La gamine — qui n’en était plus une depuis au moins deux décennies malgré son uniforme d’écolière — portait un seifuku convaincant, jupe plissée sombre, chemisier blanc, col noué rayé, socquettes hautes. Ses mamelles me ballotaient sous le nez pendant que le gus derrière elle s’activait en ahanant. Il s’appliquait sur une levrette, un peu laborieuse malgré l’énergie déployée, et je me retrouvais au coeur de l’action bon gré mal gré. Ça me filait la nausée, ainsi qu’un méchant mal de crâne. La fille était belle, peau de porcelaine et cheveux bleus, mais elle me bavait dessus en gémissant, et je ne parvenais pas à déterminer si elle prenait son pied ou pleurnichait. Je n’ai jamais su déchiffrer les gens, encore moins les femmes. Cela dit, je m’en cogne. Je suis maréchal-ferrant, pas psy. Il me suffit de comprendre les canassons ; c’est un peu con, mais c’est gentil, et ça me parle. C’est franc, c’est clair, ça ne simule pas, ça n’enjolive pas. Ça aime ou déteste sans retenue, et ça souffre en silence. Vous pouvez torturer un cheval à mort, vous ne lui arracherez pas le moindre cri. Les tarés, en France, qui s’amusent à découper vifs des chevaux dans leur pré le savent parfaitement. Un oeil, une verge, une oreille, un anus, une langue, voire un membre ou un organe : les types prélèvent les morceaux sur les bêtes vivantes, à vingt mètres des habitations, et les laissent ensuite crever la panse ouverte. Le gosse qui va dire bonjour à son poney le lendemain matin est bon pour dix ans d’analyse après avoir glissé sur les tripes de Princesse, Caramel, ou Tornado. J’ai parfois l’impression que, malgré les centaines d’essais nucléaires qu’on s’est pris sur la gueule durant l’ère soviétique, et qui ont foutu le bordel dans nos cellules jusqu’à notre ADN, on n’est pas les spécimens les plus dégénérés de la race humaine. Il faut vraiment être un fils de rien, pour torturer des animaux inoffensifs, sans aucune autre justification que son propre plaisir, ou l’obéissance à un culte sataniste à la con. Le groupe hétéroclite de types plus ou moins recommandables qui m’accompagnaient alors était du même avis, à l’unanimité, et malgré des divergences d’opinions assez virulentes sur d’autres sujets. Kazakhs de sang et de coeur, peuple cavalier par excellence, et descendant des Huns, on était tous d’accord sur un point, un seul : les écorcheurs de chevaux méritent pire que la mort. Et c’est pas Nikita, ma petite jument Akhal Téké, ma fierté, mon trésor, ma beauté ombrageuse à la robe étincelante comme une tunique d’or, qui nous aurait contredits.
Pour en revenir à ce matin où l’on me bavait sur la joue : la pseudo écolière se prenait vingt centimètres de bite dans la chatte, et comme elle ne se débattait pas, j’en ai conclu qu’elle était consentante à défaut d’être comblée. Ses yeux bridés ne quittaient pas les miens, sa langue luisante pointait à la commissure de ses lèvres, et elle émettait un son plaintif à chaque coup de boutoir. Je me décalai pour m’éloigner de son haleine capiteuse, et m’étirai. Notre feu de camp était mort pendant la nuit, et le reste du groupe s’éveillait doucement autour de moi. La soirée avait été joyeuse et animée, ponctuée de chants traditionnels et de blagues salaces. Ivan avait joué de la Dombra à s’en peler les doigts, et nous avions chanté (et bu) à nous en enflammer la gorge.
Je ravivai les braises moribondes pour faire chauffer l’eau du thé. Nos chevaux, entravés, broutaient plus loin. On avait dormi sous les étoiles, à même le sol, enroulés dans nos tapis de selle, les selles elles-mêmes faisant office d’oreillers. Quelques curieux mal réveillés s’approchèrent du couple en action. Le rythme avait pris de l’ampleur, et la fille devenait franchement bruyante. Le type la secouait pas mal, accroché à ses hanches, ses doigts enfoncés dans le moelleux de sa chair, sa panse claquant contre ses fesses. Elle tendait la croupe, vulve gonflée et dégoulinante, comme une jument en chaleur, ce qui me convainquit de son engagement volontaire dans l’entreprise.
— Elle encaisse bien, cette petite, remarqua l’un des gars en se grattant les couilles, le poil hirsute et l’oeil encore vague.
— D’où elle sort ? s’enquit un autre, un peu plus vif.
— Qu’est ce qu’on s’en branle, tant qu’elle suce ?
— Et qu’elle avale.
— Ouais mais quand même, insista le petit malin (Bekzat, probablement). Elle n’est pas tombée du ciel. Et il n’y a pas un clébard à cent kilomètres à la ronde, dans cette foutue Zone. Encore moins un collège jap’, avec des écolières en uniforme.
— C’est pas faux.
— Il y a quand même Genjirô qui est né à Kyoto, répondit quelqu’un en désignant notre cuistot qui préparait le petit déjeuner.
— Soyez pas crétins, s’amusa Timur en débouclant sa ceinture. C’est juste un costume pour exciter le mâle, et se faire monter. Je vais lui en donner à bouffer, de la queue d’étalon Kazakh, à la demoiselle, tombée du ciel ou pas.
Il s’agenouilla devant la fille, lui attrapa les couettes, avec lesquelles il joua gentiment avant de lui enfoncer sa bite dans la bouche, d’un franc coup de reins, jusqu’à la garde. Il était monté comme un âne, et elle gargouilla dans un haut-le-coeur, vite réprimé quand il se recula en s’excusant poliment. Timur avait un petit côté gentleman des cavernes qui excitait les dames, et celle ci ne faisait pas exception. Il lui caressa le visage, la cajôla, et elle le goba goulûment, cambra un peu plus les reins, ouvrit un peu plus les cuisses, en une posture de soumission qui eut pour effet immédiat de faire jouir le type en levrette. Il fut aussitôt remplacé par un autre, déterminé à lui élargir la rondelle avec la plus louable ardeur.
— Ah ! Par tous les dieux ! Elle me pompe comme… comme… Oh, c’est bon !
— Comme quoi ? demanda un curieux, peut-être encore puceau.
— Gaffe à pas te faire avaler les couilles, ricana quelqu’un.
— Elle me suce comme… oh ! comme… Oh oui !
— Il est pénible, à ne pas finir ses phrases.
— Elle va lui faire gicler la cervelle par la bite !
— Quelle cervelle ? se moqua un autre.
— C’est con, elle ne peut plus couiner. Moi, j’aime bien quand ça couine.
— T’inquiète, dit celui qui avait pris les commandes de la dunette arrière. Bouche pleine ou pas, je vais te la faire couiner.
Il glissa ses doigts dans la chatte gluante de mouille et de foutre, et en barbouilla la raie de la donzelle. Lui introduisit un doigt dans le cul, sans trop de ménagement, puis un second, avant d’appuyer son gland contre le petit trou luisant. La fille fit un écart, et ouvrit sa vulve à deux mains, pour montrer la voie. Une voie royale, cramoisie, moite et riche de mille promesses. Elle préférait visiblement qu’il ne s’aventure pas hors des sentiers battus. Le mec, conciliant, y trempa sa queue, fit quelques allers-retours, histoire de se lubrifier, puis lui écarta les fesses et lui fourra sa bite dans le cul sans autre préambule. C’était un peu étroit, et il dut forcer tandis qu’elle se tortillait pour lui échapper, mais enfin, il poussa un bon coup, et la défonça efficacement. La fille cria. Fort. Le son fut étouffé, mais pourtant nettement audible.
— Je vous avais dit qu’elle couinerait quand même ! rigola-t-il.
Puis il s’agita dans son cul en grognant, limant, tisonnant, tandis que Timur continuait à lui en mettre plein la gorge, s’aidant des deux couettes sur lesquelles il tirait en cadence, tout en lui murmurant des encouragements galants qui la galvanisaient tant que certains prirent des notes. Un vocabulaire choisi peut vous ouvrir bien des portes — et des chattes. Bientôt, elle s’accorda à ses deux mâles, et le trio trouva son rythme de croisière, avec en fond sonore des bruits humides, de succion, aspiration, et claquements de chairs. Timur, les yeux clos, le souffle court, approchait de l’extase, mais la fille, elle, en voulait plus.
— Branle-lui le clito, Damir, conseilla un des spectateurs en remarquant qu’elle essayait de se toucher. Tu vois bien qu’elle a la chatte en feu, la pauvre.
— Je peux pas tout faire, protesta l’intéressé entre deux coups de rein. Déjà, je l’encule, et je l’encule bien, crois moi, elle la sent passer.
— Ça suffit pas, renchérit un autre. Où t’as appris à baiser, toi ?
— Dans un élevage de chèvres ? se moqua un jeune cosaque à la moustache exubérante.
— Putain, mec, t’es pas né avec des moufles, profites-en !
— Il croit que sa bite, c’est une baguette magique : un petit coup, et pouf ! Orgasme !
— Ah… hmmm… ah… Abracadabra ! fit Timur en éjaculant dans la bouche de la fille.
Tout le monde se marra — même moi.
Vexé, Damir suivit les consignes et essaya de branler la fille tout en continuant à lui défoncer le cul, mais il ne parvenait pas à dissocier les deux activités, encore moins à garder le bon tempo de chaque côté. Chacun y allait de son conseil, mais l’affaire devenait chaotique et désordonnée. Soit il la branlait, soit il l’enculait, mais pas les deux à la fois. En tous cas, pas correctement. Chaque fois qu’il perdait la cadence, elle ruait de mécontentement et l’assistance le huait.
— Merde ! Vos gueules ! J’y arrive pas !
— C’est comme au piano, intervint Bekzat (qui avait cessé de s’inquiéter de la provenance de notre invitée surprise). Faut travailler l’indépendance des mains.
— Et de la bite, ajouta Timur resté assis devant la fille, et jouant avec ses cheveux bleus.
— Je suis pas un foutu pianiste ! Vous me faites chier ! s’emporta Damir en claquant les fesses de la donzelle, qui sembla apprécier, et couina de plus belle.
— Allez, je me dévoue pour lui bouffer la chatte, dit le cosaque. T’es vraiment trop mauvais, mec, sérieux.
Il se glissa sous elle, à plat dos, mordilla un moment ses mamelons dressés, puis il la ceintura, et releva la tête pour la sucer. Elle avait la chatte gonflée et béante, dégoulinante, chaude. Il y enfouit sa langue, son nez, sa moustache, et commença à la lécher, tout en y enfonçant ses doigts. Il devait, à travers la mince paroi de chair, sentir la bite de Damir qui avait recommencé à la besogner. Quoi qu’il en soit, et si l’on se fie au soudain changement de registre des cris de la fille, il s’y prenait comme il faut. Elle se cabra, ses yeux se fermèrent, et elle enfouit son visage dans le bas-ventre de Timur, tout débandé, qui n’avait pas voulu céder sa place, et continuait à lui caresser la nuque, presque amoureusement.
Elle l’enlaça en gémissant, ondula, écarta les cuisses à la limite de ses possibilités anatomiques, et s’aplatit tant qu’elle put, pour aller à la rencontre de la bouche du cosaque qui la bouffait avec avidité et, visiblement, un solide savoir faire. Il la mastiquait sans retenue, l’aspirait, dans des claquements de lèvres mouillés et des bruits de succion qui rappelaient un fauve dévorant une gazelle — sauf que la gazelle en redemandait, encore et toujours. De temps à autre, Damir lui giflait le cul, qu’elle tortillait de plus belle, l’offrant à ses paumes calleuses, et bientôt, ce fut elle qui mena la danse, et imposa son rythme. Les mecs durent s’aligner, et s’adapter. Personne ne s’en plaignit.
Quand elle jouit enfin, emportant Damir dans son orgasme, un long soupir collectif parcourut notre bout de steppe. Le cosaque arborait une trique comme une massue, mais la fille n’était plus d’humeur, et il dût remballer, de mauvaise grâce, pestant contre l’insensibilité féminine. Bekzat lui proposa de le soulager mais se fit renvoyer dans les cordes, plutôt vertement, et se rabattit sur Genjirô, qui n’était pas trop regardant sur qui lui prodiguait une fellation, tant que c’était bien fait. Damir s’essuya la queue, le cosaque la moustache, et chacun vint s’asseoir autour du feu, pour le thé. Ivan fit chanter sa Dombra, et quelques autres fredonnèrent pour l’accompagner. La frénésie sexuelle retomba doucement. La fille mit quelques minutes à redescendre, blottie dans les bras de Timur, qui entreprit de lui faire sa toilette, armé d’un linge et d’eau tiède. Étendue dans l’herbe sèche, ses cheveux bleus en éventail, elle se laissait aller, et profitait de ses attentions dans la lumière pâle du matin à peine éclos. Timur était doux, et elle se détendit tout à fait en soupirant d’aise. Elle se livrait à lui, à ses mains, suivant leurs instructions muettes, ouvrait ou fermait les jambes, se retournait, lui présentait sa croupe ou son visage, avec un naturel troublant, sans plus aucune provocation. Ainsi offerte, abandonnée et confiante, désexualisée, elle parut soudain pure et enfantine, tout juste en âge de porter son uniforme d’écolière.
Il était temps de se remettre en route. Je sifflai Nikita, qui arriva au petit trot, et chacun récupéra son cheval, le brossa, le sella, le brida. Nous levâmes le camp en poussant notre troupeau de cent quatre-vingt juments suitées devant nous. Timur prit la donzelle, qui s’appelait Hone, en croupe. Elle s’agrippa à lui, et colla sa poitrine à son dos, le nez enfoui dans son cou. Sa jupe plissée remonta sur ses genoux et, faute de culotte, sa petite chatte rassasiée embrassa le cuir rugueux de la selle en un baiser poisseux. Elle sourit, et gigota un peu pour caler son clitoris contre la couture du pantalon de Timur. À chaque pas du cheval, elle poussait un petit soupir à l’oreille de son cavalier. Il survola la journée, et toutes les suivantes, avec un air parfaitement béat.
Au fil des soirées, Hone passa de main en main, de bite en bite, mais toujours elle terminait la nuit avec Timur, qui la baignait tendrement avant de la baiser et s’endormir encore fiché en elle. Certains commençaient à les appeler « les amoureux ». D’autres chahutaient Timur, en lui rappelant de souffler et débander de temps en temps, et de ne pas négliger ses fonctions vitales annexes, comme boire et manger, tant il prenait l’allure d’un chien errant, les flancs creux, les yeux caves, l’air aussi benoît qu’hagard.
Hone, quant à elle, s’épanouissait de jour en jour, de nuit en nuit ; elle resplendissait. Elle illuminait la route sous les pas de nos chevaux fatigués, elle réchauffait nos soirées et nos corps courbatus. Sa voix enchanteresse et son rire délicieux résonnaient dans nos têtes à tout instant, couvrant le renâclement du troupeau, les hennissements des poulains. Sa beauté éthérée s’était imprimée sur nos rétines, jusqu’à nous éblouir. J’observais, de loin, sans l’approcher, sans la toucher, l’effet de sa présence sur notre groupe. Je sentais son aura planer sur nos têtes, et grandir, et grossir, et gagner en puissance à chaque fellation, chaque saillie, chaque orgasme. Elle nous enveloppait, et je nous voyais ballotés dans la plaine au gré de ses humeurs. Notre périple ressemblait maintenant à une migration de lemmings, en quête de falaises vertigineuses et de torrents infranchissables. Hone découvrait la steppe, se l’appropriait, et nous la suivions, comme la poussière suit le vent qui danse et la soulève et l’emporte.
Mais vers quelles contrées ? Et dans quel but ?
Je m’interrogeais et spéculais encore, sans plus de réponse, quand Nikita — bénie soit-elle — me brisa une jambe. Nous traversions un cours d’eau, pourtant peu profond, lorsqu’elle fit un écart (pour une raison connue du Diable et d’elle seuls), se cabra, glissa, et chuta de côté, sur mon genou, qu’elle broya entre la roche et ses cinq cent kilos de nervosité mal contrôlée.
Sa maladresse me sauva probablement la vie.
La blessure était vilaine, l’articulation déboîtée, et l’os pointait à travers la chair lacérée et tuméfiée. Timur, en sa qualité de soigneur équin, et bien que mon anatomie différât sensiblement de celles de ses patients habituels, réduisit mes fractures, et posa des attelles. Genjirô me concocta des emplâtres et breuvages amers, indignes de ses qualités de cuisinier, mais dont l’efficacité sembla pourtant s’avérer. On me trimballa cinq jours sur un travois avant de me confier — encore trouble, entre fièvre et délire — aux bons soins de nomades qui campaient dans une vallée abritée. Genjirô refusa de repartir avec le groupe, et resta à mes côtés — ainsi que ma jument.
— Quelque chose ne va pas, me répondit-il un soir, quand je lui demandai la raison de ce soudain attachement à ma personne. La fille. Elle est bizarre. Je ne l’aime pas.
— Tu dis ça parce qu’elle n’a pas voulu te fister, l’autre jour.
— Peut-être. N’empêche qu’elle s’appelle Hone.
— Et alors ? C’est pas pire que Jennifer.
— Dans le folklore japonais, Hone Onna est un yokaï, un esprit malfaisant.
— D’où tu t’y connais en folklore japonais, toi ?
— Je suis un peu né à Kyoto, quand même, répondit-il vexé.
— Pardon.
— Et mon parrain était un yakuza.
— D’accord.
— Et ma grand-mère une moga.
— J’ai compris, dis-je, même si je n’avais aucune idée de ce que pouvait être une moga.
Genjirô me lança un regard suspicieux, mais continua néanmoins :
— Bref, Hone Onna est un genre de succube, qui se nourrit d’énergie sexuelle, de foutre et d’hormones. C’est le fantôme d’une femme qui a perdu son amour et qui le cherche parmi les hommes. Quand elle jette son dévolu sur l’un, elle le suce jusqu’à la moelle, littéralement. Elle aspire ses forces vitales, s’en repaît, et l’entraîne avec elle jusque dans la mort.
— Ça, pour le pomper, elle l’a pompé, le Timur, acquiesçai-je. On lui voit tous les os sous la peau.
— Les autres ne valent pas mieux. Elle les baise à couilles rabattues, tous.
Je soupirai :
— Non seulement on écope d’un yokaï apatride, qui s’est paumé à six mille bornes de chez lui, mais en plus il est polygame. Merci du cadeau.
— Ben j’y suis pour rien, moi, s’offusqua Genjirô. Je ne l’ai pas planqué dans mon berceau quand ma famille a émigré ici.
Un hennissement bas, sourd et menaçant comme le grognement d’un chien, nous interrompit. Nikita, l’encolure raide et tendue vers le sol, tremblait de tous ses membres, ses yeux exorbités braqués sur une immense forme vaporeuse qui glissait dans l’obscurité, se faufilant entre les yourtes. Des rayons de lune accrochés à ses volutes, la forme ondula jusqu’à nous. Dans les replis de ses brumes, je crus reconnaître, vaguement, les silhouettes hagardes de mes compagnons. Le cosaque avait perdu la moitié de sa moustache, et de son visage, Bekzat se dévorait les poings, Ivan portait ses tripes en collier, Damir tétait ce qui ressemblait à une bite sanguinolente, et quand je baissai les yeux vers sa ceinture, je constatai qu’il pissait le sang. Timur était le seul qui paraissait indemne, et heureux ; il s’agrippait amoureusement à un squelette grouillant de blattes, affublé de couettes bleues et d’un seifuku. Hone Onna nous faisait l’honneur de se montrer sous sa forme véritable. On s’en serait bien passé.
Je posai la main sur les naseaux frémissants de Nikita, pour tenter de la calmer et la faire taire — surtout, ne pas attirer l’attention du spectre. Genjirô, pâle comme s’il était déjà mort, se mit à suer et à haleter. Traînant ma mauvaise jambe, je m’éloignai de lui en rampant dans la poussière, tandis que la forme, elle, l’approchait en ondoyant. Les blattes grouillaient autour de nous, et commencèrent à escalader ses pieds, ses mollets, ses cuisses, à se faufiler vers son entre-jambe. Je les écrasai du plat de la main, frénétiquement.
J’ignore ce qu’il advint ensuite, de lui, d’eux, des autres.
J’ai attrapé la crinière de Nikita, pour me hisser laborieusement sur son dos, quand Hone Onna a feulé, un cri sauvage et perçant, qui a zébré le ciel comme la foudre, et s’est abattu devant nous en crépitant. Nikita s’est cabrée, les yeux fous, les mâchoires grandes ouvertes, l’air aussi terrifié que menaçant, ses antérieurs ferrés fouettant et boxant les ombres devant elle. Je m’accrochais à son encolure avec l’énergie furieuse d’un damné, et je hurlais, je hurlais à ses oreilles, pour l’exciter, pour la galvaniser, j’enfonçais mes talons dans ses flancs comme on aiguillonne un chien de combat, et je hurlais encore, non de peur, mais d’exaltation pure et folle et sauvage, et bientôt je clamais nos chants et nos prières, tandis qu’elle ruait et dansait face au spectre furibond, je chantais pour elle, qui voltait et écumait, je chantais l’amour des Kazakhs pour leurs chevaux, pour leur liberté, et ses sabots frappaient le sol dur et poussiéreux, ils frappaient de plus belle, comme un tambour de guerre, et les fantômes hallucinés qui tendaient vers nous leurs mains griffues ont hésité, soudain, et reculé, pour nous laisser passer, leurs bouches se sont tordues, et de leurs gorges déchirées s’est élevé un chant pareil au mien, celui du peuple cheval, celui des Mongols, des Huns, des guerriers, celui d’hommes qui jamais ne se soumettent et battent la steppe au son du galop de leurs montures.
Puis Nikita a chargé, de toute la puissance nerveuse de sa demi-tonne musculeuse, droit sur le succube, elle a fendu la forme vaporeuse et toxique, puis elle a détalé ventre à terre, loin, si loin dans la plaine, avant de déployer ses ailes et de nous arracher au sol, au Kazakhstan, à la Terre, à nos misérables conditions de mortels.
En un battement de nos ailes membraneuses, on a traversé les nuages, pour gagner les étoiles.
LA ZONE -
« Le chant et le cheval sont les deux ailes des Kazakhs. »
proverbe kazakh
proverbe kazakh
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
Très bien écrit, très prenant, très trash aussi. Et puis tu as cherché dans la liste des yokai sur wiki un qui serait utile pour ton texte, donc bravo, enculé.
entrée fulgurante dans le top 50 des textes zonards même si ça m'a plus écœuré qu'excité. Faut dire que ça m'a fait penser à une version trash de Bilbo le hobbit. (Nains, Kazakhs, quelle différence ?)
15eme position même pour l'instant.
On aurait pu imaginer un Kazakh avec deux bites, comme les requins (ce qui aurait fait, en quelque sorte, un pont méta avec le texte précédent de l'auteur).
Un pont sur le lac, donc.
"On aurait pu imaginer un Kazakh avec deux bites"
Ce serait du plagiat.
Ce texte m'a fait bander, surtout le passage avec les blattes.
Nan sérieux j'ai bandé, on sent le professionnel.
Très bien écrit aussi, très poétique. Vraiment adoré. Bémols : une ou deux tournures de phrases un peu bizarres et, encore une fois, la fin un peu paresseuse, petite déception.
Par contre je ne l'ai pas trouvé drôle. Érotique oui, poétique oui, excellent oui et trois fois oui, mais pas drôle. Je me demande ce qui vous a fait rire en fait ?
Ah pardon, "mouiller son slip" comme dans "éjaculer dans son slip".
J'ai rien dit.
"Ce serait du plagiat."
Du plagiat de quoi ? Thalassa ?
MAIS DE BUTCH BORDEL DE BUTCH ! JE ME SUIS PAS CASSÉ LE CUL À LUI GREFFER UNE DEUXIÈME BITE POUR QU'ON LE RENDE KAZAKH (pas de racisme dans cette remarque, hein, j'aime les kazakhs et les peuples des steppes en général, c'est juste que Butch est italo-américain. Voilà) !!!!!!
Butch ?
AIZUFBAIGBIEAFODJAOHBVEBVUBVISDN CLACKER AKSJFBIZBVZVIBVI !!!
CLACKER OAIFAZOGVJBZOIBOJNOBUDVJJJJ !!!!!!!
Putain, la claque. je suis d'accord avec LC, ce texte a clairement sa place dans le Best Of. Je ne m'attendais au départ pas à grand chose de ce projet de Zone Parafoutrale, mais il nous offre de très jolies pépites.
Encore un peu, et je me levais de mon siège dans le bus quand je le lisais pour le déclamer à haute voix.
Il y en a parmi nous qui ont de curieuses lectures, dans les transports en commun.
Je me faisais aussi cette réflexion, que cet AT improbable avait généré des textes sympas et diversifiés. Comme quoi, il faut parfois coincer les auteurs dans leurs retranchements pour en tirer quelque chose de valable.
À part ça, je n'ai jamais bien compris l'intérêt de rajouter un appendice sexuel à Butch, vu que pour des rapports entre mâles, ça me semble compliqué d'utiliser les deux simultanément (à moins de considérer les narines comme orifices acceptables à une pratique sexuelle originale et épanouissante)
Concernant la fin, je l'ai balancée un peu à l'arrache mais j'ai prévu de la retravailler (ainsi que quelques verbes passé simple/composé qui patinent un peu)
Dégueulis, je veux bien que tu me cites les tournures qui t'ont paru louches.
Et c'est tant mieux si vous aimez les Kazakhs, parce qu'il y a des risques que vous en revoyiez passer quelques uns dans les textes à venir (pont meta et tout). Voire quelques yokaï.
"je n'ai jamais bien compris l'intérêt de rajouter un appendice sexuel à Butch"
Moi non plus, c'est une idée de Lapinchien ça.
"était du même avis, à l’unanimité, et malgré des divergences d’opinions" : le "et" est de trop.
"Genjirô refusa de repartir avec le groupe, et resta à mes côtés — ainsi que ma jument." mal construit.
"On s’en serait bien passé." casse un peu l'ambiance angoissante.
"je m’éloignai de lui en rampant dans la poussière, tandis que la forme, elle, l’approchait en ondoyant. Les blattes grouillaient autour de nous, et commencèrent à escalader ses pieds, ses mollets, ses cuisses, à se faufiler vers son entre-jambe. Je les écrasai du plat de la main, frénétiquement." alors ou bien "mon entrejambe", ou bien il est toujours à côté de son pote, mais il ne peut pas s'en éloigner ET tuer les blattes.
Sur la fin problèmes de temps et accord avec "air" dans"avoir l'air" pas sûr, faut demander au Dourak ou au Castor.
Bon du coup je l'ai relu et, encore une fois, j'dois dire, c'est bien écrit.
'culés de professionnels.
Fabienne : whose motorcycle is this ?
Butch : it's a chopper, baby.
Fabienne : whose chopper is this ?
Butch : it's Zed's.
Fabienne : who is Zed ?
Butch : Zed is dead baby... Zed is dead.
Bon, ben, c'était un de mes retards de lecture sur la Zone, ça ne l'est plus, et c'est tant mieux. Effectivement très bien écrit, et beau à certains moments (le côté franchement porno gâche un peu, finalement), et on apprend des choses intéressantes si on fait ses devoirs tout en lisant, et ici je parle des recherches sur les mots inconnus, pas de masturbation. Je ne sais pas si le texte est né de l'appel à textes "Zone parafoutrale" mais, si c'était le cas, il suffirait à ce que je sois bien content d'avoir lancé cette idée à la con.
Problème aussi tout de même avec la fin. Le narrateur a annoncé un peu avant que sa jument lui avait sauvé la vie, mais on a plutôt l'impression d'un cheval psychopompe qui l'emmène au ciel et donc qu'il y passe aussi, bref je ne comprends pas trop et j'ai plutôt eu l'impression que tu ne savais pas trop comment finir le texte.
Et surtout le gros, l'énorme problème : Nikita. Dès que j'ai lu le nom du canasson, j'ai eu la voix d'Elton John en tête. En plus, je me trompe peut-être, mais pour moi c'est un prénom fondamentalement masculin à la base, même si le film de Besson a engendré des Nikita féminins dans nos contrées. Mais je reconnais que la signification du prénom colle au texte et que Victorine aurait fait moins Kazakh. N'empêche, Elton John, quoi...
Voilà, on s'inquiète pour les semis qui vont prendre le gel, pour les bestiaux qui tombent malades, pour les toits qui branlent, et on oublie de répondre aux commentaires.
Je repasserai plus tard pour répondre mieux à mes aimables commentateurs, mais vite fait : oui, ce texte a été écrit expressément pour l'AT Zone Parafoutrale, d'où le porno (et le paranormal, et la petite romance et le japonisant)
C'est probablement la première fois de ma vie que je ne suis ni hors sujet ni hors délais, il faut noter ça quelque part.
Et le nom de la jument n'est pas négociable, d'autant que je me préoccupe des genres et des conventions à peu près autant que de mon premier string à paillettes (par contre, j'ignorais le lien avec Elton John, et plaise à Dieu que j'en ignore tout, auditivement parlant, jusqu'à mon dernier soupir (qui adviendra le plus tard possible, espérons le))
Je n'ai pas marché désolé, impression d'un pur artifice. Pas ressenti le moindre vécu dans les scènes de cul, bizarre... serait-ce ma libido qui déconne ?