1.
Mes nouvelles fonctions m’offraient l’accès, entre autres choses, à des quantités non négligeables de cocaïne manifestement impure. Ce n’était pas précisé noir sur blanc sur mon contrat d’auteur, mais je n’allais pas cracher pour autant sur les gratifications d’usage. Ces rations de schnouffe avaient fini par me convaincre que la mauvaise coke était sans conteste la drogue la plus indiquée, dans le traitement de fond du trouble de l’écrivain contemporain en quête d’amour. Boulgakov et sa morphine pouvaient bien aller se faire mettre. Disons que je me montrais prolixe. La qualité de mes textes s’était effroyablement dégradée au passage. Je me consolais en me souvenant que sobre, quoi qu’il en soit, j’étais loin d’être brillant. Surtout, je savais aujourd’hui exactement pour quel genre d’imposteurs j’écrivais.
J’écrivais pour une association de pitres radiophoniques, dont la mission consistait à saper le moral des français. J’écrivais leurs sales chroniques. J’écrivais, pour les plus vifs et les moins laids d’entre eux, de quoi tenir cinquante minutes sur une scène de stand-up. Je pouvais donc tout à fait me permettre d’être médiocre. Les affaires marchaient bien. Mes productions étaient mal branlées et modérément drôles. N’empêche… Plus c’était nul, plus ça passait. Je vivais depuis quelques semaines à l’arrière d’un véhicule de location aux dimensions absurdes. Une limousine, pour être tout à fait franc. Mes affaires étaient dispersées autour de moi, sur les huit ou neuf cent mille banquettes qui se trouvaient là. Je dormais deux ou trois heures consécutives, le huit du mois, quand j’arrivais à me calmer. Le reste du temps, j’écrivais des idioties lamentables en me foutant de la C plein la gueule. Encore fallait-il pouvoir étaler tranquillement cette saloperie et se l’envoyer dans les naseaux, sans risquer de se perforer le cortex préfrontal avec une paille en fer. Or, la bagnole cahotait comme une vieille salope. Je m’étais mis à gueuler :
"Andrew ! Ça t’arracherait la gueule de conduire un chouilla plus souple?"
Andrew était mon chauffeur. Cela dit, ses prérogatives et son influence outrepassaient largement cette fonction anecdotique. Pour vous situer, ma vie était plus ou moins entre ses mains. Je l’avais rencontré sur le parapet d’un pont, quelque part au-dessus du Rhin, un matin où il était prévu que je me suicide. Un de ces matins. Je m’étais réveillé en réalisant que je me trompais sur à peu près tout. Mon système de valeurs était complètement foutu. Plus rien ne tenait la route ; de mes convictions les plus intimes à la manière débile dont j’estimais lacer mes chaussures. Et aussi, je n’avais plus aucune de dosettes de café. Bref, on avait parlé de ça un moment, avec Andrew, sur ce pont. Il avait fini par sauter. Moi pas. Il faut préciser qu’Andrew avait sauté pieds et mains liés...
Andrew était un personnage haut en couleur, pour ne pas dire un cas clinique. Il s’était fait un nom dans le milieu du coaching/développement personnel/abus de confiance caractérisé, grâce à ses vidéos de plongées en eaux sales. Rien de tel, apparemment, que se balancer tête la première dans une eau sombre et glacée, afin de reprendre contact avec sa masculinité et dégager des revenus importants en seulement quelques semaines. Sur le pont, quand je lui avais raconté pour mes lacets et mon système de valeur, il avait dit : « La vie, c’est comme le porno animalier ». Pris d’une irrésistible envie d’en savoir davantage, j’avais demandé : « Expliquez-moi ça comme si j’avais huit ans… ». Andrew avait répondu :
« Je veux dire que tout le monde n’accroche pas forcément. Soyons clairs : si ça pique toujours après quarante balais… Il y a quand même très peu de chance que ça s’améliore par la suite, vous ne trouvez pas ? C’est le principe de réalité, qu’il faut prendre ici en considération ».
J’étais d’accord. Cet homme amphibie marquait un point. J’avais donc décidé, sur un coup de tête, que j’allais m’en remettre à son jugement, pour tout et n’importe quoi, à compter de maintenant. Il m’avait alors tendu sa carte, avant de basculer en arrière, l’air grave, chevilles et poignets liés. Quelques semaines plus tard, j’écrivais mes premières chroniques pour France Inter. Voilà de quelle manière Andrew était devenu mon coach personnel et, par conséquent, dans le cadre de la grande variété des fonctions qui lui furent accordées par la suite, mon chauffeur.
Or, présentement, Andrew conduisait comme un maniaque. Je venais de disperser un bon demi-gramme de came sur le tapis de la limousine, et ça faisait chier, même si cette saloperie ne m’avait rien couté. « Andrew, putain !! Doucement, quoi… »
« Votre excellence, » avait-il répondu sans se retourner, les yeux rivés sur un paysage désolé et une route défaite « Je viens d’éviter un ragondin de la taille d’un mini poney… »
Le quartier avait pris une sacrée claque, en effet. La plupart des immeubles encore debout étaient troués. Et noircis. On voyait encore du linge pendre aux fenêtres, ici ou là. « On se croirait à Khartoum » précisa Andrew.
« Vous avez déjà servi à l’étranger? » avais-je demandé.
Andrew aimait raconter que, lors de son séjour d’intégration à la Légion, il s’était illustré en remportant une course d’orientation nocturne dans un marais infesté de moustiques tigres, tandis qu’il avait deux côtes cassées et souffrait d’une sévère crise d’hémorroïdes. Mais la guerre, il n’en parlait jamais. Selon moi, et sans vouloir trahir sa mémoire, Andrew était un mythomane pervers narcissique survivaliste bipolaire équilatéral, potentiellement dangereux. « Je connais très bien Khartoum, » poursuivit-il, en donnant de grands coups de volant :
« Khartoum, en arabe, signifie trompe d’éléphant. C’est une ville remplie de pédérastes hypocrites. Elle est située au confluent du Nil Blanc, venant su Sud Soudan, et du Nil Bleu, venant d’Éthiopie. C’est à peu près tout ce que je suis autorisé à vous dire. Je peux seulement raconter que j’y ai tué un homme avec sa prothèse orthopédique. Et une serviette d’hôtel. Mais c’est vraiment tout ce que je peux vous…"
« OK, arrêtez-vous »
« Tout ceci est classifié, de toute façon »
« Non, mais littéralement »
« Quoi ? La bagnole ? »
« Ouais, garez-vous. Je vais finir à vélo »
« Vous avez un putain de vélo, là-derrière ? »
« Évidemment, mon vieux. Le succès ne m’a pas encore totalement corrompu... » déclarai-je, assez fier de moi.
Pas totalement, mon cul. Je venais de m’administrer une trace de cocaïne relativement gourmande, et je me sentais assez en jambe pour gravir le col de l’Izoard dans la roue d’un Warren Barguill des grands jours. Andrew ne comprenait pas le projet :
« Vous êtes complètement à la masse, si je peux me permettre… Récapitulons : on vous refile une voiture de prestige, avec chauffeur, mais que faites-vous ? Profitez-vous raisonnablement de cet exubérant privilège de classe ? Non, bien sûr que non ! Vous arrivez malgré tout à embarquer votre saloperie de vélo d’étudiant à l’arrière. Dites... Votre père vous cognait, je me trompe ? Un jour, il faudra qu’on parle de lui. C’est important. Et puis, au fait, rappelez-moi juste ce qu’on vient foutre dans ce quartier de fils de pute, votre excellence ? »
« Il faut que je récupère quelques affaires »
« Quel genre d’affaires ? »
« Deux ou trois textes, peut-être, » répondis-je en éprouvant les plus grandes difficultés à extraire ma bicyclette de la limousine. « Mes identifiants, surtout. Un taille crayon. Une sorte de loutre en bois. J’en sais rien. Les vestiges de mon ancienne vie… »
« Et vous allez finir à vélo ? »
« C’est le plan, oui. »
« Eh bien c’est une belle idée de con, si vous voulez mon avis »
« Tout ce trajet est une idée de con »
J’enfourchai ma bécane. Andrew m’avertit, alors qu'il me poussait dans le dos, pour me donner de l’élan :
« Faites attention aux nids de poule : on dirait des ravins »
« Je me débrouillerai très bien »
« Vous savez-quoi ? » hurla-t-il, les mains en porte-voix, tandis que je prenais de la vitesse.« Ça me rappelle un peu Kandahar, aussi. Je ne serais pas étonné outre mesure, si toute cette zone était minée… »
« JE VAIS PRENDRE LE RISQUE ! », gueulai-je à mon tour, par-dessus mon épaule.
« JE VOUS RAPPELLE QUAND MÊME, A TOUTES FINS UTILES, QUE VOUS ÊTES ATTENDU A ONZE-ZERO-ZERO CHEZ RADIO FRANCE. THOMAS VDB A BESOIN DE SA CHRONIQUE ! »
« CE MEC EST UN VRAI TRAINE SAVAT… »
Je me cassai la gueule dans la foulée. Une vraie honte. Warren Barguill s’envolerait paisiblement vers la victoire d’étape et les salopes du Crédit Mutuel, là-bas, sur le podium. Relevant ma bicyclette, je criai, en direction d'Andrew :
« Ça va, ça va, tout va bien. C’est juste… Ce putain de dérailleur. Et aussi, j’ai pas fait gaffe du tout. J’ai pris trop de… Merde, faut qu’ils arrêtent de me refiler autant de drogue ! Ça devient malsain. Dangereux, même. Et vous avez raison à propos de mon père, Andrew. C’était un bel enfoiré. Mais nous allons en parler. On va tirer tout ça au clair, c’est promis. Attendez-moi calmement, OK ? Faites huit mille pompes, j’en sais rien. Allumez un feu avec des cailloux. Baignez-vous dans une flaque d’eau. Je ne tarde pas »
Je ne me retournai plus. Je savais qu’Andrew m’observait, mains sur les hanches, affichant l’air incrédule du brave type qui regarde un très mauvais documentaire animalier.
2.
Le bâtiment de « La Zone » paraissait avoir été anéanti par un tir de drones mal orchestré. Six immenses lettres-néon se dressaient jadis fièrement sur le toit. Seules restaient un « L », un « E », et surtout, en dépit de tous les affronts météorologiques, malgré les frappes approximatives de missiles téléguidés et les tentatives moins exubérantes de vandalisme ordinaire, restait encore ce grand beau « Z », arrogant, de guingois, ne tenant certainement plus qu’à une vis. Les consonnes et voyelles restantes avaient dégringolé au pied de l’immeuble. Les romanichels de la prose qui vivaient là, sur l’ancien parking, s’en étaient servis pour faire des tables, ou des murs porteurs pour leur saloperie de bidonville. Ils étaient une dizaine à mourir lentement du scorbut et de sévères carences en talent. Tous avaient eu un jour des rêves. Peut-être certains avaient-ils eu un texte en attente. Leurs dentitions absurdes, infectes, laissaient croire que nombre d’entre eux avaient sombré dans le rondel. Peut-être même la ballade. Loques humaines. Immondices. Rien ne leur interdisait l’accès au bâtiment, à présent que celui-ci était en ruines. Cependant, ils restaient dehors. L’immeuble de« La Zone », représentait encore quelque chose, dans ce quartier de la ville.
On se souvenait.
Les plus sérieux dégâts sur la façade se situaient au niveau du quatrième et dernier étage, c’est à dire pile sur les quartiers du Grand Inquisiteur et des Affaires Minables : bureaux, archives, bibliothèque, douches collectives, espace trépanation, salle de réunion, etc... Murs écroulés, sols perforés. Tout cela traversé par de fréquentes bourrasques. Personne n’aurait crié au scandale si l’étage entier s’était affaissé à ce moment précis sur les deux membres actifs qui se trouvaient encore là.
Clacker était assis derrière l’imposant Bureau Inquisitorial, ce dont il avait légitimement le droit, puisqu’il co-régnait. Du moins co-régnait-il encore pour quelques jours. Ce bureau était le seul meuble véritablement authentifiable, dans cette pièce abondement aérée. Toute chaise ayant disparu du décor, Clacker était vautré sur un entassement de pneus de mobylette. Visiblement soucieux d’accorder son apparence à son assise, il portait une sorte de veston en cuir, sur un T-Shirt Cora. Il dit : « Mon gars, pose-toi quelque part. Sérieusement, tu me files le tournis ». Il s’adressait à une sorte de créature de tourbière, mi-humaine, mi-Jean Marie Bigard. Le scélérat se déplaçait à quatre pattes, farfouillant de ses griffes nauséabondes le gravier et la terre, curieux des innombrables feuilles volantes qui recouvraient à présent ce qui fut un jour le sol de ce sanctuaire. Parfois, la bête lisait quelques passages et riait affreusement. Elle s’exclama :
« C’est qui Le Duc ? Il est génial, ce mec, non ? Clacker ?... Claaaaaaacker ! Il est génial, non, Le Duc ? Écoute ça, hey, écoute ça… Je te lis juste une fin de paragraphe. C’est un génie ce mec. Écoute, ça : J’arriva devant un ascenseur, une jeune et séduisante femme complètement nue si trouver assise sur un tabouret, elle fumer une longue cigarette, et exaltée des ronds d’une fumée compacte.
« Je te l’accorde, » répondit Clacker, « Tout cela est assez habile, d’un point de vue stylistique. Maintenant, assied-toi quelque part et joue au roi du silence, s’il te plait. Je ne peux pas réfléchir correctement si tu continues à t’agit… »
« Je vois ma maison ! » brailla la créature dimorphique, posée l’instant d’après sur ses pattes avant, au bord du vide offert par un mur écroulé, le regard porté vers l’horizon.
« Par pitié, ferme ta bouche insalubre et saute ! » lui intima Clacker, s’extrayant péniblement de sa pile de pneu.
Le Grand Inquisiteur se dirigea ensuite vers le tableau de commandes. Il y avait là des leviers, des cadrans aux vitres ébréchées, des manivelles… Toutes ces merdes sortaient du mur et Clacker ne savait évidemment pas comment était supposé fonctionner un tel bordel. Immobile, les mains dans le dos, il haussa les épaules et interpella la goule :
« Comment tu t’appelles, déjà ? »
« Jean Baptiste »
« Et a-t-on seulement pris la peine de t’attribuer un nom de famille ? Ou ta lignée est-elle morte à l’instant précis où ta mère a posé les yeux sur toi, le jour où tu es né ? »
« Sidah. Jean Baptiste Sidah, votre Quintessence. Avec un H »
Clacker sourit devant les commutateurs et les boutons-poussoirs aux fonctions inconnues, vaguement effrayantes. Il dit, sans quitter la console des yeux :
« Avec un H…Pas mal du tout.Une bonne base. Moi, je vais t’appeler Un Dégueulis. OK ? »
« OK. J’aime bien »
« Tu sais pourquoi je vais t’appeler comme ça ? »
« Je crois, oui, votre Excellence : parce qu’un bon nom d’auteur, c’est déjà la moitié du boulot, pas vrai ? »
« Non. Parce que tu me fous constamment la gerbe »
« Ah ouais. Logique. N’empêche, Un Dégueulis, ça claque. Et puis ça signifie, en quelque sorte, que je fais partie du gang, hein ? »
« Gang ? T’as croisé un gang, ici, toi ? On est plus ou moins deux, mec… »
« Et alors ? C’est la première fois que je fais partie d’un gang, moi. Je vais pas faire ma diva. Demain on sera mille, tiens ! Avec un peu d’organisation… Les réseaux sociaux, vous avez peut-être déjà entendu parler ? Facebook, Twitter, Copains d’Avant. La sainte trinité. C’est le futur, ça, les mecs ! Dites-moi qu’on a AU MOINS une page Facebook… Avec un bandeau qui claque ? Non ? Putain, mais c’est juste LE MINIMUM ! Et des flyers, vous avez déjà pensé à ça, bande de saltimbanques ? Ah là là, non mais les amateurs… Des flyers largués sur la toute la ville par un avion, genre biplan. Voilà de quoi je parle ! Vous, vous savez à peu près écrire, je dis pas le contraire, surtout le Duc, mais niveau marketing, vous êtes aux fraises des bois… Laissez-moi faire et demain on sera mille. On crée des story de maboule, on twitte des trucs rigolos et surtout, on rameute tous nos anciens potes de lycée. BIM. Ça va faire boule de neige. Demain, on est mille. Promis juré : mille !! »
Un dégueulis déféqua alors dans sa main, puis, mu par son enthousiasme infondé, jeta une poignée d’excréments par dessus sa vilaine tête. Tristes confettis. Tout en lui exprimait une fête avortée. C’était désarmant. Il alla ensuite se coucher au pied de Clacker, qui eut un mouvement de recul :
« Dites, votre Majesté Farouche, entre nous, sérieusement, est-ce que vous me trouvez drôle, au moins ? »
« Drôle, non…» répondit Clacker en faisant trois pas en arrière. « Je te trouve incroyablement désagréable, cela dit. Je pensais avoir vu défiler suffisamment de déchets, dans les couloirs de ces locaux autrefois rutilants ; assez d’êtres dysfonctionnels pour être capable de faire preuve de détachement en toutes circonstances mais toi… Non, toi, tu es très désagréable. En fait, je te giflerais bien si tu n’étais pas si ouvertement dégueulasse »
Un Dégueulis rampa vers un coin de la pièce et se mit à griffer le mur nerveusement. Il murmura :
« J’ai jamais eu droit à la moindre sympathie, c’est dingue non ? Tout le monde est plutôt méchant avec moi. J’ai une dizaine de procès au cul. Des gens que je connais même pas. Alors que si on me connaissait, justement, je pense qu’on pourrait s’accorder à dire que je suis désopilant, au fond. J’espère juste que ma vie pourra changer, maintenant que je fais partie d’un gang et tout. Parce que même si on est fort dans sa tête, la méchanceté des autres, au bout d’un moment, eh bien… ça finit quand même par peser »
Clacker, peu attentif au monologue désespéré de son compagnon d’infortune, était parvenu à s’armer discrètement d’un marteau abandonné sur la console. Il s’approcha à pas de loups du sinistre bavard, puis, lorsqu’il fut placé derrière lui, le Grand Inquisiteur asséna un coup terrible sur l’oreille gauche de son administré. L’outil ricocha et ne fit pas de dégâts irréversibles, mais emporta malgré tout une quantité raisonnable de chairs et de tissus. Sans compter le menu cartilage. L’espèce de troll infâme roula par terre pendant un certain temps, avant d’être seulement capable de manifester sa douleur, dans un cri atroce.
« PUTAIN MAIS POURQUOI VOUS AVEZ FAIT CA VOUS ÊTES PAS BIEN ? »
« Du calme. Je viens simplement de t’enlever un point pute. Tu t’en remettras en un rien de temps »
« Mais vous êtes complètement malade, en vrai ! Ne refaites jamais un truc pareil… »
« Il est malheureusement impossible de répéter cette action sur le karma sans attendre 24 heures »
« QUOI !? Parlez-moi pas chinois, votre Magnificence ! Qu’est-ce que ça veut dire, ce charabia ? »
« Rien, rien…Tu verras demain »
Clacker, que rien ne réjouissait pourtant davantage que les châtiments physiques et la violence gratuite, était toujours d’humeur maussade. Il se dirigea vers le bureau et sortit de l’un des tiroirs une petite raquette en bois et une balle en caoutchouc. « Ce bon vieux Jokari, » songea-t-il, « petit squash du pauvre... ». Puis il se mit à hurler, agitant la raquette en bois vers le ciel :
« CTRL X ! Où es-tu, bordel ? Pourquoi nous as-tu lâchement abandonnés ? Hein ? J’aimerais bien le savoir !! »
Quel pianiste d’hôtel, ce CTRL X… Se tirer comme ça, sans prévenir. Et puis rien. Plus aucune nouvelle... Enflure. Un joueur de Jokari épatant, néanmoins. Clacker rappela à sa mémoire les innombrables soirées au cours desquelles, ensemble, ils refaisaient le monde en frappant la petite balle noire, élaborant mille projets pour La Zone, célébrant chaque point remarquable par un cul-sec de schnaps. « A la santé d’un avenir radieux ! » beuglaient-ils, ivres morts.
Tu parles… Que restait-il aujourd’hui de ces émouvantes promesses ? Ce vulgaire tas de ruines. Voilà quoi.
Clacker aurait voulu que CTRL X soit davantage comme une balle de Jokari. Quelque chose qui finit toujours par revenir, aussi loin qu’on puisse l’envoyer. Et il nota scrupuleusement cette pensée dans un de ses carnets Moleskine, pour la semaine texte de merde.
3.
Arrivé devant le bâtiment de La Zone, je couchai mon vélo devant l’un des miséreux qui trainait là. « Mec, tu me remets ? Tu sais qui je suis ? T’as lu la brochure ?» Le vieux chiffon leva vers moi ses yeux morts et demanda d’une voix caduque : « Vous êtes de la Société des Gens de Lettres, n’est-ce pas ? Vous êtes ici pour la nouvelle que je vous ai envoyée il y a trois ans, à peu près ? Jolie fille mais dangereuse. Vous venez m’annoncer que le jury a délibéré et qu’une bourse m’a été accordée, n’est-ce pas ? Sous la forme d’une résidence d’auteur à la villa Médicis. Eh bien,vous savez quoi ? Je suis PARTANT. Laissez-moi juste récupérer mon sachet Auchan de voyage. Nous partirons avant la nuit… »
Son haleine datait probablement de la Renaissance italienne, en effet, mais pour le reste, c’était n’importe quoi. Il fallait corriger le tir :
« Tu fais fausse route, espèce de gland. Je suis CTRL X, Grand inquisiteur de père en fils de pute depuis 1875 ».
Le miséreux se mit debout, puis m’adressa un vague salut militaire. Ses lèvres tremblaient un peu. Il était prostré et parfaitement silencieux.
« Repos, camarade, » lui ordonnai-je « Maintenant, voici ta mission : tu me gardes cette bicyclette à l’œil. Tu la surveilles comme si tu venais de changer toi-même les patins de freins. S’il arrive quoi que ce soit à cette machine, je vais peut-être finalement me résoudre à gagner cette foutue Saint Con pour la huit cent millième fois d’affilée. En fait, s’il arrive quoi que ce soit à ce vélo, je m’arrangerai pour que tu flambes dans la cadre d’un scénario picaresque et dynamique, à la structure impeccable, le tout truffé de dialogues bien sentis. Tu vois le tableau ? »
Évidemment, qu’il voyait. D’ailleurs j’étais déjà loin.
Jolie fille mais dangereuse, si je me souvenais correctement, était classé cinquième du Worst Off de La Zone, avec une note de 0.33/10. Le résumé mentionnait : Pitoyable, absurdement con, on ne peut que tomber d'admiration devant ce monument d'extravagante nullité.
La Société des Gens de Lettres. La villa Médicis… Ces gens-là ne doutaient de rien.
Je me postai devant l’interphone de l’immeuble et appuyai sur le bouton d’appel, comme je l’avais fait tant de fois auparavant. La machine émit un crachotement, jusqu’à ce qu’une voix inconnue invective : « Le code, pute ! » Je m’approchai et récitai « Étoile. Suce. Dièse. Avale. Re-étoile. 6-9 ». Il y eut une sorte de clic et la porte d’entrée me tomba dessus. Mais vraiment. Je l’esquivai comme je pus mais elle était lourde, la conne, et elle heurta le sol dans un grand fracas. Je pensai alors que j’avais rudement bien fait de me tirer de cet endroit.
Je montai, néanmoins, d’un pas mal assuré, vers le quatrième étage.
Clacker et moi nous saluâmes comme nous avions l’habitude de le faire. C’est-à-dire que nous nous assîmes en tailleur, face à face, nos genoux se touchant presque, et nous lançâmes dans une séquence complexe de tapement de mains ; une chorégraphie intimiste et sacrée, témoignant d’un profond respect mutuel. Nous chantâmes :
« Trois petits chats, trois petits chats, trois petits chats - chat -chat / Chapeau d’pailleuh, chapeau d’pailleuh, chapeau d’p’ail, pail, pail… »
Ce qui nous conduisit de fil en aiguille à « bulletin, tintamarre, marée noire, noir de monde, monde de merde, mère feuillage, Agefiph, FIP radio, Dior Homme, omniscient, scientologue, logarithme népérien, rien n’est permanent sauf le changement… »
Ensuite, ça partait un peu dans tous les sens et, face à la difficulté absurde de ce ballet rituel, Clacker et moi finîmes par nous gifler accidentellement.
Lapinchien avait un jour revisité cette comptine et il n’y était allé de main morte, le bougre.
Nous rîmes de bon cœur.
« Ben mon vieux, t’es revenu juste à temps. On allait boucler… » tança Clacker, en me bousculant amicalement.
« Boucler ? » fis-je.
« La Saint Con, tu te rappelles… »
« On ? »
« Ben oui, on… Enfin, qu’est-ce que tu crois ? Que les membres actifs ont claqué une dépression nerveuse et se sont tous tirés après ton départ ? Eh bien, pas du tout, votre putain d’Altesse. Par « on », je veux dire moi. Déjà. Et aussi cette… Cette abomination, ici présente »
« Jean-Baptiste Sidah, M'sieur ! » intervint le farfadet consanguin. « C’est un honneur. Mais ici, tout le monde m’appelle Un Dégueulis »
Je pris un court instant sur mon planning chargé, pour détailler l’allure du nouveau venu. Mon diagnostic fut sans appel. Je n’avais jamais vu une telle chose. Sans vouloir trahir sa mémoire, Jean Baptiste Sidah évoquait un enfant hyperactif passé sous un train de marchandise, puis laissé à l’abandon dans les chiottes d’une médiathèque municipale pendant huit mois.
« Haikulisse est en arrêt de travail depuis perpette… » embraya Clacker, qui semblait s’être donné pour mission de me donner des nouvelles de tout un chacun, tandis que je commençai à fouiller les débris à la recherche de mes saloperies d’identifiants.
« ...il se serait en quelque sorte tranché la jugulaire, cet imbécile. Je l’avais pourtant prévenu à de nombreuses reprises que ses tentatives de cut-up bourroughsien finiraient mal. Lunatik s’est dégoté un nième stage chez Matériel Agricole Magazine. Tomatefarcie est aujourd’hui à la tête d’un vaste réseau de prostitution employant uniquement de sa propre sœur »
« Lapinchien va bien ? » demandai-je, faisant mine de m’intéresser, alors que j’avais fait mon deuil de tout ce cirque depuis longtemps.
« Oh, il est là, il est là… Quelque part » hésita Clacker « Il a dit qu’il partait réparer la chaudière. C’était en novembre/décembre, il me semble. En fait, j’ai pas trop de nouvelles... Mais, toi, alors ? La grande forme, hein ? J’imagine que tu débarques in extremis avec un texte qui va défoncer le game… »
« Quel game ? »
« Ben… La Saint Con, gros malin ! »
« Hum… Non. J’suis pas revenu pour cette bouffonnerie de Saint Con »
« MAIS ENFIN QU EST-CE QUE TU RACONTES MEC ? »
« Je raconte que suis pas là pour ça, désolé »
« PUTAIN MAIS TU TE FOUS DE MOI ? »
« Pas du tout, détends-toi. Je suis venu chercher quelques affaires. Mes identifiants, mon agrafeuse, ma tasse à café... Je serais bien reparti avec la loutre en bois, mais j’imagine que je vais avoir du mal à mettre la main dessus, au milieu de tout ce bordel »
« MAIS… CTRL... TU TE RENDS COMPTE DU MAL QUE TU ME FAIS ESPÈCE DE CONNARD ÉGOCENTRIQUE ?§ CA FAIT UN AN QUE JE ME PÈLE LE CUL ICI A T ATTENDRE POUR CO-GERER CE BORDEL § ET TOI TU DÉBARQUES ET TU M ANNONCES QUE T AS MÊME PAS UN PETIT TEXTE POUR LA SAINT CON ? »
« Non. Écoute, j’ai que dalle. Voilà, t'es content ? Je peux éventuellement vous refiler une vieille chronique toute pétée que j’avais écrite pour Pierre Emmanuel Barré. Mais c’est à peu près tout. Et ne le prends pas perso, s’il te plaît. C’est ridicule… »
« MOI JE SUIS RIDICULE ? NON MAIS QUEL CONNARD J 4EN REVIENS PAS §§ TU SAIS QUI VA LA GAGNER LA SAINT CON CETTE ANNÉE AVEC TES CONNERIES ?
« Aucune idée… Christopher Froome ? »
« HILARANT… TÊTE DE CON VA §§ NON § CET ÉTRON AMBULANT QUE TU VOIS RAMPER NERVEUSEMENT DANS TOUS LES COINS DE CETTE PUTAIN DE PIÈCE §
« Je ne pense pas que ça puisse écrire, un truc pareil » dis-je.
Clacker prit le temps de se calmer. Il respira cinq minutes dans un sac en papier en pensant à la presqu’ile de Quiberon. Quand il fut un peu remis, il dit :
« Si tu as un moment, hein, au cours de l’une ou l’autre de tes tentatives pour me briser le cœur, je t’invite à jeter un œil sur les textes en attente… Tu constateras alors que cette ignominie est l’auteur présumé de pas moins de vingt-six textes en attente. Vingt-six ! Et encore, on parle juste de ses participations à la Saint Con… »
« Et ça donne quoi ? Ne me dis pas que c’est bon, quand même ? » m’enquis-je.
Clacker ne put contenir davantage la furie qui l’habitait. J’étais habitué à ses crises d’hystérie et je compatissais, dans une certaine mesure.
« SI SES TEXTES SONT BONS !? Mais… Attends… T ES CON OU TU LE FAIS EXPRÈS ? NON MAIS JE TE POSE LA QUESTION SÉRIEUSEMENT HEIN ! SES TEXTES SONT SUPER ! VOILA ! T’IMAGINES BIEN… FORMIDABLE A TOUS POINTS DE VUE §§ JE VEUX DIRE… UN MEC QUI ÉTALE SES… oh putain, Dieu nous garde… QUI ÉTALE SES EXCRÉMENTS SUR LE MUR NE PEUT PAS ÊTRE UN AUTEUR COMPLÉTEMENT RATE N EST-CE PAS ?"
« Te fous pas dans le rouge, mec… Respire » lui conseillai-je.
« Ouais, t’emballe pas Clacker, » osa intervenir Un Dégueulis. « Je recopie juste une phrase du Duc qui est vachement stylée »
Clacker s’effondra sur mon épaule. Il pleurait son enfance bretonne et ses espoirs trahis. Un chic type, au fond. Je pris le temps de le réconforter, caressant sa nuque avec tendresse. Un Dégueulis commit l’erreur d’interrompre ce moment de complicité extrême :
« Vos Somptuosités Homosexuelles, si je puis me permettre, hein…» dit-il en se raclant la gorge. « Bon, les mecs… Alors d’abord, je tiens à dire que c’est un véritable honneur. Un putain de privilège, même, de pouvoir m’adresser à vous. Que ce soit très clair d’entrée de jeu. Vous êtes des légendes. Point final. Vous vous êtes illustrés à tant de reprises, c’est à peine croyable. A vous deux, vous avez écrit assez de textes sublimes pour que je puisse me branler jusqu’au mois d’août. Facile. Si on m’avait dit un jour…Enfin bref, sachez que je vous pisse quand même au cul et que je finirai par violer vos femmes mais, dans l’ensemble, là, c’est un honneur incommensurable. Bon. Voilà le truc… Je voudrais juste faire le point sur mon activité sur le site, si vous avez deux minutes à me consacrer. Disons que j'ai un texte comique déjà publié et un autre en attente, et j'ai commencé ça… »
Un Dégueulis agita sous notre nez une feuille volante, qui me semblait être intégralement tachée de merde, avant de poursuivre :
« …mais je me suis dit que ça risquait de devenir lourd de rester tout le temps dans le même registre, du coup je le soumets au vote. À votre avis je le termine ou il vaut mieux que je m'abstienne ? Vous savez, c’est l’histoire de Sodoman, le héros qui les encule »
« Pauvre Clacker, » murmurai-je, à l'intention de mon meilleur ami. « Je suis sincèrement désolé. Je ne sais pas comment tu as fait pour tenir aussi longtemps. Tu permets que j’interfère un instant avec le karma de ce mec ? »
« Oh oui, s’il te plait, fais-le... » répondit Clacker en se mouchant dans son T-shirt Hypermarchés Cora, « Parce que je t’avoue que là... J’ai plus de crédit et plus aucune énergie non plus »
Je m’approchai du phénomène de foire agricole, m’accroupis devant lui et posai une main rassurante sur son épaule.
« Alors comme ça, » commençai-je « Clacker t’a sévèrement puni tout à l’heure, hein ? Tu sais, au final, c’est pour ton bien, crois-moi. Simplement, il faut que tu écoutes davantage ce qu’on te dit et que tu restes tranquille. OK ? Bien…Tu voudrais un petit pansement pour ton oreille ? Ça te ferait plaisir ? ».
Le prosateur scatophile secoua la tête. Dieu qu’il puait. « Oh oui, votre Excellence », s’exclama-t-il.
« Pas trop intimidé de jouer dans la cour des grands ? » lui demandai-je en appliquant comme promis un pansement minuscule sur son oreille massacrée. Bon père de famille et cycliste émérite, j’ai toujours quelques pansements rigolos sur moi.
« Intimidé ? Ben, si, votre Grandiosité Implacable. Un peu, quand même...Ouille ! »
« Là, c’est fini. Tu ne sens vraiment pas bon mais tu es très courageux. Que dirais-tu d’un petit autographe, maintenant ? Et après, on oublie tout ça, si tu veux bien »
« Chic, alors ! Oui ! »
Je dégainai un stylo Bic de ma poche de chemise, et le tint à la verticale, juste devant les yeux vairons de l’hominidé. Un stylo Bic tout simple. En effet, le succès ne m’avait pas totalement corrompu.
« Alors comme ça, tu voudrais être un grand auteur, toi aussi ? C’est chouette, ça ! Regarde la pointe du stylo, d’accord ? Ne la quitte pas des yeux. Il faut que je teste ta convergence oculaire. C’est pour voir si tu peux devenir un écrivain de classe mondiale… »
« Tout ce que vous voudrez, votre Protubérance Marginale » s’enthousiasma la bête.
Je déplaçais le stylo devant ses yeux, de droite à gauche, de haut en bas.
« Je fais vraiment partie du gang, là, hein, pas vrai ? »
« Et comment ! Arrête de bouger la tête, par contre. C’est chiant. Tiens-toi tranquille. Seuls tes yeux doivent suivre la pointe du stylo… Parfait ! Maintenant, ne bouge plus du tout. Parfait. Lève un peu le menton. Oublie le stylo et regarde bien le plafond, maintenant… Juste un instant…. »
Je pris un léger recul et, avec toute la force que je pus rassembler, enfonçai aussi loin que possible mon BIC sans prétention dans l’orbite d’Un Dégueulis.
Il dérouilla copieusement, se cognant dans tous les murs encore debout, vociférant, perdant beaucoup de sang. Sans m’émouvoir outre mesure, je l’avertis :
« Hey ! Jean Bat’ ! Vomito ! Quand t’auras fini de faire ta petite fiotte, tu penseras à me rendre mon Bic, hein ! Non mais je suis pas con, non plus... C’est pas la première fois qu’on me fait le coup. En tout cas, j’espère que tu réfléchiras à deux fois, à l’avenir, avant d’écrire sur les murs de cette pièce sacrée avec ta propre merde… T’es tout à fait déprimant, comme mec »
Clacker et moi observâmes avec délectation le nouveau venu se débattre avec sa douleur.
« Toujours une seule fois par jour, les points pute ? » lui demandai-je.
« Frustrant, n’est-ce pas ? » répondit Clacker, tout sourire à nouveau.
« Qui a établi cette règle ? »
« Je sais pas trop. Dourak, je dirais. Tu connais son amour pour les décrets »
« Sacré Dourak... Le meilleur d’entre nous, incontestablement. Que devient-il ? »
« Il se renseignait sur l’autoédition la dernière fois qu’on l’a aperçu… »
« L’autoédition ? Aïe… Mauvais délire »
« Tu crois ? »
« Ouais, non, c’est pas bon, ça…Tu sais quoi ? Ça pue la déprime. La déprime carabinée, même. Voire le cancer. Le gars n’en a peut-être plus pour très longtemps. On devrait organiser une cagnotte, ou un truc… »
Clacker s’éloigna en trainant les pieds. Il paraissait inconsolable.
« Ça n’a pas été une année de tout repos », marmonna-t-il.
« On s’est fait bombarder, au fait ? » le taquinai-je, passant en revue la pièce dévastée.
« Non, c’est un accident… heu… interne » commença Clacker, tout penaud.« J’essayais de rétablir les césures dans les zones de commentaire et comme je n’ai aucune idée de la manière dont fonctionne toute cette saloperie de bâtiment, eh bien j’ai comme qui dirait poussé des boutons au hasard. J’ai fait tourner ces trucs-là, aussi, de temps en temps… ». Il montrait les manivelles rouillées de la console. « Qu’est-ce que j’y connais, moi, au fond ? Ce jour-là, le hasard a voulu qu’une terrible explosion souffle à peu près tout le quartier… »
« J’ai vu, ça » fis-je. « Bonjour les nids de poule. On dirait Kandahar »
« Cela dit, les césures fonctionnent à nouveau » s’enorgueillit Clacker.
« Bien, bien... Très bien. Globalement, tout va bien quoi ? »
« Oui voilà, c’est la merde intégrale »
« Parfait »
« Impeccable »
4.
Je cherchai toujours mes identifiants (et je n’avais toujours pas complètement lâché l’affaire concernant la loutre en bois), quand Lapinchien fit une apparition remarquée dans le Bureau Inquisitorial. Il tenait fermement le bras d’une jeune femme, à qui il avait passé un sac sur la tête. Il dit :
« J’ai trouvé cette petite meuf dans les conduits d’aération. Est-ce qu’elle appartient à l’un d’entre vous ? Tiens, salut CTRL X, ça faisait un bail… Bon, j’ai été obligé de la recouvrir, étant donné que j’ai envie de la gifler chaque fois qu’elle me regarde dans les yeux… Y’a un truc pas net, avec cette nana ».
Ensuite, ce fut un véritable défilé.
Tomatefarcie déboula, visiblement essoufflé. « Dites, vous auriez pas vu ma sœur, à tout hasard ? » demanda-t-il, sans saluer personne.
« Ecoutez-moi bien les gars ! » interrompit un nouveau type, à l’autre bout de la pièce. « Vous et votre petit groupe, vous n’avez pas pris conscience des dangers inhérents à un assaut anticapitaliste contre la Corporation Zonarde, qui plus est serait polémique en cette période de Saint Con, de plus ça va chiffrer en notes sévères pour tenter de corrompre le grand inquisiteur de la zone, des dîners gargantuesques dans des restaurants gastronomiques pour ce mec qui battrait tous les records et pourrait bien les enterrer tous dans un film comme La Grande Bouffe, tout ça pour ce projet fou d’effacer les archives de ce site… ça ne vaut pas le coup de se battre contre ces sagouins, le combat est perdu d’avance »
Il ne me fut pas nécessaire de me retourner pour savoir qu’il s’agissait d’Haikulysse. L’opacité du style ne faisait aucun doute. Je me retournai malgré tout. Il avait bonne mine. Il tenait un ciseau dans chaque main et, sans aucune raisons apparente, planta l’un d’entre-deux dans l’œil encore disponible d’Un Dégueulis. Son geste ne trahissait aucune émoi. On eut dit qu’il venait simplement de poser son parapluie en entrant. Un Dégueulis repartit dans l'un de ses habituels épisodes d’auto-apitoiement. Bref, il hurlait tout ce qu’il savait.
« Quelqu’un aurait-il compris un traitre mot à ce qui vient d’être dit ? C’est pour un sondage… » interrogea Lunatik, qui était toujours très à cheval sur la cohérence et venait d’apparaitre à son tour, flanqué comme souvent de Castor Tillon, qui portait une perruque mauve.
Clacker, se sentant subitement envahi, recommença à monter dans les tours. Il engueula tout le monde :
« Non mais vous vous foutez de moi ? C’est pire qu’un Vaudeville écrit avec les pieds, votre truc ! Ça fait des mois que je me pèle le cul ici, tout seul, et là, comme par hasard, vous débarquez en file indienne avec une plume dans le cul et chacun sa petite punchline ? Ce n’est absolument pas crédible, les mecs… »
« Alors pour Pau, vous voulez un vol direct, c’est bien ça ? » Regis Laspales était maintenant assis devant le Grand bureau Inquisitorial, portant un uniforme d’employé de la SNCF, adressant des clins d’œil à un public qui, sauf erreur de ma part, n’existait pas.
« Ben dis-donc, les copains, » déclama une femme entre deux âges, habillée comme au bois de Boulogne. « Qu’est-ce que j’ai mal au cul, moi ! L’un d’entre vous connaitrait-il un bon ostéopathe, conventionné secteur 2 ? »
« Hey, Tomatefarcie, sale proxénète ! Tu vas pas le croire : on vient de retrouver ta sœur ! » railla quelqu’un.
« Proxénète ? Attendez, mais je pensais qu’il était éditeur, moi... C'est quoi ces conneries ? » râla Clacker.
« Et alors ? T’as jamais entendu parler de champ sémantique ? » moqua Lunatik.
« Bon, vous avez le vol du matin, 10 heures. Il met cinquante minutes. Il est très très rapide. Le problème est qu’il repart aussitôt et que vous n’aurez pas le temps de descendre ! » récita Régis Laspales, en mimant un avion touchant le sol puis redécollant dans la foulée.
« Au fait, j’ai fait tout ce que j’ai pu, mais la chaudière est H.S » annonça Lapinchien, dépité.
« Bonjour, je suis Fabrice, de chez Carglass ! » vociféra Fabrice de chez Carglass.
On n’était pas loin d’être à l’étroit, désormais, dans le Bureau Inquisitorial, mais une nouvelle voix, pleine d’autorité, vint encore s’ajouter au concert :
« Les amis, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que je vais éditer moi-même un recueil de sonnets intitulé Bye, Bye, Brandy. La mauvaise, c’est que j’ai un cancer du colon… »
« Ouais ben, y’en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes… » bafouilla Régis Laspales.
« DOURAK !! » s’exclamèrent les autres en chœur, sincèrement heureux de retrouver leur leader charismatique.
« Mille ! Nous serons bientôt mille ! Je vous l’avais bien dit ! » s’excita Un Dégueulis, à présent aveugle, en plus d’être complètement idiot.
« Attendez un peu… Dites, vous lui avez enlevé combien de points pute, à ce mec, dernièrement ? » interrogea Dourak, qui suspectait quelque entorse au règlement.
« Que personne ne bouge ! Je viens de trouver mes identifiants... Juste là, par terre !! » gueulai-je enfin.
« Bon, c’est bien joli tout ça ,mais ça ne nous dit pas qui est cette femme, ni ce qu’elle foutait dans les conduits d’aération… » observa Lapinchien.
On pouvait décidément compter sur LC pour recentrer le débat. Il enleva alors le sac de jute qu’il avait noué autour de la tête de sa proie. Dans un premier temps, je ne parvins pas à mettre un nom sur ce visage. Il faut dire qu’elle n’avait rien à foutre là. C’était le genre de gonzesse à toujours avoir l’air de revenir d’une balade à cheval, ou sur le point d’organiser un enterrement de vie de jeune fille. Charline... Charline Vanhoenacker ! Je comprenais parfaitement ce qu’avait pu ressentir Lapinchien, à présent. Et pourquoi il avait dû enfiler une cagoule à l’exaspérante chroniqueuse. Il émanait d’elle en permanence un tel enthousiasme… Le genre de fille qui a toujours la pèche et prend résolument la vie du bon côté. C’est vrai que ça peut vous taper assez vite sur les nerfs. Quand il lui ôta son bâillon, elle souriait, la conne.
« Bon alors, elle est à qui, cette vilaine meuf ? » répéta Lapinchien, perdant un peu patience.
« C’est ma nana ! C’est ma nana ! » s’exclama Un Dégueulis, provoquant l’hilarité générale pour la première fois de son existence.
« Je suis drôle ! Putain les mecs, je suis drôle ! » exulta-t-il, cherchant l’approbation à tâtons, sur chacun des visages qui l’entouraient. Lunatik lui préleva un nouveau point pute, au passage.
Charline Vanhoenacker regarda autour d’elle, comme si on venait de l’inviter à une putain de surprise partie. Quand elle me vit, elle courut vers moi, me pinça les joues, et se mit à brailler, de sa voix tonitruante et haut perchée :
« Ben alors, mon petit gars ? Enfin, je te trouve ! Coquin, va. C’est que je l’attends, moi, ma chronique. Tu voudrais quand même pas que je l’écrive toute seule, si ? Non mais t’imagines un peu… Ahah. La cata ! Sympa votre garçonnière, sinon. C’est quoi, ici ? Une sorte de pool d’auteurs, ambiance berlinoise ? Sympa, sympa... Bon esprit, camarades ! Alors, cette chronique, hein ? Ben, quoi, fais pas cette tête. Juste une chronique de deux minutes. Tu veux bien te sortir un peu les doigts du cul ? Pour moi ? Et tant que j’y pense, ce serait bien que tu me places une vanne sur Blanquer. Jean Mich Mich. Mais appelle d’abord Meurice, pour voir ce qu’il compte faire, comme vanne sur Blanquer. Si on fait la même, c’est la cata. T’imagines ? Enfin bref, vois avec Meurice et écris-moi un truc que je puisse prononcer correctement, OK ? Phrases courtes. Je suis pas un robot. Et n’oublie pas que je suis belge ».
Tout le monde fut plus ou moins atterré par le monologue de Charline Vanhoenacker. Elle se révélait une nouvelle fois incroyablement chiante. Quand elle repéra Clacker, son veston en cuir, son T-Shirt Cora, elle fut immédiatement séduite par son allure et commença à minauder, à quelques centimètres de son visage :
« Et vous alors, » fit-elle en posant une main sur son entrejambe « Vous êtes motard, hein, j'me trompe ? J’adore les motards… »
Clacker, qui souffrait d’un certain nombre de troubles du comportement, et ne supportait pas que l'on s’intéresse à lui de trop près, perdit complètement les pédales :
« QU ON SOUSTRAIE IMMÉDIATEMENT CETTE HORRIBLE FEMME DE MA VUE §§ AU SECOURS §§ QU ON… QU ON… QU ON… QU ON... QU ON... »
Voilà qu’il bafouillait, à présent. Il fit un effort immense sur lui-même, et hurla encore :
« QU ON LA BRULE §§ JE VEUX QUE CETTE FEMME BRULE §§ C4EST UN ORDRE §§ ».
Que pouvions nous faire ? C’était le Grand inquisiteur, après tout.
Les fidèles membres de La Zone descendirent en vitesse sur le parking du bâtiment et, avec un savoir-faire remarquable, bâtirent en moins d’une demi-heure un magnifique bûcher à connasse. Quand tout fut prêt, ils nous firent signe.
Clacker et moi étions restés au quatrième, giflant à tour de rôle Charline Vonhoenacker pour patienter, dans de grands éclats de rire. La tension sexuelle entre nous était décidément palpable. Mais nos compagnons s'impatientaient. Nous saisîmes alors Charline et la balançâmes dans le vide, au cœur des flammes immenses. De joyeuses étincelles furent projetées aux quatre vents, lorsque son corps heurta le bûcher. Tout le monde fut saisi d'une joie irrépressible.
L'année n'avait pas été simple, c'est vrai. Mais tandis que crépitait la chair wallonne de cette imbitable conne, je ne pus retenir mes larmes.
5.
La chroniqueuse avait bien brûlé. On ne pouvait pas lui enlever ça. Une fumée grisâtre finissait de s’élever dans le ciel. Je regardai Clacker. Son visage était radieux. Nous étions toujours en haut. Je pris sa main dans la mienne. Et il la serra fort.
Les autres étaient regroupés en bas, autour du bûcher, absorbés par le spectacle chaque année renouvelé de la Très Sainte Combustion. Sans grande surprise, ce fut Un Dégueulis qui rompit le silence :
« C’était du tout cuit, cette année. Vous trouvez pas ? Je veux dire, cette fille insupportable qu’on trouve justement, cooomme par hasaaard, dans les conduits d’aération… Vous ne m’empêcherez pas de penser qu’il y a quelques facilités scénaristiques, dans l'ensemble. Et tant pis si ça choque »
« Je ne sais pas... J'ai parfois le sentiment que la vie s'écrit toute seule " déclara avec émotion la sœur de Tomatefarcie, en réajustant ses bas résille " La mienne, de vie, serait radicalement différente si j’avais des tickets restaurant. Et aussi une bonne mutuelle santé… »
« C’est con, parce que d’habitude, j’aime bien les belges… » fit Petit Ours Brun, apparut comme par magie de sa Droite Tangente Ultime à la con.
« Marc Dutroux est belge, non ? Si je me souviens bien… » remarqua Théo Azibert, qui avait tout de même fréquenté la fac pendant trois mois.
« Peut-être, mais au moins il avait un diplôme d’électricien. C’est déjà pas mal » intervint Connard, que personne ne connaissait véritablement, mais qui semblait être un chic type.
« C’est plutôt un bon chauffagiste, qu’il nous faudrait... » soupira Lapinchien, avec à propos. « Pédophile ou non, du moment que cette foutue chaudière soit réparée, moi je suis prêt à fermer les yeux… »
« Y’en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes ! » scanda théâtralement Régis Laspales. « Enfin, c’est vous qui voyez... »
Charogne balança ensuite le célèbre acteur dans le feu mourant, affirmant que sa tête ne lui revenait pas, depuis le début.
Tomatefarcie s'emporta : « Mais enfin, tu m’emmerdes, Sylvie ! Tickets restaurant par ci, mutuelle par là... Ne t'ai-je pas toujours fourni de l’homéopathie, quand t’en avais besoin ? Hein ? Je l’ai fait ou je l’ai pas fait ? Autant d'Arnica 15ch que tu puisses en rêver... Merde ! Je prends soin de toi et tu passes ton temps à me cracher à la gueule… »
« L’homéopathie, c’est vrai que c’est efficace dans une certaine mesure, » répondit la sœur de Tomatefarcie, prenant une courte pause dans la fellation qu’elle offrait à Dourak « ...mais j’aurais quand même besoin de lunettes de vue, faut pas déconner. Pas plus tard que l’autre jour, j’ai proposé une passe à une borne de rechargement Autolib’… Non, ça la fout mal ! »
« Vous savez, avant d’être Fabrice de chez Carglass, » tenta Fabrice de chez Carglass, « j’ai été Julien de chez Cétélem et Paul de chez Bouygues Telecom. Eh bien en ce qui me concerne, cette vieille pute a parfaitement raison : rien n’est plus important, dans la vie, que les tickets restaurant »
A côté de moi, Clacker était visiblement ému. Quelque chose semblait le tracasser, cependant. Les yeux toujours rivés sur les braises, il dit :
« Elle était énervante, cette femme, n'est-ce pas ? »
« Oui, très » répondis-je.
« Alors, tu les as retrouvés ? »
« De quoi ? »
« Tes identifiants, tête de linotte ».
« Ah. Oui » fis-je. « Oui, oui. Je… Je les ai. C’est tout bon »
Clacker me regarda ensuite comme il a toujours su le faire dans les moments importants. Il dit :
« Tu es... Enfin, tu... Tu ne veux vraiment pas rester un peu ? »
« Le Jokari fonctionne encore ? » hasardai-je.
« J’ai changé l’élastique tous les mois. C’est à peu près le seul truc que j’ai réussi à entretenir… »
« On compte les points ? »
« Je vois pas l’intérêt si on compte pas les points... »
6.
Au terme de trois jours de frénésie sexuelle, de cul-sec de schnaps, d'amputations plus ou moins légales de points pute et de commandes Deliveroo, je quittai finalement le bâtiment de la Zone.
Je retrouvai mon vélo près du clochard à qui je l’avais confié. Ce dernier s'adressa à moi comme si j'étais son père, ce qui était probablement le cas : « Votre Suréminence, avant que vous ne partiez… Juste une question. Vous serait-il possible de parler de mon texte, Jolie fille mais dangereuse, aux types de la Société des Gens de Lettre ? Voyez vous, ce serait un vrai tournant dans ma carrière, n'est-ce pas... si je pouvais bénéficier d’une aide pécuniaire. Car pour tout vous dire, j’ai actuellement pour projet d’écrire une fable animalière particulièrement acide ayant pour toile de fond, et ça devrait vous plaire, le plateau industriel mosel… »
Il n’eut heureusement pas le temps de venir à bout de sa tirade, car le grand beau « Z » arrogant, de guingois, s’était décroché du toit un instant plus tôt, et venait de lui tomber sur le coin de la gueule, anéantissant toute ambition littéraire en lui. "La vie s'écrit parfois toute seule" remarquai-je. Je me mis ensuite en danseuse et quittai La Zone, avec un réel pincement au cœur.
Je retrouvais Andrew à l’endroit précis où je l’avais laissé. Il n’avait pas l’air bien. J'allai lui parler enfin de mon père et lui raconter aussi tout ce qui venait de se passer, mais il s'énerva quand je vins à sa rencontre :
« N’approchez pas. N’approchez pas de moi ! » hurla-t-il, alors que j'étais encore à une dizaine de mètres.
« Qu'est-ce qui vous prend, mon vieux ? »
" Je vous l'avais bien dit, que c'était un quartier de fils de pute. J'ai marché sur une mine. Au moindre mouvement de ma part, elle explose. Qu'est-ce que vous dites de ça ? "
" J'en sais rien. Tractopelle ? "
" Ce n'est peut-être pas le moment de faire de l'humour absurde, votre Excellence..."
" Non, mais vraiment. Regardez... Si on fait venir un tractopelle, on pourra peut-être vous déplacer, c'est à dire vous et toute la terre et la mine qui sont en dessous de vous et donc... vous transporter vers heu... un... Ouais, non, vous avez raison, c'est débile... "
" Écoutez moi bien. Je vais sauter aussi loin que je peux. Vers l'avant. Je vais sans doute perdre mes jambes mais j'ai beaucoup réfléchi, ces trois derniers jours, et franchement c'est la seule solution valable "
Bordel, j'étais claqué tout à coup. Et je pouvais aussi bien parler de mon père à quelqu'un d'autre, s'il fallait. En somme, je n'avais plus aucune énergie à consacrer aux engins explosifs. J'éprouve toujours un grand coup de mou, après la Saint Con. Aussi, tentai-je d'expédier Andrew avec tact :
« OK. Bon, ben… faites votre truc. Moi je démarre la bagnole et je me tiens prêt à vous conduire à l’hosto » dis-je.
« Attendez ! »
"Qu’est-ce qu’il y a, encore ?"
"Vous savez… Je crois que j’ai encore peur de la mort, finalement" se plaignit Andrew.
"Mince. Sans déconner ? En dépit de toutes ces tractions que vous vous infligez chaque jour ? Malgré toutes ces pompes à un bras ? Hein ? Et vos étirements à la con ? Et votre alimentation millimétrée ? Et votre endurance de cheval de trait ? Vous voulez dire que tout cela n’aura pas suffit à vous débarrasser de cette bonne vieille angoisse existentielle ? Franchement, c’est à peine croyable. Vous allez perdre vos jambes et tout de suite, c’est la fin du monde ? Allez, amenez-vous. Vous avez dû marcher sur une connerie inoffensive, de toute façon. Vous vous montez le bourrichon, voilà tout. Et pour votre information, les mines antipersonnel, de nos jours, ça ne fonctionne plus du tout comme ça. Ça ne fait plus « clic », comme dans les films. Aujourd’hui, un gamin ramasse un ours en peluche qui traîne par terre au milieu de la rue et c’est à ce moment-là que…"
La détonation me projeta au sol. J'étais soudain recouvert d'organes plus ou moins vitaux, ayant appartenu à Andrew.
Je restai un long moment par terre, me posant mille questions existentielles à propos de mon défunt coach personnel.
Tous ces gens à la volonté inébranlable représentaient finalement un danger réel pour la société. Qui étaient-ils, au juste ? Des activistes politiques, des prédateurs sexuels, des tueurs en série, des publicitaires, des capitaines d’industrie, des sportifs de haut niveau, des missionnaires religieux, sans oublier Elon Musk…
Il devait bien exister un juste milieu, entre une motivation déraisonnable et se balancer d’un pont surplombant le Rhin, parce qu'on est à court de dosettes à café un beau matin.
Lorsque j'en fus totalement convaincu, je me relevai, enfourchai mon vélo une dernière fois, et rebroussai chemin vers l'homme au veston en cuir.
Notre règne était sans doute derrière nous.
Mais notre amour, lui, était exactement comme une balle de Jokari.
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CTRL X glisse dangereusement sur la pente de la poésie...
"Mais tandis que crépitait la chair wallonne
de cette imbitable conne,
je ne pus retenir mes larmes.""
C’était du tout cuit, cette année. Vous trouvez pas ? Je veux dire, cette fille insupportable qu’on trouve justement, cooomme par hasaaard, dans les conduits d’aération… Vous ne m’empêcherez pas de penser qu’il y a quelques facilités scénaristiques, dans l'ensemble. Et tant pis si ça choque.
Bon.
Je.
Je, je.
#Jesaispaskoidire.
...
CTRL X...
TU AS SU DÉCRIRE L'ESSENCE DE MON ÂME, CTRL X ! PERSONNE NE M'AVAIT JAMAIS COMPRIS JUSQU'À PRÉSENT ! J'EN FR2TILLE PUTAIN §§§ J4AI LES LARMES AUX YEUX... SNIFFF... MËME LA M2CHANCET2 DES ZONARDS 0 MON 2GARD ELLE EST L0 ! ELLE EST L0 LA M2CHANCET2 §§§ Y SONT M2CHANT? M2CHANTS? TOUS M2CHANTS COMME DES PUTOIS §§§
Un seul bémol. Le changement de point de vue du narrateur dans la partie 2, qui passe d'un point de vue interne à un point de vue omniscient, ou interne à Clacker au lieu de CTRL X. Interne à Clacker... CTRL X est DANS Clacker ? Ça explique tout...
Bon. Moi j'ai perdu la Saint-Con. Je retourne manger mes excréments en attendant le vote, mais tout est déjà joué, CTRL X sera de nouveau Grand Inquisiteur. Sextuple Grand Inquisiteur. Sextuple. Sextu...
...
...
... sex...
sexe ?
SEXE !!!!
J'en profite pour faire une petite annonce : il y'aura bien une suite aux aventures de Sodoman : "Sodoman contre Trouduman" (j'en suis à la moitié environ) suivi de "Sodoman et l’énigme du Vagin Carnivore".
Putain CTRL X t'es vraiment, vraiment trop fort. Je ris encore depuis tout à l'heure et j'ai même (vraiment) des crampes abdominales. CTRL X, t'es un génie ! Un putain de génie !
...
...les votes du Grand Inquisiteur en titre comptent double n'est-ce pas ? (non parce que je veux bien coucher pour avoir mon titre de co-Inquisiteur mais y a des limites...)
mec, tu balances des saloperies gratuites sur les gens sans vraiment les connaître. Ma soeur ne s'appelle pas du tout Sylvie. Qu'est-ce que tu dis de ça, gros malin ?
Zorte ze zoleil zoir ze za zélancolie
"Ma soeur ne s'appelle pas du tout Sylvie. Qu'est-ce que tu dis de ça, gros malin ?"
J'essaie simplement de dire que tu devrais prendre un peu mieux soin d'elle. Sylvie est une belle personne.
Je lui ai donné la possibilité de prendre en bouche le sexe turgescent de Dourak, je vois pas trop ce que je pourrais lui offrir de plus gratifiant.
Je ne me souviens pas de cet épisode de ma vie. Dommage, j'aime bien les Sylvie, ça m'évoque les sous-bois, les senteurs d'humus après la pluie, la cueillette de champignon, les mycoses vaginales.
Ce qu'on appelle la sylviculture,quoi.
Je savais bien que ce choix de prénom finirait par se révéler judicieux.
Le clientélisme ne passera pas sur la Zone !
N'empêche, la crémation est quand même un peu facile.
Votez pour moi, mes cons sont cohérents.
Bonjour, je suis noob sur ce site, mais je voulais dire :
Un grand bravo ! Quel art de raconter, et puis, je ne m'attendais pas à trouver un texte réunissant plus de 50 mots de vocabulaire ici.
Vraiment bien.
Quelqu'un aurait-il l'obligeance de nous dépanner de deux ou trois kilos de bromure, vite fait ? Ou de nous bidonner une ordonnance ? C'est pour une urgence, je crois qu'on est en train de perdre le Dégueulis.
J'ai une poussière dans l'oeil.
Putain, c'est long, on dirait un jour sans pain.
C'est ça un tacos alors, en fait ?
C’est long mais c’est bon.
Alors ça, la perruque mauve, c'est sournois, espèce de vieille trompette baveuse.
J'ai bien rigolé.
C'est quand même vachement drôle tout ce bordel.
Au fait, tu peux garder mon lait d'amande douce.
Je pense que ce texte mériterait de gagner n'importe quel concours, ou n'importe quelle course idiote. Comme celle ci, par exemple, à laquelle je rêve de participer, c'est à dire dès que j'aurai fait le deuil de ma colonne vertébrale :
https://www.youtube.com/watch?v=6fora0TmtnU
Ce texte est formidable, on a jamais rien vu de tel, et je n'accepterai aucune critique.
Et ça, même Un Dégueulis l'a compris.
Maintenant respectez ma putain d'autorité et arrêtez de faire comme si Lunatik savait écrire, ça devient chiant. Qu'est-ce qu'on s'en branle, en plus, d'un vague fait divers ukrainien, survenu au siècle dernier... Quelle abominable mascarade. Ressaisissez-vous, c'est un ordre.
T’es aigri et puis c’est tout, parce que j’ai décroché le job chez Pif Gadget à ta place en 1972, à l’occasion de l’opération Scientipif. Mais tu t’es sabordé tout seul, ce n’est pas de ma faute si tu ne sais pas dessiner un chancre mou, ni expliquer le chat de Schrödinger en 16 mots aux 6-8 ans, ni épeler correctement le nom d’une eau de source naturellement gorgée de minéraux et approuvée par l'Académie nationale de médecine pour son effet souverain sur les transits paresseux.
À un moment, il faut prendre conscience de ses limites, et les accepter.
Tu essaies de dire que je me suis Hépar pillé, c'est ça ?
Ok, c'est la guerre.
J'essaie seulement de dire que tu ne sais pas conjuguer les verbes du premier groupe à la seconde personne du singulier ((niveau CE2)(ça ne m'étonne pas que Masturbin redouble son CM1 pour la sixième fois, si c'est toi qui lui fais ses devoirs)
Et éditer lâchement ton commentaire n'y changera rien : bats-toi comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma !
J'avais corrigé avant que tu ne m'affiches. Dieu m'en est témoin.
D'ailleurs, c'est cet abruti de Masturbin qui rédige tous mes messages en commentaire, vu que t'imagines bien que j'ai autre chose à foutre.
Dieu ? Tu parles d'un mec fiable...
On a pas trouvé mieux, sauf peut-être Fabrice de chez Carglass
Mec, au lieu de ressortir du Fabrice-de-chez-Carglass dès que tu es dos au mur, balance-lui plutôt un "Hey machine, va donc apprendre la différence entre seconde et deuxième, et reviens me voir quand tu auras traité tes condylomes dans la bouche !"
Mais fais-le vite avant quand Dourak te ressorte un contre-exemple d'usage par Chateaubriand attesté par le Grevisse de 1307 (édition cartonnée). Et on éditera nos commentaires en loucedé avant de passer pour des guignolos. Au pire, on lui dira d'aller demander à Fabrice de chez Carglass s'il a l'heure, ça devrait le calmer.
JE NE GOOGLERAI PAS CONDYLOMES, foutredieu, cessez donc ce harcèlement !
Tu rates une belle occasion de découvrir à quoi ressemble Un Dégueulis.
Moi j'aime bien les condylomes. Ça donne du goût.
La numérotation des chapitres n'est même pas centrée. Amateurisme, excès de confiance, jokarisme ?
Puisqu'on m'y invite... "En dehors des adjectifs ordinaux composés, on peut employer indifféremment second ou deuxième, aussi bien en parlant de de plus de deux êtres ou objets qu'en parlant de deux [..] [citations de Ac., Molière, La Fontaine] 'Deuxième, dit Littré, ne se dit guère [..], c'est second qu'on emploie le plus souvent. En faveur de deuxième, on a prétendu qu'il valait mieux que second, pourvu que le nombre des objets dépassât deux, second terminant une énumération après premier, et deuxième indiquant qu'il serait suivi d'un troisième, etc. Mais cette raison, tout arbitraire, laisse prévaloir l'usage.'" Grévisse, Le Bon Usage (6ème édition), 1955, §415. Cartonné, mais oui.
ah merde, tu n'as pa la citation de Chateaubriand, Génie, I, 5, 5 dans ton édition ?
du coup ça tombe à plat.
De toute façon, les seconds seront les onzièmes et les onzièmes seront les seconds, d'après Matthieu 20,16.
Vous n'avez pas le monopole de Fabrice de chez Carglass.
Ou plutôt les avant-derniers. Declino.
J'ai pleuré putain, la curiosité est un bon défaut. C'est clientéliste, c'est de rigueur sur les forums, l’entre-soi etc.
J'ai ri et cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé, d'un rire édenté, d’où mon inscription.
Et voilà les mecs, comment on recrute de nouveaux talents, putain ! Il suffit d'écrire des textes géniaux. Le marketing, c'est ma passion.
Bienvenue à toi, Fosard, victime anonyme du scorbut
Nan mais je savais pas que se faire déchausser les dents à coups de rangers c’était une maladie ! Mon dentiste m'a fait un tarif, une pipe avant pour voir ce que ça fait sans et une après, je cache pas qu'une fois mes chicots en place je reprendrais des intérêts dignement en serrant mes nouvelles dents !
Il n'y a pas que le scorbut, il y a aussi l'héro, pour les chicots...
Je me demande pourquoi CTRL X refuse toujours de me laisser renifler ses chaussures.