Demain les Rats

Le 19/09/2024
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par HaiKulysse
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Thèmes / Obscur / Fantastique
Si, comme moi, vous avez toujours éprouvé une fascination sans bornes pour la Petite Souris, ce joli conte sauce égoûts devrait vous ravir les papilles à défaut de vous élever intellectuellement. Ça grouille un peu, vaguement, vers nulle part mais avec entrain. Nos fidèles lecteurs les plus exigeants auraient peut-être souhaité un début et une fin, mais pour une fois qu'on a un milieu, déjà, on ne va pas ergoter.
Après l’hôpital psychiatrique, j’avais été embauché dans une entreprise de dératisation, un job que nul ne voulait, étant donné les récents événements.
La spirale des idées noires avait recommencé, en fouillant comme toujours le subconscient du Créateur… Ou de Satan. Tous les jours j’allais au travail, en allant bosser à contre-cœur et tous les jours l’un des deux Grands Architectes me secouait pour me sortir de mon lit.
Dans leurs chutes, ils balayeraient les vieilles croyances, les préjugés malsains et le blabla mensonger des politiciens ; dans leurs discours cependant sommeillait l’ardeur du Monstre tapi dans les égouts…
Et quand je m’ennuyais seul dans ma porcherie, en regardant à peine leurs faces de fouines exaltées à travers l’écran de ma télévision, j’avais envie d’acheter une pléthore d’armes à feu et de tout tapisser avec leur sang. Et d’envoyer le reste aux rats.
Ma sympathie pour cet animal sacré qu’on jugeait nuisible en Occident, était proche de l’idolâtrie. Alors que les autorités balbutiaient quelques mots comme « enrayement » ou « désinfection totale » je savais qu’il n’en était rien ; ils ne savaient que remplir des papiers : de la paperasse inutile et ennuyeuse qui prouvait leur inaptitude et l’intelligence des Rats.
Notre civilisation s’achevait en agonisant, à force de carburer dans la semoule, tandis que leur espèce, en pleine évolution et génétiquement modifiée au fil des millénaires, avait muté et se divisait à présent en deux catégories : Les Pisteurs et les Chasseurs.
Les Pisteurs : des rats ordinaires qui, en avançant en éclaireurs au-dessus de la surface, permettaient la division et la substitution, la peur et la panique chez les humains. J’avais déjà piégé l’un d’eux dans une officine mais la fluidité de ses mouvements pour s’échapper avait déjoué mes plans.
Bien qu’ils soient déjà assez mûrs et expérimentés pour déjouer de nombreux pièges, les Pisteurs souffraient d’un organisme relativement vulnérable, mais les autres, les Chasseurs, une espèce venant juste d’apparaître, jouissaient d’une taille et d’un physique qu’on pouvait qualifier d’abominablement étranger à leur classification…
L’équipe fonctionnait en binôme et j’étais avec John Law mais quand on s’enfonçait dans les souterrains, tous plus étroits, tous plus suffocants, le valeureux John Law, qui était pourtant un jeune délinquant multirécidiviste, me plantait, et je finissais souvent seul le job, non sans avant prêté du temps pour entendre agonir les rats. L’adolescent avec qui je travaillais s’appelait Francis Sphinx et adoptait le même genre de lucidité que moi face aux évènements : objectivement, on ne gagnerait jamais la guerre contre les Chasseurs.
Notre mission prit toutefois une autre tournure lorsque notre chef nous parla d’un dernier geste désespéré, d’un dernier acte suicidaire : nous allions devenir des kamikazes parce que les binômes tombaient neuf fois sur dix dans un traquenard, les rats les suçant jusqu’à la moelle et asticotaient les derniers survivants jusqu’à les faire basculer dans la folie la plus profonde. L’équipe avait vu réduire de trois quart les effectifs de ses rangs.
Mais ce qui me paraissait étrange dans cette nouvelle stratégie, c’était qu’une autre bande de dératiseurs venait juste de s’affilier à notre groupe, alors qu’ils savaient le combat perdu d’avance…
Les Chasseurs n’avaient nullement besoin d’établir un savant stratagème à l’avance - leur improvisation et leur connaissance parfaite du terrain se combinaient pour nous traquer, nous tous les rebuts de la société !