J'avais été plutôt surpris lorsque Victor m'avait proposé d'aller "voir un poney". Mais comme selon lui "Pompon est un poney vraiment super chouette", qu'il avait insisté pour que je vienne, et que je n'avais rien d'autre à foutre cette après-midi là, j'avais accepté. Je me retrouvais donc à arpenter la campagne normande sous son ciel gris coutumier ; j'escaladai la porte de son parc, suivant un Victor semblant très content de retrouver "son vieil ami Pompon". Et il était là Pompon, gris et placide, mâchouillant son herbe, et c'est vrai qu'il était mignon.
- Pompon ! cria Victor en écartant les bras. Le poney eut un sursaut et recula un peu, toisant l’intrus sous sa mèche sombre.
- Tu lui as fait peur.
- Oh, désolé Pompon. Tu te souviens de moi ?
Il cueillit une bonne touffe d'herbe qu'il présenta à l'animal, qui resta à le toiser, reprenant sa mastication. Je tentai à mon tour ma chance, et parvins à l'approcher, jusqu'à lui flatter le museau. Il n'était pas bien farouche. Victor arriva, et lui caressa l’encolure. Pompon n'était pas impressionné.
- Ben alors, tu tires la gueule ? C'est comme ça que tu accueilles les amis ?
Le poney ne répondit pas, ce qui sembla surprendre Victor. Il soupira.
- Pas très bavard aujourd'hui dis-donc.
Pas de réponse.
- Bon, tu te souviens de Muguet ? Ouais, je suis sûr que tu te souviens de Muguet. Il m'a dit que tu avais quelque chose pour moi.
Pas de réaction. Victor commença à passer sa main dans la longue crinière grise, ce qui agaça Pompon, qui s'ébroua et s'éloigna de quelques pas en soufflant.
- Ok, très bien, tu veux jouer à ça.
- Mec, je rêve ou tu es en train de t'ennerver sur un poney ?
- C'est pas un poney, c'est une sacrée tête de con.
- Et t'espères qu'il va te répondre.
- Ben ouais. Je lui ai posé une question, ce serait plus poli.
- Tu sais que ça parle pas les poneys ?
- Tout le monde se met à parler quand on sait comment s'y prendre.
Les choses prenaient une tournure désagréable. Victor n'avait jamais été un modèle de stabilité, mais jusqu'à présent il semblait ne jamais s'en prendre aux animaux. Je commençais à craindre pour Pompon. Mon compagnon instable ramassa une nouvelle gerbe d'herbe et s’approcha, en se baissant, de l'animal craintif.
- Allez petit poney, sois gentil, j'ai de la bonne herbe pour toi, mmm, tu en veux ?
- Ca te dirait de se casser ? On a vu Pompon, il est mignon, t'avais raison, mais on ne va pas non plus y passer la journée. Qu'est-ce que t'en dis ?
Il se redressa et soupira, encore.
- T'as raison. Ouais. Finissons-en.
Il commença à fouiller dans son sac-à-dos. Le poney nous observait en coin, sans doute dérangé par les bruits que faisait cet énergumène. Victor s'arrêta, la main toujours dans son sac. Regardant Pompon, il me parla à voix basse.
- Ok, c'est bon. Je vais m'approcher de Pompon pour essayer de l'attraper.
- Hein ?
- Toi, tu vas marcher vers la gauche, comme ça si il s'enfuit tu peux le bloquer. Tu lui fais-lui peur, en levant les bras.
- Attends, c'est quoi ton problème ?
- C'est ce poney mon problème mec, fais-ce que je te dis, tu vas voir.
Il ne me laissa pas le temps de répondre et marcha à pas lent vers le petit animal nerveux. Je décidai de l'arrêter, les conneries avaient assez duré. Mais Pompon décida alors de détaler, fuyant sur ses petites pattes, nous dépassant et courant vers l'autre bout du champs, avant de s'écrouler d'un coup dans un hennissement. Il y avait eu un coup de feu. Victor avait un flingue en main, il se mit à courir vers l'animal blessé, qui ne parvenait pas à se relever. Je le suivais en jurant.
Le cinglé attrapa le poney par le haut de la crinière, lui maintenant la tête haute, et lui mit sous le regard un long truc clair, qui ressemblait à une queue de cheval. Pompon roulait des yeux terrifiés et tremblait.
- Tu sais de qui elle vient cette queue pas vrai Pompon ? Ce serait dommage que je doive lui couper autre chose non ? Hein ? Qu'en penses-tu ?
Alors Pompon le poney gris lui répondit, d'une voix chantante déformée par la douleur et la terreur.
- Non, non, pas Pépite, ce que tu veux, mais ne la touche pas.
- C'est un peu tard pour y penser non ?
- J'avais prévu de passer te voir, tu sais, je te promets, tu sais que c'est pas facile en ce moment mais
- Où est le paquet ?
- Attends, demain, demain tout sera bon,
- Donne moi le paquet où je butte Pépite !
- Dans ma crinière, la crinière, prends-le, mais ne touche pas à...
Pompon s'effondra dans la verte prairie, achevé de deux balles dans le crâne. Victor fouilla un temps la longue crinière grise, pour en retirer avec peine un petit paquet très bien emballé. Il revint vers moi un peu hagard, s'essuya le front, rangea son merdier dans son sac. Il reprit son souffle.
- Cassons-nous.
Pompon le poney était tout gris. Avec sa longue crinière qui lui tombait sur la figure, il avait une sacrée bonne bouille. Peinard dans sa prairie, il ne cherchait pas les embrouilles, il paissait sans mot dire. Pompon était plutôt sympa. Pompon était l'ami des enfants, il les laissait caresser sa jolie robe. Pompon était vraiment mignon. Pompon allait bientôt mourir.
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ça fait du bien de lire du Hag. Espérons qu'il poste des contributions plus souvent.
Bien marrant, ce qu'il faut de déjanté.
un texte qui mérite plus de deux lecteurs et plus de deux commentaires aussi.
Ah ben voilà, terrib', j'ai saisi quand il a mis la main dans le sac - l'algérie peut-être... - et après tout, tant qu'il ne le mange pas après l'avoir tué, c'est végan, voilà un bon polar végan ; ou une castration symbolique - il n'a pas sucer le poney mort, comme le veut l'adage - autant dire un pamphlet essentialiste.
Oh le page-turner !!!
ah non, c'est pas ça ???
En effet, un texte sombre, débile et violent, totalement calibré pour La Zone. Ce qui me provoque un paradoxal vent de fraîcheur nostalgique dans les sinus.
Le Pompon de l'illustration ressemble quand même bougrement à un âne (en pantalon, qui plus est)
Mais le texte, lui, est parfait.
C'est une bien triste époque où un cri contre le javascript peut-être considéré comme zonard, alors qu'il ne s'agit que de bon sens. Mais même le bon sens va devenir zonard à ce rythme.
Ce qui n’empêche : technologie web mes couilles. Lorsque viendra l'heure du jugement, ceux qui ont inséré du web 2.0 sans raison dans des sites tout-à-fait fonctionnels verront leur corps et leur âme brisés à coup de racks de serveurs dans le fondement. En vérité.
Bonjour sinon. Ce texte est sans doute une vengeance, puisque je me suis fait électrocuté par un poney il y a quelques mois.
C'est le premier texte que je lis sur la zone depuis deux bonnes années, et ça parle d'un poney.
Bon.
C'était bien, maintenant je vais essayer de trouver un texte avec des chats qui gambadent et des bébés moufettes.
Merci
Il fut une époque où je n'aimais pas non plus le javascript. Je pensais que c'était un chihuahua. Pas le javascript, Pimpon. Et j'aurais dû lire ce texte tellement plus tôt. Je n'avais pas été autant bouleversé depuis la chèvre de monsieur Seguin (c'est purement littéraire).
5. Euros pour venir chez vous pour le week-end de chez ma grand-mère et je vous souhaite une très bonne après-midi bisous à bientôt Amigo merci cordialement bonne soirée à toi et aux éditions baudelairiennes
Des éléphants se trouvent et se retrouvent dans le métro à Garibaldi pour bouffer des textes sauvages en les précipitant dans le véritable 56.0 et authentique chocolat chaud bien crémeux et bien frappé en vodka tequila à l'entrée du bar de la terrasse de ce midi édenté exposé
3.
Les micmacs en talons aiguilles pourrissaient le 4 mars 2019, avenue du bûcher de la Saint Con comme un algorithmique des nouvelles littéraires franchement connectées en dose de nicotine chargée.
HaiKulysse c’est bon pour toi et tu es très bonne journée à bientôt bisous bonne journée à bientôt peut-être