J'avais donc postulé chez une société de déménageurs. Ces abrutis m'avaient engagé, malgré ma condition physique de poule anémiée, et le trou de douze ans dans mon curriculum.
Le premier jour, on devait décharger un camion rempli comme un oeuf de mobilier chicos, style Louis XVI, et monter tout le bordel au troisième étage d'un immeuble neuf, dont les briques d'un blanc éclatant me rappelèrent instantanément The Wall, des Floyd.
Voilà, moi aussi, j'étais une brique dans le mur.
C'était la période d'essai, je me donnais évidemment à fond, j'en faisais même un peu trop. Dans ces boulots, il vaut mieux se péter le dos plutôt qu'avouer qu'on est à bout de force.
— Ne fais pas le con, on va le prendre à deux, le fauteuil, dit l'un des gars.
Il avait un cou de taureau.
— Il est moins lourd qu'il en a l'air, répondis-je, suant sang et eau.
Je me démenais comme un diable. L'important, c'était qu'ils le remarquent. Tous. Et même la vieille peau qui surveillait chacun de nos gestes, des fois qu'on érafle sa précieuse commode Murano ou bien sa foutue penderie en acajou.
La remorque était vidée de moitié quand je l'ai découvert, calé entre deux tables.
C'était un bel instrument, un piano droit de marque Gaveau, d'un noir d'encre, tout en boiseries et sculptures. Un visage de diablotin rieur était creusé dans le panneau supérieur. Je ne pus m'empêcher de caresser le couvercle.
— Faites bien attention, mon mari ne me le pardonnerait pas s'il avait ne serait-ce qu'une égratignure, claironna la vieille, dans une grimace d'angoisse.
— On est des professionnels, m'dame, affirma le plus balèze du groupe, en rajustant sa casquette.
Il se plaça d'un côté du piano, moi de l'autre, et on entreprit de le bouger jusqu'à la rampe de déchargement. Le bestiau pesait au moins cent-cinquante kilos. Pas question de le faire glisser, il fallait le soulever et éviter tout frottement avec le sol ou les parois de la remorque.
En trouvant les bonnes prises, on réussit à l'approcher de la rampe, mais la vraie manoeuvre délicate consistait à le descendre pour de bon du camion.
— Je prends ta place, autrement tu vas te ramasser tout le poids, me dit la casquette.
— Non, c'est bon, je le tiens bien.
Il me jeta un regard curieux, puis haussa les épaules.
— On se ferait moins fait chier avec un diable, mais Fab' l'a oublié chez le précédent client... Bon, on y va !
Nous soulevâmes l'instrument. Je reculais avec précaution. On ne s'en sortait pas si mal. Seulement, une saloperie de guêpe décida de faire son apparition. Elle émergea d'une ouïe, sur le côté du piano, virevolta un instant autour de la casquette du gros-bras, puis se posa sur sa joue rapeuse.
— Putain ! jura-t-il.
L'insecte resta collé sur son visage, immobile, et je voyais bien que le type commençait à paniquer.
— On pose, dis-je.
Mais il ne réagissait plus. Il était crispé, ruisselant de sueur, les muscles congestionnés.
— On pose ! répétai-je.
Il secoua brutalement la tête et cria. Ce crétin lâcha prise. La vieille cria, elle aussi.
L'instrument bascula et vint cogner le bord de la rampe, puis pivota sous l'effet de la gravité. Il chuta, sur le dos, comme au ralenti, et j'eus un réflexe stupide. Je me précipitai et tentai de le rattraper, en agrippant la console. Quand je me rendis compte de l'absurdité de mon geste, il était trop tard. Ma main droite heurta le bitume en même temps que les cent-cinquante kilos du piano, dans un craquement semblable à celui d'une bouteille d'eau compressée.
D'abord, je ne sentis rien de particulier. Seulement que ma main était coincée. Puis la douleur me lança par afflux réguliers, comme le sang pompait vers la blessure. Je restai hébété, en fixant le sourire narquois du diablotin sculpté dans le bois.
— Merde !, fit le déménageur, et il se décida enfin à soulever le piano pour me libérer.
Deux de mes doigts, le majeur et l'annulaire, étaient complètement écrasés, et ma paume avait l'allure d'une pièce de viande d'où émergeaient des morceaux de cartilages.
II.
J'étais pianiste, et, si je saisissais bien l'ironie de la situation, je n'y trouvais absolument rien de comique.
Les chirurgiens avaient fait du bon boulot, c'est certain. Je n'avais pas totalement perdu l'usage de ma main, et je pouvais encore m'en servir pour effectuer des tâches basiques.
Ma psy insistait pour que je me remette à composer. Vous savez, je présume, me dit-elle, que Django Reinhardt n'a jamais abandonné la guitare, malgré son infirmité, et qu'il a même développé une technique nouvelle avec seulement deux doigts fonctionnels à la main gauche.
Bien sûr que je le savais, mais j'en avais rien à foutre. Il ne jouait pas du piano, Django.
On me disait, aussi, qu'avec la musique assistée par ordinateur, un seul doigt suffit, celui qui clique sur la souris.
Admettons. Sauf que je n'arrivais pas à créer. Plus rien ne venait.
Cet accident stupide n'avait pas seulement affecté mon physique, il avait aussi fait naître en moi un état dépressif majeur.
Je passais le plus clair de mon temps à végéter dans mon canapé, ressassant mes angoisses et mon amertume, maudissant les artistes, ceux qui vivent de leur art, ceux dont on écrit les biographies ; comme si leur existence était exceptionnelle, leur misère unique, leur talent surnaturel. Leur chance, elle, est exceptionnelle. C'est tout.
Il est toujours bien plus intéressant de lire la vie d'un miséreux que de la vivre. On se délecte à imaginer les galères et la bohème, le romantisme qui s'en dégage, et puis la passion plus forte que tout le reste, qui finit par l'emporter, et emporter le coeur d'un public qui s'élargit de façon exponentielle.
Conneries.
La vérité, c'est que l'écrasante majorité des artistes ne dépasse jamais le stade de la misère.
S'ils le dépassent un jour, c'est au prix de leur art.
Un soir que je déprimais consciencieusement devant ma tasse de café dont les bulles de mousse formaient des petits yeux noirs et brillants d'araignées, je reçus un appel sur mon portable.
Comme n'importe quel possesseur de téléphone face à un numéro inconnu, je ne décrochai pas.
Pendant que je terminais mon café, un tintement m'indiqua qu'on m'avait laissé un message vocal.
J'imaginais déjà la voix nasillarde et l'accent probablement indien du correspondant, me demandant quel était le type de forfait que j'avais choisi pour ma box internet.
Au lieu de ça, j'entendis une nana m'apprendre que mon travail avait été remarqué par un label musical qu'elle qualifiait de "très important" dans l'industrie.
— ... nous sommes prêts à couvrir les charges d'un premier pressage de 3 300 disques de votre album. Nous nous occuperions également de la distribution, physique et numérique, et de la communication autour du projet. Selon la réception du public, un nouveau pressage serait envisagé. Si cette opportunité vous intéresse, veuillez vous présenter, avec votre maquette, à l'adresse suivante : Artishock Records, 13 rue Sidney Gottlieb, Lorient.
Je crus à une arnaque. Mais la fille ne précisait pas que je devais payer pour ce service. Peut-être avait-elle habilement évité de m'en parler ? S'agissait-il d'un piège, et allais-je me retrouver entouré de racketteurs de musiciens ratés ? C'était plutôt con, comme choix de victimes.
Mais si on ne me racontait pas de blague, alors j'avais une opportunité à saisir.
J'avais envie de croire à cette histoire.
Et bordel de merde, quelle histoire.
On était en avril, le printemps breton recouvrait Lorient d'une couche de brouillard qu'un couteau n'aurait pas suffi à couper, et le bus me déposa aux halles de Merville, entre un salon de coiffure abandonné et une auto-école aux murs tachés d'humidité. Il me fallait marcher encore vingt bonnes minutes pour rejoindre la rue Gottlieb.
La ville me parut anormalement vide pour un vendredi soir.
Je m'arrêtai un instant face à la devanture d'un bouquiniste spécialisé dans le développement personnel, la méditation transcendantale, le feng shui et l'ésotérisme. Dans la vitrine, il y avait des livres de la Lucis Trust, notamment le Traité sur le feu cosmique, d'Alice Bailey, et d'autres ouvrages plus ou moins putassiers sur la "Véritable signification du Baphomet" ou encore "La sagesse des sorcières : méthode du sabbat et des rites solaires".
Toute cette littérature m'intéressait de loin, parce que je savais qu'elle était en étroite et bizarre corrélation avec l'industrie de la musique. Le rock, d'abord, avait adopté les symboles du luciférianisme, avec une certaine discrétion face aux moeurs très religieux d'une amérique prude et majoritairement chrétienne.
C'était Ronnie James Dio, de Black Sabbath, qui avait popularisé le signe des cornes, qu'on fait avec l'index et l'auriculaire levés, et très rapidement l'imagerie sataniste s'était répandue dans toute la musique amplifiée comme une trainée de poudre, du rock'n'roll au métal, jusqu'au rap actuel, grâce à des groupes fondateurs se réclamant de l'enseignement d'Aleister Crowley, "magicien" controversé, et d'Anton LaVey, créateur de la première Eglise de Satan, à San Francisco.
Aujourd'hui, la figure du diable se retrouve très fréquemment accollée à des chanteuses pop largement dévêtues et à peine majeures, dont les clips bardés de symboles occultes et d'images gores et dérangeantes ne font plus frémir personne.
III.
La façade d'Artishock Records n'était pas différente de celle des autres bâtiments jaune pisse de Lorient. Une porte en PVC blanc, de la peinture écaillée sur les murs, et un petit encart indiquant : "sonnez, puis entrez".
J'obtempérai, et m'engageai dans un couloir étroit donnant sur un hall d'accueil. Là, une jeune femme au style punk, iroquoise verte et Perfecto noir de rigueur, était occupée à pianoter sur son smartphone.
— Salut, je viens pour...
— Oh, me coupa-t-elle en relevant son petit nez percé de son téléphone, tu dois être ce nouvel artiste prometteur repéré par nos chasseurs de têtes ! Panjandrum, c'est ça ?
Je sortis de ma poche de veste la maquette de mon dernier album, et la lui tendis en souriant.
— C'est ça.
— Suis-moi, je vais te présenter le patron.
Elle me prit par le bras, et nous traversâmes encore deux couloirs avant de nous arrêter devant une porte en bois noir, sur laquelle était clouée une plaque en fer, avec l'inscription BOSS.
Je commençais à me demander si tout ça était bien sérieux.
La punkette se pencha vers moi, comme pour me faire une confidence. Je pouvais sentir son parfum, de l'eau de rose ou quelque chose du genre, mélangé à l'odeur du tabac froid.
— Bon... il est un peu spécial, le patron. Il a une conception de la musique... bien à lui. Et pas seulement de la musique, d'ailleurs. Mais c'est quelqu'un d'extrêmement compétent. Je suis sûre que ça va bien se passer !
Elle me donna un petit coup de poing à l'épaule, agrémenté d'un clin d'oeil, puis frappa deux coups secs contre le bois. Elle attendit un peu, puis frappa trois nouveaux coups, très rapprochés.
— Tu peux entrer, me dit-elle avant de rebrousser chemin.
J'hésitais, serrant contre moi mon disque. La situation était anormale. Les labels et les majors ne fonctionnent pas comme ça.
Du moins, c'est ce que j'imaginais. Après tout, aucun professionnel ne s'était encore intéressé à mon travail.
Je me persuadai finalement que je n'avais rien à perdre, et poussai la porte.
Un homme aux longs cheveux blancs comme neige était installé dans un fauteuil de cuir pivotant, derrière une table en verre. Il avait un visage chevalin, bizarrement allongé, et portait des petites lunettes rondes teintées de rouge.
La pièce était plutôt chaleureuse, les murs habillés de bibliothèques remplies d'ouvrages aux reliures anciennes, les meubles en bois massifs, et la lumière tamisée. Etrangement, il n'y avait pas une pochette d'album, ni vinyle, ni quoi que ce soit d'autres en rapport avec la musique.
L'homme m'observa un instant, impassible, puis un large sourire fendit son visage comme une courge pourrie.
— Asseyez-vous, je vous en prie.
Je pris place sur la chaise, face à lui, tandis qu'il lisait ses fiches d'un air concentré.
— Votre nom d'artiste est Panjandrum... Il s'agit bien de cet engin expérimental conçu par les militaires britanniques, sous la Seconde Guerre Mondiale ? Une machine de guerre ?
Il ajusta ses binocles sur son nez, et je devinais son regard curieux, derrière les disques rouges.
— C'est exact. Une arme aussi redoutable qu'incontrôlable. Ils ont d'ailleurs renoncé à l'utiliser sur le champ de bataille parce qu'elle risquait de faire autant de victimes dans les rangs alliés qu'ennemis. Mais il y a un double sens. C'est aussi une expression synonyme de "gros bonnet". Comme... Magnat, ou Big Boss.
Je haussai les épaules, tentant de faire preuve de décontraction.
— Fascinant, dit-il dans une grimace énigmatique.
Il posa ses feuillets et se pencha sur son bureau.
— Votre dernière maquette, reprit-il, que nous avons découverte sur Bandcamp, a beaucoup impressionné Artishock Records. Vous avez créé un univers sonore tout à fait singulier et convoqué des thèmes qui résonnent avec nos propres convictions sur le monde.
Il ne me quittait pas du regard, et s'attendait à ce que je réagisse.
— Eh bien, j'en suis... ravi. C'est génial, répondis-je, un peu décontenancé.
Soudain, il me tendit sa main, dont les doigts étaient ornés de bagues en argent représentant des animaux. Un lion, un dragon et un lézard.
Je lui montrai la mienne, la droite, dont l'annulaire et le majeur étaient repliés en un seul morceau de chair, et lui proposai plutôt de serrer ma main gauche.
Son bras resta suspendu, et il m'observa avec plus de curiosité encore.
— Je sais que vous avez beaucoup souffert. Pas seulement dans votre enveloppe. Dans votre âme, également. C'était évident, en écoutant votre musique. Voyez-vous, on ressent beaucoup de douleur dans votre art, mais aussi des ondes très positives. Vous savez, je pense, que les fréquences hertziennes ont la capacité d'influer sur les ondes cérébrales humaines et animales. Les sons et les agencements de sons, couplés aux rythmes percussifs, modifient les courants électriques qui traversent le cerveau. Ils peuvent créer, si on les combine de certaines manières, des afflux de dopamine, cette molécule biochimique qui permet la communication au sein du système nerveux, et qui influe directement sur le comportement. Vous connaissez, bien sûr, le réflexe de Pavlov ?
— L'expérience avec les chiens, vous voulez dire ?
— Oui, le conditionnement Pavlovien. Ce chercheur russe du XIXe siècle a prouvé par ses études qu'on peut très facilement conditionner un chien à réagir de n'importe quelle façon à un stimulus donné. Il suffit d'associer un objet, un son, un ordre, à un comportement, stimulé par un changement biochimique dans l'organisme. La vérité, c'est que cette fenêtre de conditionnement est une constante chez tous les êtres vivants. Le phénomène est un peu plus complexe chez l'humain, quoique pas tant que ça. Certains chercheurs commencent à s'accorder sur le fait que ce mécanisme naturel serait à l'origine de tout instinct de survie. Un système d'apprentissage inné, avec un code bien précis. Et si on comprend le code, et comment le modifier, alors on peut... réaliser de grandes choses.
Il me sembla que l'air dans la pièce s'était raréfié, et la température devait avoir chuté d'un ou deux degrés. J'eus un frisson, partant du coccyx et remontant jusqu'à la nuque. L'homme n'avait jamais cessé, en parlant, de me regarder. Il déclamait son texte comme un acteur, et ça me mettait mal à l'aise.
— Votre musique, Panjandrum, est extrêmement puissante. Et, ce qui est particulièrement remarquable, c'est qu'elle l'est dans le bon sens. Elle est positive. Elle fait du bien. Je vous félicite pour cela, car il est souvent plus simple de tendre vers les passions tristes, et de les exacerber à travers des réalisations artistiques sombres et torturées. Nombre de musiciens ont succombé aux sirènes de la facilité et du mal.
Je me frottai le visage et me redressai sur mon siège.
— Qu'est-ce que vous entendez par "le mal", exactement ? Je ne comprends pas bien où on va...
Il se renfonça dans son fauteuil, et m'observa d'un air serein.
— Laissez-moi appeler mon assistante. Elle vous expliquera. J'ai déjà trop parlé.
IV.
La punkette entra dans le bureau. Elle s'approcha et posa familièrement la main sur mon épaule.
— Alors, tout se passe bien ? demanda-t-elle à l'homme.
Il hocha la tête, en lui adressant un sourire entendu.
— Parfaitement bien. Notre nouvel ami aimerait mieux comprendre ce que nous faisons, chez Artishock. Peux-tu lui expliquer, dans les grandes lignes, notre combat ?
— Avec grand plaisir !
Elle s'assit sur la table, face à moi, et croisa ses jambes gainées de nylons noirs effilés. Dans cette position, elle me dominait de plusieurs têtes.
— Lui, c'est Al, et moi, Lily. Je suis sûr que t'as remarqué à quel point les gens accordent peu d'importance à l'art, de nos jours. On regarde des séries pour se vider la tête, on écoute de la musique en fond pendant qu'on fait la vaisselle ou bien qu'on remplie sa feuille d'impôts. Bref, on bouffe du divertissement. Bien sûr, tout ça va de pair avec le développement technologique et la société de consommation. Dans les années soixante, alors que notre occident était déjà hyper industrialisé, les gens chérissaient encore leurs vinyles comme un Pape astique sa toque, et à la moindre rayure sur les sillons, c'était littéralement la fin du monde. Il faut se rappeler qu'à cette époque, ils s'asseyaient bien sagement, ou s'allongeaient dans leur canap', et consacraient toute leur attention à écouter du bon vieux rock. Comme un acte religieux. Maintenant, on n'écoute plus que d'une oreille, et encore, une oreille endormie, la même soupe que dégueulent des plateformes comme Youtube et Spotify, Apple Music, Deezer et j'en passe. Toujours les mêmes sonorités, aux mêmes fréquences, du boom-boom qui te fait vibrer les viscères, et qui finit par te donner envie de chier.
— Je ne vais pas te contredire, dis-je en me déridant.
— Mais grave. Et on aurait tendance à penser que c'est une sorte de hasard, que tout se ressemble à ce point, que c'est simplement l'un des effets logiques de la fameuse Main Invisible du Marché, bouuuuuuh, qui fait que s'il y a de la demande, si c'est rentable et facile à produire, eh bien, c'est normal que ça inonde les bacs. Alors, oui. Mais pas seulement. Il y a une volonté, derrière tout ça. Si on regarde bien, des motifs précis se répètent.
— Lesquels ?, demandai-je, désormais intéressé par cette conversation, et par cette jeune femme.
Elle me sourit d'un air complice, tout en s'allumant une cigarette avec son Zippo. Al, quant à lui, semblait s'être endormi dans son fauteuil.
— Comme je te le disais, toujours les mêmes fréquences, sur des rythmiques très semblables, avec des paroles débilitantes ou déprimantes. Des thèmes violents, noirs, pornographiques, parfois. Qu'on soit bien clair, l'art peut être sombre, dérangeant, porno, immoral, ce n'est pas le problème. Le vrai souci, c'est que tout un pan de ce qui est réalisé, et notamment dans la musique, est parfaitement calibré pour interagir avec le cerveau, selon la loi du conditionnement que mon pote Al a dû t'expliquer un peu plus tôt. Et le conditionnement est d'autant plus puissant qu'on le subit dans un état de conscience apaisé, ou de somnolence. Quand le cerveau émet des ondes Alpha et Thêta. Ces états surviennent lorsqu'on est détendu devant sa télé, par exemple, ou bien dans son lit, avant de s'endormir. Quand on dérive sur le net, aussi, à balayer son écran de téléphone d'un geste compulsif.
— D'accord, je pense que j'arrive à te suivre, mais je ne comprends toujours pas où tout ça nous mène.
— En quelques mots : ce qu'on appelle communément le divertissement, c'est un conditionnement de masse. Il faut absolument que tu lises Tocqueville, De la démocratie en Amérique. Il explique très simplement qu'aucun roi, empereur ou président ne peut imposer directement sa volonté à son peuple. Il sait qu'un changement trop brutal de régime déstabiliserait toute la structure de la société, et qu'il risquerait alors le chaos et la destitution. S'il veut changer en profondeur un peuple, il doit d'abord changer les moeurs de ce peuple, modifier les habitudes et les tendances sociales des moutons que nous sommes, nos conceptions du monde. Mais comment faire ? Par quel outil ?
Visiblement, elle s'attendait à une réponse.
— Le divertissement ? tentai-je.
— Les médias. Tous les médias possibles. Je parle des journaux télé, évidemment, mais aussi de tout ce qui peut faire office de canal pour que le changement, plus ou moins subtil, circule entre tes deux oreilles. La musique, le cinéma, la publicité, la littérature, la mode, le graphisme, les jeux-vidéo, les infos de 20h, absolument tout.
— Euh... ça paraît... un peu gros, non ?
— Pourquoi on dépense des sommes faramineuses pour créer du divertissement, à ton avis ? Des centaines de milliards ? Pourquoi est-ce devenu une part si importante de nos vies, alors que nous le considérons de façon schizophrénique comme quelque chose de totalement secondaire, artificiel, séparé de la réalité objective ? "Tout ça, c'est du cinéma", voilà ce qu'on nous répète depuis qu'on est gamins, et qu'on s'efforce à tout prix de ravaler notre terreur devant un film d'horreur. Oui, c'est du cinéma, oui, c'est artificiel, mais ça rentre dans ta tête, malgré tout.
Lily observait ma réaction. Un filet de bave s'échappait de la bouche de Al, lui coulait sur le menton, et, au goutte à goutte, mouillait sa chemise bordeaux.
— Peut-être que ça se tient... mais quel est votre rôle, dans tout ça ?, demandai-je, un peu perdu.
Décroisant les jambes, elle se pencha vers moi, l'air extrêmement sérieux.
— Jim Morrison disait : "Celui qui contrôle les médias contrôle les esprits". Et ce type, c'était pas la moitié d'une tronche.
— Je connais cette citation. Mais, je ne l'avais jamais comprise dans ce sens.
Le silence s'installa, puis, d'une façon théâtrale, elle dit :
— Nous, on rééquilibre la balance. Voilà ce qu'on fait, chez Artishock Records.
V.
C'était comme si j'avais pris un trente-trois tonnes en pleine tête.
De retour chez moi, ayant dûment signé le contrat de distribution de mon disque, je me préparai une tasse de café et coupai une tranche de pain, machinalement, mais je n'avais pas faim. C'était un geste normal, rassurant ; j'éprouvais le besoin de me retrouver en terrain connu.
J'avais demandé à Lily pourquoi elle me révélait tout ça, tous ces concepts sociologiques étranges. Tous les artistes du label étaient-ils au courant du "combat" ?
Elle me l'avait confirmé, et m'avait expliqué qu'un créateur pleinement conscient de son pouvoir produisait un art magique, aux capacités d'influence décuplées.
Ta musique, désormais, sera plus puissante qu'elle ne l'a jamais été. Bienvenue sur le seuil du miroir, là où les portes d'entrées ne sont pas des portes, mais des personnes.
Je ne comprenais pas encore tous les tenants et aboutissants des discours qu'on m'avait servi. Dans quel but les masses étaient-elles conditionnées ? Vers quel changement ? Et pourquoi serait-ce fatalement une mauvaise chose ? Qui était derrière ce plan à la visée monumentale ? Tout ça devait demander une organisation en amont absolument titanesque.
J'étais vraiment dans un état curieux, comme au sortir d'une séance de cinéma, lorsque l'esprit est encore dans le film, enveloppé par l'obscurité de la salle, et pas tout à fait recalé sur la réalité de la rue, de la ville où on se trouve. Je me sentais vaseux, en proie au vertige, comme si j'avais subi une opération sous anesthésie générale. Le monde me paraissait complètement fou, et beaucoup plus vaste, étrange et incroyable que ce qu'il était avant mon entrée dans les locaux d'Artishock.
Les graines de ma tranche de pain aux céréales ressemblaient à des tiques gorgées de sang, et les bruits de la circulation, dehors, évoquaient les hurlements d'une meute de chiens errants.
Tout semblait avoir une double signification, et une double existence. Une face visible et une face cachée.
La lune, symbole par excellence de cette dualité, symbole de la métamorphose et de la renaissance, s'imposa comme le thème principal de mon nouvel album.
Car j'avais retrouvé le goût de créer.
Les jours passèrent. Je travaillais vite et bien. Les muses étaient au rendez-vous. Les mélodies venaient naturellement, les rythmiques coulaient de source, je considérais mes nouveaux textes comme les plus aboutis, les plus profonds.
En six semaines, j'avais la structure complète de ma maquette, et je n'avais plus qu'à travailler les arrangements, et enfin passer à la phase de mixage, puis de mastering.
Artishock Records s'étaient montrés totalement silencieux. Pas un appel, pas un mail, pas même un SMS.
Je commençai à croire que je m'étais fait rouler, mais, bizarrement, je ne leur en voulais pas. Parce que je pouvais composer. Ils m'avaient ouvert l'esprit sur une réalité infiniment plus étendue et inspirante.
Un soir que je travaillais les transitions de mon album, je reçus finalement un message de Lily. Le numéro était inconnu, mais c'était elle, bien sûr.
"Les 3 300 copies physiques sont écoulées. Plus de 130 000 écoutes sur Spotify. France Inter et Europe 1 nous réclament les droits de diffusion. On prépare un nouveau tirage à 33 000 exemplaires. T'as de l'or dans les doigts, mon coco. C'est sûrement pour ça qu'on a voulu te les arracher."
Toutes ces semaines où je composais, je n'avais même pas eu la curiosité de vérifier ce que devenait ma musique. Visiblement, elle plaisait. Beaucoup.
Un deuxième SMS suivit :
"Tu vas recevoir un joli chèque d'ici quatre à cinq mois."
J'appelai le numéro. Je voulais l'entendre, de vive voix, me répéter tout ça. Mais je tombai sur la messagerie.
— Lily, c'est dingue. C'est complètement dingue. J'ai l'impression d'être en train de rêver. Ce n'est pas une blague que vous me faites, hein ? Vous ne vous foutez pas de moi ? Bordel, c'est incroyable. Ecoute, moi aussi, j'ai une bonne nouvelle. Je travaille sur un autre projet. Il est presque finalisé. Il va vous plaire.
VI.
Ma nouvelle oeuvre était achevée.
Lily et moi avions convenu de nous rencontrer dans un bar de Lorient, l'Oiseau Bleu, pour que je lui livre la maquette. Il fallait aussi qu'on discute. J'avais beaucoup de questions, et un sujet en particulier me tourmentait.
On était en juin, un soir d'orage, l'air de la ville était lourd et on s'attendait à ce que le ciel éclate à tout moment.
Les gens, dans la rue, semblaient sur les nerfs. Ils étaient pressés, tendus et impatients, fermés comme des coquilles d'huîtres.
Lily m'attendait sur une banquette du bar. Elle avait troqué son Perfecto contre un débardeur blanc, et sa crête contre une coupe plus classique.
— Félicitations, champion, me dit-elle en se levant.
Je m'assis à sa table.
— Panjandrum cartonne, reprit-elle, tu peux être fier de toi. Les fans meurent d'envie de découvrir qui est l'artiste derrière la musique.
— A propos, j'ai remarqué quelque chose, en réécoutant mon album sur Spotify.
Elle ne répondit rien, et d'un geste du menton, m'encouragea à continuer.
— J'ai noté des... changements. Tu vois ce que je veux dire ?
— Hm-hm.
— Les lignes de basse. Les rythmiques de batterie. Parfois même le tempo, m'emportai-je.
La punkette croisa les mains en me regardant. Elle semblait chercher les mots justes.
— Alors, il faut que tu comprennes un truc. Ce sont les détails qui font la différence.
— Quoi, les versions originales ne vous plaisaient pas ?
— Ce n'est pas le problème. Ecoute, dans une guerre, on doit faire usage de toutes les armes disponibles. Toutes, et même celles de l'ennemi.
— Je ne savais pas que j'avais signé un contrat avec Sun Tzu, dis-je en ricanant amèrement.
— Si, tu le savais. Je t'ai expliqué ce qu'on fait, chez Artishock.
— Ouais, votre combat. Je trouve ça absurde.
Elle m'observa en penchant la tête, l'air sincèrement peiné.
— Tu es retombé de l'autre côté, n'est-ce pas ?
Confus, je levai les bras, dans un geste d'impuissance.
— C'est ce qui arrive, quand on termine une oeuvre, renchérit-elle, le baby blues.
— Je ne sais pas si je dois te donner mon nouvel album. Vous allez le charcuter pour qu'il ressemble à du Lady Gaga.
Continuant de me fixer, d'une façon très tendre et maternelle, elle caressa ma joue du dos de la main.
Je la regardais, déconcerté, quand un type entra en trombe dans la salle. C'était un homme massif, un géant aux mains comme des battoirs, qui fonçait droit sur le zinc. Le barman n'eut pas le temps de réagir. Le colosse l'agrippa par le col, puis le tracta par-dessus le comptoir. Le pauvre gars esquissa une vrille et s'étala aux pieds des tabourets. L'agresseur s'accroupit sur lui, arma son bras, et fit lourdement retomber son poing sur son visage. Le premier coup enfonça tout entier le nez du barman. Il laissa échapper un gémissement qui dénotait autant la douleur que la surprise. Mais le géant ne s'arrêta pas là. Il le frappa, encore et encore, toujours de la même main, toujours au même endroit.
Dans le bar, personne ne réagit. Les clients, Lily et moi, tout le monde se contentait d'observer, sans rien faire. Excepté un ado très excité qui n'avait rien trouvé de mieux que de dégainer son smartphone pour filmer la scène.
De la tête du barman, il ne resta plus qu'une masse informe, sanguinolente et chevelue, qui dodelinait en encaissant les coups et produisait à chaque impact des bruits de succions visqueux. Les globes oculaires étaient sortis de leurs orbites, et pendouillaient au bout des nerfs optiques, des deux côtés du crâne, comme des boucles d'oreilles surréalistes.
Il ne respirait plus.
Le monstre, couvert de sang, décida enfin d'arrêter les frais. Il venait de tuer un homme, à mains nues, mais n'avait aucunement l'air perturbé. Il sortit de l'établissement et rejoignit la rue comme un type lambda quitterait sa femme avant de se rendre au boulot, calme et tranquille.
Tandis qu'un murmure de panique parcourait la pièce, deux premières personnes s'approchèrent du cadavre. Puis, rapidement, un groupe se forma près du corps.
— On appelle le SAMU ? lança quelqu'un.
— A mon avis, c'est trop tard pour l'ambulance, répondit un autre.
Lily ne semblait pas du tout effrayée. Elle réfléchissait, le front plissé.
— Je connais le mec. Le meurtrier, affirma-t-elle.
— Vraiment ?, m'étonnai-je.
— C'était SixFeetNine ?! Truc de fou ! gueula l'adolescent qui avait tout filmé.
Lily hocha la tête, toujours pensive.
— Le gosse a raison. C'est bien lui. Un rappeur qui fait de l'horrorcore. Il a signé chez Universal, l'année dernière.
— Mais putain, qu'est-ce qui lui a pris de buter le barman ?!
— On va en parler dehors.
Elle me prit par la main et nous sortîmes de l'Oiseau Bleu. Plus loin dans la rue, je faillis dégueuler sur le trottoir.
— Ouais, c'était moche, lança Lily en me serrant l'épaule.
— J'ai bien fait de signer chez vous, et pas Universal. Je n'aimerais pas croiser ce malade par hasard dans un couloir de la major.
Je repris mon souffle, et ajoutai :
— Enfin, il va finir en taule. C'est déjà ça.
— J'en doute, répondit-elle sombrement.
— Pourquoi ? Il vient de tuer quelqu'un devant toute une foule de témoins !
— Parce que les mecs comme lui ne vont pas en prison. Tu verras comment la justice et la presse vont traiter l'affaire. Il se retrouvera en cure de désintox, puis il sera libre dans trois mois, le temps que ça se tasse.
— Non, je ne te crois pas.
— Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, sur le monde de l'industrie musicale.
— J'espère sincèrement que tu te trompes.
— Hé, je l'espère aussi. Mais je connais les ficelles du métier. Le dernier SixFeetNine va exploser dans les charts. Et, au fait...
Elle se rapprocha lentement, dans mon dos, jusqu'à ce que ses seins frôlent mes omoplates. Je sentais son souffle sur mon oreille. Eau de rose et cigarette.
— C'est contre ça, qu'on se bat. Contre les artistes comme lui, et leur art. Contre les majors comme Universal, qui embauchent des mignons de Satan pour alimenter la grande moissonneuse d'âmes.
— On rééquilibre la balance, murmurai-je.
— Exactement. Ta musique, ton influence lumineuse, pèse lourd dans cette balance. Tu sauves littéralement des âmes en perdition. Alors, tu penses toujours que quelques petits compromis d'ordre technique sont inacceptables, en contrepartie d'une diffusion de ton oeuvre à grande échelle ?
Je tâtai le boitier de la maquette, à travers ma poche de veste.
VII.
Il y avait un chat éviscéré sur mon paillasson.
Ses entrailles débordaient largement de son abdomen et formaient un tas compact et gluant. Mes voisins sentirent l'odeur depuis leur appartement, et lorsqu'ils se rendirent sur le palier, ils découvrirent le cadavre, puis sonnèrent chez moi.
— Il me semblait bien que vous n'aviez pas de chat, donc je me suis demandé quoi faire, et puis, comme c'était devant votre porte qu'il était, ma femme a pensé qu'on devait vous en parler.
— Il est noir. C'est très mauvais signe, enchaîna la grosse, tout en se signant.
— Elle est un peu superstitieuse, ne faites pas attention, sourit le gars en passant sa main dans le dos de son épouse.
— Quelqu'un vous en veut, dites ? reprit la bonne femme.
— Non. Enfin, je ne crois pas. J'imagine qu'il faut que... que j'appelle la mairie, c'est ça ?
— Oui, ils vont s'occuper de tout. Et informer ses propriétaires, s'il en a.
— Je vous remercie de m'avoir prévenu.
— C'est normal. C'est triste, mais si ça se trouve, c'est un autre chat qui lui a fait ça, lâcha le type avant de retourner chez lui, suivi mollement par sa femme.
Il était huit heures du matin, j'avais travaillé toute la nuit sur des expérimentations sonores, et après avoir contacté la mairie de Lorient, je décidai de me recoucher.
Ces incidents bizarres devinrent de plus en plus fréquents. D'abord, je retrouvai des souris mortes un peu partout dans le salon. Je n'avais jamais eu de problème d'infestation, et il n'y avait pas de mort-au-rat chez moi. D'après le concierge, aucun locataire ne se plaignait de la présence de rongeurs dans l'immeuble.
Ensuite, ce fut au tour des moineaux. Je pensai que le premier n'avait pas eu de chance. Il fonça droit sur le carreau et se brisa la nuque. Bon, ça arrive. Sauf que ça se répéta des dizaines de fois dans la journée. Toujours sur la même fenêtre. L'un d'eux fissura le verre, et du sang s'infiltra dans la fente. Impossible à nettoyer.
Quelques jours plus tard, je reçus un appel de ma tante. Elle n'avait pas pour habitude de me contacter. En fait, on ne se parlait plus depuis une dizaine d'années.
— Je suis désolée d'avoir à te l'apprendre de cette manière, mais... ta mère est morte.
Sa voix se brisa dans un sanglot, puis elle raccrocha.
Ce fut le point d'orgue de cette inexplicable hécatombe, dont je semblais être le dénominateur commun.
La cérémonie funéraire avait lieu au crématorium de Quimper, dans le quartier de Penvillerc'h. Nous étions peu nombreux. Ma tante, ses filles, quelques vagues amis de la famille, et un ou deux inconnus probablement motivés par une curiosité morbide. Le cercueil était placé au fond de la salle, comme si on l'avait oublié dans un coin.
Un pasteur orthodoxe fit un étrange discours plein d'autopromotion et de prosélytisme, un sourire crispé sur le visage, et tout ce qu'il racontait sur ma mère était au mieux imprécis, au pire complètement faux.
C'était une femme mauvaise, acariâtre, rongée par la dépression et le ressentiment. En grande habituée des divorces, elle avait dépouillé mon père et ses deux autres maris jusqu'à l'os. Certes, elle était belle. On accorde trop de confiance aux gens beaux. Pourtant, la beauté finit immanquablement par se faner, et de la rose ne restent que les épines.
Seule et délaissée, elle avait sombré dans un alcoolisme irréfréné.
Et le pasteur, qui ne l'avait jamais vue ailleurs qu'entre quatre planches, nous dressait le portrait d'une espèce de sainte, regrettée de tous.
Enfin, il retourna s'asseoir, puis le maître de cérémonie, d'une voix détimbrée, annonça :
— Maintenant, que ceux qui le veulent se sentent libres de passer de l'autre côté, afin d'adresser un dernier adieu à la défunte.
Il désigna une porte, sur sa droite.
Nous entrâmes. La salle était pourvue d'une fenêtre donnant sur la chambre de combustion. Nous observions, silencieux. Ce n'était rien de plus qu'un gros four en acier avec des rampes automatisées, dans une pièce vide semblable à un local d'usine.
On déposa le cercueil sur les rails, et, avec une régularité mécanique, un piston métallique le fit glisser dans la bouche du four crématoire.
Des fantômes commencèrent à me rendre visite. De vieux souvenirs d'enfance, des squelettes dans les placards. Si Lily et Al m'avaient amené sur le seuil du miroir, les bras de ma mère morte m'avaient emporté corps et biens de l'autre côté.
Pour faire taire les intrus, je composais.
J'étais inspiré. J'allais accoucher d'un album sombre, dérangeant et violent.
Quand je ne travaillais pas, je passais mon temps à me documenter sur le rappeur assassin, SixFeetNine.
Lily ne s'était pas trompée, il avait été condamné à cinq ans d'emprisonnement avec sursis, 13 000 euros d'amende, et six mois d'obligation de soin dans un centre hospitalier en Suisse.
Une cure pour starlette.
Les chiffres de vente de son dernier album crevaient le plafond. Jay Z affirmait publiquement que SixFeetNine était le rappeur le plus original et le plus prometteur de l'horrorcore française.
J'étais sidéré.
Non seulement ce type avait buté quelqu'un de sang froid, apparemment sans raison, mais en plus, il s'en sortait libre, et avec les honneurs de ses camarades. Le putain de monde à l'envers.
Presque tous les articles qui traitaient de sa condamnation étaient des copiés-collés les uns des autres. Les pisse-copies n'avaient jamais aussi bien porté leurs noms. Pourtant, un édito, paru dans Vice, qui n'avait rien à voir avec l'actualité de SixFeetNine, retint mon attention.
L'interview datait de l'année dernière. Le journaliste lui cirait les pompes en le félicitant pour le contrat avec Universal, puis il lui demandait si Lorient était une ville importante, pour lui.
SixFeetNine avait répondu : "Ouais, je dois tout à Lorient. C'est le public de cette ville qui m'a fait, et c'est un peu grâce à lui que je rentre dans la cour des grands. J'y reviens souvent, je donne des petits concerts. Mon pote, si j'étais pas passé par la rue Gottlieb, je serais pas là où j'en suis aujourd'hui".
Je ne croyais plus aux coïncidences. Mais il fallait quand même que je creuse en profondeur. Je me connectai au site d'Universal Music France, et vérifiai que le rappeur était bien dans la liste des artistes. Sa sale gueule apparut sur mon écran. Ensuite, je cliquai sur l'onglet "nos partenaires". Entre le logo de NRJ et des Vieilles Charrues, il y avait celui d'un artichaut frappé par la foudre.
Lily, songeai-je, espèce de salope.
VIII.
Je déboulai dans les locaux d'Artishock comme le minotaure qui arpente le labyrinthe. Au bout du premier couloir, je la vis, dans le hall d'entrée. Elle était au téléphone, les jambes croisées sur son bureau. Elle me jeta un regard interloqué, tout en conversant.
— ...s'il doit se remettre à sniffer de la coke, de l'héro, du sans-plomb, je m'en fous, mais qu'il le boucle, son album.
— Vous vous êtes bien foutus de ma gueule, lui lançai-je.
Elle fronça les sourcils, en me dévisageant.
— Il faut que je te laisse, j'ai un artiste qui... Voilà. Ouais, on fait comme ça, dit-elle en raccrochant.
Je faisais les cent pas dans la pièce, fulminant de rage.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive, mon grand ?
— SixFeetNine.
— Je sais, je te l'avais dit, pas de prison pour ce genre de zigue. Mais il ne faut pas te mettre dans un tel...
— C'est vous qui l'avez signé en premier, pas vrai ?
Lily se redressa sur son siège, surprise.
— Vous lui avez raconté vos conneries de combat entre le bien et le mal, et puis vous l'avez refourgué à Universal. Votre putain de partenaire commercial !
— Holà, je ne sais pas ce que tu crois avoir compris de toute cette...
— Arrête d'essayer de me la faire à l'envers ! Vous êtes juste une sorte... d'antichambre des majors. C'est évident, maintenant que j'y pense. Ah, ils sont beaux vos discours, les mignons de Satan, la moissonneuse d'âme ! Tout ce que vous faites, c'est du business. Vous bouffez à tous les râteliers.
Elle contourna son bureau et se rapprocha, à pas lents, comme pour apprivoiser une bête sauvage.
— On dirait que tu ne dors pas beaucoup, en ce moment, dit-elle d'une voix basse et douce.
— Ne t'approche pas de moi ! Depuis que je vous connais, toi et Al, tout part en couilles ! Vous m'avez farci la tête de foutaises ésotériques, et je n'arrive plus à savoir si tous ces trucs dingues qui m'arrivent sont réels, ou bien si j'hallucine !
— Viens là, je vais tout t'expliquer.
Elle ouvrit les bras, tentant de m'enlacer, mais je la repoussai.
— J'arrête. Je bosse pas avec les escrocs et les menteurs. Il faut que je vois Al, dis-je en empruntant le couloir.
— Non, n'y va pas !
Je m'arrêtai devant la porte noire en bois massif. On discernait des voix de l'autre côté. Je tendis l'oreille. Il y avait des bruits de couverts, des tintements de verres et de vaisselle. Et par-dessus, des voix d'hommes et de femmes. Des rires et des gémissements. Pas des gémissements de douleur, non, plutôt des soupirs... de plaisir, d'extase. Il y a une sorte d'orgie, là-dedans, pensai-je. La façon dont les sons résonnaient me donna l'étrange impression que la pièce était beaucoup plus vaste que dans mon souvenir. Quelqu'un se mit à pleurer. Une voix féminine, qui, entre deux sanglots, disait en boucle :
— Merci, merci, Seigneur, merci...
Alors les sanglots, progressivement, se transformèrent en jappements d'animal. C'étaient... des couinements de chien.
Je n'eus pas le temps d'en entendre plus.
Deux bras me ceinturèrent. Je tentai de me débattre, mais on me retenait fermement, et très vite, on m'attrapa les jambes et on me fit basculer à l'horizontal. Les deux hommes me soulevèrent comme une carcasse de porc, puis m'emmenèrent le long du corridor. Nous bifurquâmes sur un autre couloir, et entrâmes dans une salle sombre qui empestait le désinfectant. Là, ils me laissèrent tomber au sol.
On alluma la lumière ; la puissante lampe au plafond m'aveugla.
Je roulai sur le côté et me retrouvai le nez collé aux Dock Martens de Lily.
— Bon, je vois qu'on doit tout recommencer depuis le début, lança-t-elle d'un ton ennuyé.
Quelqu'un m'envoya un coup derrière le crâne, qui me sonna.
Les deux gros-bras m'attrapèrent chacun une épaule, me relevèrent, puis m'installèrent sur un fauteuil de chirurgie.
Lily enfila une blouse pendant que les types s'occupaient de me sangler pieds et poings au siège.
Je tentai de comprendre où je me trouvais. C'était une sorte de bloc opératoire, bardé de panneaux et de moniteurs, de pieds à perfusions et de câbles électriques. Face à moi, un grand écran incurvé était en veille. Sur un deuxième fauteuil, à quelques mètres sur ma droite, quelqu'un d'autre était attaché, face à son propre écran, allumé, celui-ci. Des images et des textes y défilaient à toute vitesse, sans qu'on ait le temps d'y trouver un lien logique. Le montage était saccadé, agressif, désagréable, mais le type fixait le moniteur avec des yeux exorbités, fasciné. Ses pupilles faisaient de petits sauts irréguliers, sans arrêt.
Il me fallut quelques secondes pour le reconnaître. C'était bien lui : la montagne de muscles, le colosse de deux mètres dix. Le meurtrier. SixFeetNine.
— Lily, c'est quoi ce bordel ?! paniquai-je.
Après s'être lavée les mains à la façon des soignants, elle s'approcha avec une seringue et m'en injecta le contenu dans le bras, d'un geste méthodique.
— Ça, c'est du diazépam, pour que tu te détendes, dit-elle calmement, sans me regarder.
— Putain, qu'est-ce que vous allez me faire ?! Et lui, qu'est-ce qu'il fout là ?!
— Lui ? Il est en train de faire sa cure. Il avait besoin d'une petite remise en forme. Et toi aussi, tu en as bien besoin.
La situation était merdique. Terrifiante. Incompréhensible. Je tentai pourtant de négocier.
— Tout ça, ce n'est pas nécessaire. Je vais continuer de bosser avec vous. J'ai un album en cours, il va tout déchirer. C'est ce que j'ai composé de meilleur jusqu'à présent, vous allez voir. Je me suis un peu emporté, c'est vrai, mais on peut oublier ce qui s'est passé !
— Tu vas oublier, aucun doute là-dessus.
Sur mon pantalon, une tache sombre grandissait et me recouvrait la cuisse. Je me pissais dessus.
— Hmm, tu nous as déjà fait ça, la première fois, me gronda Lily.
— La première fois ?
Elle ne me répondit pas ; d'une main, elle saisit un flacon compte-goutte, puis de l'autre, elle m'attrapa le menton, et me força à ouvrir la bouche.
Je me laissai faire. L'injection m'avait rendu calme, docile. Elle versa une goutte du bouchon-verseur sur ma langue.
Enfin, elle me posa un casque audio sur la tête, alluma le grand écran devant moi, éteignit la lumière, puis quitta la pièce.
IX.
Ce n'était pas de la musique, mais un assemblage incohérent de pulsations sonores ultra-compressées à différentes hauteurs, sur des tempos incompréhensibles. Seul un bip revenait régulièrement, toujours dans la même tonalité, un coup à l'oreille gauche, un coup à la droite.
Ce que mon regard captait n'avait pas beaucoup plus de sens. Des photos d'animaux se substituant à des archives télévisuelles plus ou moins récentes, des extraits de films d'horreur de la Hammer, des paragraphes tirés de bouquins, de simples fonds blancs sur lesquels apparaissaient différentes formes géométriques plus ou moins complexes...
Tout défilait si vite qu'on comprenait à peine ce qu'on regardait.
J'étais ficelé sur le fauteuil, abruti par ces absurdités depuis un temps qui me parut infini, quand, étrangement, le contenu du moniteur devint un peu plus cohérent. Du moins, j'avais le sentiment d'y saisir certaines choses.
Mon esprit faisait des liens entre les images, entre les sons, et les deux mêlés. Au début, c'était encore vague, imprécis. Puis le processus s'accéléra. Ma pensée se mit à fonctionner en arborescence folle, déglinguée, comme un interminable chêne tordu dont chaque branche était une idée, de laquelle bourgeonnaient mille nouvelles branches, et ainsi de suite. C'était un sentiment vertigineux, et même douloureux. Le temps semblait s'étirer à l'infini, à tel point que chaque image sur l'écran restait maintenant figée pendant ce qui me semblait un bon quart d'heure. Absolument tout avait la même échelle d'importance, et expliquait dans les moindres détails l'existence et le comportement de tout le reste, des déplacements de particules de matière aux trajectoires orbitales des astres et aux rotations de galaxies. Je n'avais plus de contrôle sur ces associations d'idées, j'étais simple spectateur de ma raison en fuite.
Je reconnus, certes en bien plus puissant et terrifiant, l'effet que m'avaient parfois procuré des bons gros joints de beuh bien tassés.
On m'avait drogué. Avec quelque chose de très violent. Bizarrement, la compréhension soudaine que cet état avait été provoqué par un produit chimique, que c'était la conséquence d'une intoxication, me permit de me recentrer. J'arrivai à placer une barrière mentale entre ces dérives et dérapages existentiels et ce que la situation urgente et primordiale - mon corps attaché au fauteuil - devait exiger.
Il fallait que je me sorte de là.
Je testai la solidité des sangles à mes poignets. Elles étaient foutrement serrées. J'observai ma main droite, estropiée et ratatinée, celle dont on dût me retirer nombre d'os brisés. Elle était peut-être suffisamment fine, étroite pour que je puisse la dégager du lien.
Cette main, qui m'avait causé tant de malheur, cette main du diable, avec seulement l'index et l'auriculaire dressés, cette main allait constituer mon ultime espoir.
Je tirai mon bras comme un fou furieux, forçai à m'en faire péter les veines. Avec un craquement horrible, elle glissa sous la sangle, mais se bloqua à la base des métacarpes.
— Allez !, criai-je, la mâchoire serrée à m'en briser les dents.
Je pris mon inspiration, et d'un coup sec, avec toute la force dont j'étais capable, je ramenai encore une fois mon bras vers l'arrière. Il y eut un son humide, gluant, et ma main s'échappa enfin de la courroie.
Cette victoire me fit rire. Un rire nerveux, hors de propos. Autour de moi, l'environnement était mouvant, flou, comme si mes yeux n'arrivaient pas à faire le point sur la réalité. Les différents objets dans la salle fondaient, se désagrégeaient. Des motifs bizarres, bigarrés, en spirales kaléidoscopiques émergeaient des murs, du carrelage, du plafond, et semblaient se rapprocher d'une façon menaçante. Je n'osais même pas jeter un oeil vers SixFeetNine.
Secouant la tête, je me reconcentrai et m'occupai de libérer mon autre bras.
La manoeuvre était difficile. Soulevant du pouce la lanière, je n'avais que mon index faiblard pour extraire l'ardillon du trou, près de la boucle. J'y réussis finalement, et récupérai l'usage de mes deux mains. Je balançai le casque audio dans un coin et détachai ensuite mes chevilles, puis me levai de ce foutu fauteuil de chirurgie.
Il me fallut un peu de temps pour recouvrer l'équilibre. Je me sentais comme sur une barque prise dans une houle infernale. Sur le flacon compte-goutte, je lus, en m'y reprenant à trois fois : diéthyllysergamide. Du putain de LSD. Lily avait dû charger la mule, parce que mon trip n'avait rien d'une soirée défonce au coin du feu, avec guitares et pâquerettes dans les cheveux. C'était un cauchemar éveillé, qui empirait de minute en minute. Je me dirigeai vers la porte, faillis l'ouvrir sans réfléchir, mais me repris. SixFeetNine ne regardait plus son écran. C'était moi, qu'il regardait. Dégoulinant de sueur, il m'apparaissait comme une sorte de créature humanoïde visqueuse, à la peau de lézard. Ses yeux terrifiés me fixaient. Cependant, il n'y avait pas seulement de la terreur, dans son regard. L'expression était implorante. C'était peut-être l'effet de l'acide, mais j'aurais juré qu'il m'appelait à l'aide. Je retirai les écouteurs de ses oreilles.
— D'accord, mon gars. Voilà ce que je te propose, dis-je en essayant de faire abstraction de sa tronche de reptile. Je vais te libérer. Moi, je te sauve. Donc, tu évites de me réduire en bouillie, s'il te plait, et on essaye tous les deux de s'échapper de cet enfer. Tu m'as compris ?
Il hocha vigoureusement la tête. Manifestement, son esprit était encore parmi nous.
Je le libérai avec précaution, sans geste brusque. Il s'étira douloureusement et prit son visage entre ses gigantesques mains.
— Mer-de, mer-de, mer-de, articula-t-il difficilement.
Je ne savais pas depuis combien de temps il était dans cette pièce, mais de toute évidence, il avait morflé.
— Il faut qu'on sorte, affirmai-je.
Il se donna de grandes tapes sur les joues, comme pour se réveiller, et acquiesça.
— Carrément, mec, on décarre.
— Il y a probablement des gardes, là-derrière. Il va falloir profiter de l'effet de surprise.
En fouillant dans les armoires et les cabinets, je trouvai des scalpels. J'en montrai un à SixFeetNine.
— Pas la peine, je fais du MMA, catégorie pro.
Je gardai un scalpel, et nous nous retrouvâmes à la porte. Je toquai plusieurs fois.
Une voix, de l'autre côté, fit :
— C'est quoi ce bordel ?
Nous nous regardâmes, avec SixFeetNine. Nous étions prêts. On entendit le verrou s'actionner, puis la poignée se baissa. Enfin, la porte s'entrebâilla au ralenti. Le rappeur s'était placé à côté, contre le mur, près des gonds. Moi, j'étais l'appât.
Une tête apparut, prudente, à travers l'ouverture.
— Hé, qu'est-ce qu'il fout détaché, lui ?!
Alors SixFeetNine balança un énorme coup de botte dans la porte, qui percuta violemment le crâne du garde. Le choc fut tel qu'il tomba au sol, sonné.
Le colosse s'empressa de sortir, et se retrouva devant un deuxième gars. Face à la montagne que représentait le rappeur, il leva les mains en signe de reddition. Ce qui ne l'empêcha pas de recevoir un foudroyant crochet du droit qui le mit hors-jeu.
Je suivis SixFeetNine à travers les couloirs, scalpel en main. C'était décidément un monstre, sans parler de ses écailles luisantes et de ses pupilles fendues. Les effets de l'acide atteignaient leur paroxysme, et j'avais le sentiment qu'on était deux bêtes de foire échappées d'un Freak Show. Nous parcourions le labyrinthe, animés par un esprit de vengeance et assoiffés de liberté. Rien ne pouvait nous arrêter.
J'étais le Panjandrum, l'arme de guerre incontrôlable qui fait autant de victimes dans les rangs alliés qu'ennemis.
Nous débouchâmes enfin sur le hall d'accueil, et non seulement Lily était à son bureau, mais Al aussi était présent. C'était la deuxième fois que je le voyais, et il avait une allure très différente. Son visage chevalin était encore plus allongé, plus anguleux et creusé. Les milliers de rides sur sa face creusaient d'affreuses rigoles, et ses lèvres pincées évoquaient un bec de pieuvre, dont les longs cheveux blancs constituaient les tentacules. Ses deux grands yeux rouges, parfaitement sphériques, ne reflétaient aucune vie. J'avais devant moi, j'en étais sûr, la véritable incarnation de cet affreux vieillard.
Lily, quant à elle, ressemblait à un succube pâle comme la mort, excessivement sexué, dont les seins palpitaient, semblait-il, au rythme de son coeur - à condition qu'elle en eût un.
Ils discutaient tranquillement autour d'un café, quand nous jaillîmes comme des grenades dégoupillées.
— Merde ! fit Lily en retombant sur son siège.
X.
SixFeetNine fonça sur Al à la vitesse d'un fauve en chasse et bondit sur sa proie. Plaquant le vieil homme au sol, il l'écrasa de tout son poids. Je grimpai sur le bureau, pris mon envol et percutai Lily. Elle bascula de sa chaise. Son briquet Zippo gicla de sa poche de jeans. Je m'accroupis et lui collai la lame du scalpel sous la gorge.
— Fais pas le con, je t'en supplie, geignit-elle.
— Donne-moi une seule bonne raison de ne pas le faire, engeance de Satan, lui glissai-je, dents serrées.
— Tu vas... vous allez... vous allez finir votre vie en taule, tous les deux, dit-elle en déglutissant, ses yeux chafouins braqués sur moi.
— Les types comme nous ne vont pas en prison, c'est toi qui me l'as appris.
J'attrapai fermement l'un de ses nichons débordant de son décolleté, puis lui mordis le téton avec hargne. Elle hurla de douleur, mais je ne m'arrêtai qu'au moment où l'aréole entière se détacha de son sein et me resta dans la bouche. Un goût métallique se répandit dans ma gorge. Lily était tellement choquée qu'elle ne criait plus. Je mâchai, remâchai, et avalai enfin le morceau de chair.
J'attrapai alors son briquet, au sol, et fis le tour du bureau.
SixFeetNine était occupé à étrangler notre bon ami Al, qui dansait mollement contre le corps du géant.
Je fis cliqueter la roulette du Zippo, et une belle flamme bien raide surgit de l'embout en laiton.
— Voilà ta couronne de feu, Lucifer, lançai-je au vieux, en me penchant sur son visage.
J'agitai le briquet sur ses mèches neigeuses, qui crépitèrent et se ratatinèrent, semblables à des verges pâles en fin d'érection. Alors, le scalp tout entier s'embrasa à la façon d'une torche. Tandis que Al vociférait comme le diable en personne, SixFeetNine riait à s'en décrocher la mâchoire. Le front de Al rougeoyait tel un métal chauffé à blanc, et la peau commença, par endroits, à se racornir en brunissant et en faisant des bulles. On n'entendit plus que des gémissements de moins en moins distincts, alors que le patron d'Artishock Records s'enfonçait dans un profond coma.
Lily s'était bel et bien trompée.
Les psychologues chargés de notre évaluation psychologique conclurent, au tribunal, que nous souffrions, SixFeetNine et moi, de schizophrénie paranoïde avec délire de persécution, résultant en partie d'un abus de stupéfiant. Quoi de plus banal que des musiciens drogués devenus fous ? Ce qui est particulièrement notable, dirent-ils, c'est que les deux individus semblent s'être mutuellement renforcés dans leur pensée délirante, et l'ont alimentée de concert jusqu'à ce qu'ils perdent simultanément pied avec la réalité.
Voilà comment on expliqua que nos déclarations - concernant le lavage de cerveau pratiqué chez Artishock - se révélaient strictement identiques.
Lily témoigna contre nous, bien évidemment, ainsi que les deux gardes, présentés pour l'occasion comme des ingénieurs du son.
Dans le box des accusés, nous étions menottés et muselés. Les photos et extraits vidéos du jugement seraient sensationnelles. Sûr que nos ventes d'albums allaient encore grimper.
Je pensais à Al, sans doute occupé à se faire nourrir par intraveineuse au fond d'un sinistre lit d'hôpital.
Ainsi, nous ne fûmes pas jetés en prison, mais dans un établissement de santé psychiatrique de haute sécurité.
SixFeetNine avait une chambre à part, un caisson d'isolation spécialement conçu pour les malades les plus dangereux et agressifs. Seule une minuscule fenêtre à barreaux lui permettait d'entrevoir le monde extérieur. Elle donnait sur la cour, et, chaque fois que j'avais la permission d'une balade, je m'asseyais sur un banc, face à la lucarne, et j'y guettais le visage du colosse. S'il apparaissait, je dressais ma main en l'air. Le signe des cornes.
Lui et moi, nous avions arpenté les noires coulisses du monde de l'industrie musicale.
Nous partagions le même secret.
I.
J'avais pris ce boulot parce que la musique, ça ne marchait pas.
On peut passer douze ans à enregistrer des dizaines de maquettes d'albums dans sa piaule minable, volets fermés, coupé du monde, persuadé d'être touché par la grâce, convaincu que ça finira par payer.
Au moins les factures et le beurre dans les coquillettes.
Et on y croit, dur comme fer.
Mais le monde finit toujours par se ramener, sous la forme de courriers de mise en demeure, d'abord, puis d'huissiers à mallettes, rasés de frais, et enfin de convocation au tribunal.
Alors on y croit moins.
J'avais pris ce boulot parce que la musique, ça ne marchait pas.
On peut passer douze ans à enregistrer des dizaines de maquettes d'albums dans sa piaule minable, volets fermés, coupé du monde, persuadé d'être touché par la grâce, convaincu que ça finira par payer.
Au moins les factures et le beurre dans les coquillettes.
Et on y croit, dur comme fer.
Mais le monde finit toujours par se ramener, sous la forme de courriers de mise en demeure, d'abord, puis d'huissiers à mallettes, rasés de frais, et enfin de convocation au tribunal.
Alors on y croit moins.
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J'hésite à déflorer les commentaires de ce texte parce que je l'ai lu la nuit dernière dans les textes en attente, très tard, en me disant qu'il faudra le relire avant de commenter et que, pour cette nuit-ci, je ne suis guère en état bien qu'il soit encore assez tôt.
C'est bon, bien écrit, à mon sens au-dessus du lot pour le moment et Clacker pourrait très bien l'emporter avec ce texte. Le style est fluide, efficace, et je ne me souviens pas avoir remarqué un couac à la lecture.
Néanmoins, ma réserve serait que le début du texte, surtout lu avec en tête les déclarations de l'auteur en forum, a créé en moi des attentes qui ne se sont pas trouvées satisfaites à la fin. Je ne cherche pas à dénigrer le texte pare que concurrent, mais c'est vraiment ce que j'ai ressenti hier soir à la fin de ma lecture. Quelques éléments qui constituent des clichés des histoires d'horreur et une fin ouverte qui a elle-même un côté cliché. Après, la présence de clichés n'est pas rédhibitoire, elle est même très difficilement évitable, mais il faut le quelque chose de plus qui les fait passer au second plan, qui les éclipse, et qui m'a manqué ici. Bref : très bien, certes mais, quant à mes mâchoires, j'ai plutôt l'impression de sortie de chez le dentiste que d'un match de boxe.
C'est génialement écrit. Dommage que la crémation et la fin sont trop courtes, expédiées comme si l'auteur en avait marre. Sinon ça m'a furieusement fait penser à Orange Mécanique mais ce n'est pas un mal. Génial ! Bravo !
Je ne vais pas répéter ce que j’en ai dit dans le résumé de présentation, on aura compris que j’ai aimé, pour de bon.
Les trucs qui m’ont vraiment plu (liste non exhaustive) :
°- les deux premiers chapitres : Clacker est diablement efficace quand il campe ses narrateurs, et donne dans l’introspection, c’est drôle, désabusé, souvent tragi-comique (oui, comme le fiancé de Falbala)
°- la façon dont le récit oscille entre réalité (folle, mais peut être pas tant que ça), parano et fantastique : c’est bien dosé, on se demande toujours si le mec est juste parti en vrille, parano jusqu’au trognon à force de ruminer tout seul dans sa vie, entre son piano et son manque de doigts, si Artishock est l’antichambre de l’enfer, si tout en ce bas monde n’est réellement que manipulations (hypothèse étayée par le sérieux des références et des propos, par la logique des dialogues), bref
°- les scènes trash ni trop longues ni trop courtes, bien visuelles, avec des petits morceaux qui croquent sous la dent, notamment le mâchouillage de nichon, et l’écrabouillage de la tête du barman ; « Les globes oculaires étaient sortis de leurs orbites, et pendouillaient au bout des nerfs optiques, des deux côtés du crâne, comme des boucles d'oreilles »
°- le côté Orange Mécanique, mais en plus inquiétant car lci l’histoire se déroule en notre temps, en notre monde, ici et maintenant, ce n’est ni une fable, ni de la SF
°- les considérations sur l’art comme produit de consommation jetable et sur le divertissement comme outil de manipulation des masses
°- la deuxième lecture, qui donne un éclairage nouveau à certaines scènes, la plus représentative étant la sortie du narrateur des bureaux d’Artishock, qui en plus claque comme un fouet sur le bout du nez d’un tigre (je ne regarderai plus jamais mon pain aux céréales du même oeil)
« Les graines de ma tranche de pain aux céréales ressemblaient à des tiques gorgées de sang, et les bruits de la circulation, dehors, évoquaient les hurlements d'une meute de chiens errants.
Tout semblait avoir une double signification, et une double existence. Une face visible et une face cachée.
La lune, symbole par excellence de cette dualité, symbole de la métamorphose et de la renaissance, s'imposa comme le thème principal de mon nouvel album.
Car j'avais retrouvé le goût de créer. »
°- le chapitre VII, avec les bestioles crevées un peu partout, les moineaux kamikazes qui rappellent les psychopompes de La part des ténèbres, la cérémonie funéraire, très bien campée
°- des passages que je trouve particulièrement bien léchés, comme ceux ci :
- Ma psy insistait pour que je me remette à composer. Vous savez, je présume, me dit-elle, que Django Reinhardt n'a jamais abandonné la guitare, malgré son infirmité, et qu'il a même développé une technique nouvelle avec seulement deux doigts fonctionnels à la main gauche.
Bien sûr que je le savais, mais j'en avais rien à foutre. Il ne jouait pas du piano, Django.
- Il est toujours bien plus intéressant de lire la vie d'un miséreux que de la vivre. On se délecte à imaginer les galères et la bohème, le romantisme qui s'en dégage, et puis la passion plus forte que tout le reste, qui finit par l'emporter, et emporter le coeur d'un public qui s'élargit de façon exponentielle.
Conneries.
La vérité, c'est que l'écrasante majorité des artistes ne dépasse jamais le stade de la misère.
S'ils le dépassent un jour, c'est au prix de leur art.
- Un soir que je déprimais consciencieusement devant ma tasse de café dont les bulles de mousse formaient des petits yeux noirs et brillants d'araignées
- Dans les années soixante, alors que notre occident était déjà hyper industrialisé, les gens chérissaient encore leurs vinyles comme un Pape astique sa toque, et à la moindre rayure sur les sillons, c'était littéralement la fin du monde. Il faut se rappeler qu'à cette époque, ils s'asseyaient bien sagement, ou s'allongeaient dans leur canap', et consacraient toute leur attention à écouter du bon vieux rock. Comme un acte religieux. Maintenant, on n'écoute plus que d'une oreille, et encore, une oreille endormie, la même soupe que dégueulent des plateformes comme Youtube et Spotify, Apple Music, Deezer et j'en passe. Toujours les mêmes sonorités, aux mêmes fréquences, du boom-boom qui te fait vibrer les viscères, et qui finit par te donner envie de chier.
- le diablotin du piano et la main estropiée qui simule perpétuellement le signe des cornes, détails bien cool et qui alimentent à la fois l’hypothèse de la parano et celle du fantastique
Il y a par ailleurs des procédés narratifs et/ou descriptifs que je trouve super cool et efficaces, notamment :
°- la façon d’apprendre au lecteur que le narrateur a déjà eu droit à un lavage de cerveau auparavant : « Sur mon pantalon, une tache sombre grandissait et me recouvrait la cuisse. Je me pissais dessus.
— Hmm, tu nous as déjà fait ça, la première fois, me gronda Lily.
— La première fois ? »
°- la description de l’état de confusion mentale du narrateur shooté lors de l’évasion (super bien foutue, en passant, cette évasion, de l’action bien rythmée, bien tendue) : « Je suivis SixFeetNine à travers les couloirs, scalpel en main. C'était décidément un monstre, sans parler de ses écailles luisantes et de ses pupilles fendues. Les effets de l'acide atteignaient leur paroxysme »
°- les transitions de ce genre : J'avais envie de croire à cette histoire.
Et bordel de merde, quelle histoire.
—> On était en avril, le printemps breton recouvrait Lorient d'une couche de brouillard
Les trucs qui me chagrinent, des pétouilles pour la plupart, mais qui aime bien etc :
°- quelques tournures bateau mais qui pourront être supprimées, remplacées ou revues au montage : brouillard qu'un couteau n'aurait pas suffi à couper, longs cheveux blancs comme neige, je faisais les cent pas dans la pièce, fulminant de rage, etc
°- quand le narrateur dégage sa main des sangles, il ne fait mention que de son index et son auriculaire, mais il me semble que c’est le pouce qui coince quand on veut sortir sa main d’une menotte par exemple, c’est lui qu’on doit déboîter
°- Al appelle Lily son assistante alors qu’elle l’appelle « mon pote Al »
°- pourquoi Lily reprend la main, pourquoi Al dit qu’il a trop parlé : « Laissez-moi appeler mon assistante. Elle vous expliquera. J'ai déjà trop parlé. » C’est pas seulement pour roupiller tranquille, quand même ?
°- si la première fois le narrateur s’est déjà pissé dessus, comment se fait-il qu’il soit sorti des bureaux sans s’en apercevoir ? même s’il est resté assez longtemps pour que ça sèche, le froc a dû garder une auréole
La crémation mériterait d’être revue :
°- « Tandis que Al vociférait comme le diable en personne, SixFeetNine riait à s'en décrocher la mâchoire. » peut mieux faire
°- « Le front de Al rougeoyait tel un métal chauffé à blanc » du coup non, le front ne rougeoie pas, il blanchit (à priori, le métal est rouge à partir de 600° et s’éclaircit en montant en température, jusqu’à devenir blanc à partir de 1300°)
°- « SixFeetNine était occupé à étrangler notre bon ami Al, qui dansait mollement contre le corps du géant. » j’aime bien l’image de la danse mais ce n’est possible que si les deux sont debout, or à priori Al est plaqué au sol par le rappeur ; par ailleurs, lors de son embrasement, Al est toujours en cours d’étranglement (et il braille drôlement haut, pour un type qu’on étrangle, d’ailleurs) et je crains que Sixpiedsneuf ne se roussisse le poil dans l’opération.
Cependant, l’image des mèches qui se flétrissent comme des verges molles est classe.
Pour finir, je reste un peu sur ma faim, j’aurais aimé que ça continue, qu’on boucle l’histoire en revenant sur le narrateur, qu’on se recentre sur l’artiste, sur ce qu’il advient de lui pendant son internement et après (après tout, il n’y a pas eu mort d’homme donc il va ressortir, à priori). Est ce que son rapport à sa musique a changé ? Sa vision du monde ? Crée-t’il encore ? Est il devenu dingue pour de bon ? Dépressif à 300% et il finit seul, bouffé par son chat, ou par se décomposer, seul encore, sur son canapé Ikea parce qu’il a oublié de s’alimenter, alors que des millions de fans de par le monde écoutent son disque en boucle ?
C’est une foutue bonne histoire, mais elle pourrait être carrément excellente, en l’état elle est incomplète (même si l’intrigue, elle, est dénouée), pour moi, il lui manque au moins un ou deux chapitres, dans la veine des deux premiers, recentrés sur le narrateur, sa vie, son oeuvre, toussa. Surtout qu’on sait que Clacker excelle dans les tranches de vie, justement ; ce serait le moment de mettre à profit cette qualité.
(je m'aperçois que j'ai une phrase pas finie après un "bref" mais je ne sais plus ce que je voulais dire après (la vieillesse est un naufrage))
Ah oui, et autant j'ai aimé le chapitre sur les bestioles crevées et les piafs dingos, autant j'aurais aimé avoir une explication du bousin de la part de l'auteur (pas que je manque d'imagination, mais c'est son job, pas le mien) Ça pourrait trouver sa place dans le ou les chapitres qui restent à écrire, tiens.
Il faut aussi une certaine suspension de jugement pour accepter le label musical d'envergure nationale basé à Lorient. Je n'avais pas remarqué les petites incohérences relevées par Lunatik, mais ce détail-là m'a paru bizarre.
Du coup, on imagine que Clacker sublime peut-être ici une histoire personnelle et que, si ça tombe, Al et Lily sont inspirés de personnages réels. Par contre, le label Artichoke Record semble être américain et n'avoir rien à voir avec cette histoire, contrairement au chimiste Sidney Gottlieb dont cette rue ne porte pas le nom par hasard.
J'assume totalement le côté série Z (fantastique, plus qu'horreur, selon moi), que je ne considère pas comme dénué de charme, malgré les clichés.
Et je dois admettre que la fin du texte aurait mérité plus de développement, en effet. J'étais fatigué de ma semaine d'écriture, et j'avais envie d'envoyer le bousin.
Erreur fatale, parce qu'une fin torchée peut flinguer tout le récit. Boom, écran bleu, on reboot.
Je ne considère pas la crémation de fin comme la plus importante. En fait, j'avais même envie de seulement vous laisser la crémation légale sans aucune emphase, qui justifie quand même le texte de Saint-Con (il n'est précisé nulle part dans le réglement que le con doit être vivant), pour vous emmerder un peu.
En parlant de ça, la contrainte du crâmage de con me gonfle de plus en plus chaque année. Je sais bien que c'est le principe même des festivités, mais ça devient un poil redondant, à mon sens.
Merci pour ces retours et commentaires constructifs, putes.
Evidemment, tout est vrai.
J'ai ma séance d'MK Ultra tous les jeudi à 17h, après mon cours de piano pour handicapés.
@ Dourak : en même temps, ce n'est pas vraiment un label musical, hein.
Et puis Lorient, son Château du Diable, sa chaise du Diable, sa monumentale base de sous marins de la Seconde Guerre mondiale...
@ Clacker : mon con, je vais le noyer, tiens, ça nous changera
Je tenais à évoquer Vernon Subutex comme probable inspiration même si je ne l'ai pas lu.
Il y a la crémation de la mère qui peut compter aussi alors.
Lapinpoulpe, tu aurais dû être avocat. Ton intervention tout à fait pertinente offre à l'accusé un argument parfaitement recevable qui le gratifie d'un bonus supplémentaire dans la course au trône de la Grande Inquisition (comme s'il avait besoin de ça, ce chacal).
Bonjour Clacker,
Bon, même si d'autres ont, peu ou prou, dis la même chose, voici mon commentaire :
J'ai d'abord été rebuté par la longueur de ton texte, mais avec un effort minimum de concentration de ma part (ce que j'appelle la méthode 'café + clopes'), j'ai réussi à entrer dedans, l'exergue ne ment pas, la narration est fluide.
Je sais qu'il s'agit d'un texte de Saint-Con, mais la crémation m'a déçu : j'aurais volontiers continué à lire plusieurs autres chapitres, tellement l'histoire est prenante, et bien racontée.
Bien joué.
Ouais, on sent que Clacker est capable d'écrire un livre entier et si ça se trouve il l'a déjà fait.
Je suis une grosse pupute qui colporte des ragots. Amputez-moi.
Je viens de relire.
Tout de même, cela manque de toboggan.
Du coup, je ne sais pas si je vais voter pour.
C'est vile et bas, comme remarque, mais légal.
ET EN PLUS CET ENCULÉ DE CLACKER ESSAYE DE REMPORTER LA SAINT-CON EN DOUCE ????
VOUS AUREZ MON TEXTE CE SOIR.*
* Délai indicatif non contractuel, le Dégueulis n'est pas responsable des retards éventuels.
En douce ? Il a quasiment défié à l'avance le monde entier de lui résister dans le forum et posté son texte plus de quinze jours avant la (deuxième) date limite. Aucun effet de surprise, si ce n'est pour les absents tordus.
Et tu vas le poster comment, ton texte, sans compte d'auteur réinitialisé ? (rire diabolique)
https://youtu.be/6lnSYCilUWo
Je suis content de le revoir, lui. Je le dis maintenant, parce qu'après, je le penserai plus.
Au pire je le poste en commentaire. Sous le texte de Clacker pour bien faire chier.
Sur ce, je roule une pelle MONUMENTALE à Clacker, avec la langue qui se déroule comme un colimaçon jusqu'aux amygdales avant de ressortir par l'anus et de s'enrouler trois fois autour des testiboules, pour enfin décalotter le gland et s'introduire langoureusement dans l'urètre.
'aurais zamais ima'iné qu'pu m'aimais, Clacker.
« Au pire je le poste en commentaire. Sous le texte de Clacker pour bien faire chier. »
Ou alors tu consultes tes mails et tu réponds à celui que je t'ai envoyé il y a dix jours.
Je le pense plus.
"Ou alors tu consultes tes mails et tu réponds à celui que je t'ai envoyé il y a dix jours."
Ah oui. Ce mail. Le mail où tu me demandes POLIMENT de revenir sur la Zone parce que JE TE MANQUE ET QU'EN FAIT TU M'AIMES BIEN !!!!
J'EXIGE UN POINT PUTE ET LE TITRE DE GRAND INQUISI... ah j'avais oublié je dois vous pondre un texte pour ça.
Du coup rien, je vais aller me faire foutre et continuer à écrire.
"Qu'est-ce que l'amour a à voir, à faire avec ça?
Qu'est-ce que l'amour sinon une émotion de seconde main ?"
L'individu qui pense que lui parler poliment est une preuve d'amour me semble condamné à vivre de sérieuses déconvenues.
Tu as déjà pas mal de points pute. Négatifs, certes. En fait, dès que tu commenteras avec ton compte, je suis sûr que tu vas distancer Cerumen et Pascal Dandois très rapidement. Mais pour ça, il faudra bien que tu répondes à ce mail.
Comment il est passé de 0 pute à 2 lui depuis qu'on parle ?
Tu m'as donné une idée je vais mettre ça dans mon texte. Si je m'en souviens demain.
(。◕‿◕。)
"Comment il est passé de 0 pute à 2 lui depuis qu'on parle ?"
De la même façon que tu es passé, en quelques semaines, de -9 PP à -17 PP : tout le monde a le droit d'ajouter ou d'enlever des points pute à chaque utilisateur du site, tous les 666 secondes.
*prends un air innocent*
*sifflote*
Bordel de mail *burp* j'men bats les couilles.
Et, immédiatement, tu deviens le premier à franchir la barre des -20 points putes.
On a le droit d'utiliser ChatGPT ?
Au fait j'oubliais.
FÉLICITATIONS À DOURAK POUR LA REFONTE DE LA ZONE ! Il A PRESQUE RESPECTÉ LES DÉLAIS À QUELQUES MOIS PRÈS C'EST FORMIDABLE ! UN SUSSUCRE ET UNE TURLUTTE !
Et un point pute, il est de nouveau positif. Enflures.
Pour ChatGPT, Lapinchien l'a déjà fait donc, si tu penses que ChatGPT écrit mieux que toi, n'hésite pas.
Merci, enfin des félicitations en majuscules pour le travail accompli, tu es une bien brave flaque de vomi et, par ailleurs, je rappelle que je dois toute cette réussite au tutoriel vidéo que tu avais généreusement partagé à mon intention dans le forum.
Lapinchien, toujours à l'avant-garde.
Bon ben me reste plus qu'à vous ch... écrire un vrai texte alors.
P.S. : Clacker du calme je lirai ton texte juste après avoir écrit le mien, je doute pas qu'il est bien écrit et passionnant (LO... pardon).
Je suis meilleur que toi, Clacker, et tu le sais.
Je vais t'atomiser.
KO en un round de la part du joueur breton. Le normand ne se relèvera pas.
Je suis rarement rentré aussi rapidement dans un texte. Je trouve que c'est vraiment un aspect à souligner ; l'année dernière j'ai dû lire le texte plusieurs fois pour bien me l'approprier, goûter le potentiel explosif du bousin. Là, c'est l'inverse, ça se lit tout seul, ça claque dans le glauque et l'étrange avec un dosage maîtrisé et une facilité déconcertante. Le rythme est vraiment bien géré, l'ambiance est étouffante, le cheminement est logique et cohérent sans être attendu. Je souscrit aux réserves de Dourak et Lunatik (une maison de disques à Lorient ?) même si c'est plus amusant qu'autre chose ; personnellement ça ne m'a pas du tout arrêté dans ma lecture. Franchement rien à redire, l'un des meilleurs textes de la Zone à mes yeux, et gros coup de cœur d'emblée.
Je ne m'attendais pas à un revers aussi puissant de la part de Clacker (après ses fanfaronnades sur le forum), mais je n'arrive pas à être déçu tant je le trouve bien exécuté. Et pourtant je suis habituellement mauvais joueur.
En commençant à lire ce texte, je me suis dit "putain j'ai perdu".
Puis j'ai lu. Jusqu'au dernier quart environ, c'est excellent, une vraie nouvelle fantastique, je l'ai lu avec plaisir et sans effort.
Puis vint le moment de la crémation, et là je fus déçu. C'est trop court, tous les fils de l'intrigue ne sont pas dénoués (il se passait quoi derrière la porte, avec les bruits d'orgie et les chiens ?), l'antagoniste brûle trop vite et trop facilement alors qu'il est un personnage diabolique à la base, on aurait bien aimé avoir un truc plus étoffé avec un vrai combat de boss final... Bref, ça m'a vraiment laissé sur ma fin.
J'aime bien la fin avec la scène dans l'hôpital psychiatrique.
En conclusion que, par qui de droit, ce qui revient à César, et conséquemment de toutes les prémisses et subséquences, je pense avoir encore une chance de gagner cette Saint-Con.
P.S. : je répète toutefois que le texte est très, très bon. Au cas où ma critique pourrait être mal interprétée.
P.P.S. : la scène où le narrateur bouffe le téton de la nana m'a rappelé un fait divers sordide. Clacker, si c'est toi le mec qui as bouffé le nichon de sa copine pendant un rapport sexuel, j'espère que tu as un bon psy.
Aux gens qui éditent leurs commentaires : vous êtes l'élite, comment puis-je vous rejoindre ?
Pense à autre chose et accroche-toi à tes points pute.
J'ai noté plusieurs fois, dans vos remarques, que vous faisiez la confusion entre label et maison de disque.
Un label, ce n'est pas une major, loin de là.
Il existe trouze mille labels pour chacun des styles musicaux qui existent. Un label musical à Lorient, ce n'est pas extravagant, je peux vous en trouver une dizaine sans trop chercher.
Ce qui est plus improbable, c'est la capacité de diffusion du label en question. Son poids marketting.
Là, on rentre effectivement dans le fantastique, mais ça n'est pas complètement absurde non plus. On peut faire presser autant d'albums qu'on veut dans des usines de pressage à la demande, tant qu'on en a les moyens.
Eh oui Jamy, j'ai bossé un peu mon sujet.
Tu ne peux pas. Il faut un nombre positif de points putes.
N'ayant aucune notion dans le domaine, je n'ai rien confusé du tout, j'ai embarqué sans broncher. Selon moi, le vrai problème de ce texte, définitivement, c'est qu'il manque de toboggan.
*Note frénétiquement en plissant le front*
Toboggans.
Je pense qu'il est assez clair que Clacahuète a fait mieux que moi cette fois-ci.
Clacacouette qui va probablement disparaître et vous laisser en plan pendant des mois comme la dernière fois.
Alors réfléchissez bien : voulez-vous vraiment avoir un Grand Inquisiteur qui n'inquisite pas ? Voulez-vous vraiment voter pour le candidat le plus méritant et qui a écrit le meilleur texte au lieu de voter pour le candidat le plus actif et le plus présent ? ZONARDS, CHOISISSEZ BIEN, CLACACA OU MOI ?
P.S. : j'ai pas encore fini de lire les autres textes je suis crevé je lirai après quand j'irai mieux c'est pas ma faute c'est l'autre.
Le plus présent ? Il va falloir passer en revue ton dernier mandat.
La scène où ils sont sanglés sur une chaise de chirurgien m’a fait un peu penser à Matrix, le premier de la saga (au moment où ils essayent de faire cracher le morceau à Morpheus et qu’ils lui injectent tout un tas de substances bizarres et qu’il a l’air de souffrir atrocement)