1. Il prit le scalpel, la scie et l’écarteur dans le tiroir où, dans son enfance, il voyait déjà son père les ranger, et se mit au travail. Après avoir ouvert, il saisit l’écarteur, le mit en place, le bloqua. Dirigea sa lampe. Éprouva alors sa seconde terreur de la soirée, plus violente que la première, car le cœur du cadavre était aussi noir que si on l’avait fait rôtir à la broche. Parnell se demanda pendant un instant si la foudre avait pu tomber sur cet homme, pénétrer en lui, traverser le cœur comme une flèche, sans rien brûler d’autre, sans laisser aucune trace que ce trait de feu. Sans vraiment réfléchir, il préleva rapidement un mince fragment sur l’un des côtés du cœur, le dissimula de l’autre côté entre le bras et la cage thoracique. Il s’arrêta un instant, regarda la femme. Elle examinait l’intérieur de la poitrine du mort.
- Une racine brûlée, on dirait, dit-elle.
- Ouvrez votre bocal.
Il avait retrouvé un détachement professionnel. Se sentait envahi de nouveau par un calme absolu, comme si, en acceptant de se soumettre à la mystérieuse exigence de cette femme, il découvrait sans le savoir la clé d’un grand nombre d’énigmes.
- Maintenant, vous devriez détournez les yeux. Vous aurez largement le temps, je pense, de regarder ce que je vais y mettre quand vous serez rentrée chez vous.
2.
Le bocal était sur la commode. Pour gaspiller inutilement l’énergie qui lui restait, le cœur brisé de Jack battait encore à l’intérieur. Au-dessus de la commode, la tapisserie semblait devenir moite comme si l’organe par ses effluves et son halo mystérieux détruisait l’univers qui l’entourait. Dans le bocal, une flaque de sang grenade gisait mais Birdie ne s’en insurgeait pas ; au contraire, elle semblait aimer l’idée que l’enfermement glauque du cœur de Jack était du même bois que le mal des anguilles... Et des serpents noirs commençaient à lentement se matérialiser… Cependant, pour l’instant, Birdie ne les voyait pas et marchandait des œuvres d’art au téléphone comme c’était son métier. Elle parlait de cette peinture « Le Serment du Jeu de paume » avec désinvolture, mais son contact restait de marbre face à ses explications hasardeuses. Quand elle eut fini de téléphoner, le cœur brisé et informe de Jack croupissait encore mais il ne mettrait pas longtemps à perturber le psychisme de Birdie. D’abord elle eut des symptômes physiques, comme la nausée, puis des pensées comme celles que sa vie était une série d’échecs, s’immiscèrent dans son cerveau, la persécutant. Elle prit une bouteille de vodka et vomit ensuite tout le contenu assez rapidement.
Elle allait devenir la prochaine victime de Jack : après bien des tortures dignes des enfers, elle ouvrit la fenêtre de son douzième étage, regarda une dernière fois cette gravure d’Hugo Pratt, puis plongea dans le vide et atterrît sur le béton marbré du Streap. Le cœur brisé de Jack pouvait se rendormir, Birdie avait réussi à se défenestrer, ce n’était pas la première fois qu’il rendait fou son propriétaire.
Qui était Jack ? Il y avait bien longtemps cet estropié traînait dans les hôpitaux psychiatriques, même s’il n’était pas hospitalisé, il dealait aux âmes tourmentées de la cocaïne et faisait de juteuses affaires. Mais il était souvent angoissé, et c’est là que commençait la légende ; il écrivait lors de ses angoisses des choses énigmatiques qui ne seraient même pas posthumes. Et quand il faisait tourner un café bien noir avant d’écrire la nuit, les muses sacrées daignaient le visiter. Une nuit bien obscure, un de ses clients, par vengeance, le kidnappa et une fois qu’il ne restait plus qu’une carcasse de Jack, le maniaco-dépressif l’aligna sur des bûches, l’aspergea d’essence et craqua quelques allumettes, la combustion débuta et on ne pourrait plus jamais l’éteindre.
3. Le feu pétillait, Parnell avait jeté quelques bûches pour l’alimenter. Le sol était jonché de copeaux de bois. Ça ne mettrait pas longtemps à prendre, même la forêt brûlerait. Le cœur brisé de Jack, lascif à présent, deviendrait du charbon et quand il s’enflammerait, la combustion ferait naître l’extase tant attendue. L’ardent mercure montait graduellement ; dans le brouillard, Parnell cherchait encore quelques références de Lovecraft pour l’aider à se requinquer…
« Apprendre à regarder et reposer sur un serpent sans fin, cracher sur les crânes de grès noir et préparer un nouveau cycle de vie. Ne plus craindre l’heure du réveil, et émerger du nombril de Dostoïevski. »
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HaiKulysse est l'anti-Chat GPT
C'est assez timide et mignon, ce qui fait de ce texte un coati.
Et dire qu'il aura fallu vingt ans pour que le premier commentaire contenant le mot "coati" soit posté sur la Zone.
Pas encore lu le texte, j'évacue du binaire.
Franchement, je préfère quand c'est du cut-up, parce que ça me permet d'être fielleux et mesquin avec l'auteur... non mais, franchement, là, quel égoïsme !
putain mais c'est vachement bien, en fait
non pitié, ne te mets pas au cut up, pour le bien de l'humanité.
Quelqu’un a des nouvelles de Clacker ?
Chat GPT me sort qu’il est soigné pour une Lobectomie ou qu’il est probablement aux Seychelles en train de brûler le dernier dodo de l’Afrique orientale…
De ce que j'en ai lu ou entendu, ChatGPT n'a été entraîné que sur des données datant d'il y a deux ou trois ans, donc ses nouvelles ne peuvent pas être très fraîches.
On a vu Clacker sur la Zone il n'y a pas longtemps. On s'était un peu engueulés dans le forum mais rien de grave et je l'ai encouragé à participer à la Saint-Con. J'espère qu'il le fera.
Même chose pour Un Dégueulis, autre Grand Inquisiteur en titre que je m'attendais à voir se repointer plus vite que ça. Les gens sont vraiment incroyables, on fait un peu de maintenance sur un site et ils en profitent pour disparaître. Et Lunatik, et Castorquemada, et les neiges d'antan.
J'ai un peu de sang du Chat du Cheshire dans les veines, ceci explique cela. J'ignore quelle est l'excuse des autres branluchons.
Ce texte est bougrement pas mal, en fait, et contre toute attente.
J'ai essayé de faire abstraction des commentaires, pour me forger mon propre avis personnel de moi personnellement je, et force est de constater que ce n'est pas mal, effectivement, et relativement pauvre en cut-up.
Enfin, je crois. Tout ça reste assez bordelique dans le ton de ce que fait Haikulysse, mais il y a une ambiance, un côté fantastique pas dégueu, et puis une histoire qui se tient à peu près.
Bon, c'est pas aussi fun que le carnaval de Binche, mais ça se lit, quoi.
C'est mieux que d'habitude. Première fois que je pige l'histoire.
Je suis pas sûr d'avoir compris l'histoire. Si j'ai compris l'histoire, elle ne m'a pas plus effleuré la moelle épinière que ça. Mon avis c'est du vide.