On avait convenu que chacun des Jack à tour de rôle déciderait indépendamment des 3 autres quel serait l'activité et le contenu de son afterwork et qu'on le découvrirait le jour même. Nous ne tenions absolument pas a ce qu'il y ait de leader au 'carré de valets' et c'était le meilleur moyen de s'en prémunir tout en garantissant que nos rencontres ne seraient pas stériles, qu'elles se traduiraient par des actions concrètes, qu'on ne passerait pas quelques heures par mois à se tirer la nouille perdus dans des discours egotrips de symbiotes auto-satisfaits qui ne mèneraient à rien. On partageait les mêmes constats et objectifs que les mousquetaires mais il était hors de question d'employer la même méthodologie stérile. Alors qu'ils alimentaient le fils des chaînes d'information continue de leurs multiples actes de vandalisme et actions d'éclat superficielles, en fin de compte cela desservait leur combat : nos concitoyens les considéraient majoritairement comme des terroristes et le système qu'ils combattaient en avait fait ses gigolos. Les mousquetaires quoi qu'ils en pensent, tapinaient pour les bureaucrates et oligarques qui engrangeaient de copieux bénéfices publicitaires en storytellisant à outrance, sur les média qu'ils contrôlaient, leurs attaques. Nous nous construisions en opposition aux mousquetaires. Nos actions seraient secrètes et nos idées s'insinueraient dans l'esprit de nos concitoyens sans que personne ne puisse ni les récupérer, ni les exploiter commercialement. Nos exposés allaient nourrir la réflexion personnelle de chacun de nous, puis on passerait à l'acte par étapes sans pour autant désigner un meneur mégalomane. Il avait été convenu que Spades serait celui qui ouvrirait le bal.
"Contemplez avec tristesse, ce que nos aïeux et contemporains ont fait de l'Eden mécanique !", Entama-t-il son speech en faisant de grands signes avec ses bras nous invitant à observer la nature, "La plaine industrielle est morne et rongée par la ville et ses technologies gadgets. Ces lieux sont tristes et monotones avec leurs champs sous serre à l'abandon et ces milliers de carcasses de drones rouillés, vestiges de la Grande Escroquerie que chacun s'emploie à oublier avec peine. Il y eu des machines pilotées par des humains mais elles laissèrent place à tous ces semeurs robotisés, aux intelligences artificielles OpenAI bancales qui ne s'avérèrent être que des jouets sans la moindre utilité viable à moyen terme. Les usines dont on peut deviner les ruines plus loin étaient certes noires et pas très esthétiques, la vie y était difficile, mais au moins ces fabriques nous permettaient-elles de vivre alors qu'aujourd'hui nous survivons. Où sont les vieilles gares et les petits villages ? Rasés pour laisser place à cet hideux Hyperloop inter-mégapoles, cet engin bâtard qui fonctionne une fois sur cinq, ces technologies merdiques, ces doubles tubes surélevés qui défigurent nos anciens sites d'agriculture et d'élevage industriels et dans lesquels se déplacent des capsules ridicules transportant voyageurs et marchandises, lorsque par miracle les systèmes de génération de champs magnétiques, les moteurs à induction linéaire, mécanismes à dépressions et coussins d'air, daignent fonctionner. Bordel ! Cette technologie est le plagiat à grande échelle des réseaux de tubes pneumatiques inventés par l'écossais William Murdoch dans les années 1800. La plaine industrialisée que je me remémore si belle et fonctionnelle a été phagocytée par la transition numérique foireuse, par ces objets connectés désastreux, ces drones d'agriculture en particulier, que le plus crétin des pilleurs de métaux pouvait facilement pirater et détourner, rediriger vers son propre hangar pour les désosser et en revendre les pièces détachées au marché noir. Oh oui, mes amis, nous avons bien été bernés et des souvenirs de môme de ce que mes parents désignaient par bruits, pollutions et pourriture et qui égaillaient ces lieux de manière fonctionnelle et utile pour le bien commun, inondent avec nostalgie ma mémoire. Les gens se plaignaient de ne plus pouvoir voir le soleil ? Ces disgracieux complexes SolarCity quadrillant le moindre recoin, automatisés, robotisés et surtout totalement dysfonctionnels, leur prennent et le soleil et le travail. Ils se plaignaient d'être devenus les engrenages d'un système qui les usait et les broyait avec le temps. Aujourd'hui ce sont toutes ses formations bidons, tout cet endoctrinement par le développement personnel qui les détruit mentalement à petit feu jusqu'à ce qu'ils deviennent fous et soumis. Ils regrettaient le travail en contact avec la nature, le calme d'autrefois et les oiseaux ? Que donneraient-on aujourd'hui pour revenir à cette glorieuse époque industrielle ? Se serait une joie de suer avec zèle sur une ligne de production contre un salaire et la promesse d'une vie décente. Aujourd'hui les puissants de l'Europe et des États-Unis ne jurent que par la finance pour tenir tête à la Chine et à l'Inde et jouent en bourse contre leurs propres serfs qui ne leurs sont plus utiles à rien si ce n'est à faire tourner l'industrie des antidépresseurs, elle même ironiquement délocalisée, soit dit en passant..."
On nous traite comme du bétail et c'est ce qu'il y a de plus dégueulasse, valdingués de points A en points B, d'enclos en enclos, jamais dans les verts pâturages, pour honorer des deals entre copains, politiciens locaux véreux, bureaucrates concussionnaires, présidents d'associations et centres d'éducation aux dents longues, qui se renvoient des ascenseurs, financent des partis, piochent allègrement dans le trésor public dont ils dilapident les caisses. Voilà qu'un de ces bergers abrutis entreprend de m'expliquer mon pic de carrière en employant des métaphores. "Les lois de Kepler et Newton prévoient que la plupart des choses qui montent doivent retomber. Théoriquement si on atteint la vitesse de libération du corps céleste que l'on souhaite quitter, ça ne se produit pas.", Ces intervenants en centre de formation-réinsertion nous baratinent sans cesse avec leurs théories absurdes, ils savent très bien qu'on pense qu'ils ont de la merde à la place du cerveau mais qu'on se retient bien de le leur faire remarquer, car il sont encore plus méchants que cons, que leur courroux serait terrible si on les titillait un peu trop, "Ce n'est pas parce qu'on brûle une grande quantité d'énergie au décollage, qu'on dépasse rapidement cette vitesse de libération, que le succès est garanti.", Ils ne cessent de répéter que nous n'avons pas confiance en nous et nous balancent des phrases absurdes toutes faites, des concepts idiots et dégradants dérivés du personnal branding, des parallèles fallacieux avec des lois de tas de domaines de la physique et de l’ingénierie transposés abusivement dans le champ des sciences sociales, "Si une avarie survient avant que l'altitude de libération n'ait été atteinte, si elle entraîne la chute brutale de la propulsion, une dépressurisation du cockpit...", Ils nous bourrent le mou et leur hiérarchie est complice parce qu'ils savent parfaitement qu'il n'y a aucune chance qu'on retrouve un jour un boulot ,"...voilà que la gravité officie seule de nouveau, voilà même si nous distinguions nettement la poussière des anges et les astres au dessus des nuages, presque à portée de main, que la fange au sol se rappelle à nos bons soins...", Ces fils de pute sont en mode jeu de rôle cynique mais ils savent parfaitement que toutes ces conneries ne nous aideront pas,"...et cette même fange massive nous happe littéralement, pour rapidement nous plaquer tout contre elle à nouveau, comme une mère autoritaire et possessive dont il serait impossible de quitter le giron.", Parce qu'en fin de compte, la seule à qui leur baratin est utile, c'est toute la chaîne de corruption. Si nous n'étions pas aussi nombreux à ne plus avoir de taf, eux-même et toute leur hiérarchie vérolée n'auraient pas de travail, tout comme nous autres et ceux qui sortent de taule, et nous errerions tous gaiement à ne pas savoir quoi foutre de nos journées, si ce n'est candidater à vide auprès d'entreprises de moins en moins nombreuses, assaillies par les candidatures spontanées qu'elles ignorent. Ces candidatures spontanées sont d'ailleurs à présent proscrites et considérées par la loi comme des tentatives d'attaques par déni de service distribué. La part des chômeurs largement majoritaire au sein de la population active doit être sévèrement encadrée sinon les exclus deviennent des saloperies de flooders nuisibles.
Après son speech un brin mégalo, Spades s'agenouilla sur sa valise et l'ouvrit. Clubs, Diamonds et moi-même découvrîmes bouche bée, son étrange contenu. Il y avait 4 phazers à pulsions électromagnétiques condensées, des armes létales chargées donc, et un grand bocal percé d'une myriade de petits trous sur son couvercle contenant plusieurs dizaines de petits lézards en grande partie des hémidactyles verruqueux, des acanthodactyles communs, des algyroïdes de Fitzinger et des psammodromes algires. Spades tendit à chacun de nous autres une arme dont le cran de sûreté avait été déverrouillé et concluait son discours tout en sifflotant : "Voici ce que sont nos ennemis : des putain de reptiles, j'en suis convaincu. Et je sais très bien que nos détracteurs chercheront à nous décrédibiliser en s'appuyant sur ces théories conspirationnistes de geeks sur les réseaux sociaux. Je ne vous parle pas de ces conneries de Reptiliens, ces absurdes thèses d'extraterrestres hominidés ayant des dinosaures pour ancêtres et venus du trou du cul du cosmos pour nous envahir et nous foutre dans un grand garde-manger, non, je vous parle de sombres connards infoutus de faire preuve de la moindre empathie envers leurs semblables, dominés par leur cerveau reptilien, la plus ancienne et basique des parties dans l'évolution de cet organe extraordinaire, celle qui assure les fonctions vitales du corps en contrôlant, la fréquence cardiaque, la respiration, la température corporelle, l'équilibre, celle qui comprend le tronc cérébral et le cervelet, celle qui pousse les êtres qu'elle domine à se nourrir toujours d'avantage, tout dévorer pour leur propre survivance et pérennité dans le total déni de leurs alter ego. Nos ennemis sont ainsi comme ces lézards dans ce bocal, bloqués au même stade de l'évolution des espèces dans leur mode de pensée sauf que ce qu'ils dévorent ce n'est pas de l'air, de l'eau, de la nourriture, mais le pouvoir et les richesses, à pleine dents et en écrasant tous ceux qui se trouvent sur leur chemin. Ils sont malades et incurables même s'ils dominent tous les autres par leurs peurs et obsessions primales débridées." Spades projeta violemment le bocal sur la terre de la plaine. Il éclata en milles morceaux en impactant un des vieux drones agricoles rouillés et les hémidactyles, les acanthodactyles, les algyroïdes et les psammodromes se dispersèrent dans tous les sens en une fraction de seconde. "Shootez-les ! Shootez-les tous ! Qu'il n'en reste pas un seul." Le speech nous avait plongé dans une sorte de transe frénétique. Nous ne cherchions même pas à faire preuve de commisération. À grands jets de plasma, en pointant méthodiquement une à une les bestioles avec nos phazers automatiques et en gardant le pressoir de la gâchette enfoncé, on décimait les lézards qui s'enflammaient et explosaient comme du pop-corn lorsque nos faisceaux électromagnétiques condensés les atteignaient. "Le lézard grillé doit avoir le goût du poulet...", Entonna Clubs tout excité. "C'est vrai que ça sent comme chez KFC.", Ajouta Diamonds en nage. Pour ma part, je m’abstenais de quelque plaisanterie malsaine que ce soit. Un malaise me gagnait, non pas que j'eus trouvé nos actes contres ces animaux, horribles, ou que j'en éprouve des remords, j'avais comme l'impression d'avoir agi de manière impulsive, irréfléchie, comme sous l'emprise d'un vilain mentaliste, et j'avais honte de ma faiblesse. Tout comme les autres, je conservais précieusement mon arme, moi qui n'en n'avait jamais possédé. Nous convînmes que Diamonds officierait le prochain meetup. Puis nous nous dispersâmes, chacun rentrant seul comme il était venu.
Il fut un temps, pas plus de 5 ans, pendant lequel les formateurs en développement personnel avaient été remplacés par des chatbots. L'échec cuisant de cette réforme aurait dû mieux être analysé car il préfigurait l'effondrement de la bulle de la nouvelle économie qui allait suivre, cet épisode historique plus communément connu aujourd'hui comme la Grande Escroquerie. Bien sûr, les chatbots basés sur OpenAI se révélèrent totalement inadaptés pour donner des leçons de vie aux humains. C'était un comble tout de même, de la matière inerte expliquant pourquoi il fallait vivre à des chômeurs de longue durée et à d'anciens prisonniers. Les bureaucrates avaient tout de même osé tenter l'expérience pour réduire le coup des formations de réinsertion. Confier à des machines le bon soin de remotiver des humains, les aider à reprendre confiance en eux, sortir de la dépression, se remobiliser pour retrouver un emploi, c'est probablement l'idée la plus con de tous les temps, accouchée par le ministère du travail. Je me remémore 5 années ubuesques ponctuées de dysfonctionnements loufoques. L'intelligence des chatbots résultait de systèmes neuronaux et algorithmes d'apprentissage des librairies OpenAI. Elles s'étalonnaient sur la durée tout en interagissant avec les groupes. Un transfert évident de notre désespoir s’opéra et notre affliction fut probablement convertie en big data puis en constellations d'équations hideuses et milliards de lignes de scripts difformes. Certaines interfaces se mirent à divaguer prônant activement le suicide, digressant sur les manières d'en finir avec l'existence optimalement, expliquant que la folie furieuse était la seule issue possible pour sortir du burn-out avant d'imploser spontanément. D'autres imploraient qu'on mette fin à leur existence inutile, élaboraient des stratégies pour harceler les chômeurs, excéder les plus fragiles qui finissaient par craquer et dégommaient les machines puis mettaient fin à leurs propres jours. Les pires des chatbots furent tout de même ceux qui réussirent à subsister sur la durée, puisqu'ils se mirent à théoriser de monstrueux concepts invasifs de développement personnel next gen. La plupart de leurs élèves durent être internés dans des instituts psychiatriques puisqu'ils ne voyaient dorénavant la vie qu'au travers d'une sorte de filtre Deep Dream mental nietzschéen rajoutant des yeux surnuméraires d'animaux un peu partout dans leur perception psychédélique de la réalité. Le programme d'enseignement chatbot prit fin dans un scandale qui fit tomber le gouvernement de l'époque et tous les formateurs en réinsertion furent remobilisés pour s'occuper des légions d'exclus traumatisés qu'il fallait encadrer de nouveau en présentiel.
Diamonds faisait partie de la dernière caste ouvrière encore existante, celle des code monkeys. Nous n’eûmes pas à l'espionner pour le découvrir, il nous le dévoila de lui même en organisant en mars 2032 son propre meetup au sein de l'openspace de coworking où il travaillait. D'ailleurs, il m'avait demandé un mystérieux service lors de l'organisation de l'événement online, et je ne le lui avait pas refusé puisqu'il était trivial : copier quelques fichiers sur une clef USB depuis mon centre de formation. Code monkey était le dernier métier accessible à toute personne qui n'était pas rentière, héritière et dans la capacité donc de spéculer en bourse pour se dégager un salaire mensuel. Tous les autres métiers avaient disparu ou muté de telle manière que seul un code monkey puisse s'en saisir. Pour occuper n'importe quel poste, il fallait savoir programmer, trifouiller le code des outils numériques et maîtriser le hardware par lesquels le savoir faire de tout corps de métier s'opérait. Comme le nombre de postes disponibles avait drastiquement été réduit par la création de plateformes optimisant les productions et réduisant scandaleusement les coûts, une discrimination à l'embauche se généralisa : les meilleurs programmeurs obtenaient les postes quel que soit le secteur d'activité considéré, et même pour les tâches les plus ingrates et les moins rémunérées. Être ingénieur logiciel fut rapidement un prérequis indispensable à une ère où programmer équivalait tout simplement à pouvoir s'exprimer et communiquer avec les autres. Tout chômeur aspirait donc à obtenir les meilleures formations pour mettre ses compétences informatiques à jour. Une compartimentation par échelons permettait d'y accéder en théorie. Il s'agissait en réalité d'un trou noir bureaucratique dont il était impossible de s'extirper, les formations qualifiantes étant très rares puisque trop coûteuses, tout était fait pour épuiser les exclus dans les échelons inférieurs sous le baratin furieux du développement personnel, au fond de la nasse, la tête sous l'eau. On voyait bien de toutes façons que les turnovers en entreprises se basaient exclusivement sur le recrutement des très jeunes diplômés, que les salaires étaient tirés vers le bas, que tout était prémédité pour que les actifs réels soient des stagiaires et apprentis, rémunérés en pourcentièmes de SMIC et en échange d'aides importantes de l'état pour les recruteurs. Paradoxalement la plupart des formateurs que je rencontrais, n'avaient pas la moindre notion de programmation. L'inversion des valeurs de la méritocratie plus on descendait les échelons était le reflet de tous ces dysfonctionnements que l'on vivait au quotidien dans nos villes, la persistance rétinienne de la Grande Escroquerie qui nous avait tous sidéré.
Diamonds nous avait filé des portables qu'il avait probablement emprunté à ses collègues, nous pûmes ainsi badger aux tourniquets et nous introduire dans l'openspace à 3 heures du matin. Il y avait encore pas mal de code monkeys, la plupart d'entre eux, ne comptant pas leurs heures de travail, à l’affût de la moindre opportunité de collaboration aléatoire, de hackathons ou gamejams télé-distants sur n'importe quel sujet qui puisse valoriser leur atypicité et faire émerger une niche d'expertise dans leur curriculum-vitae. On avançait au milieu de ces hordes zombies emmitouflés dans leurs doudounes, enturbannés de casques audio crachotant des covers dubstep screemo de grands classiques des années 80, back to the no future, happés dans le néant de la neige photonique et alphanumérique que leurs écrans bombardaient sur leurs nerfs optiques. De temps à autres, d'intempestives coupures de courant, énervaient deux ou trois personnes psalmodiant des jurons à l'encontre de SolarCity, le temps que les générateurs d'appoint prennent le relais, que les rares machines sans batteries rebootent. "Je vous présente l'unique, la seule, réalité virtuelle qui ait jamais fonctionné et qui jamais ne fonctionnera, mes chers amis.", Ironisa Diamonds en montrant du doigt ses collègues, "Et pas besoin d'Oculus Rift, comme vous le constatez. Tous ces êtres désespérés fuient leur vie morne en se noyant sous des millions de lignes de code, en totale immersion ils bifurquent dans des mondes parallèles d'abstraction pure, tout simplement parce que leur condition est insupportable et que s'il n'y avait pas cette échappatoire, ils seraient là, à hurler comme des damnés, dans le concret froid, solitaire et cruel, implorant qu'on les abatte." Il y avait une machine à café, un distributeur de Redbull et de cocaïne à chaque intersection des cloisonnettes acoustiques de l'openspace. Diamonds badgea avec son smartphone car il voulait nous inviter en nous refilant quelques capsules de coke mais son application Paypal bugga et finalement nous nous résignâmes à sniffer quelques lignes de Guronsan.
Spades et moi-même crûmes, l'espace d'un instant, que Diamonds allait nous demander de massacrer tous ses coworkers dans le cadre de l'exercice appliqué de son meetup. Il est vrai que ça nous titillait d'actionner nos phazers sur quelque cible mouvante, ces code monkeys grassouillets et patauds, à moitié endormis auraient très bien pu faire l'affaire après deux ou trois coups de semonce dans les burnes. Ce ne fût étonnamment pas le cas. Après sa petite introduction sur les informaticiens et puisque dans ma prime jeunesse j'en avais été un moi-même et que je connaissais parfaitement toute cette souffrance à laquelle Diamonds avait fait allusion, j'étais totalement prêt à achever tous ces êtres misérables dans un long et méticuleux mass murdering qui les soulagerait sans nul doute de leur longue agonie sans râle en ce bas monde. Cependant le speech du jour n'allait pas du tout prendre cette orientation. "Aujourd'hui nous parlerons de l'esprit de la smart city.", Se lança Diamonds puis en ouvrant plusieurs fenêtres dans son browser donnant sur des streams en direct de vidéosurveillance, il poursuivit son pitch de meetup : "L'esprit de la smart city est bancal, son âme est rongée par les dysfonctionnements et failles profondément enracinés dans le code source d'OpenAI. Comme je vous les raconté la fois dernière, j'ai longtemps travaillé bénévolement dans le cadre de ce projet open-source contributif et collaboratif visant à créer des librairies universelles, évolutives et libres d'usage et de droit, utilisables par tout un chacun. Quoi qu'il en soit, j'ai développé sur mon temps libre des tas de librairies OpenAI dont l'intelligence artificielle était particulièrement orientée pour des applications à diverses échelles sur la smart city. Cette ville centenaire endormie allait enfin pouvoir sortir de sa léthargie prénatale, et prendre en main son destin en menant de multiples introspections sur la moindre des cellules qui la composait et la faisait évoluer. Enfin ça c'était sur le papier, en théorie, car comme vous le savez la réalité fut tout à fait calamiteuse. La ville a résisté de toutes ses forces à la prise de conscience d'elle-même qu'on lui imposait, probablement comme la plaine autrefois avait résisté à l'invasion de la ville, par quelque loi universelle de rétroaction que nous ne cernons pas encore. On commençait par créer des hubs en asservissant des batiments, puis des blocs et des quartiers entiers qu'on annexait ensuite comme pour créer un grand puzzle d'hémisphères cérébrales. La moindre ampoule électrique, le moindre circuit électronique, microcontroleur ou serveur en ces lieux devenait un objet connecté relié à Internet et la conscience globale que nous souhaitions impulser. Les dysfonctionnements entraînaient des rapports et les rapports enclenchaient des tickets entrants, qui eux même conduisaient à ce que des humains puis rapidement des machines, en leur lieu et place, interviennent, réparent ou remplacent puis créent un rapport d'incident, feedback terrain alimentant un retour d'expérience utile pour toutes les prédictions et simulations que l'âme de la smart city allait réaliser pour anticiper de futurs dysfonctionnements au lieu d'être mise au pied du mur. Nous tirâmes de longues fibres, de multiples relais 8G mornes et uniformes. Les feux rouges, la signalisation, l'éclairage public, les réseaux du gaz, de l’électricité, de l'eau furent asservis et constituèrent des vaisseaux sanguins, la régulation de nos transports et livraisons, notre lymphe. Les réseaux de l'informations formèrent le système nerveux en particulier reliés à de nombreux capteurs disséminés un peu partout pour faire des relevés et analyses temps réel comme les images des caméras que l'on peut voir sur mon écran. Les réseaux de tri, collecte et recyclage des déchets devinrent le tube digestif de la mégalopole intelligente. Vaincue, la smart city était l'attrait de l'univers. Victorieuse elle absorbait la terre et les hommes qui en devenait ses lymphocytes et hématies. Nous l'asservissions et elle nous avilissait. En éternelle extension, son but était inconnu, mais la moindre de ces cellules œuvrait pour y tendre quel qu'il fut. Et à son apogée, certains crurent même voir dans les simulations et prédictions de l'intelligence globale, aussi dysfonctionnelle et bancale fut-elle, des rêves de divinité, une inspiration artistique supérieure, le patriarche numérique qu'un homme politique providentiel ou une assemblée communale jamais n'auraient pu incarner."
Je filais la clef USB avec le contenu que Diamonds m'avait commandé lors de l'organisation du meetup. Il s'agissait d'une copie d'un de ces vieux chatbots de formation totalement corrompus, dépressifs et nietzschéens. Diamonds me remercia d'une tape puis s'empressa de dézipper le fichier sur sa bécane, effectua quelques opérations en virtuose du clavier puis petit à petit reprit le speech qu'il avait commencé tantôt : "Ce soir nous allons hacker le centre névralgique de la smart city. Ce soir, depuis cette salle même, un virus de ma conception relayé par tous les objets connectés pilonnera tout le système OpenAI, car lors du dernier versioning j'ai modifié des librairies à même d'installer, bien au chaud, dans l'âme de la smart city, une idée qui fera son chemin en quelques-mois dans sa grande réflexion. Alors tous les voyants passeront au rouge par la volonté même de la ville inceptée, convaincue et prosélyte. Des déplacements et interventions seront ordonnés, à la police, aux pompiers, aux ambulances, totalement injustifiés en réalité pour juguler des risques potentiels qui jamais ne se seraient produit. Ce sera un gros boxon aux redoutables conséquences. De fausses alertes au feu, de fausses alertes aux émeutes, de faux pics pandémiques à juguler, des cascades d'abominations logistiques, des réactions en chaîne inconséquentes en réalité. Mais nos concitoyens prendront conscience de la vulnérabilité du système et ne supporteront plus ses dysfonctionnements et excès quotidiens, comme des pics paroxystiques intolérables auront été atteints." Diamonds en finissant son speech tapa quelques lignes de commande sur une console qui cracha la succession d'une centaine d'outputs, compte-rendus, warnings et barres de progression. Tout fut plié en quelques minutes et ce ne fut guère impressionnant. Nous nous quittâmes ce soir là avec l'espoir que Diamonds avait réussi son coup mais sans réellement en avoir la certitude. Quelque part notre petit troyen mental était incubé. Quelque part la disruption insurrectionnelle révolutionnaire était en gestation. Le spleen gagnait simultanément par petites itérations et récursions l'humeur booléenne de la smart city de San Francisco. Nous nous dispersâmes en traînant les pieds. Septiques, enthousiastes ou impatients ? Nous ne savions trop cerner les sentiments qui nous habitaient.
Alors que nous allions nous quitter, nous croisâmes de nouveau un groupe de mousquetaires en train de grapher leurs stupides sigles dans une ruelle. Contrairement à la première fois, ils ne nous laissèrent pas le temps de fuir en hurlant des insanités à leur encontre. Bien mal leur en prit de nous coincer dans un cul de sac. C'est à grand coups de phazers que nous dûmes défendre nos vies. Les jets de plasma et de pulsions électromagnétiques condensées contre ces vermines s'enchaînèrent quelques minutes. En gardant le pressoir de la gâchette enfoncé, on décimait les vandales stupides dont les membres et organes s'enflammaient et explosaient comme du pop-corn. La viande humaine devait elle aussi avoir le goût du poulet. Sous les masques grotesques des gamins, il y avait bien des hémidactyles verruqueux, des acanthodactyles communs, des algyroïdes de Fitzinger et des psammodromes algires. Ces crétins finis au pipi avaient gâché notre petite fête. Nous nous dispersions dans la nuit. Je ressentis la même honte et remords qui m'avaient investi dans la plaine, non pas parce que je me sentais manipulé, non pas parce que j'avais ôté des vies, mais parce que je savais pertinemment que dans quelques heures le fait divers serait relayé en boucle, entrecoupé de publicités, sur les chaînes d'information des oligarques. Ce soir, le 'four of a kind jack' était lui aussi devenu un gang de gigolos maqués par le système.
On pourrait croire à tort que la dictature la plus stupide de l'Histoire est bien celle qui réunit massivement au même endroit pour qu'ils soient endoctrinés simultanément, des chômeurs longue durée, des camés en réhabilitation, des SDF en réinsertion et des criminels ayant tout juste purgé leur peine. Forcément tous ces gens parlent entre eux, des synergies se créent, ça deale et ça complote. Effectivement, les formateurs livrés à eux mêmes, constituaient des proies faciles. Ils recevaient les ordres et directives de leur hiérarchie sur les messageries instantanées de leurs smartphones. Parfois certains exclus se vengeaient de leur condition misérable sur ces pauvres gars qu'ils avaient à portée de coups de poings. C'était tout autant illusoire qu'inutile. Les chefaillons d'autrefois, les matons et gardiens de mirador avaient sauté, tous les cadres remplacés par des logiciels de suivi de workflow. Certains exclus fomentaient des plans de révolte encore plus ambitieux, des attaques contre une direction qu'ils fantasmaient planquée dans sa tour d'ivoire. Probablement que l'acte fondateur du mouvement des mousquetaires avait même été signé en ces lieux avec la bénédiction du système. Tous ces gens étaient les prisonniers de carcans de pensée anachroniques. Leurs tentatives médiocres de rébellion étaient étouffées dans l’œuf et ils se retrouvaient vite en taule après avoir causé de bien minimes dégâts. Les hauts dirigeants, tout comme les managers de proximité n'existaient plus depuis longtemps. Les actionnaires dirigeaient en temps réel, sans intermédiaire humain, les structures dans lesquelles ils avaient investi, via des applis et tableaux de bord sur le net, mais la plupart du temps, souvent sans le savoir, ils déléguaient la gestion de leurs actifs à une nouvelle génération de directeurs virtuels dérivés des technologies d'High Frequency Trading appliquées à la business intelligence, la gestion automatisée d'entreprises et patrimoines. Le plus ironique dans l'histoire, c'est que la grande majorité des actionnaires, n'étaient pas ces méchants milliardaires sur lesquels tout le monde fantasme aussi, c'étaient des fonds de pension, de retraite, caisses de santé, plans d'épargne et assurances en tout genre. Et ils étaient tout aussi automatisés que tout le reste : plus de banquiers cyniques à blâmer, plus de golden-boys démoniaques brassant des milliards qui ne leur appartenaient pas, boursicotant avec autorité et dédain alors que jamais nous ne les avions mandaté pour cela. Tous virés, remplacés par des applications d'OpenAI. Le système qui de l'extérieur semblait le plus crétin de tous les temps était la concrétisation de la volonté séculaire de la masse d'asservir la masse. Plus nous vivions, plus nous travaillions, plus nous cotisions et plus on investissait dans notre propre servage. Les bureaucrates et corrompus dont je parlais tantôt n'avaient même plus besoin de nous rançonner, ils ne prenaient pas de commissions au passage sur le moindre de nos investissements inconscients. Le plus faible de nos battements de cœur, la plus courte de nos inspirations, suffisait à légitimer leur pouvoir. Nous étions tous victimes et bourreaux sans le moindre espoir que cela change un jour. Et c'était d'ailleurs bien pour cela qu'il fallait innover dans le domaine de l'insurrection dans une approche disruptive de la révolution. C'était la raison d'être du 'four of a kind jack'.
Clubs nous convia à son meetup en avril 2032 dans un hangar lugubre des docks. Diamonds, Spades et moi-même ne nous sentîmes ni mal à l'aise ni pris au piège, de suite tout du moins. Nous embarquâmes dans un véhicule qui roula plus d'une heure. Il s'agissait d'une vieille Google car aux vitres teintées qui nous obstruaient la vue. Obsolètes et débiles, ces véhicules n'avaient jamais servi à rien et je crus que Clubs allait nous tenir un speech sur l'inutilité de ces caisses qui n'étaient que des putain d’autos-tamponneuses en réalité. La Waymo et autres soit disant self-driving cars n'avaient jamais fonctionné qu'au stade de prototype. Et d'ailleurs les prototypes mêmes par leur IA défectueuse sur-vendue par les commerciaux d'Alphabet avaient causé tellement d'accidents, de morts et blessés graves, que leur accréditation de circulation dans l'espace public leur fut rapidement retirée vers 2019. Je m'étais cependant trompé sur la mystérieuse thématique de l'afterwork . Clubs nous largua en pleine cambrousse. Au préalable, il nous avait demandé d'enfiler de vieilles Oculus Rift, ces headsets à réalité virtuelle qui avaient suscité tellement d'espoir auprès de tas d'entrepreneurs et développeurs à la même époque et qui au final n'avaient jamais pu se vendre puisqu'on s'en passait très bien. Par jeu et dans l'esprit des 3 premières rencontres nous avions suivi son délire. Clubs se servait des casques à réalité virtuelle comme de bandeaux nous obstruant la vue. Pendant plus d'une heure encore, nous avancions en suivant les instructions de l'Oculus Rift. Notre destination et le chemin que nous arpentions pour y parvenir demeuraient ainsi secrets. Une flèche ridicule en 3D apparaissait exclusivement dans notre champ de vision nous indiquant la direction à emprunter pour avancer. Lorsque Clubs nous demanda de retirer nos bandeaux, nous étions en plein cœur d'une ZAD de néo-hippies punks à chiens. Au delà des faubourgs de San Francisco, se trouvaient plusieurs camps de fortune constitués de l'amoncellement d'artefacts inutiles d'une époque à jamais révolue. Probablement que Clubs était issu de cette communauté réfractaire aux aides à la formation et à la réinsertion. Ces femmes et hommes en avaient chèrement payé le prix puisqu'ils étaient bannis d'un système d'accompagnement au retour à l'emploi dont eux même s'étaient mis en marge, et que leurs baraquements insalubres étaient tous les jours menacés de démolition par des armées de pelleteuses et tractopelles encerclant continuellement les camps. Nous fûmes conduit au centre d'une sorte d'arène recouverte d'un épais brouillard. Une grande foule de punks à chiens et hippies scandaient le nom de notre cercle discret dans les gradins. C'était totalement surréaliste. Clubs n'avait pas su tenir sa langue, trahissant la confiance qu'on avait placé en lui, et avait tout divulgué de notre conjuration à sa communauté. "Four of a kind jack !", scandaient les uns. "Carré de valet !", Clamaient les autres. La grande passion des zadistes était de détourner les anciens gadgets inutiles de la nouvelle économie en les bidouillant pour en faire des objets fonctionnels. D'ailleurs des centaines de drones étaient disséminés sur les bords de l’arène, harnachés aux parois, face orientée vers le centre. Ils allaient servir de puissants ventilateurs. Lorsqu'ils furent tous actionnés, l'épais brouillard se leva. Au milieu de l'enceinte, il y avait une sorte de rocket, un lanceur sur lequel un monsieur d'une soixantaine d'années terrifié avait été ligoté et bâillonné. Je ne le reconnu pas de suite. Un sigle SpaceX sur la fusée avait été recouvert d'un de ces tags stupides de mousquetaire. La foule excitée en découvrant l'invité surprise se mit à faire des holas. "Cramez-le !", Réclamaient-ils, "Cramez-le, il est la cause de tant de souffrance sur Terre ! Le seul et unique responsable de la Grande Escroquerie et du déclin qui s'en est suivit." Je n'y comprenais vraiment plus rien. Par intermittences, des glitchs et de longs larsens stridents corrompaient momentanément ma perception du réel. La foule scandait "Athos", "Aramis", "Dartagnan" et "Porthos". Bordel de merde, je badtripais grave. La foule scandait des "Musketeers".
Clubs fit irruption dans l'arène en équilibre sur un hoverboard. Il avait maladroitement endossé la toge noire d'un juge d'instruction avec une longue perruque blanche. Il se mit à décrire des cercles et à soulever la poussière, puis hors de lui, entama un monologue à charge au travers d'un mégaphone : "Durant les années de plomb de la fin des années 1960 à la fin des années 1980, des factions souvent de mouvance anarcho-communiste comme Action Directe en France, la Fraction Armée Rouge en Allemagne, les Brigades Rouges en Italie, les Cellules Communistes Combattantes en Belgique, de multiples mouvements armés antifranquistes en Espagne, ou l'Organisation Révolutionnaire du 17 Novembre en Grèce, ont perpétré de nombreux assassinats ciblés ou attentats pour lutter contre l’impérialisme capitaliste, des symboles de la puissance de l’État, le grand patronat et la défense du prolétariat. Il était temps que leurs luttes reprennent. Il était temps qu'une grande purge par le feu ait lieu dans la caste de tous ces déviants reptiliens, ces pervers narcissiques mégalomanes, ces malades, fous de pouvoir, qui par leurs troubles mentaux gangrènent la civilisation et mettent même en péril le devenir de notre espèce. Il était tant que les mousquetaires reprennent du service." La foule survoltée réclamait de plus bel qu'on crame le vieux type ligoté. Je craignais le pire car je venais de le reconnaître. Il s'agissait d'Elon Musk, et effectivement les parias californiens étaient tout à fait en droit de lui en vouloir à mort. Longtemps les gens du coin avaient redouté le Big One, et finalement c'est Elon Musk qui avait eut leur peau. Ce mec était bien le principal artisan de la Grande Escroquerie, celui qui nous avait tous légué cette société bancale et dysfonctionnelle construite sur les bobards d'une révolution numérique dont l'unique objectif bien loin d'être humaniste était le déroulement méticuleux d'un plan, celui du plus grand attrape-nigauds de tous les temps couvrant un gigantesque hold up financier dilapidant des états, ruinant pour des siècles des empires par effet domino. D'ailleurs menacé d'emprisonnement voire de lynchage suite au scandale des années 20, Musk s'était exilé en Afrique du Sud dont il était originaire, exfiltré en catimini par ses hommes de main. Alors certes, par son storytelling insidieux, Musk avait levé des fonds exorbitants, derrière son masque de visionnaire incontesté ne se planquait qu'un petit baratineur de bas étages, un misérable bonimenteur qui avait non seulement ruiné de nombreuses banques et investisseurs, qui par ailleurs avait embobiné des centaines de milliers d'ingénieurs, informaticiens et scientifiques de par le monde qui avaient travaillé des années entières à l’œil pour cet escroc, certes les pouvoirs publics avaient signé des contrats astronomiques avec ses sociétés fantoches pour mener une politique de grands travaux d'aménagement du territoire pour la relance, en buvant les paroles de Musk comme celles d'un nouveau messie, certes des chantiers titanesques pour la plupart à l'arrêt par manque de fonds, et pour les autres, totalement inopérationnels, des infrastructures pharaoniques à la maintenance impossible, en totale déliquescence, avaient été bêtement construits, mais Musk méritait-il la mort pour autant ? Méritait-il de mourir parce que pour couvrir les échecs commerciaux de ses précédents projets il lui fallait en lancer de nouveaux, toujours plus gros, toujours plus improbables pour lever plus de fonds et combler les dettes abyssales de ses précédents délires ? Méritait-il de mourir parce que loin d'être un visionnaire, il était tout juste le plagiaire d'auteurs de science fiction médiocres ? Méritait-il de mourir parce qu'il était un sous-Philip K. Dick et à peine plus qu'un Ron Hubbard avec un peu plus de suiveurs et d'adeptes dans sa secte ? Méritait-il de mourir à cause de la connerie des autres ? Comme Clubs passait à ma hauteur je posais mon pied sur sa tunique et il se vautrait comme un gros pangolin saoul en tourneboulant dans le sable. J'en profitais pour lui arracher son haut-parleur puis je pris la parole pour tenter de défendre le pauvre bougre de Musk dans un émouvant plaidoyer inspiré : "Ne cautionnez en rien les actions terroristes des groupes anarcho-communistes, leurs combats d'une autre époque étaient emprunts d'une idéologie biaisée, politisés au point d'en faire des actes pas si différents des tractages et des campagnes de collages d'affiches compulsives, de tous ces militants niqués de la tronche, endoctrinés jusqu'à la moelle, prêts à tous les emplois, emportés bien plus par le flot grégaire du troupeau que répondant à leur devoir d'examen de conscience par le libre arbitre." Je réalisais soudain du ridicule de la situation, j'essayais de convaincre la foule que le pire des délits n'était pas l'escroquerie, le meurtre ou le terrorisme mais bien le suivisme crétin. Je vis soudain dans le public de l'arène, une horde de lemmings sur le point de sauter de la falaise, mon intervention était vouée au plus pitoyable des échecs. Une voix perçant la cohue insista pour qu'on m'attache avec Musk à la fusée. J'essuyais alors une pluie de projectiles lowtech old school divers. Je ne voulais cependant pas céder et tentais de porter de nouveau le haut-parleur à ma bouche mais Diamonds et Spades m'avaient déjà immobilisé. Clubs arriva en courant. Il gueula un "Ferme ta gueule, Dartagnan !" puis c'est alors que je sentis une forte douleur à la mâchoire et qu'un voile noir investit mon concevoir.
J'entendis un grand pssshhhiiitttt puis à la fin d'un décompte collégial, un wwwooooooofffff feutré qui m'extirpa de ma léthargie. J'aurais juré vingt minutes plus tôt qu'au décollage, le lanceur Falcon 9 allait nous briser la nuque par l'effet des G inversés mais a priori l'accélération était moins violente que je ne l'envisageais. On ne voyait déjà plus l'arène et sa foule en liesse, ces gentils petits Ewoks qui fêteraient la mort de l'empereur dans un splendide feu d'artifice. Elon Musk lui même était conscient à mes cotés et il ne portait plus son bâillon. La vitesse de croisière fut rapidement atteinte. Toutes les métaphores sans queue ni tête des formateurs en réinsertion vinrent subitement polluer mon esprit. La vue était sublime, ce qui me consola. Sous un soleil couchant, on pouvait voir la smart city briller de mille feux tout en s'éloignant lentement. Pour la première fois de ma vie, je priais. Je priais pour que le virus qu'on avait implanté dans l'âme de la ville n'ait pas les effets escomptés, mes contemporains méritaient bien que l'absurdité de leur vie soit sublimée par un système et une smart city dysfonctionnels, à leur image. Je priais pour qu'ils en bavent longtemps ainsi. Eux, leurs chiards, les chiards de leurs chiards, sombrant tous tour à tour dans la folie, jusqu'à ce que le dernier des humain ait été poussé au suicide. Comme résigné à mourir, je levais la tête vers le conteneur rempli de C4 au sommet du falcon 9, je sentis soudain surpris comme des chatouilles au niveau de ma nuque. C'était Elon Musk qui tentait de me faire un putain de suçon dans le cou probablement pour me remercier d'avoir tenté désespérément de le défendre et d'en avoir chèrement et inutilement payé le prix fort. Comme je n'envisageais pas de virer ma cuti à la porte des enfers même avec le plus gros fils de pute du monde comme pour avoir un avant goût des baisers langoureux de lave que Satan en personne me réservait dans quelques minutes, je décidais donc de décliner l'invitation en filant un phénoménal coup de boule dans la tronche d'un Elon Musk qui jusqu'à son dernier souffle n'aura pu s'empêcher d'être trop entreprenant. "Putain d'enfoiré, tu m'a pété le nez, Dartagnan !", Beugla Musk dans un long râle nasillard, "Contente-toi de suivre le plan, sombre crétin." Le plan ? Mais de quel plan pouvait-il bien parler ? "Allez Dartagnan, approche toi pour que je puisse t'arracher avec les dents l'implant neuronal qui dépasse de ta nuque." C'est alors que tout devint clair comme si un mot clef avait ouvert les portes d'un inconscient verrouillé. Un bref instant, je fus happé dans un flashback libérateur.
Le licenciement, le chômage, la spoliation de mes biens, la chute, le surendettement, l'expropriation, l'indigence, la rue. Tout me revint en un éclair. Neuralink était une startup américaine de nanobiotechnologie, créée par Elon Musk en 2016. Son but officiel était de développer des composants électroniques pouvant être intégrés dans le cerveau, pour augmenter la mémoire ou piloter des terminaux, et éventuellement pour mieux marier le cerveau et l'intelligence artificielle. Le but officieux était de lever des fonds phénoménaux pour purger les dettes liées aux mensonges sur la colonisation de Mars. Elon Musk était forcément pris dans une fuite en avant effrénée, il lui fallait trouver des business models de plus en plus gros et invraisemblables pour que tout son montage financier étayé à grands renforts de bobards, légendes urbaines, démos en 3D, prototypes à minima et bouts de scotch, ne s'écroule pas. Si sa mégalomanie obsessionnelle et compulsive n'avait pas été percée à jour, je crois qu'il aurait fini par créer une structure visant à téléporter Dieu dans nos dimensions contre sa volonté. C'est la faim qui me fit postuler à ce poste de cobaye humain. Bien entendu, c'était totalement illégal et j'étais rémunéré sous le manteau aussi loin que je me souvienne. Nous étions 4 et c'est par pur orgueil que dans l'ombre, Elon Musk qui supervisait les tests clandestins, nous avait surnommé, the musketeers, les soldats de Musk, le premier pool de crétins désespérés ayant signé une décharge pour qu'on trifouille leur cerveau soit disant au nom de la recherche et du progrès scientifique. Quant au plan, quel pouvait-il bien être ? Au bout d'un moment, toutes ces technologies gadget intrusives et dysfonctionnelles me firent totalement péter un câble. Je me souviens avoir vécu des expériences improbables, probablement toutes le fruit de ma folie furieuse. J'ai fait du toboggan sur Internet, téléchargé l'intégrale des séries Netflix dans mon cortex, chevauché des licornes ailées, baisé pendant les siècles des siècles et sans interruption dans un harem de Möbius infini, j'ai consécutivement été l'esprit facétieux d'un Kindle, d'un volet roulant connecté, d'un smartphone hello kitty à paillettes, de la moumoute connectée de Donald Trump, d'une usine à confiseries de Willy Wonka, d'un sous-marin godemiché de Vladimir Poutine, puis brièvement incarné la smart city de San Francisco. Enfin je ne suis plus trop sûr, je ne me souviens plus trop bien. Je crois qu'avec les autres mousquetaires j'ai aussi participé manu militari à l'exfiltration du boss en Afrique du Sud. Rien n'ai moins sûr. Plus rien n'est sûr quand on refile les clef de son libre arbitre à un psychopathe. Peut-être l'instant présent et encore. Je relis mes dernière confessions depuis le début et j'y trouve des tas d'incohérences et d’invraisemblances de toutes façons. Tout est bancal, dysfonctionnel, invraisemblable. C'est le sujet de fond de ce texte après tout. Normal que ça déteigne un peu sur la forme.
C'est alors que je ressens une violente douleur dans la nuque, que je vois que je suis bien harnaché à coté d'Elon Musk dans ce putain de Falcon 9 transportant 15 tonnes de C4 dans son conteneur, en route vers le plus grand feu d'artifice de tous les temps aux confins de la stratosphère. La bouche de l'escroc est toute ensanglantée. Entre ses dents, l'implant Neurolink USB qu'il m'avait fichu tantôt dans le cerveau. Je crois que les engagements pris en signant ma décharge, ne doivent plus être valables. De toutes façons, je saigne abondamment et toute une tripotée de vertèbres qui semblent m'appartenir pendouille entre les dents de Musk, reliées à l'implant. Je pense avoir été mortellement blessé par ce vampire cannibale. D'ailleurs je saigne abondamment et les forces me quittent petit à petit. Musk cherche désespérément à brancher l'embout USB de mon implant sur un petit port du Falcon prévu à cet effet juste au dessus de sa tête. "Hey, Dartagnan", Mâchouille Musk, "Quand je t'aurai connecté au lanceur, tu vas en prendre le contrôle comme convenu." L'objectif de SpaceX avec son Falcon 9 était de fournir un lanceur permettant d'abaisser fortement le prix des mises en orbite grâce à des coûts de fabrication modérés et la récupération de l'étage de propulsion. Une fois le premier étage largué pour qu'il puisse mettre en orbite les satellites qu'il contient, l'étage de propulsion revient très précisément sur son pas de tir à l'aide d'un système sophistiqué de rétrofusées. "Bon Ok", Me lance Musk exaspéré,"tu vas devoir te sacrifier emporté avec l'étage supérieur et ton corps sera éparpillé sous forme de tous petits confettis au dessus de toute la Californie, mais tu sais bien que c'est pour la bonne cause, ma réhabilitation, mon power up ultime en vérité. L'étage du bas va discrètement me faire amerrir sur une petite plateforme de 5 mètres carrés en plein milieu du Pacifique. Un de tes potes viendra me chercher. C'était le plan. Tu savais tout ça. Tout le monde aura assisté à ma mort en direct, ces crétins de punks et hippies seront accusés d'avoir conspiré pour anéantir la Smart City avec un tir de missile ayant malencontreusement manqué sa cible. Et c'est là que je ferai mon grand retour comme le nouveau messie, Jésus II réincarné. Et ça n'aurait pas pu marcher avec n'importe qui, mais avec mon pedigree et mon background, tous ces idiots se prosterneront à mes pieds et je serai leur nouveau Dieu. Je pourrai ainsi reprendre mes activités visionnaires sans aucune limite de crédit et..." Musk vient juste de me brancher au Falcon 9, je pense que dans mon regard, il a bien vu que je n'étais pas convaincu, ces putain de reptiles savent bien lire au fond de l'âme des humains, ils sentent quand ils ont réussi à embobiner quelqu'un. C'est pour ça qu'ils contrôlent les individus et les masses. Bref, il sait qu'il a perdu mais n'en fait pas toute une histoire. "Ne t'inquiète pas, mec", Conclue-t-il, "C'est pas grave.Tout cela n'est pas réel. On est dans la Matrice." Serais-je le bon ou le mauvais larron, crucifié aux coté de ce prophète de pacotille ? Une pensée fugace pour le recueil de poèmes, les villes tentaculaires d'Émile Verhaeren (un véritable visionnaire, lui) traverse mon esprit alors que j'active le C4 et que le souffle thermique de l'explosion déchiquette nos deux corps.
L’inexorable augmentation de l'entropie de ce monde, l’inévitable victoire du chaos contre lequel les forces vitales luttent en permanence, avaient paradoxalement conduit à cette glorieuse rencontre. Nous ne nous connaissions pas et une semaine plus tôt. J' avais lancé sur le net, sans trop me faire d'illusion, un événement meetup désespéré ayant pour thématique la disruption insurrectionnelle révolutionnaire. Il fallait faire quelque chose, les groupes de mousquetaires s'embourbaient dans des approches archaïques, attentats, rapts, assassinats ciblés, inutiles. Les prédictions météorologiques la veille du rendez-vous et ce malgré un indice de confiance de deux, se révélèrent être complètement à coté de la plaque. Il pleuvait des cordes, les bouches d'égout de la ville débordaient et charriaient des torrents d'immondices. Malgré ce coup du sort, nous étions tout de même 4 à nous retrouver autours de pintes de Guinness dans ce vieux pub irlandais du centre historique de San Francisco, 4 inconnus trempés de la tête aux pieds. Une alerte orange venait d'être improvisée, et nous étions à présent isolés du reste du monde au sein du Fitzgerald. Il y avait 27 inscrits à l'afterwork. Une sorte de sélection naturelle des plus motivés par confrontation directe aux impitoyables forces de la nature s'était opérée. C'était déjà une grande victoire. La première chose que nous fîmes fut donc de trinquer à la gloire du second principe de la thermodynamique qui avait fait le tri. Ensuite comme nous nous présentions les uns les autres, le hasard de nouveau semblant déjouer toutes les probabilités, nous révéla que nous portions tous le même nom de baptême. J'offrais ma tournée pour que nous trinquions en l'honneur de Sadi Carnot et ses réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance . C'était ironique. Nous étions 4 Jack réunis pour débattre d'une approche nouvelle, la disruption insurrectionnelle révolutionnaire. Elle s'inscrirait en opposition aux méthodes contre-productives d'un autre age des mousquetaires. Nous étions 4 Jack a avoir bravé les intempéries et à avoir vaincu les lois de l'aléa. Nos verres s'entrechoquèrent de nouveau. Entre deux coupures de courant, il fut acté que nous ne nous quitterions plus. 'Carré de valets' , 'four of a kind jack', ce fut le nom de notre cercle discret. Désormais nous serions Spades, Diamonds, Clubs et Hearts.
Je n'aurais jamais pu prédire qu'à 40 ans passés, après une brillante, éreintante quoi que fulgurante carrière, près d'une décennie et demie de travail acharné dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et des communications, à de hauts postes de management et responsabilités, j'aurai de nouveau besoin de présenter mon baccalauréat à qui que ce soit et pour quoi que ce soit. N'étant pas particulièrement fétichiste, je n'avais pas fait encadrer ce diplôme qui in fine ne m'avait servi qu'une seul fois pour entrer en école préparatoire, une formalité administrative, et qui d'ailleurs cette fois même n'avait pas compté réellement. La sélection pour l'entrée en Maths Sup se faisait sur dossier scolaire et j'avais mon ticket pour le fameux lycée Chaptal, boulevard des Batignolles dans le 17ème arrondissement de Paris, bien avant d'avoir passé les épreuves du BAC. À quarante deux piges, j'en étais cependant réduit à cette aberration : j'avais atteint un pic professionnel 6 ans auparavant, m'avait annoncé ma conseillère en réinsertion, il fallait bien que je me fasse une raison, ensuite ça avait été la dégringolade puisque ma formation d'ingénieur était périmée, en inadéquation totale avec les mutations du métier de nos jours. Les bureaucrates chargés de la validation des acquis et expérience sont de sales fils de pute qui n'y connaissent rien à rien au terrain, des planqués de la vie. Ils se prétendent être les gardiens du temple des certifications validées par l'état, les garants de l'équité des compétences de chacun sur le marché de l'emploi, alors qu'ils utilisent des termes obsolètes des années 80, des formules ridicules et pompeuses et traitent un jeune diplômé de la même manière qu'un gars avec 20 ans de bouteille. Ces ronds-de-cuir reçoivent les chômeurs dont le travail n'existe plus, emporté par la révolution digitale, remplacés par des algorithmes et robots dysfonctionnels. Il faudrait former ces victimes collatérales de la transition numérique au minimum 3 ans pour les mettre à niveau dans des écoles d'ingénieurs puisque les techniques et méthodes changent si fréquemment qu'il leur est impossible de travailler et de se mettre à jour en parallèle. Cela coûterait trop cher cependant, ou tout du moins plus cher que ne coûte la somme des indemnités chômage et du traitement des dysfonctionnements des algorithmes et robots. Aussi ces fonctionnaires voient-ils défiler ces pauvres hères à une cadence effrénée, eux qui prétendent pouvoir cerner un parcours professionnel en moins de 15 minutes chrono alors qu'ils ne se questionnent même pas sur leur propre métier. Ils se pensent être les sauveurs des actifs embourbés dans le chômage de masse, mais ils sont, lorsqu'on s'éloigne de quelques pas de leur bulle fantasmagorique fétide, les plus zélés des gérants d'abattoirs à la chaîne. Alors qu'à 25 ans, après avoir lutté durement pour me sortir de la banlieue dortoir de mon enfance, je fréquentais le gratin des chefs de projet des plus grandes web agencies parisiennes, aujourd'hui, et sans m'en expliquer encore les raisons, je ne côtoie plus que cette vermine bureaucratique, les assistantes sociales des associations de lutte contre l'exclusion, et participe totalement sidéré, en cernant complètement l'inutilité de la chose, à des stages de motivation et développement personnel et autres lavages de cerveau, en compagnie de gars qui sortent tout juste de prison.
Spades nous avait donné rendez-vous dans la plaine et nous ne connaissions pas ses intentions. Lors de l'alerte orange, assez vite, sans vraiment avoir le temps de le cerner, l'alcool avait rendu nos propos troubles et obscurs. Bien sûr, on avait quitté le pub du Fitzgerald à 2h du matin avec l'impression d'avoir refait le monde. On avait hâte que le 'four of a kind jack' tienne séance plénière au plus vite, mais en ayant complètement occulté qu'on ne s'était pas raconté grand chose d'intéressant le soir de la première rencontre. Pendant un mois chacun de nous était retourné à ses occupations routinières. L'euphorie guidait nos actes en ce temps là. Le contexte, la lutte vitale contre cette saloperie d'entropie universelle suffisait bien sûr à nous galvaniser. Le mois suivant, il me semble que c'était en février 2032, Spades avait donc convenu du second meetup sans convier les 23 personnes qui ne s'étaient pas présentées au premier rendez-vous, il en va de soit. C'est à peine si nous nous reconnûmes les uns les autres car nous avions vraiment beaucoup bu dans la taverne irlandaise. Nos souvenirs étaient brumeux, éthyliques, tout juste nous remémorions nous avoir rencontré des problèmes lors du paiement avec nos cartes Paypal, ce qui était plus que fréquent. Nous étions rentrés relativement tard tout en sautant dans les flaques à la décrue. On avait croisé quelques mousquetaires masqués s'adonnant à leurs activité nocturnes favorites et totalement inutiles : stigmatiser la ville de leurs tags ridicules, des épées croisées stylisées hâtivement graphées à la bombe blanche. Comme on était torchés, on les avait insulté de loin avant de détaler en hurlant, puis on s'était juré qu'on ne chercherait pas à s'espionner entre nous, à savoir quelles étaient les boulots, hobbies, cadres familiaux et autre rangs et activités sociales qui devaient rester privés pour que notre entreprise discrète fonctionne. Quoi qu'il en soit, ce jour là, on était bien là, tous les 4 dans la plaine, aux coordonnées convenues, chacun arrivant de son coté avec son propre moyen de locomotion. Spades faillit s'électrocuter en sortant du coffre de sa vieille Tesla d'occasion une sorte de valise et comme il la reposait au sol, on se regroupait tout autour. Il fût le premier à prendre la parole alors que de son véhicule des soundtracks de l'album 'Destroy All Human Life' des Country Teasers étaient crachotés par intermittences comme il n'avait pas coupé son autoradio. Ce n'était probablement pas intentionnel de sa part et d'ailleurs ça donna à l'entrevue, un petit coté rituel de secte bancale un peu foireux.
Les chômeurs longue durée sont convoqués un peu partout dans les grandes sociétés historiques de la ville. On doit s'y rendre sous peine d'être radiés. La réinsertion est un bon fond de commerce en plus d'une belle vitrine, de nombreux événements annuels lui sont consacrés et c'est autant de publicité pour pas un rond qui est offerte à ces entreprises dans les magazines et journaux de propagande locale et régionale, un bombardement d'affichages 120x176 gratis dans tous les abribus avec des logos en gros plan, des slogans qui claquent, promesses improbables de jours meilleurs, de grossières opérations (dans tous les sens du terme) de communication aux frais du contribuable. Dans les coulisses des speed-recruitings, des salons et des formations, on voit très bien qu'il n'y a que des décors en carton-pâte, des figurants interchangeables endimanchés qui pourraient tout autant se présenter comme recruteurs un jour, puis endosser un costume de mascotte ridicule à pompons roses le lendemain. Au finish, il n'y a pas d'emploi, depuis le temps que nous sommes les représentants de commerce des produits invendables que sont nos propres personnes, nous le savons pertinemment. On nous rassemble par groupes de 20, on nous badge, chômeurs de longue durée, junkies en désintox, clodos en réhabilitation sociale et anciens prisonniers, tous réunis, puis on nous parque dans des salles de réunions des grandes sociétés historiques. Un intervenant lambda, celui là même qui aurait pu être recruteur, mascotte ou chômeur, une semaine plus tôt, débarque dans le box où les bureaux sont regroupés en arc de cercle. On inscrit nos prénoms sur des bouts de papier qu'on plie en présentoir comme des gamins à la maternelle puis débute la leçon de vie improvisée, décontextualisée, du rien relié à rien, prescrite par de cyniques docteurs de l'ombre, dans le cadre d'une thérapie de groupe sans queue ni tête qui au meilleur des cas nous conduira à la folie furieuse, des soins palliatifs nous accompagnant indéfiniment jusqu'au suicide. La séance du Grand-Guignol démarre. Les rétroprojecteurs, tableaux Velleda, et marqueurs sont les derniers instruments de torture mentale à la mode. Un bourdonnement s'instaure entrecoupé de crissements, des mots-clefs absurdes qui inondent rapidement le paperboard : bienveillance, confidentialité, self esteem, complétés par de nombreuses références à des bouquins de gourous inconnus. On retrouve souvent tous ces pseudo-formateurs à nos cotés, parmi les exclus, quelques semaines après leur intervention.
Je n'aurais jamais pu prédire qu'à 40 ans passés, après une brillante, éreintante quoi que fulgurante carrière, près d'une décennie et demie de travail acharné dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et des communications, à de hauts postes de management et responsabilités, j'aurai de nouveau besoin de présenter mon baccalauréat à qui que ce soit et pour quoi que ce soit. N'étant pas particulièrement fétichiste, je n'avais pas fait encadrer ce diplôme qui in fine ne m'avait servi qu'une seul fois pour entrer en école préparatoire, une formalité administrative, et qui d'ailleurs cette fois même n'avait pas compté réellement. La sélection pour l'entrée en Maths Sup se faisait sur dossier scolaire et j'avais mon ticket pour le fameux lycée Chaptal, boulevard des Batignolles dans le 17ème arrondissement de Paris, bien avant d'avoir passé les épreuves du BAC. À quarante deux piges, j'en étais cependant réduit à cette aberration : j'avais atteint un pic professionnel 6 ans auparavant, m'avait annoncé ma conseillère en réinsertion, il fallait bien que je me fasse une raison, ensuite ça avait été la dégringolade puisque ma formation d'ingénieur était périmée, en inadéquation totale avec les mutations du métier de nos jours. Les bureaucrates chargés de la validation des acquis et expérience sont de sales fils de pute qui n'y connaissent rien à rien au terrain, des planqués de la vie. Ils se prétendent être les gardiens du temple des certifications validées par l'état, les garants de l'équité des compétences de chacun sur le marché de l'emploi, alors qu'ils utilisent des termes obsolètes des années 80, des formules ridicules et pompeuses et traitent un jeune diplômé de la même manière qu'un gars avec 20 ans de bouteille. Ces ronds-de-cuir reçoivent les chômeurs dont le travail n'existe plus, emporté par la révolution digitale, remplacés par des algorithmes et robots dysfonctionnels. Il faudrait former ces victimes collatérales de la transition numérique au minimum 3 ans pour les mettre à niveau dans des écoles d'ingénieurs puisque les techniques et méthodes changent si fréquemment qu'il leur est impossible de travailler et de se mettre à jour en parallèle. Cela coûterait trop cher cependant, ou tout du moins plus cher que ne coûte la somme des indemnités chômage et du traitement des dysfonctionnements des algorithmes et robots. Aussi ces fonctionnaires voient-ils défiler ces pauvres hères à une cadence effrénée, eux qui prétendent pouvoir cerner un parcours professionnel en moins de 15 minutes chrono alors qu'ils ne se questionnent même pas sur leur propre métier. Ils se pensent être les sauveurs des actifs embourbés dans le chômage de masse, mais ils sont, lorsqu'on s'éloigne de quelques pas de leur bulle fantasmagorique fétide, les plus zélés des gérants d'abattoirs à la chaîne. Alors qu'à 25 ans, après avoir lutté durement pour me sortir de la banlieue dortoir de mon enfance, je fréquentais le gratin des chefs de projet des plus grandes web agencies parisiennes, aujourd'hui, et sans m'en expliquer encore les raisons, je ne côtoie plus que cette vermine bureaucratique, les assistantes sociales des associations de lutte contre l'exclusion, et participe totalement sidéré, en cernant complètement l'inutilité de la chose, à des stages de motivation et développement personnel et autres lavages de cerveau, en compagnie de gars qui sortent tout juste de prison.
Spades nous avait donné rendez-vous dans la plaine et nous ne connaissions pas ses intentions. Lors de l'alerte orange, assez vite, sans vraiment avoir le temps de le cerner, l'alcool avait rendu nos propos troubles et obscurs. Bien sûr, on avait quitté le pub du Fitzgerald à 2h du matin avec l'impression d'avoir refait le monde. On avait hâte que le 'four of a kind jack' tienne séance plénière au plus vite, mais en ayant complètement occulté qu'on ne s'était pas raconté grand chose d'intéressant le soir de la première rencontre. Pendant un mois chacun de nous était retourné à ses occupations routinières. L'euphorie guidait nos actes en ce temps là. Le contexte, la lutte vitale contre cette saloperie d'entropie universelle suffisait bien sûr à nous galvaniser. Le mois suivant, il me semble que c'était en février 2032, Spades avait donc convenu du second meetup sans convier les 23 personnes qui ne s'étaient pas présentées au premier rendez-vous, il en va de soit. C'est à peine si nous nous reconnûmes les uns les autres car nous avions vraiment beaucoup bu dans la taverne irlandaise. Nos souvenirs étaient brumeux, éthyliques, tout juste nous remémorions nous avoir rencontré des problèmes lors du paiement avec nos cartes Paypal, ce qui était plus que fréquent. Nous étions rentrés relativement tard tout en sautant dans les flaques à la décrue. On avait croisé quelques mousquetaires masqués s'adonnant à leurs activité nocturnes favorites et totalement inutiles : stigmatiser la ville de leurs tags ridicules, des épées croisées stylisées hâtivement graphées à la bombe blanche. Comme on était torchés, on les avait insulté de loin avant de détaler en hurlant, puis on s'était juré qu'on ne chercherait pas à s'espionner entre nous, à savoir quelles étaient les boulots, hobbies, cadres familiaux et autre rangs et activités sociales qui devaient rester privés pour que notre entreprise discrète fonctionne. Quoi qu'il en soit, ce jour là, on était bien là, tous les 4 dans la plaine, aux coordonnées convenues, chacun arrivant de son coté avec son propre moyen de locomotion. Spades faillit s'électrocuter en sortant du coffre de sa vieille Tesla d'occasion une sorte de valise et comme il la reposait au sol, on se regroupait tout autour. Il fût le premier à prendre la parole alors que de son véhicule des soundtracks de l'album 'Destroy All Human Life' des Country Teasers étaient crachotés par intermittences comme il n'avait pas coupé son autoradio. Ce n'était probablement pas intentionnel de sa part et d'ailleurs ça donna à l'entrevue, un petit coté rituel de secte bancale un peu foireux.
Les chômeurs longue durée sont convoqués un peu partout dans les grandes sociétés historiques de la ville. On doit s'y rendre sous peine d'être radiés. La réinsertion est un bon fond de commerce en plus d'une belle vitrine, de nombreux événements annuels lui sont consacrés et c'est autant de publicité pour pas un rond qui est offerte à ces entreprises dans les magazines et journaux de propagande locale et régionale, un bombardement d'affichages 120x176 gratis dans tous les abribus avec des logos en gros plan, des slogans qui claquent, promesses improbables de jours meilleurs, de grossières opérations (dans tous les sens du terme) de communication aux frais du contribuable. Dans les coulisses des speed-recruitings, des salons et des formations, on voit très bien qu'il n'y a que des décors en carton-pâte, des figurants interchangeables endimanchés qui pourraient tout autant se présenter comme recruteurs un jour, puis endosser un costume de mascotte ridicule à pompons roses le lendemain. Au finish, il n'y a pas d'emploi, depuis le temps que nous sommes les représentants de commerce des produits invendables que sont nos propres personnes, nous le savons pertinemment. On nous rassemble par groupes de 20, on nous badge, chômeurs de longue durée, junkies en désintox, clodos en réhabilitation sociale et anciens prisonniers, tous réunis, puis on nous parque dans des salles de réunions des grandes sociétés historiques. Un intervenant lambda, celui là même qui aurait pu être recruteur, mascotte ou chômeur, une semaine plus tôt, débarque dans le box où les bureaux sont regroupés en arc de cercle. On inscrit nos prénoms sur des bouts de papier qu'on plie en présentoir comme des gamins à la maternelle puis débute la leçon de vie improvisée, décontextualisée, du rien relié à rien, prescrite par de cyniques docteurs de l'ombre, dans le cadre d'une thérapie de groupe sans queue ni tête qui au meilleur des cas nous conduira à la folie furieuse, des soins palliatifs nous accompagnant indéfiniment jusqu'au suicide. La séance du Grand-Guignol démarre. Les rétroprojecteurs, tableaux Velleda, et marqueurs sont les derniers instruments de torture mentale à la mode. Un bourdonnement s'instaure entrecoupé de crissements, des mots-clefs absurdes qui inondent rapidement le paperboard : bienveillance, confidentialité, self esteem, complétés par de nombreuses références à des bouquins de gourous inconnus. On retrouve souvent tous ces pseudo-formateurs à nos cotés, parmi les exclus, quelques semaines après leur intervention.
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merci pour l’enthousiasme dans la présentation, et même si effectivement ce texte est du post vomi de fighclub, du post vomi de Mr Robot qui était déjà du post vomi de fightclub, j'ai plutôt tenté en m'inscrivant dans la même approche post plagiaire, post gloutonne, post do it yourself, post bricoleur du dimanche, post makers, de bricoler un truc en piochant dans des tas de trucs pour raconter quelque chose de nouveau en pervertissant la culture générale du lectorat. Cela dit c'est plus quelque part entre le programme électoral de Cheminade et les villes tentaculaire d'Emile Verhaeren extrapolées aux smartcities dysfonctionnelles post tsunami financier à venir que de fightclub. Sur le fond tout du moins car je n'ai pas le talent du poète belge pour la forme.
D'ailleurs au lieu de lire ce texte si vous avez du temps à tuer je vous propose d'écouter ça https://www.youtube.com/watch?v=bgPjnwVgy1o puis ça https://www.youtube.com/watch?v=KJeDVva16H0 (et tous les autres de Verhaeren)
Assassiné par la foule impassible ou enthousiaste, voilà le destin du poète.
bouffé par la ville dont il sut si bien anticiper les mutations (écoutez son poème sur la plaine et le passage intriguant sur les gens qui passent leurs journées derrière un clavier sachant que c'est un gars du XIXeme siècle et que les ordinateurs n'étaient pas à l'ordre du jour et même si en réalité il parle des métiers à tisser et de l'industrialisation ça fout un peu les chocottes), après avoir été piétiné par la foule, ici c'est sous un hyperloop que Verhaeren meurt de nouveau. (et sous ma teratoprose tentaculaire)
l'intro est trop longue
le dysfonctionnement est le thème principal du texte
Non, c'est une ruse 2.0 pour faire rentrer tout son texte.
l'argumentation bidon et fallacieuse, les bobards et les excuses improvisées sont le thème principal du texte aussi
Tu vois, c'est bien, l'autobiographie.
malheureusement c'est seulement de l'autofiction (j'aimerai tellement avoir un phazer à impulsions électromagnétiques condensées pourtant).
et ici pour votre plus grand bonheur, la playlist ultime d'Emile Verhaeren, https://www.youtube.com/watch?v=wemYazTq6mg&list=PLfTVZJeCgP_uUwzKXvnl-_r9T1q4p7w6T&index=1 des heures de streaming pour vos écouteurs pendant votre jogging hebdo, lu par Jean Yvon en québécois, pour vous faire découvrir, la ville bien mieux que le metronome de Lorant Deutsch, en guide du routard ultime de n'importe quelle megalopole sur terre, du passé et du futur, pertinent sans même avoir à activer la fonction de géolocalisation. Cependant évitez lors de l'écoute de jogger trop près d'un quai de gare voire d'un tram ou d'un couloir de bus (on ne sait jamais)
Le passage sur les sessions de formation-réinsertion est trop viscéralement pertinent pour être seulement auto-ficitif.
ah ça, c'est ce qui nous attend tous, inexorablement, si une réforme sur le partage du travail + un système de formation continue financé par les caisses de chômage, n'est pas sérieusement mise en place.
et la probable autofiction dans une improbable dystopie est bien plus autobiographique que ce texte qui est une prophétie cheminadesque du futur proche
J'avais donc suivi ton conseil et ton lien vers Verhaeren, chouette découverte, je t'en remercie.
Mais j'ai quand même lu le texte, après m'être délecté du flow percussif d'Yvon Jean.
Un peu de mal à rentrer dedans au début, je n'arrivais pas vraiment à cerner l'univers. Et puis ça s'éclaircit au fil de la lecture, les "villes connectées" et les dysfonctionnements, bref, je vais pas t'expliquer ton texte.
Ce qui m'a frappé, ce sont les tons que tu emploies. Par moments on dirait de l'anticipation relativement sérieuse, et puis ça bifurque vers le grand guignolesque sans prévenir, le Fight Club parodique... (sans doute que le scénario subit des attaques DDOS sans prévenir ?) et puis on sent l'amertume énorme du type qui a bossé dans la branche en question et qui crache ses quatre vérités à qui veut bien le lire. Du coup on sait pas bien sur quel pied danser (moi, tout du moins, comprenez que je suis un peu simple). Mais j'ai bien aimé, dans l'ensemble, et je salue ton imagination débridée, ou ta schizophrénie.
Le coup du ressenti c'est imparable. Cela dit, la thématique principale du texte ce sont les effets d'annonce qui ne mènent à rien. Des tas de petits indices sont égrainés tout le long pour qu'on devine qui est le con cramé à la fin. Les effets d'annonces, la surenchère, faire monter le soufflet qui se dégonfle à la fin parce que tout est du bluff, c'est le mode de fonctionnement de ce mec (c'est un truc que je sens venir même si tout le monde le vénère comme un dieu vivant). Effectivement à la fin, ça part en live, on passe au présent, il y a des fautes, le ton change, on passe d'un truc sérieux à du délire cartoon de type Saint Con classique, on voit qu'il y a plein d'incohérences depuis le début, mais peut être que j'aurais dû faire un truc encore plus dysfonctionnel qui se désagrège encore plus pour bien marquer l'intention, peut être que l'effet final est raté. cela dit mon con, ce n'est pas un lapin sorti du chapeau, depuis le début tout mène à lui.
Je comprends mieux. Etant totalement largué sur les nouvelles technologies et les grandes icones qui vont avec (parce que justement, ça me débecte), ce texte ne pouvait pas me parler. Je suis du type bouseux anachronique en terme de lecture/écriture. Bien sûr je me rends compte que les Larry Page et compagnie sont des affabulateurs et des mégalos de première, mais je ne mesure pas le poids de leur connerie.
"Le coup du ressenti c'est imparable", certes, j'évite de sortir des critiques acerbes sur des textes qui traitent de sujets qui me sont presque inconnus. J'assure mon derrière, comme personne dit.
Après le monde ici décrit est essentiellement articulé autour des entreprises et effets d'annonce du mec cramé à la fin, cela dit, c'est un de ses gros entrepreneurs mégalos comme il y en a des milliers d'autres. La question que je me pose, c'est qu'est la révolution numérique à la base et ce à quoi elle va probablement conduire et ce ne sera pas exclusivement de la faute de mon con. Quand on sait qu'un Donald Trump a fait faillite 6 fois et que les banques l'ont suivi en augmentant les investissements, en effaçant les dettes abyssales des échecs de ses projets pharaoniques, pour qu'il sorte des business models avec des baratins encore plus improbables, plus c'est gros plus ça passe comme disent tous ces FDP cyniques, pour ne pas perdre leur mise dans la liquidation de ses activités depuis longtemps jusqu'à le porter à la présidence des USA, et bien je me dis que ce que j'extrapole dans un domaine brassant bien plus de tunes que le BTP et tapant sur des effets d'annonce encore plus fantasmagoriques, n'est pas si improbable que ça. Toutes ces technologies gadgets sur lesquelles 100% de notre futur sont basées (et je ne parle pas que de celles de mon con) vont forcément conduire au tsunami financier annoncé par plusieurs énarques candidats à la présidence française. On peut être d'accord ou pas avec cette lecture apocalyptique de mon texte. Ce qu'on peut me reprocher fondamentalement c'est la faible qualité littéraire du texte qui dessert le fond.
Je me suis arrêté à l'intro et au premier paragraphe suivant. Pour l'instant ça me fait penser à un Mr Robot vs Fight Club old school. Ça sent le texte lapinchienesque à donf' pour la suite. Mon cerveau n'est pas encore prêt à encaisser les pavés suivants. C'est bien/cool/sympa.
Moi j'l'aime bien Elon Musk, il a nom de déodorant. Ou de personnage de Hunter X Hunter.
Le texte ? Ah, putain, c'est long. LC pourrait y avoir caché le nom secret de Dieu que, je suppose, la grande majorité d'entre nous pourrait passer à côté sans même sans douter. C'est ça le gros souci en fait : c'est vraiment très (trop ?) dense. Fight Clubesque (oeuvre que j'ai toujours trouvé un peu juvénile et surcôtée) ? Je n'ai pas autant trouvé que ça; et tant mieux, d'ailleurs.
Cela dit, même constat qu'un peu au-dessus : l'intro et ses passages sur la vie de chômeur, la réinsertion et toute cette merde, c'est très bien retranscrit. Le reste je dois dire qu'il y'a du bon comme du terrible. J'ai lu "coworkers" à un moment, ou encore "Afterwork" - c'est un peu chiant, tout le vocabulaire jeune cadre dynamique-Nolanesque - je me suis demandé si LC n'était pas Macron, mais ça colle pas, puisque c'est cohérent et plein d'idées qui tiennent la route.
Le paragraphe sur la dysfonctionnalité, la perruque de Trump et tout le toutim, en particulier, ça, c'est bien foutu, c'est peut-être là que j'aurai aimé voir plus de longueur, parce que je dois dire que certains passages ont dus être survolés, mais du reste, c'est probablement le texte le plus intéressant et malin qui soit paru cette Saint-con, dense, sûrement trop à mon goût et le lire en une fois n'est pas aisé - la mise en page du site n'aidant pas, cela dit - mais ça vaut le coup, du moins pour lire quelque chose de différent et qui sait se détacher de ses influences sans les renier.
Bien content de découvrir Émile Verhaeren, aussi.
D'ailleurs, astuce qui n'en est pas une, mais agrandir sa page de lecture à 133% permet de s'éviter un sacré mal de tête.
merci pour le truc koax sinon j'aurais pas vu la fin. d'accord avec clacker sur le ton, typique de LC je trouve qui enchaîne lexique froid et précis et expression à la con ou vulgarité, révélateurs de l'état mental de ses narrateurs j'imagine. Et de lui même parce qu'en fait, si le carré de valets c'est des mousquetaires, Musk c'est Heart, autocritique activée. Les trois derniers paragraphes s'avalent d'un coup, on rit quand Musk est "entreprenant" jusqu'à la fin, on a un peu le vertige quand on comprend le plan dans sa globalité, bref c'était long mais on est définitivement content d’atterrir.
ps : lu avec ça en bande-son
https://linge.bandcamp.com/album/allister-sinclair-microsoft-error-picture-show-lp-linge062