La barre de métal aux angles aigus était tombée du ciel avec une vélocité foudroyante, coupant littéralement sa compagne en deux, et rebondissant hors de vue. Le bas du corps de la malheureuse était réduit à une sorte de bouillie clapotante, et sa tête se tordait de gauche et de droite dans une effroyable agonie pendant que s’écrasaient autour d’elle sur le sol vitrifié d’énormes gouttes graisseuses. Sa fille n’avait pas eu plus de chance. Tandis qu’elle courait se mettre à l’abri, une gigantesque forme ligneuse lui avait aplati le crâne, la clouant au sol. Sa jolie petite, si menue, si fragile. Une odeur de viande grillée imprégnait l’atmosphère, et le bruit et la terrible luminosité ambiante perforaient ses sens. Protégé miraculeusement par un surplomb, il avait assisté, impuissant, aux drames qui n’étaient que les prémisses de l’annihilation.
Jusqu’alors, la vie n’avait pas été facile pour eux, mais ils avaient réussi à s’organiser ingénieusement. La recherche de nourriture ne posait pas vraiment de problèmes, à condition de sortir la nuit pendant laquelle les chutes, les terribles chutes leur laissaient un peu de répit.
La petite communauté de départ avait prospéré, et le besoin d’espace avait même incité les plus indépendants et les plus courageux à aller s’installer dans les hauteurs, où les conditions de vie étaient plus rudes, les ressources vitales plus rares. Ils étaient plusieurs centaines dans ce petit coin d’univers pourtant hostile, à travailler, baiser, ripailler, lorsque le cataclysme fondit sur eux.
…
Il progressait lentement le long de la paroi, s’aidant des aspérités et des fissures pour se hisser péniblement. Une brume délétère et nauséabonde avait envahi l’espace, empoisonnant toute vie. En jetant un regard plus bas, il aperçut son père écroulé sur la table du petit déjeuner, les membres agités de longs frissons et de crispations spasmodiques.
Révulsé, il détourna la tête, et reprit son ascension en se morigénant et s’aiguillonnant : « plus vite, fainéant, dépêche-toi de monter ton gros cul là-haut, tu veux mourir ou quoi ? ».
Car il avait remarqué que le brouillard létal redescendait lentement, très lentement, mais indéniablement vers le sol.
Mais il était trop tard, ses forces l’abandonnaient. Il ne pouvait plus respirer, ses appuis se dérobèrent un à un, et ce fut la chute vertigineuse. Son corps rebondit lourdement, manquant de peu la tasse de café froid, et s’immobilisa sur la cuiller, à côté de celui de son père. Un immense sentiment d’échec l’envahit, la grande famille des blattes était en train de s’éteindre. Ses longues antennes frémirent et tressautèrent, agitant des volutes de fumigation jaunâtres, puis se figèrent définitivement.
Ça pue la fin du monde.
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C'est marrant, je le lisais justement sur un autre site, il y a à peine quelques jours, en me demandant : mais pourquoi il ne nous l'a pas proposé, l'enfoiré, on n'a pas été sages ?
Par contre, le changement de phrase d'intro me semble d'un effet malheureux, ça crée immédiatement une distanciation.
Exact, pour l'incipit, j'ai quelquefois des éclairs d'imbécillité qui me laissent pantois... après coup. Tu crois qu'on peut remettre la phrase d'intro d'origine ?
Je crois même que c'est l'occasion ou jamais de tester tes superpouvoirs en cliquant sur le lien "éditer l'article" en haut de la page..
...papa ? Maman ?!
Le premier qui parle de Kafka je le tape. Très bon texte à lire puis à relire après avoir pris connaissance du final twist.
On peut pas s'empêcher de penser à Kafka quand on lit ce texte, et à Oggy. Deux très bonnes références.
Lu deux fois, trouvé génial à chaque fois.
Beurk, la blatte dans le café. Surtout froid.
(je teste moi aussi mes super pouvoirs)
What else ?
Un texte court mais brillamment écrit, avec un chouette concept. Chaque mot est à sa place, le twist est cool et sobre. Ben oui, c'est bien. Et on en veut encore.
Let's twist again !
Alors, je ne veux pas faire une redite, mais quand même :
https://www.youtube.com/watch?v=KxQZQ86jJHg
C'était la bonne époque, où l'on pouvait allégrement twister sur la plage, sans complexe.
Oui, je suis un gros réac du twist. 'Faut pas me lancer sur l'sujet.
C'est pas un peu fini, ce vacarme ? Y en a qu'un qui a le droit de twister, ici.
https://www.manner.fi/en/products/twist/
t'as une intuitive break pedal, petit coquin
Pfff, y'a que Dourak qui sait vraiment dancer ici, la preuve en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=y90yaLFoYoA
"travailler, baiser, ripailler"
J'ai le sentiment, dont je ne sais s'il est partagé, que l'emploi du mot "baiser" est un peu vulgaire et celui du mot "ripailler" un peu excessif. J'aurais mis : "à mener une existence certes difficile, mais digne et paisible".
Aussi : "d’échec l’envahit. La grande famille" Meilleur rythme je pense avec un point plutôt qu'une virgule ; mais là encore c'est mon avis personnel.
Schmilblick.
Sprotch.
Le point après "l'envahit", ça se discute. Si la phrase avait été un poil plus longue, c'est ce que j'aurais fait, oui.
Une de mes amies parisiennes a eu une invasion dans son petit appart. Je confirme : ils baisent et ils ripaillent. Si j'avais mis ta formulation (qui est très bien), ce texte risquait de finir dans la rubrique "Pangolins et licornes".
Castor des champs, Castorette des villes.
Heu...non...
Quand on dératise, on dévalise le camp . J'ai trouvé cela bien écrit
Faites pas attention je suis bourré , aussinon très bien écrit hic
Moi j'ai une invasion de morpions, mais mes copines disent que c'est cruel de les tuer donc je les ai dressés.
Dresse plutôt tes copines.
La Zone, repaire de types en plein délirium depuis 2001.
Nan mais ils ont commencé avant, on ne peut pas leur retirer ça.
Putes mais pas soumises ! Non au castoriarquat !
Ceci dit pour 50 euros je peux dresser autre chose, mon Castorinou.
La table ?
Bon d'accord mais seulement si je peux porter mon costume de soubrette sexy.
50 euros, ça va faire cher pour remettre le couvert.
Normalement les fantasmes spéciaux c'est 30 euros de plus ! Là je te fais un prix ! Castoradin !
Allez, la pipe sans la table, sous la table si tu veux, 30 euros.
Revieeeeeeens! 20 euros !