Ces derniers temps, je tutoyais trop la bouteille... A défaut de pouvoir encore tutoyer Melanie. Déja deux mois qu'elle s'était tirée avec un représentant en aspirateurs. L'imaginer en train de lui astiquer le robinet me collait la nausée.
En parlant de nausée, ma montre indique midi et ma gueule de bois est si solide qu'elle peut me servir de bureau. Ah non, j'ai déjà un bureau : c'est ce foutoir sur lequel je me suis endormi hier. J'ouvre un tiroir pour en sortir le poudrier de Melanie, seule relique de nos parties de jambes en l'air. On peut pas vraiment parler de vie commune, dans mon boulot, on rentre tard, et c'est dur de foutre ses pieds sous la table et de discuter avec bobonne, quand on s'est fait cogner par quinze gorilles durant la journée. Mon boulot ? Je suis privé. Du moins, c'est ce qui est marqué sur la porte.
Je m'appelle Nemurec, Carter Nemurec. Les gens que je croise au boulot m'appellent autrement, eux : "Fouineur", précédé du mot "Dégage"... Ils doivent s'imaginer que c'est mon prénom.
- "Vous vous réveillez enfin, Mr Nemurec..."
Mon regard fait le point sur la chaise en face de moi : j'y découvre une blonde plantureuse. Elle ferait bander n'importe quel privé, célibataire, et alcoolique. Enfin, non, vu comment elle est fringuée, la jupe à ras-la-touffe, le chemisier à manches bouffantes, le chignon entouré d'un carré de soie Hermès, elle ferait bander n'importe qui. "Bondage" serait le premier mot qui vous viendrait à l'esprit, vous voyez ce que je veux dire ?
- " Je ne vous avais pas remarquée...
- " Je suis arrivée pendant que vous dormiez, Mr Nemurec, j'ai une affaire grave à vous proposer. J'espère que votre sagacité, que l'on m'a vanté, parviendra à bout de ce noeud gordien auquel je suis confrontée...
- Parlez, poulette, je suis tout ouïe..."
Elle commença : " Mon ami Paul est parti à deux heures, il avait 30 kilomètres de trajet. Un des ses amis à lui, Pierre, avançait dans le sens inverse en partant depuis 14 heures 10, et a roulé une demi-heure avant que Paul et lui ne se rencontrent. Pierre roulait à 45 Kilomètres/heure et Paul à 56. Pouvez vous me dire quelle distance avaient-ils parcouru tous les deux quand ils se sont rencontrés ?"
C'était une affaire duraille... Pourquoi diable Paul était-il aussi pressé ? Il me fallait un verre. Après le départ de la blonde, je filais au snack-bar où j'avais mes habitudes pour méditer, et accessoirement, me changer les idées.
Lilly, la serveuse, faisait partie de mes indics habituels. Je lui ai posé les bonnes questions, mais elle me coupa net et me répondit "Je ne sais rien de ce Pierre et de ce Paul, Carter. Bois ton whisky-coca et dégage, tu es tellement imbibé qu'à cause de toi le comptoir commence à rouiller".
Je connaissais Lilly. Lui faire fermer sa grande bouche avait dû demander beaucoup de travail. Je finissais mon verre et sortais du snack-bar, quand une main de la largeur d'une autoroute quatre voies m'attrapa par derrière et me traîna dans une ruelle, proclamant "Tu vas nulle part, pieds plats !"
Je peux dire que j'ai passé un sale quart d'heure. "Mr Achtung n'aime pas que des sales fouineurs dans ton genre se mêlent de ses affaires ! Dégage !". L'avertissement était à mes yeux un chiffon rouge agité devant les yeux d'un taureau. Les phalanges du gorilles encore imprimées sur ma mâchoire, j'entreprit d'aller voir "Mr Achtung", un prêteur sur gages de la quarante-cinquième.
A la porte, je croisais un visage connu : le gorille qui m'avait avoiné le museau dans la ruelle. Il lisait une pulp fiction intitulée "Fondement de la métaphysique des moeurs", d'un certain E. Kant. Inconnu au bataillon.
Monsieur Achtung était un homme entre deux âges, qui portait un costume de clergyman fripé et tentait de faire entrer un cube dans un trou creusé pour une pyramide. Il me toisa de toute sa hauteur, montée sur fauteuil roulant, et déclara juste : "Herr Nemurec, vous trouverez toutes les réponses à vos questions en rencontrant Pierre, sur le toit de l'immeuble. Auf Wiedersehen, Herr Fouineur !"
Alors que le gorille me vidait de l'antre du prêteur sur gages aussi rapidement qu'un bouchon de graisse se serait fait éjecter du tuyau d'écoulement d'un évier à coup de Destop Turbo, je cogitais : Achtung me tendait-il un piège ? Mais le souvenir de la blonde splendide me revint en mémoire : j'aurai tout donné pour la revoir, aussi je me rendais sur le toit de la vieille bâtisse.
Sur le toit, Pierre m'attendais ; "Tu ne m'auras pas sale fouineur ! "cria t'il en m'apercevant arriver, "Arrête-toi, sinon, je le bute !" Dans sa main il y avait le col de chemise de Paul, qu'il menaçait de balancer du troisième étage de l'immeuble.
Je balançais le poudrier de Melanie, sortais mon Colt 45 et lui demandais, tout en le braquant : "Mais, Pierre,... pourquoi ?
- Cet enculé me trompait avec ma femme !" Pierre fondit en larmes "Je l'aimais... mais ce fils de pute me l'a avoué ! Elle l'aurait sucé, en avalant ! Je ne peux plus supporter une telle honte !" Derechef, il balanca Paul par dessus la rembarde, alors que je lui tirais deux-trois bastos dans le buffet. Puis, agissant rapidement, j'attrapais la cheville de Paul et le hissais de nouveau sur le toit. Ce dernier ne pût pas me remercier : la reconnaissance qu'il éprouvait lui fit perdre ses esprits. De quoi appeller une ambulance, ce que je fis.
Les questions de routine - d'usage, pourrait-on dire - réglées avec la maison poulaga, je rentrais au bureau, pour trouver, sur le sol, un aspirateur, orné d'un post-it, qui disait "Je rentre bientôt, Trésor. Bises".
Melanie...
Je pensais à elle, de quelle façon elle m'astiquait le robinet... Je n'y tins plus, la belle blonde n'ayant pas reparu avec mes honoraires.
Aux urgences, cette nuit là, ce fut une nuit habituelle : trois pékins, la tête bloquée dans une lunette de chiottes, cinq gus, qui s'étaient enfilés une bouteille de vodka dans le fondement, ainsi que Carter Nemurec, la bite coincée dans le bout suceur d'un aspirateur-traîneau.
Bonus TDM...
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En fait ça se résout très bien si on imagine que l'un des deux conduisait cette voiture :
https://www.youtube.com/watch?v=mzieT_WUAHg
Beh, c'est même pas trop mal, en fait. On dirait un synopsis de film noir raconté par un type à deux doigts de manquer son train.
Un très mauvais TDM par conséquent, si on exclut les fautes d'orthographe et les répétitions.
Comme Clacker, mais avec un tram.
En effet, ce texte est bien meilleur que le précédent. Plus original, plus amusant, et pourtant il est encore plus pourri.
Un bon TDM. Et, avec de la chance (ou pas) on pourra retrouver les aventures de Carter Nemurec dans d'autres textes après ça.
Ça se lit bien et c'est loin d'être salissant.