Ba l'attendait dans la pièce à côté, frais et dispos. Debout depuis sept heures, rasé, le ventre déjà plein d'un œuf au plat, de bacon, de pain grillé. A l'anglaise.
« Mange, fils. Tu en auras besoin tout à l'heure. »
Axel ne répondit rien. Manger si tôt le dimanche ne correspondait pas à ce qu'il appelait son « rythme biologique ». Il n'en ingurgita pas moins ses œufs brouillés et une demi-baguette. Il se souvenait des récits de son père après ses sorties spéléo. Le souffle court, les jambes coupées, les os fourbus. S'il n'avait rien dans le bide, il risquait la crise d'hypoglycémie ou quelque chose dans le genre. Et malgré la déception d'échapper à la farniente dominicale habituelle, il avait envie que ça se passe bien.
Jean-Ba, de son côté, inventoriait le matériel. Dans sa tête, cochant mentalement des petites cases : les casques, c'est bon, les combis, c'est bon, des sandwiches, de l'eau, des barres de céréales et du sucre, ok, les piles, les frontales de rechange, des bougies, des briquets, des allumettes, les chaussures de marche, la petite corde... Oh, il était prêt ! Il avait tout vérifié cent fois, revu l'itinéraire sur google maps, vérifié l'huile du moteur, la jauge d'essence, il n'y aurait pas de mauvaise surprise. C'était juste...
Bah. C'était ridicule. La grotte, encore une fois, était un endroit connu, sans danger, le genre d'excursion familiale où tu trimbales tes grands-parents et le chiot de ta cousine. « C'est un super endroit, mec. Tu rentres, tu sors, tout ça sans bouger les oreilles ! »
C'est ce que lui avaient dit les copains de l'asso. Il fallait qu'il se détende, ils ne risquaient rien.
« Quand tu auras fini, va directement sous la douche. Je rangerai. Je veux qu'on soit dans la bagnole dans moins de trente minutes. »
Une heure de route, pas plus. Le temps d'une sieste, pensait Axel.
Après avoir quitté la rocade pour l'autoroute, Jean-Ba alluma la radio, chercha de la musique sur les ondes, ne trouva rien, passa sur une chaîne d'info. Il baissa le volume de façon à ne garder du blabla des commentateurs qu'un vague fredonnement en fond sonore, comme un bruit blanc plus chaleureux que l'aspirateur ou le ventilo. Axel posa sa tête sur sa veste roulée en boule, contre la vitre du côté passager. Il ferma les yeux et tâcha de ne penser à rien.
Jean-Ba jeta un coup d'oeil à son fils, se demandant s'il essayait réellement de dormir ou s'il s'agissait d'une astuce pour éviter la parlote. Il soupira. Dans peu de temps, le gamin entrerait de plain-pied dans l'adolescence. Maintenir le dialogue reviendrait à escalader l'Everest en claquettes et t-shirt. Les yeux sur la route, il sentit naître un nœud dans le creux de son ventre une appréhension qu'il ne s'expliquait pas. Le ciel bas lui fournissait un prétexte crédible. Les nuages se pressaient les uns les autres, d'un gris menaçant mais il ne pleuvrait pas. Il avait consulté plusieurs sites météo. Zéro précipitations ce dimanche. Tout allait bien.
Tout irait bien.
Ils foulaient à présent le plan incliné d'un champ de rien du tout à la lisière d'un val qu'Axel avait qualifié de « mignon ». Jean-Ba le soupçonnait de pratiquer le sarcasme avec sa petite voix de gosse mal réveillé, mais il savourait l'instant : père et fils piétinant l'herbe grasse et les pissenlits, les bas de leurs pantalons waterproof s'accrochant aux épines des buissons d'aubépines, aux aiguillons des églantiers, aux branches recroquevillées des chênes verts. Le pré, semblait-il, accueillait de rares troupeaux de moutons. On y rencontrait des crottes desséchées et la verdure poussait anarchiquement, ici et là. Il y avait aussi cette clôture dont les pieux s'étaient effondrés par endroits, avec son barbelé retors qui avait griffé la joue d'Axel quand il l'avait franchie un peu vite.
« Aïe, putain ! »
Jean-Ba l'avait désinfecté aussitôt avec son kit de secours. Le garçon ne s'était pas plaint que « ça piquait » et n'avait pas demandé si ça pissait le sang, si ça le défigurait, rien de tout cela. Il avait juste plissé les lèvres un peu fort, émis un « ssss » de plus en plus sonore à mesure que le coton imbibé d'alcool le nettoyait, puis rien, juste « on y va ? » et un sourire peut-être un peu forcé.
Ils suivaient un cours d'eau minuscule, l'équivalent aquatique d'un sentier de sanglier. Il y circulait un fond d'eau dont le courant ne lassait pas de surprendre. Quelqu'un avait oublié d'éteindre un robinet, songeait Jean-Ba, impressionné par le débit de ce mince filet d'eau. Il se fit la réflexion que ce ridicule petit affluent devait se transformer en véritable torrent les jours de forte pluie.
« Tu verras, l'eau sort justement de la grotte. Elle abrite une source, tu comprends ? L'entrée doit se trouver à peine plus loin.
- Alors il y a de l'eau dans la grotte ?
- D'après la description qu'on m'en a faite, c'est pas juste « de l'eau ». Mais je t'en dis pas plus. Profite du suspense. »
Axel ne put réprimer un petit rire taquin.
« Papaaaa ! Arrête d'en faire trop !
- Je te promets que ça va te plaire, ok ?
- Oui oui, j'en suis sûr, allez, on y va, j'ai hâte de voir.
- Eh ben voilà, pile ce que je voulais entendre. »
Enthousiastes, ils pressèrent le pas. L'air de la montagne les emplissait de bien-être. Ils respiraient à grandes goulées, heureux de ce moment paisible dans la tiédeur de ce début d'automne, et la grisaille de la matinée s'était dissoute dans un ciel de cirrocumulus. Du bleu avec des perles de coton égrenées sur tout le firmament. Magnifique, jugea Jean-Ba, et bien loin des craintes de ce matin.
« Regarde, papa, je crois que c'est là ! »
De plus en plus excité, Axel avançait en éclaireur, à une dizaine de pas devant son père. Il courait sur deux mètres, ralentissait, accélérait trois pas plus loin, s'arrêtait brusquement et se tournait vers son père. « Donnez-leur un trésor à déterrer et vous passerez un bon dimanche », pensa Jean-Ba, le sourire aux lèvres.
« Papaaaaa ! »
Il restait un tournant entre eux, quelques arbustes au feuillage dense, et Jean-Ba ne le voyait pas. Il sentit l'urgence dans la voix de son fils mais l'attribua à l'impatience et il ne se pressa pas davantage.
« J'arriiiiive ! »
Deux, trois, quatre pas supplémentaires et il dépassa l'arbuste, aperçut son fils immobile, raide comme un piquet planté devant l'ouverture de la grotte. Un mètre pile devant ce pan de mur qui semblait se séparer de la montagne en un triangle rocheux. Il leur faudrait se faxer derrière, contrairement aux cavités qu'il avait explorées jusque là, mais bon, songea-t-il, faut un début à tout, pas vrai ?
Quand même, c'était bizarre. Axel restait figé là devant comme si...
Oh merde, un serpent !
Jean-Ba courut jusqu'à l'endroit où se tenait son fils, paralysé par la peur - ou la prudence, corrigea Jean Ba - et se plaça devant lui dans un geste protecteur.
« Ne bouge pas », dit-il, conscient d'enfoncer une porte ouverte.
Le serpent ressemblait à une couleuvre mais Jean-Ba préférait ne pas prendre de risques. Il n'était pas certain de savoir distinguer les couleuvres des vipères et la différence entre les deux espèces pouvait s'avérer mortelle pour le malheureux qui écoperait d'une morsure. La tête triangulaire du reptile l'observait de ses petits yeux noirs. Il devait mesurer moins de deux mètres mais avec ses anneaux entortillés, il ressemblait à un amas de corde mal roulée.
« Recule, » murmura-t-il à son fils.
Comme il tardait à obéir, Jean-Ba se tourna vers son fils et put constater qu'il était pétrifié, le visage d'une pâleur à rendre jaloux un flocon de neige. Il serrait les dents si fort qu'on les entendait grincer et un geignement dissonant s'échappait de ses lèvres crispées.
« Du calme, mon fils, du calme. »
Mais le gamin ne se calmait pas. Son père posa la paume de sa main à la base de son cou, ses doigts lui effleurant la peau. Essayant de fixer le serpent simultanément pour parer un attaque éventuelle, il tâcha d'adopter sa voix la plus rassurante.
« Recule, mon fils, ça va aller. »
Axel résista encore un peu. La main de Jean-Ba poussa légèrement plus fort et le garçon cligna plusieurs fois des yeux. Son geignement se transforma en une série de sons incohérents dans lesquels surnageaient quelques mots et il effectua enfin un pas maladroit vers l'arrière.
Jean-Ba se concentra sur le serpent. Il le fixait toujours de ses yeux qui ressemblaient à des miroirs, sa langue fendue passant et repassant à la vitesse de l'éclair sur son absence de lèvres. Jean-Ba dégrafa lentement son sac à dos avant de le faire glisser devant lui, sur son ventre. Il hésita mais le serpent se déplaçait, contractant ses anneaux, rampant jusqu'à la coque de sa chaussure.
« Oh pis merde. »
Le sac écrasa le reptile sans le tuer. Il devait peser dans les cinq ou six kilos et ne transportait pas assez d'objets contondants pour espérer blesser la bestiole, mais Jean-Ba pouvait légitimement espérer s'en servir de paravent pour se saisir du corps écailleux sans entrer en contact direct avec ses crocs.
Axel à présent lui vrillait les oreilles de hurlements suraigus.
« Papaaa ! Il bouge, regaaaaarde ! »
La queue du serpent gigotait en effet sous le sac, tapait sur le sol à côté, tentait de s'enrouler sur les poignets de Jean-Ba. Celui-ci tenait bon mais la panique le gagnait. Il se voyait mordu par une vipère, chutant sur le côté, incapable de réagir, agonisant sous les yeux de son fils impuissant. Pire encore, il imaginait son fils livré à lui-même dans la nature, veillant sur le cadavre de son père, incapable de retrouver son chemin, pour toujours égaré loin de toute habitation.
Enfin, ses doigts accrochèrent quelque chose à travers le sac. Il se redressa d'un bon, jeta le serpent et le sac à quelques mètres. Il tremblait comme une feuille mais l'attaquant s'enfuyait déjà sans demander son reste. Dans un sifflement qu'il imagina sans doute et produisant sur la terre meuble un son de frottement qu'il jugea autrement plus sinistre.
« Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie », pensa-t-il. « Genèse 3:14 », crut-il bon d'ajouter, conscient que cette information remontait de très loin dans son passé et qu'elle n'avait ici aucune sorte d'utilité.
Se tournant vers Axel, il déclara à voix haute :
« On vit de drôles d'aventures, pas vrai ? »
Le fils rompit en sanglots. C'en était trop pour lui. Il pleurait fort, de grosses larmes lui noyant la figure.
« On peut pas y aller, papa ! On rentre à l'a maison ! S'il-te-plaît-s'il-te-plaît-s'il-te-plaît ! »
Jean-Ba le serra dans ses bras secs, lui tenant la nuque comme on le fait aux bébés quand on les arrache du sol un peu trop vite et qu'on craint le coup du lapin.
« … il y a sûrement des tas de serpents dans la grotte ! Je veux pas y aller ! S'il te plaît, papaaaa ! »
Jean-Ba resserra son étreinte, l'embrassa dans le cou, lui chantonna une comptine remontant à ces jours bénis où il bataillait pour l'endormir. L'enfant relâchait la pression, ses membres tout à coup ramollis dans l'accolade de son père. On aurait dit une poupée de chiffon, observa Jean-Ba, impressionné par la puissance de sa réaction. Il comprenait bien que cette crise cachait autre chose, en relation directe à la séparation, à son état à lui. Il avait disparu plus de quatre mois à l'époque de son hospitalisation forcée. Quatre longs mois où son gamin ne l'avait pas vu, ne lui avait pas parlé, n'avait eu de ses nouvelles que tronquées et indirectes, en passant via sa mère, que la seule mention du nom de son père rendait pour le moins irascible.
Surgi de nulle part, le souvenir de cette matinée maussade où, dans la chambre individuelle qu'il occupait à la clinique, on lui avait apporté les lettres d'Axel dans une enveloppe ouverte au préalable afin d'en vérifier le contenu. Les dessins du môme l'avaient ravagé. Un trait maladroit, des à-plats ratés, et lui, là, le père tox, croqué en bâtonnets gonflés aux stéroïdes, avec le sourire plat des bonshommes tristes parce que l'artiste peine à leur coller de la joie sur la face. Et son personnage tout en angles tenait la main d'un bonhomme plus petit, au sourire à peine plus marqué, et ces deux mains serrées lui avait broyé le cœur jusqu'à n'en laisser qu'une pauvre valve à peine fonctionnelle. Il avait répandu des larmes toute la journée malgré les cachets du psy, malgré la conversation échevelée de certains patients hauts en couleur qui parvenaient parfois à lui changer les idées.
Il s'était quelque peu calmé dans la soirée en dessinant sa réponse. Il n'avait jamais vraiment su dessiner mais des années de gribouillis dans la marge de ses cahiers d'école, ou sur une revue posée à côté du téléphone lors d'un appel trop long, conféraient à ses esquisses une maturité susceptible de masquer sa méconnaissance de l'anatomie ou son sens des perspectives déficient. Un enfant croirait volontiers qu'il avait du style. Lui n'était pas dupe pourtant et ces autoportraits réalisés dans un recueillement quasi-religieux dans sa cellule d'ascète par la force des choses avaient acquis avec les années une force évocatrice qu'il n'avait pas pleinement mesurée à l'époque de leur conception. Il revoyait souvent l'ombre sans saveur de son insignifiante lampe de chevet, les murs blanc cassé et le dallage en lino.
« Putain, c'est vrai que t'as fait ça, un jour. Ça t'est arrivé à toi. Tu t'es dessiné sur une feuille de papier pour rassurer ton fils, bordel ! »
La force du souvenir, la malédiction du passé, l'empreinte du temps... ces expressions flottaient dans son cerveau étourdi par les myriades de sensations qui venaient s'accumuler dans son esprit bouillonnant. Et toute cette merde qui remontait en pleine balade, à cause d'un foutu serpent !
Père et fils demeurèrent noués l'un à l'autre près d'une dizaine de minutes. Jusqu'à ce qu'Axel, enfin, daigne récupérer son corps, ses os et ses muscles. Il arrêta de pleurer, renifla quelques secondes, de plus en plus bruyamment, et Jean-Ba ressentit la pression du garçon qui poussait sur son épaule pour se dégager.
« C'est bon, papa, je pleure plus. »
Jean-Ba s'écarta franchement, plongea ses yeux dans ceux de son fils.
« T'es sûr que ça va ? Tu veux manger quelque chose ? Boire un coup ? »
Encore un peu pâlot, le gamin haussa les épaules, le regard fuyant sur la gauche. Ses lèvres formaient un v rabougri et tendu.
« Ca va aller, p'pa, promis. »
Il tâcha, ô miracle, de donner le change en contrefaisant un sourire. Le résultat déplut à Jean-Ba, soudain ont ne peut plus conscient de ce que son fils l'avait accompagné uniquement dans le but de le caresser dans le sens du poil. Comme on dit rarement « non » aux grands malades, aux enfants difficiles, aux vieux sucrant les fraises. Cette révélation le prit au dépourvu et il manqua s'énerver, rabrouer le fiston, vexé, honteux, atteint dans l'essence même de son orgueil d'adulte.
« Ah parce que tu crois que j'ai besoin de ça ? Tu crois que je ne peux pas supporter d'être le parent pauvre de cette famille brisée ? Le responsable de cette cassure ? Tu crois peut-être qu'il faut mettre des gants avant de me causer ? Qu'il faut ménager ma susceptibilité ? Me « préserver » dans la réalité de mon mal-être, putain ? Tu crois quoi, bordel de merde ? C'est moi l'adulte ! »
Il ne prononça aucun de ces mots. Il s'appliqua au contraire à escamoter le plus rapidement possible la moindre pensée apte à déchaîner le monstre de colère et de mauvaise foi qu'il avait réussi à circonscrire au tréfonds de sa personne. Une étincelle dans l’œil, éphémère et furtive fut l'unique trace visible de ce combat intérieur.
Étincelle que remarqua Axel, brusquement mal à l'aise, quoique inapte à déchiffrer cette lueur transitoire où il croyait avoir lu davantage qu'une simple malice.
Il lui apparaissait subitement que son père recelait probablement en son sein une part d'ombre qu'il n'avait pas particulièrement envie de voir s'exprimer.
Marchant sur des œufs, il osa un timide :
« Tout va bien, p'pa ? »
Jean-Ba se redressa sur ses jambes, s'éloigna encore de quelques centimètres, prit de la hauteur. Il jeta un coup d’œil circulaire avant de reporter son attention sur son fils. On aurait dit qu'il avait joué la montre pour régler un conflit intérieur, maîtriser le ton de sa voix, peut-être, mesurer ses paroles. Axel se sentait terriblement seul et abandonné lorsque son père, sur une note sombre, répliqua :
« C'est plutôt à moi de te demander ça, tu ne crois pas ? »
Puis, détournant les yeux :
« Bon, on se la fait, cette grotte, ou on passe la journée devant ? »
Il ponctua sa remarque d'un pas en arrière tout en amorçant un demi-tour. Sous-entendu : la question était réglé. Il n'admettrait aucune réponse négative.
Il se penchait pour ramasser son sac lorsque la voix de son fils lui parvint, un rien craintive, ce qui eut le don de l'agacer :
« Tu es sûr qu'il n'y aura pas d'autres serpents dans la grotte ? »
Jean-Ba demeura figé un court instant, la main tendue vers son sac jeté au sol et le dos courbé. Qu'est-ce qu'il s'imaginait, le môme ? Qu'il était devin ? Qu'il voyait à travers les murs ? Quand tu visite une cavité, tu acceptes de ne pas tout savoir, de ne pas tout prévoir, tu te jettes à l'eau et tu te gausses du danger !
Il ramassa son sac, le visage tourné vers la montagne.
« Je passerai devant cette fois. Et même si je ne peux rien garantir, pour les serpents, je veux dire, ça m'étonnerait beaucoup qu'il y en ait d'autres. »
Vaincu, l'enfant esquissa un premier pas branlant, puis son père se retourna, un grand sourire lumineux lui barrant la face.
« Allez, viens, Axel, ça va juste être grandiose, d'accord ? »
Et l'enfant le suivit.
« Hello, bien dormi ? »
Ah ça, non pas du tout, mais Axel préféra retarder sa réponse. Il se savait chafouin lorsqu'il manquait de sommeil et il sentait justement poindre une légère migraine. Et ce n'était pas la faute de son père. Huit heures du matin, un dimanche, la grasse mat' par excellence, le jour à traîner jusqu'au soir en pyjama avec ses bandes-dessinées, et là, il fallait se magner le train, avaler trois céréales, trois tartines, s'habiller... N'importe quel gamin normalement constitué aurait maudit la terre entière, à commencer par le type qui s'acharnait à le tirer du lit. Mais son père se donnait vraiment du mal depuis deux ans. Cette idée de sortie sous terre, le ciné tous les quinze jours, les snacks, les menus cadeaux juste pour le plaisir de le voir sourire. Et tout ce temps qu'il lui consacrait. La plupart de ses copains ne pouvait pas en dire autant. Alors il bâilla un bon coup en s'étirant et se frotta les paupières, s'arrachant à la torpeur de la nuit.
« J'arrive, p'pa. »
Ah ça, non pas du tout, mais Axel préféra retarder sa réponse. Il se savait chafouin lorsqu'il manquait de sommeil et il sentait justement poindre une légère migraine. Et ce n'était pas la faute de son père. Huit heures du matin, un dimanche, la grasse mat' par excellence, le jour à traîner jusqu'au soir en pyjama avec ses bandes-dessinées, et là, il fallait se magner le train, avaler trois céréales, trois tartines, s'habiller... N'importe quel gamin normalement constitué aurait maudit la terre entière, à commencer par le type qui s'acharnait à le tirer du lit. Mais son père se donnait vraiment du mal depuis deux ans. Cette idée de sortie sous terre, le ciné tous les quinze jours, les snacks, les menus cadeaux juste pour le plaisir de le voir sourire. Et tout ce temps qu'il lui consacrait. La plupart de ses copains ne pouvait pas en dire autant. Alors il bâilla un bon coup en s'étirant et se frotta les paupières, s'arrachant à la torpeur de la nuit.
« J'arrive, p'pa. »
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Dommage, il manque l'image d'illustration.
superbes style, descriptions et introspections. La suite, vite !
Décidément, j'ai changé plusieurs fois les proportions de l'image, je suis passé de jpg à gif, j'ai enlevé la couleur, j'ai changé d'image, et j'y arrive toujours pas !
Et pour la suite, elle est prête, mais on va attendre quelques jours.
Je suis partagé, sur cet épisode. Le deuxième était plus fluide, et plus subtil dans son déroulement. On sent qu'on veut nous faire capter des nuances dans la relation père-fils, mais c'est amené avec de gros sabots. Les dialogues ne contiennent pas d'information en eux-mêmes. Je tente de m'expliquer.
Je considère le dialogue comme une façon de compléter la narration, pas de l'illustrer. Par exemple, jouer sur le fait que les paroles ne reflètent pas forcément les actes, c'est intéressant pour signifier quelque chose. Sans forcément le décrire, le narrer. Compter sur la capacité du lecteur à déceler l'implicite.
Dans une telle relation, avec un père toxico qui s'en veut, et un fiston pas à l'aise avec cette idée, bientôt ado et partagé entre le mépris, l'amour et la pitié pour son géniteur, on pourrait avoir des dialogues beaucoup plus troubles, secs et ambivalents, qui serviraient, en très peu de mots, à faire passer cette idée de gêne. C'est un truc qui, selon moi, devrait être palpable dans leurs interactions.
Je pinaille sur les dialogues, peut-être, mais c'est ce que je retire, comme principale faiblesse au texte. Pour le reste, je trouve ça trop explicatif, mais c'est subjectif, comme observation.
J'aime le mystère, les danses du ventre et les charmeurs de serpents muets. Chacun ses névroses.
Pas évident, le commentaire, quand le sujet d'un texte ne nous embarque pas. La spéléo, malgré tout ce que ça peut charrier de symbolique de la redécouverte de soi, de plongée en introspection dans les entrailles de la terre comme dans celles de sa mère, ça me botte moyennement. Je ne suis pas sportif outre mesure.
Je suis sûr que ça parle plus volontiers à d'autres. Je suis un lecteur basique, et peut-être trop façonné par la littérature de genre pour apprécier le récit à sa juste mesure.
Sans compter que j'ai le cerveau congelé.
Ce sont des observations précieuses, au contraire. Pour l'instant, j'ai beaucoup de mal à mener cette narration sans m'enliser et il me smble que tu mets le doigts sur quelque chose. Je n'en suis pas encore à la phase de réécriture, loin de là, mais ça me donne du grain à moudre, ce que tu me dis.
Jean-Ba, définitivement, pour moi c'est pas possible, ça me sort du récit sans arrêt.
Il peut pas s'appeler Casey ou Balthazar ou Pollux, comme tout le monde ? Ou JB à la rigueur.
Pas mal de lourdeurs, dans cet épisode, j'ai préféré le précédent.
Trop d'adjectifs, de redondances, de précisions inutiles (ex : "se redressa sur ses jambes" (on se doute qu'il ne se redresse pas sur ses oreilles)), le style en fait trop, rien ne va à l'essentiel et pire, les formules employées sont limite incorrectes, et s'étouffent elles mêmes.
C'est descriptif, mais ce n'est pas ça qui gêne (même si ce n'est pas spécialement ma came) c'est les effets de manche peu heureux, comme "l'ombre sans saveur de la lampe de chevet" (insignifiante, en plus, la lampe, précisons) et la lourdeur maladroite des phrases, souvent à rallonge, avec des relatives à tout va.
Ce "style" alambiqué dessert ton récit et le plombe dans les scènes d'action ou dans les descriptions qui devraient piquer d'un coup.
Par exemple, ici, tout devrait se passer super rapidement (cf le champ lexical), en un quart de seconde, mais on s'englue dans les phrases "Il s'appliqua au contraire à escamoter le plus rapidement possible la moindre pensée apte à déchaîner le monstre de colère et de mauvaise foi qu'il avait réussi à circonscrire au tréfonds de sa personne. Une étincelle dans l’œil, éphémère et furtive fut l'unique trace visible de ce combat intérieur.
Étincelle que remarqua Axel, brusquement mal à l'aise, quoique inapte à déchiffrer cette lueur transitoire où il croyait avoir lu davantage qu'une simple malice."
Et ça, c'est non : "son père recelait probablement en son sein"
Bon, sinon, le gamin au réveil chafouin me reste sympathique, et ça, c'était cool "Maintenir le dialogue reviendrait à escalader l'Everest en claquettes et t-shirt" ça m'a rappelé Kilian Jornet.
De façon générale, je patine dans la semoule avec cette histoire. Je parle du style. J'ai beaucoup de mal à écrire "efficace" dans ce récit. Je note, je note.