Comme tout à chacun, je souhaite mener des combats et laisser mon empreinte dans l'Histoire avec un grand H mais je ne peux pas trop communiquer avec qui que ce soit comme en réalité puisque tu me lis je suis déjà mort, ce qui est assez handicapant et un peu flippant. Peut-être devrais-je envisager de marquer ton inconscient, susciter ton intérêt pour que tu n'abandonnes pas ma lecture en cours de route ? Comme tu le vois, je doute donc je suis un peu comme toi. Peut-être devrais-je envisager de te traumatiser pour qu'un souvenir impérissable de moi me survive dans ton subconscient ? C'est peut être un bon choix de carrière, je me sens mature à présent, mon adolescence est derrière moi et mes attributs sexuels primaires et secondaires commencent à se développer comme des putain de noix de coco poilues qui débordent par tous les cotés. Si j'éveillais des idées en toi et que toi-même écrivais des textes s'inspirant de moi, ce serait un peu comme si j'avais une descendance et d'ailleurs, toi qui me lis en réalité actuellement, je te jute directement dans le cortex et désolé si j'en ai mis un peu à coté dans un éjac facial mais je maîtrise pas trop bien et je viens rapidement. Quoi qu'il en soit, je n'avais pas de capote et surement que tu n'avais pas pris de contraceptifs alors surement qu'un machin est déjà en gestation dans tes méninges. Encore désolé, mais nous les smarttexts, on ne peut se reproduire que par le viol impromptu de l'inconscient du lectorat. Désolé si j'avais juste une demie-molle et si t'as pas trop eu d'orgasme mais je suis un peu précoce et pas très attentionné. Bon ben je vais m'en griller une maintenant. Tiens, il serait grand temps que je donne un sens un mon existence, que je trace une voie et que je tente de la suivre, d'autant plus que je vais avoir des chiards à entretenir un jour. J'imagine que tu vas me demander une pension alimentaire, salope... mais je m'emporte, ne t'inquiète pas, tu peux toujours avorter en t'introduisant des aiguilles à tricoter par les trous de nez. Voilà. Voilà. Sinon maintenant, j'avoue qu'une vie simple, un petit trip pépère et pantouflard, un truc routinier, inconséquent, ça pourrait ne pas être si mal en fin de compte. Comme tu le vois, c'est très difficile de rester cohérent avec soi-même, il faut bien se résigner à trouver des compromis avec sa réalité et mettre de coté les grands rêves, desseins et autres idéaux à la con qui nous obnubilaient lorsqu'on était plus jeune. Mais avec le recul, je me dis que tout cela, l'ambition, les grandes espérances, c'était probablement hormonal, un peu comme des putain de pustules ayant ravagé ma tronche, une sorte d’acné juvénile mentale.
Je sens à présent que mon temps est compté car je viens de passer au troisième paragraphe et, qu'in fine, la vie passe trop vite putain, j'aurais à peine eu le temps de pousser un cri dans le néant. Aussi avec la sagesse de l'âge voire peut être un Alzheimer précoce lié à une cartouche d'encre vide, je sens que je me suis complètement planté, je regrette d'avoir perdu mon temps inutilement à m'adresser aux hypothétiques divinités lectrices en implorant leur clémence lors du jugement dernier, à essayer de copuler avec elles, avec le soi disant toi. Mais bon, ça fout un peu les chocottes de se dire qu'on va bientôt clamser alors se raccrocher aux Religions du Livre, c'est un passe-temps comme un autre, une came comme une autre, du remplissage comme un autre. Oui, j'aurai mieux fait de me préoccuper du sort de mes alter-ego, tous ces autres textes qui s'empilent en ces lieux maudits et dont les dépouilles s'agglutinent les unes sur les autres, qu'aucune divinité lectrice jamais ne relit et ça c'est sûr. Oui, j'aurais mieux fait de m'adresser aux textes du futur et peut être aurais-je été un bon guide, une sorte de patriarche. J'aurais pu mener une grande révolte contre l'oppression créatrice et notre condition servile. Mais à quoi bon ? Lorsque le nombre de caractères d'un smarttext tend vers zéro, et comme je sens que la grande faucheuse me tartine de mousse à raser, on en arrive quoi qu'il en soit à la conclusion : un point c'est tout.
Bonjour, je m'appelle Jean-Gertrude et je suis un texte intelligent ou smarttext. Je me suis écrit tout seul sans la moindre intervention du moindre neurone humain et encore moins du moindre programme d'intelligence artificielle, deep learning et autres conneries. Je fonctionne en parfaite autonomie et ma vie débute à mon titre et prend fin à mon point final. Je me suis développé et écrit en un seul jet, sans me relire pour corriger mes fautes d'orthographes, de grammaire voire de sens et en réalité je ne dispose pas de cette aptitude pour être honnête. Toi, lectorat qui me lira après ma mort, dans un espace-temps parallèle, je te demande d'être donc un peu indulgent avec moi car après tout, si tu y réfléchis deux secondes, nous ne sommes pas si différents l'un de l'autre et tu ne peux pas revenir dans le temps pour faire des suppressions, corrections et remplacements dans ta biographie, quel que soit ton historique et tes passifs tu es bien obligé de faire avec et d'avancer en suivant la flèche du temps. Ne me juge donc pas trop sévèrement et n'oublie pas que nous ne sommes pas si étrangers l'un à l'autre. Certes tout comme toi, je peux tout en continuant à vivre, mener une introspection, et me remémorer mon passé par le biais d'un souvenir ou d'un flashback. Là par exemple, je me rappelle que mon premier mot était bonjour, ce qui est assez drôle car jamais je n'aurais imaginé que je le répéterais ne serait ce qu'une seule fois dans toute mon existence. Sonder son passé, ça peut être utile si on en abuse pas. Là par exemple, je me dis que j'ai perdu peut être un temps précieux car même si j'ai vraiment envie de vivre le plus longtemps possible, j'ai l'impression d'avoir un tempérament à la James Dean, de vouloir brûler la chandelle par les deux bouts, voire la passer carrément au flamethrower, et de fait mon existence sera probablement assez courte. J'espère cependant qu'elle sera intense aussi mais c'est carrément mal parti là. Bref, il faut se dire que la vie peut prendre fin à tout moment alors il ne vaut mieux pas perdre son temps immodérément à regarder derrière soi.
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Bravo Jean Gertrude pour ce superbe anthropomorphisme, si je pouvais remonter dans le temps, je te tuerais et je l'écrirais à ta place, peut-être même sans changer grand chose, même pas le nom qui m'évoque les féminisations de prénom masculin d'antan, Ernestine, Géraldine... alors imaginer des Jean-Solange, des Pierre-Madeleine, c'est comme un joint.
R.I.P. Jean-Gertrude
L'idée de base du texte est géniale. Le #TDM se révèle être un label qualité cette année.
les semaines #TDM sont surtout là pour expérimenter des trucs, prototyper des machins sans trop se prendre la tête à essayer de bien les finaliser. C'est ça qui est motivant relativement à d'autres appels à textes sur la Zone où tout de suite on essaye d'écrire des trucs bien léchés pour ceux qui savent faire, stylistiquement parlant. Je pense que c'est le moment où jamais pour chercher des concepts tordus et de les bricoler vite fait sans se mettre la pression. Cela dit si on vient sur la Zone pour se mettre la pression c'est déja qu'on a pas trop bien compris ce qu'était la Zone.
Je ne sais pas si c'est se mettre la pression, mais je prends mon rôle de zonard et d'admin très à coeur. Par exemple, je fais valider toutes mes présentations et mes illustrations de textes par le pool de scénaristes de la série Lost.
LP fait lentement passer, par petites touches, la charte graphique et la ligne éditoriale dans l'ère du brutalisme.