Prologue
- Chère amie ! Mais quel plaisir de vous revoir !
- Bonjour, très chère. Je ne pouvais pas rater ça, vous pensez bien. Vous n’êtes pas sans connaître le bruit qui court.
- Vous croyez vraiment qu’il va le faire ? Annoncer qu’il met un terme à sa carrière ?
- Ce ne serait pas déraisonnable. Il va finir par se couvrir de ridicule. Il radote. Il est temps de céder la place.
- Mais à qui ?
- Personne n’est irremplaçable. Ils viennent d’enrôler un jeune déméritant. Jeune peut-être, mais encore plus délabré que lui, si vous voulez mon avis.
- Vous l’aviez vu à son apogée, au Boeuf sur le toit, pendant l’Occupation ?
- Pensez-vous ? Ce salopard couchait avec les Allemands.
- C’est vous qui êtes bête. Mais non, c’était un racontar. Tout au plus un berger allemand.
- N’a-t-il pas eu une aventure avec cette jeune ennuyeuse… Une petite Émilie quelque chose ?
- Vraiment, je crois qu’il préférait la compagnie des animaux. Vous confondez avec Voltaire.
- Mais, maintenant que j’y pense, n’ était-ce pas avec vous ?
- Vous devez le confondre avec le chevalier de Faublas, et moi-même avec la duchesse du Maine.
- Oh ! Mais, si je ne rêve pas, j’aperçois le Cardinal de Retz.
- C’est étonnant. Il sort si peu. Mais c’est un signe qui ne trompe pas.
- Il n’y a pourtant pas tellement de monde.
- Ma foi, son Éminence nous cligne de l’oeil.
- Mesdames ! Chères amies !
- Vous pensez que ça va être bien ?
- Je voudrais y croire, pour sa dernière danse.
- Avant l’ombre et l’indifférence...
- Hi ! Hi ! Que vous êtes bête, décidément.
Acte I
Au lever du rideau, Dourak Smerdiakov se tient seul debout au milieu d’une scène vide, un bidon d’essence à ses pieds.
- J’en ai vraiment marre de ces conneries. Je n’en peux plus. Tout ça m’est devenu un fardeau. L’àquoibonisme a tout englouti, jusqu’aux consolations du sarcasme et de l’autodérision. Les dernières vaines petites illusions se sont évanouies : je suis aussi con qu’un autre, mais désormais un con triste. Et j’ai toujours été un tocard, même si j’ai pu berner mon petit monde par moments.
Il sort un papier de sa poche et fait mine de déclamer.
- Rondel. C’est un rondel… Pour les ballades, je n’ai hélas plus la force. Le Désespoir... Je ne sais si le style… Au reste, vous saurez que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire. J’invoque la même excuse en sortant des chiottes.
-...Le désespoir tranquille du tocard
Me rassérène et m'étouffe à la fois.
Je ne fais rien de bon de mes dix doigts :
Je vais, je viens, je traîne en mon plumard,
Je m'enthousiasme un peu, oui, certains soirs,
Par accident... Illico, toutefois,
Le désespoir tranquille du tocard
Me rassérène et m'étouffe à la fois.
Par habitude (ou l'abus de pinard),
Je fais des vers de très mauvais aloi
Que je publie sur un vieux site en bois,
Où je partage avec d'autres ringards
Le désespoir tranquille du tocard.
- Non, rien à faire. Plus rien de bon ne veut sortir de ces tripes-là. Bon, c’est comme ça. On va partir sur un bide. Allez, ciao.
Il s’asperge d’essence et sort une boîte d’allumettes de sa poche. Les deux premières refusent de s’allumer mais il parvient à s’enflammer avec la troisième.
Acte II
En raison d’une action syndicale, l’acte II ne pourra pas être joué.
Acte III
Dourak Smerdiakov est toujours en train de brûler au milieu de la scène, s’agitant comme un demeuré et poussant des hurlements pathétiques. Un vortex s’ouvre côté jardin, et un commando d’hommes armés en sort. L’homme de tête, analysant la situation, court décrocher l’extincteur réglementaire en régie et éteint prestement les flammes.
Commandant Alexandru :
- Dourak Smerdiakov ? Vous êtes réquisitionné pour écrire l’Histoire du déclin et de la chute de l’Empire Roumain.
Dourak Smerdiakov :
- Mais ta gueule, enculé de Roumain. Pourquoi tu m’as éteint ?
Commandant Alexandru :
- Les ordres sont de vous ramener vivant par tous les moyens, monsieur.
Dourak Smerdiakov :
- Mais vous me parlez roumain, là, et je comprends ce que vous me dites ?
Commandant Alexandru :
- Vous avez toujours parlé le roumain multiversel, monsieur. C’est votre langue maternelle, celle de l’impératrice Ramona, ainsi que de celle de votre père l’empereur Iancu XIV. Les souvenirs vous reviendront progressivement. On vous a retrouvé, on vous ramène à la maison ! Si je puis me permettre, vous n’avez rien à foutre dans cette époque dégénérée et condamnée, votre altesse.
Dourak Smerdiakov :
- On va dans le futur ?
Commandant Alexandru :
- Euh... Par rapport à ce passé, oui.
Dourak Smerdiakov :
- Et je suis une altesse ? J’ai toujours su que j’étais un être raffiné et délicat.
Un vortex s’ouvre côté cour et un homme seul en jaillit. Il a l’apparence de Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, et il est en flammes.
Plutonium Sextan :
- Aaaaaaaaahhhhhhh.
L’homme roule au sol, se débat contre sa consomption, ouvre la bouche, crache des flammes, du sang, des flammes, du sang, des flammes, etc. Le commando roumain le met en joue.
Dourak Smerdiakov :
- Ça alors ! Plutonium ! Ne tirez pas, c’est mon plus grand fan ! Je parie qu’il connaît par coeur À travers la nuit noire. Hé, Plutonium !
Dourak Smerdikov s’empare de l’extincteur et tente d’éteindre Plutonium Sextan. Mais les flammes reprennent sans cesse et celui-ci finit par s’immobiliser définitivement. Son vortex se referme automatiquement.
Dourak Smerdiakov :
- Décidément, plus rien ne me retient ici.
Dourak Smerdiakov se retourne vers les spectateurs et leur adresse un bras d’honneur.
Dourak Smerdiakov :
- La revedere, tocardi. Eu traiesc în viitor acum.
Il se dirige résolument vers le vortex des Roumains et y disparaît, suivi par les membres du commando. Leur vortex se referme derrière eux.
Épilogue
- C’est pire que tout ce que j’avais imaginé.
- Quelle déchéance !
- Le bout du rouleau.
- Crépusculaire.
- Qu’en a pensé son Éminence ?
- J’ai fait pipi dans ma culotte.
- Vous volez sa réplique à Julia Roberts, c’est mal agir, monsieur le cardinal.
- Je l’ai trouvé fatigué.
- Je l’ai trouvé fatiguant.
- Il n’a pas pu s’empêcher d’ouvrir des vortex. C’est d’un mauvais goût. Ça me rappelle les tourbillons de monsieur Descartes, j’en ai le tournis.
- La prestation de trop.
- Il veut mourir sur scène, comme Molière et Dalida.
- Il n’a plus le sens du rythme.
- Aucun point-virgule. Il les plaçait si bien, autrefois.
- Et ses enjambements ? Ses fameux enjambements ?
- Je jurerais qu’il porte une prothèse de hanche.
- J’ai trouvé ça baroque.
- C’était rococo.
- Il est cuit.
- Il est tari.
- C’est la fin d’une époque.
- Il ne sait plus tout simplement laisser couler une phrase.
- Si c’était vrai pour sa miction…
- Hi ! Vous êtes bête.
- Si au moins l’on voyait ce qu’il a voulu faire.
- Mais était-ce un adieu, à la fin ?
- J’avoue que je n’ai pas compris.
- C’était en breton.
- Cela ressemblait à une langue romane, sans doute du roumain, par élimination, mais je n’en jurerais pas.
Bouffonnerie en trois actes, avec prologue et épilogue.
Personnages :
Dourak Smerdiakov, bouffon versificateur.
Commandant Alexandru, des forces spéciales de l’empire roumain.
Plutonium Sextan, con du futur.
Des spectres.
Personnages :
Dourak Smerdiakov, bouffon versificateur.
Commandant Alexandru, des forces spéciales de l’empire roumain.
Plutonium Sextan, con du futur.
Des spectres.
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étrange. le résumé apparaît correctement au survol du texte sur la page d'accueil mais est tout vérolé sur la page du texte lui-même.
Je trouve tout ça très bon. Même le rondel, c'est dire.
tout twitter en émoi https://twitter.com/search?q=Roumanie&src=trend_click&f=live
C'est de bon goût, en tous cas. Je me sens confus comme les duchesses spectrales. Doit-on y comprendre que Dourak est scénariste de Doctor Who ?
Ou plutôt Code Quantum. Ce n'est pas clair.
C'est une très bonne tragi-comédie digne de la Pléiade roumaine.
Voilà enfin un texte qui semble avoir été écrit bien bourré au Pastis.
Ça manquait.
L'avantage, c'est qu'on finit toujours par rigoler pour rien.
L'inconvénient, c'est qu'il y a une poésie à la con au milieu et qu'on ne sait pas très bien qui brûle qui, ni comment, et encore moins à quelle époque.
L'ensemble me semble avoir été écrit par les Robins des Bois, ce qui fait qu'il s’agit de mon "texte plagié écrit saoul" préféré à ce stade de la compétition.
plus de nouvelles de Dourak depuis 3 jours. Prions pour qu'il ne se soit pas réellement fait la malle en nous laissant orphelins avec pour seul réconfort ce texte testamentaire.
Je pense depuis le début que ce texte est bien plus inquiétant que n'importe quelle toux sèche glissant lentement vers une détresse respiratoire.
Je suis donc assez inquiet, moi aussi.
(s'il s'avère que l'auteur est effectivement décédé (ou mourant), je veux bien récupérer un de ses points pute)
Je refuse que CTRL atteigne les 200 messages sur le forum. Il va se mettre à tout dérégler, il est obsédé par les points pute.
J'avoue que je craignais également le sous-texte de l'oeuvre sus-exposée. Mais ne nous emballons pas, gardons la tête froide et hors de l'eau, prenons le large, ne nous laissons pas aveugler par la détresse d'un abandon chimérique, TMTC, Dourak est probablement en train de se saouler avec des professionnelles tchèques dans un coupe-gorge de Sarajevo, comme ça lui prend parfois. Il nous reviendra rajeuni de 20 ans.
Toujours aucun signe du maître ès sonnet.
Nous guettons inlassablement le vortex qui saura le ramener près des siens.