- New York, Amérique du Nord -
Mélanie se pinça l'arête du nez, comme chaque fois qu'elle désirait réfléchir. Le test de grossesse était positif. "Pas maintenant, putain !" Jetant le test dans les toilettes, elle alla se rafraîchir au lavabo, affronta son reflet : le crâne rasé, le teint olivâtre, les yeux marrons, la machoire carrée, le menton volontaire. "Une vraie pute !" pensa-t'elle. "NON ! UNE SALE PUTE !!" hurla Mélanie, en sortant des gogues, s'attirant le regard appuyé d'un trouffion qui passait par là.
"De quoi ? Tu veux ma photo ?"
"N-non ! Non, sergent Lopez !" répondit vivement le bidasse. Mieux valait ne pas se frotter à cette furie.
Enceinte ou pas, pas question de se laisser aller ; elle pénétra dans la salle de musculation du QG, s'attirant les quolibets du petit rigolo de service :
"Eh, Lopez ! Je vais pisser, tu viens me la tenir ? Le toubib m'a interdit de porter des trucs lourds !!", déclaration qu'elle encouragea du geste, poing fermé, le majeur dressé.
Arrimée à sa machine à sculpter les abdos, Mélanie tenta d'oublier les derniers mois, passés en compagnie de trop nombreux connards, les remarques sexistes, la Morvie, qui infestait les rues...
D'oublier l'horreur qui prenait vie dans son ventre.
En vain. Les entrailles comme rongées par de l'acide, elle se remémora cette après-midi, il y a six semaines, quand le gros Morve l'avait touchée...
Elle et son unité étaient en ville, en train d'arroser les Morves au M134-Minigun. Quel spectacle de voir leurs crânes éclater tels des pastèques trop mûres ! Pour le reste, on procédait à l'ancienne : avec sa bite et son couteau. Bon, Mélanie, niveau bite, c'était pas ça, elle compensait donc en mettant beaucoup de coeur à l'ouvrage.
Cherchant des Morves survivants à égorger, elle s'éloigna du reste de son unité. Au détour d'une ruelle, elle se retrouva devant le Morve le plus laid qui lui ait été donné de voir : obèse, les cheveux blonds tombant en cascade sur un visage verdâtre, baragouinant un charabia incompréhensible :
"Cégégécégégécégégé ! KKASSSSEURRDCHIOTT !!"
Le Morve ressemblait beaucoup à un acteur étranger, un mec qui avait défrayé la chronique une dizaine d'années auparavant, et qui n'avait dû son salut qu'à son pote Ruskoff, un cinglé qui avait annexé la moitié de l'Europe...
La question à mille dollars, c'était qu'est-ce-que le Frenchie pouvait bien faire dans le coin... bof, après tout, rien à foutre ! Mélanie dégaina son Desert Eagle, mais le Morve fut plus rapide, lui assénant un direct au menton. Mélanie sombra, inconsciente. Le Morve poussa un "KKASSSSEURRDCHIOTT !!" triomphant.
Quand Mélanie émergea, le Morve, ayant déchiré son treillis, lui pilonnait la chatte consciencieusement. D'une secousse, elle se dégagea. Le Morve, portant ses mains à son entrejambe, se mit à pleurnicher : "Wémabi ? Wémabi ? Wémabi ? Wémabi ?"
C'était la dernière image qu'elle avait de lui : ce salopard en train de se demander où était passée sa bite. Sitôt rentrée au QG, elle l'expulsa de ses entrailles, dans les chiottes.
Les semaines passèrent, et son état de santé se dégradait. Son ventre s'arrondissait de plus en plus, le foetus - ou quoi que ce fut - se développait à toute vitesse, et n'hésitait pas à la dévorer de l'intérieur, phagocytant son hôtesse. Le teint cadavérique, les traits tirés, la bave aux lèvres, elle fut plus que jamais la cible des moqueries :
"Hé, Lopez ! Tu t'es fait enculer par un cimetière ?" - à cause des pets sonores, nauséabonds, qu'elle ne pouvait retenir, expulsés à chacun de ses mouvements.
Puis, les vannes douteuses laissèrent la place aux chuchotements, aux regards en biais. Les mercenaires l'évitaient, ne lui adressant plus la parole, sauf en cas d'absolue nécessité. Dans leurs voix, on percevait une bonne humeur forcée, simulée, teintée de gène... ou de dégoût.
Ils en avaient peur. Personne ne fut surpris, ni les mercenaires, ni Mélanie, quand le colonel chargé du commandement la convoqua.
Le bonhomme était maniéré, soignait exagérément une apparence un brin effeminée, et lui fit un discours moralisateur, sentencieux, d'un ton guindé, les sourcils froncés et la bouche en cul de poule. "Tarlouze !" ne put-elle s'empêcher de penser.
Bref, on lui confiait une dernière mission. Une mission suicide, histoire de se débarrasser une bonne fois pour toute et des Morves, et d'elle-même. "Ainsi que de cette... chose.. !!" termina le colonel, désignant du doigt le ventre de Mélanie.
La mission consistait à placer, en plein centre ville, une charge nucléaire portative, branchée sur un minuteur, lequel, réglé, déclencherait l'explosion du dispositif. Une escouade fut chargée de l'escorter jusque là. Durant le compte à rebours, le colonel, dans un élan de générosité, accordait à Lopez le temps de faire ses prières - ou dieu sait quoi d'autre, peut lui importait, "Du moment que la bombe explose, sergent !"
"Adieu Lopez, et bons vents !!" lança le chef de l'escouade à Mélanie, avant d'éclater d'un rire gras, tout fier de son trait d'humour. Celle-ci murmura un "Adieu, connard !", se détournant pour ne pas voir la jeep de l'escorte repartir à la Base. Sans attendre, elle régla le minuteur sur vingt minutes. "Que toute cette merde se termine rapidement..." espéra-t'elle. Le dispositif égrena les secondes, en faisant "Bip... bip..."
Dans son dos éclata un "Wémabi ?". Faisant volte-face, surprise ! Le gros Morve était là, accompagné par cinq de ses semblables, lesquels lancèrent de joyeux "Rooossavasséjérarr ! Rooossavacéjérarr !"... De toute évidence, le type s'était taillé une solide réputation dans le club social local.
Mélanie se fit le plaisir de les dégommer, avec son flingue, tous les cinq. Pour l'obèse, elle fit preuve de finesse : lui fracassant d'abord les genoux, puis visant le ventre, avant de lui enfoncer le canon du Desert Eagle dans la bouche, et de presser la détente. Le crâne de l'ordure s'envola, s'éparpillant en une multitude d'éclats sanguinolents.
Une bonne chose de faite ! Elle remercia intérieurement le colonel de lui avoir accordé un répit - qu'elle avait pu mettre à profit pour faire un carton sur ces fumiers.
Le minuteur indiquait '11 : 05'. Elle fut prise d'un vertige, accompagné de nausées. De la bile reflua de son estomac, la faisant vomir. Elle s'écroula. Quelque chose se démenait dans son ventre, cherchait à sortir, sans passer par la voie habituelle, labourant la paroie de son abdomen, de l'intérieur. Une main griffue, minuscule, déchira sa peau, au niveau du nombril, continuant de labourer la chair, agrandissant la plaie. Mélanie avait déjà perdu connaissance.
Une chose hideuse émergea de son corps agonisant : la peau verte, veinée de bleu et d'ocre, les yeux exorbités, une bouche édentée s'ouvrant et se refermant, essayant désespérément d'inspirer de l'air, pour la première fois. D'abord à quatre pattes, la chose se mit debout, et entreprit de ronger le cordon ombilical qul la reliait au cadavre de Mélanie.
Puis poussa un cri :
"Cégégécégégé ! KKASSSSEURRDCHIOTT !!"...
Avant de loucher sur le minuteur... qui indiquait maintenant '00 : 01'.
La charge nucléaire explosa. Un déluge de feu se répandit dans la ville, pulvérisant les bâtiments, et les Morves. La chose qui était sortie de Mélanie s'affaissa en un petit tas informe, dévorée par les flammes.
Même si la destruction fut totale, en prenant compte du contexte sanitaire, on pouvait considérer que la cité s'en trouvait réhabilitée, durablement.
Leur mission terminée, les mercenaires partirent vers d'autres contrées, continuant leur entreprise d'assainissement du globe. Des dizaines d'années passèrent, et la vie reprit ses droits sur les ruines de ce qui fut, jadis, la ville de New York. Les végétaux partirent à l'assaut des vestiges attestant d'une antique présence humaine, puis les animaux revinrent, à leur tour.
Longtemps après, le vent murmura cette histoire aux arbres.
Et peut-être, peut-être, un hypothétique observateur, présent en ces lieux, pourrait, avec un rien d'imagination, avoir l'impression d'entendre un fantômatique "Cégégécégégécégégé !!"...
... suivi d'un sonore "KKASSSSEURRDCHIOTT !!"
2034 : La planète doit faire face à une nouvelle pandémie, encore plus meurtrière que celle du Covid-19. Une bactérie mangeuse de chair, apparue au Japon, ayant muté de nombreuses fois, a décimé la quasi-totalité de l'espèce humaine. Elle provoque la nécrose des tissus vivants, et fait naître chez les sujets infectés un insatiable appétit de chair vivante. Son nom : La Morvie. Ceux qui en sont atteints sont appelés Les Morves.
Aujourd'hui, il ne reste de l'humanité qu'une poignée de mercenaires, lourdement armés. Leur mission : débarrasser la planète des millions de Morves qui l'infestent...
Aujourd'hui, il ne reste de l'humanité qu'une poignée de mercenaires, lourdement armés. Leur mission : débarrasser la planète des millions de Morves qui l'infestent...
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Totale déconne, totale éclatche.
Très sympa, enfin un vrai texte de Saint-Con. On pourrait ergoter sur des détails mais vu ce qu'on a soi-même proposé pour l'instant, on aura tendance à s'abstenir. Quand même celui-ci, parce qu'après tout on est un connard : s'affaisser puis être dévoré par les flammes en plein cœur d'une explosion nucléaire, ça me paraît peu crédible ; a priori c'est plutôt la désintégration en une fraction de seconde.
En l'état actuel des choses, Cerumen est Grand Inquisiteur haut la main.
J'ignorais cette histoire de casseur de chiottes. Ça se chanterait bien sur un air de Patrick Bruel.
Mais c'est qui le con qui finit brûlé ? Cépasgégé, puisqu'il finit avec une balle dans la bouche.
Ah oui tiens, j'aurai dû lui faire dire "Céguiguicéguigui". Merci Charogne.
LOL
Un texte bien décomplexé et très correctement torché. Un petit côté Alien mixé avec Dreamcatcher (pour les flatulences qui font flipper), et de la punchline qui fleure bon le cinéma hollywoodien des années 80 ("Hé, Lopez ! Tu t'es fait enculer par un cimetière ?").
Cerumen se défend bien, cette année. Il va falloir qu'il se sorte les doigts plus souvent, parce qu'on en veut plus (moi, en tout cas).
Possiblement dans mon top 3.
Contexte sympa et bien torché, ça se lit comme on regarde un bon vieux série Z ; je vois bien Michelle Rodriguez dans le rôle de Melanie.
Je ne suis pas particulièrement fan des histoires de zombie en général, mais c'est une belle parodie. On retrouve tous les clichés du genre, mais avec gégé en plus, donc c'est forcément positif. Et en plus c'était dans les temps.
Je reviens tout de même sur ma première impression, je suis déçu de voir notre égérie viticole mourir de manière si abrupte. Une explosion c'est rapide, certes, mais je suis sûr qu'il aurait bien brûlé.
Mais où est donc passé le tatouage intime ?
J’ai suivi ton lien Cerumen mais pas de tatouage si j’ai bien tout lu de A à Z mais je garde secrètement l’espoir qu’après un récit de zombies où il y a un accouchement façon Alien le suivant racontera l’histoire de cette croix de Jésus Christ que tu t’es tatoué sur la chatte avec Marylin Manson, sinon c’est un texte que je mets dans mon top 3.
Ah oui, le tatouage intime... ben c'était du racolage, rien de plus. Merci d'être passé lire le texte et d'avoir laissé un commentaire.