Ensuite, en admirant les fêlures du béton du mur d’en face, il y avait cette femme qui sortait, de la poche de son manteau, une enveloppe pleine de photos en noirs et blancs ou cramoisis. Des photos évoquant une scène classée X, baignée dans une douce et diffuse lumière crépusculaire, avec un cadavre, étendu au sol, pour avoir tenté de remplacer la photosynthèse des électrons cryptée par la timeline par des tweets macro-organiques.
Il y avait aussi, dans cette chambre d’hôtel, des miroirs réfléchissant des femmes aux décolletés plongeants qui ne parlaient qu’en onomatopées, avec cet air divin, propre aux marquises de leur genre. Dans la pièce aussi, posés sur une table, il y avait des écouteurs qui autorisaient le décollage d’une fusée de la NASA, et, dehors, dans les ténèbres, des cyborgs aux organes projetant des émissions huileuses.
Il y avait encore sur le lit cette fois, parmi les chemisiers à fronces, sa petite culotte en coton blanc et un maillot de corps à minces bretelles ainsi qu’un livre organisé selon les principes taoïstes.
Et puis, le vent hurlant dans les brèches et les gouffres de la ville, des fragments de papier déchiqueté tombaient comme de la neige : des papiers représentant des équations à double inconnue, impossibles à résoudre. Mais déjà le monde entier vandalisait les appareils ravitaillant en kérosène les fusées perdues dans la voix lactée.
Je ne savais plus très bien ce que je devais faire, allumant et éteignant de suite le ventilateur de notre chambre torride qui suintait d’odeurs taurines.
Disparaissant au milieu des ombres profondes de la chambre, je jumelais les composants de la timeline avec l’enveloppe pleine de photos que cette femme mystérieuse me tendait. Mes mains, tâtonnant et cherchant des liasses de billets froissés dans l’obscurité, se hâtaient bêtement de retourner mes poches, fébrilement comme un numéro d’équilibriste.
Pour en revenir aux écouteurs, au bout du fil, il y avait un correspondant qui réclamait un atterrissage d’urgence, et pour terminer la fresque, je vis par la fenêtre un avion survolant de près les gargouilles de la cathédrale Notre-Dame vomissant les pluies diluviennes de la veille.
Parmi les odeurs sèches et nostalgiques des lattes du plancher fraîchement ciré, mon héroïne s’en alla et je remarquais alors, à ce moment précis, l’arrivée des cyborgs en bas de mon hôtel, avec d’étranges queues de kangourou prospectant le bitume froid de la rue.
Je me jetai sur ma chaîne hi-fi ranimant une playlist des chansons de Bashung, et allumais une cigarette. Même si je partais au fin fond de l’univers on me retrouverait : je savais que la colère des cyborgs, arnaqués et piratés par ma timeline, ne ferait pas de pitié.
Cependant, avant de me capturer et peut-être de me torturer, tapant sur le clavier de mon ordinateur portable, je désignais un successeur sur la toile virtuelle qui, avec un bon karma, ferait mieux que moi.
En raflant les salaires répugnants des mercenaires cyborgs par un piratage sophistiqué, j’avais flambé ces derniers jours une cascade de dollars me permettant d’acheter ce matériel informatique sophistiqué et volé à l’armée américaine.
Après ce rafle, tous les autres pirates informatiques rencontraient des difficultés quand ils voulaient percer le système bancaire des cyborgs. Ils avaient renforcé la sécurité des matrices binaires et des algorithmes : tout effort d’intrusion était devenu grotesque.
Une fois au QG des cyborgs, allongé sur une table d’opération, avec un autre robot organique qui avait osé se rebeller contre l’autorité de ses confrères, je demeurai silencieux et regardais autour de moi, notamment l’autre prisonnier.
Au quart de tour, son sang se déplaçait d’une valve à une autre, irriguant ses veines à la fois électriques et organiques, élaborant dans un tourbillon sa future évasion.
Par une trappe ouverte au plafond, j’apercevais, à l’étage supérieur, mon ordinateur avec sa timeline qui était désormais autonome et qui automatiquement cherchait d’autres butins convoités ; elle défilait jusqu’à la déraison.
Les cyborgs via des intraveineuses collectaient mon sang pour l’analyser, en vue de m’implanter un mouchard qui, pendant son incubation, ferait naître des œufs de mouches prêts à éclore, prêts à déchirer mon abdomen en sortant de mes tripes !
Pour me distraire pendant ce moment douloureux, j’imaginais la fin d’une filmographie d’antan, en noir et blanc.
Mon ordinateur ne tolérait pas les clés USB 3.0, les disques durs aux vaisseaux sanguins périnataux forcés d’obtempérer et toutes les machines expropriées comme tout autre appareil qui trimballait des informations contradictoires ; je vis ainsi de la fumée sortir de la machine alors que les cyborgs tentaient de le décoder.
Ses jets de fumigènes bleus s’échappaient en donnant à l’éclairage du laboratoire une teinte crémeuse, puis l’ordinateur, rendant l’âme, ses circuits rejetaient de l’urine sur les murs. Aussitôt les cyborgs débranchèrent les intraveineuses parcourant mon corps et décidèrent de passer à la transplantation du mouchard avant que les douches de la sécurité incendie se mettent à fonctionner.
Ne pouvant plus parler, en morse, je leurs répondais d’aller se faire foutre tandis qu’ils m’inséraient un long fil tumescent dans mon oreille droite.
Une fusion mortelle s’ensuivit et me fit basculer dans la léthargie ; quand je me réveillai de ce cauchemar, de l’encens se répandait dans l’air et dans les bassines du laboratoire, où le sang mûrissait patiemment.
LA ZONE -
D’abord, sur l’écran de l’ordinateur, il y avait une timeline défilante de matrices binaires, une timeline cachée parmi les raccourcis claviers de cette étrange machine, qui dirigeait sur des sites dissidents, aux processeurs crocodiliens.
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
un bon gros spoil de blade runner 2