Extrait du roman "Le trop jeune général" de Laurent Vo Anh :
Et sur cette infinie route noire et terreuse, on les trouvait, les grelottants, assis les yeux fous et perdus, le corps tyrannisé de froid au point qu'on s'étonnait qu'un cœur puisse encore y battre et pourtant il battait, petit tambour courageux défiant le désarroi, la faim et la mort elle même.
Sans honneur et tête basse nous avancions vite sur nos chevaux furieux, nous filions dans la masse obscure devant le peuple en exode, ahuri de nous voir, nous, encore nous, guerroyer sans mourir, sans hurler nos milles blessures, vaillants et dans la catastrophe.
Je sentais leurs mauvaises odeurs de mourants, de crasseux, de malades, et une fois, mais la honte ne s'arrêtera pas là, nous en reversâmes un, trop au centre de la route, trop épuisé pour nous esquiver, celui là, l'avons nous accidentellement tué, en est il mort ? Je saurais jurer que oui. Alors un de nous nous devançait, hurlant de lourds avertissements pour qu'on nous laisse passer. Au dessus de nos têtes, le ciel était encore plus noir et à présent c'est exclusivement sur nous que la pluie tombait, son eau se mêlant à nos larmes de culpabilité.
Bien plus tard et bien plus loin, nous rencontrâmes même des foules hostiles, c'est nos chevaux, ils voulaient voler et tuer nos chevaux pour les manger, ils trouvaient, les pauvres naïfs, le fer de nos sabres, sans avoir à masquer quelques secrets nous tranchions au passage les poings féroces des imprudents les plus voraces et belliqueux, rien, ces jours et ces nuits là, ne nous arrêta si bien que nous arrivâmes à l'heure dite aux positions avancées, nous étions les éclaireurs, les premières lignes du front, regardant en contrebas l'armée adverse violer, pilier, tuer, hurlements étranges ressemblant déjà aux cris sans fin des fantômes et des anges martyrisés.
Malgré l'effort et la fatigue, tous, nos chevaux compris qui piétinaient avec fureur, étions prêt, sans repos, jugeant avant de viser et à l'écoute. A quelques centaines de mètres on entendait des cris d'enfants, des jeunes filles et c'était atroce de les entendre, c'était donc là ou nous allions, là ou nous commencerions la défense des nôtres, et nous filâmes comme une explosion libérant son meurtre et ses meurtriers, hélas, rapidement, nous vîmes que les violeurs étaient de notre armé, s'acharnant pour s'amuser sur des civils, nous ne nous étions pas trompé de route, mais certainement de guerre, et nous humes ce soir là le plus grand mal à remettre de l'ordre et dresser les pelotons d'exécutions !
C'est certainement quand toute la vallée sût que j'étais là que les exactions cessèrent, les hommes se regroupaient et venaient vers nous, ce long cortège de criminels en uniforme et ces salauds me souriaient jusque sous mes coups de bâton ! Moi je visais leurs crânes pour faire s'éteindre leurs yeux pleins d'incompréhensions, je crois que je les aurais tous tué toute la nuit durant si enfin, l'armée adverse n'arriva, toute pleine de pompons et de casques brillants, ceux là aussi, violeraient nos enfants, maudite nuit sans fin, maudits carnages et tant d'enjeux, plus rien de beau ne motivait mon corps, le monde était gâché, des oiseaux blancs devenaient rouges de sang en dévorant des vers dans les entailles des cadavres et dans chaque buisson on trouvait des enfants pleurants, les voir me rendait si triste et rien ne semblait les consoler.
LA ZONE -
Extrait du roman "Le trop jeune général".
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Les exagérations furieuses de Hurlante Nova dans ses descriptions de scènes de guerre, d'exode, d'occupation et massacres sont toujours poignantes. Je me souviens avec émotion du délirant "Mémoire de guerre" ici http://www.lazone.org/articles/2482.html et ses fameux missiles Wonker, ses snipers qui tuent leur cible à des 10aines de kilomètres.
Ici la dénonciation des atrocités ordinaires, intemporelles et quotidiennes (principal passe temps de l'Humain moyen dans toute sa splendeur et aussi vertueux puisse-t-il se revendiquer in fine) tapent moins dans le registre de l'humour absurde mais l'exagération est toujours présente comme une signature de Laurent Vo Anh pour mieux toucher la corde sensible de nos contemporains biberonnés à la violence et à l'horreur et totalement immunisés, insensibilisés. Un bon moyen de redescendre sur terre. Ici c'est mené avec plus de subtilité et ça semble s'inscrire dans un plus grand texte. Les exagérations émergent telles des mines à effet cluster lors d'un retour à la ligne, impromptues, entre deux phrases tout à fait bien classées dans le conventionnel dans nos inconscients collectifs, du coup l'effet paradoxalement au lieu d'être édulcoré est sublimé. Je fantasme une unité de l'usage de ce procédé dans tout le roman et j'avoue être intrigué.
Un texte publié également sur toutelapoesie.com, où l'on apprend qu'un lecteur est atteint d'un cancer de la prostate.
http://www.toutelapoesie.com/salons/topic/75074-prose-romanesque-extrait-du-roman-le-trop-jeune-general-de-laurent-vo-anh/
Le roman entier en téléchargement requiert une inscription au site, soyez assez aimable pour aller vous faire foutre.
cho.
Une biographie écrite par roulage de crâne sur clavier est disponible ici, accompagnée d'un extrait audio de "Mémoire de guerre", sur un ton très emphatique qui me rappelle mes communications en escouade sur Battlefield 2.
https://uneetoiledanslagorge.wordpress.com/extension/laurent-vo-anh/
"Il est derrière la maison, je l'ai touché, je suis sûr que je l'ai touché, vas-y, mais putain vas-y t'es con ou quoi, dis à ta mère que tu descendras les poubelles plus tard, on s'en fout, putain il est à la fenêtre du premier étage, grenade putain, grenade, t'es con ou quoi, c'est bon je l'ai headshot, bien joué gros, l'hélico il respawn quand déjà, il reste combien de temps, putain on doit prendre Delta sinon c'est mort, il nous reste que trente tickets, elle est bien la mitraillette HoneyBadger, tu devrais vraiment la tester, je la trouve ergonomique, le viseur Reflex est sympa à moyenne distance, ah ben je suis mort là, quel con, je vais fumer je reviens."
je suis assez d'accord avec ce que tu dis mais "mémoire de guerre" me fait quand même mourir de rire.
c'est à se taper le cul par terre https://archive.org/details/LaurentVoAnh-MmoiresdeGuerre Quelque part entre Full Metal Jacket et Las Vegas Parano
Tu avais une opinion un peu plus distanciée sur le texte en 2014.
On remarque toutefois une évolution chez l'auteur dans le cadre de son roman, qu'on ne lira pas du coup c'est dommage, qui ne s'améliore pas sur la conjugaison malgré l'omniprésence de correcteurs automatiques -nous humes, d'Hummer, un anglicisme amphibie-, mais soigne davantage sa syntaxe, comme un cadeau de fidélité au lecteur méritant.
Il parait que hurlante nova est le neveu d'un gars super important et haut placé. Je ne sais plus où il l'a dit. Déjà rien que pour ça, je l'aime bien. Ce ne doit pas être facile tous les jours d'être un Riri, Fifi voire Loulou IRL.
d'ailleurs puisque c'est public, je partage le scoop, voici l'oncle en question en pleine discussion avec hurlante nova au sujet des vortex de l'univers (un de mes sujets de prédilection, j'ai vraiment eu du bol)
https://www.youtube.com/watch?v=pSWXQT2FGBA
Par contre je n'ai pas la moindre idée de qui est cette personne. S'il est aussi haut placé et influent qu'hurlante novae le proclame, probablement le délégué de Goldman Sachs et Rothschild pour donner des ordres au présidents de la France. On sent que la discussion est très macronienne.
La philosophie vietnamienne, il faut être du sérail, sinon c'est hors de portée.