Verchiel poussa les portes violemment et pénétra dans la salle du trône avec fracas. Le roi Venkeï se tourna vers lui et lui lança un regard noir. Il fit un geste à ses conseillers qui se courbèrent aussitôt avec respect et quittèrent précipitamment la salle.
- Comment oses-tu faire attendre ton frère comme un vulgaire paysan ?!
- Je ne suis pas à ta disposition, Verchiel, et ta guerre me coûte déjà assez cher !
- Comment ça, MA guerre ?! Notre guerre tu veux dire, une partie des terres du Silence te reviendra de droit.
- J’espère bien car ce sont majoritairement mes forces qui sont engagées dans la bataille…Que me vaut le plaisir de te voir si tôt ?
Ils s’enlacèrent en guise de salut et Venkeï lui tapota affectueusement le dos. Le roi désigna de la main un fauteuil pour que Verchiel puisse s’y asseoir mais ce dernier refusa l’offre. Il se sentait bouillir de l’intérieur, la rage le consumait doucement et il ne pouvait s’empêcher de faire les cent pas autour du roi. Il expliqua à son frère l’évènement tragique qui s’était déroulé quelques semaines plus tôt.
- Personne n’a donc survécu ? Dit-il les yeux grands comme des soucoupes.
- Non, personne. Ma descendance n’est plus et mon cœur a soif de vengeance !
- Je t’avais dit que ces Shayatan étaient dangereux. Ils sont possédés par le diable ! Envahir leur territoire était une erreur…et s’attaquer personnellement à sa fille pure folie…
- Mais de qui parle-t-on grand dieu ?! Es-tu un roi guerrier ou un lâche ?!
- Il suffit Verchiel ! N’oublie pas que tu t’adresses à ton roi !
- Et à mon frère aussi ! Ces anges de sang ne sont que des imposteurs ! Ils ont reniés leur race par leurs blasphèmes. Nous avons été spoliés dans le partage des terres et maintenant qu’ils sont dénigrés par l’Eternel lui-même nous allons récupérer ce qui nous revient de droit. Nos forces vont les écraser. Je veux les voir brûler, tu m’entends ?! Je veux voir leur corps s’embraser dans les flammes de l’Enfer comme sa chienne de fille !
- Le sud-est du Silence est déjà en notre possession. Notre armée siège devant le château du frère d’Azaël, le roi Hesediel, tu peux y assouvir ta vengeance.
- Je me fous de son frère ! C’est lui que je veux ! Lui, sa putain et ses deux bâtards !
Venkeï tenta de le résonner et alors qu’ils mettaient en place une stratégie contre les Shayatan, au même moment, le château d’Hesediel tombait aux mains de l’ennemi. Ce dernier s’avouait vaincu et était prêt à signer sa reddition.
Un grand banquet fut préparé pour célébrer la victoire. La conquête des territoires de l’Est avait été un succès retentissant. Verchiel et Venkeï trônaient fièrement au centre de la pièce, à la table d’honneur, entourés de nombreux convives. Sur une immense table nappée de blanc, une multitude de plats avait été disposé et les musiciens accompagnaient les différents services avec enthousiasme. Le seul qui ne semblait pas prendre part à la fête était le roi Hesediel. Trophée de victoire, il ne comprenait pas ce qu’il faisait ici, il aurait dû être dans les geôles avec le reste de sa famille mais au lieu de ça, il était attablé avec les autres invités. Il dévisagea Verchiel d’un air de défi et il sentit le regard noir de ce dernier le transpercer tout entier. Il y avait quelque chose d’animal chez cet homme, quelque chose de profondément malsain qui sommeillait en lui. Les deux frères chuchotèrent alors des paroles inaudibles et les festivités se poursuivirent. Les mets ne cessaient de défiler sous les yeux du roi Hesediel et sans comprendre pourquoi, une faim grandissante se mit à le consumer. Brusquement, les musiciens firent tinter leur cithare et leur guiterne pour annoncer le plat de résistance. Une grande marmite de potée fut posée au centre de la pièce sous les applaudissements des invités. Tous savourèrent le plat du roi et même Hesediel fut forcé de reconnaître que la viande et les saucisses étaient extrêmement goûteuses mais il n’arrivait pas à rassasier son appétit. Il se mit alors à manger de manière compulsive, se resservant de grosses plâtrées de potée sous le regard interrogateur des convives. Venkeï prit alors la parole avec un sourire mauvais :
- Roi Hesediel, le plat vous convient-il ?
Avec difficulté, il détourna le regard de son assiette et releva la tête en direction de Venkeï. Il pouvait sentir le gras couler le long de son menton, ce gras succulent qui appelait insatiablement une autre bouchée. Hesediel tenta de reprendre ses esprits :
- Que m’arrive-t-il ?
- Connaissez-vous mon roi, la légende de l’Ogre d’Anubarak ?
Son esprit fut troublé, il se leva machinalement en direction de la marmite, l’appel du ventre était plus fort que les paroles du roi Venkeï. Ce dernier poursuivi donc, se délectant du spectacle :
- Cette fable raconte comment ce monstre commande à l’appétit…On dit aussi qu’à l’aide d’un seul sacrifice, il peut exaucer vos prières…
Les yeux fous, Hesediel plongea les bras dans la marmite, prit des grosses poignées de viande et les engloutit presque aussitôt.
- Je vois que ce repas vous convient bien mieux que ce je pensais… La viande est-elle à votre goût ?
Une lueur de lucidité traversa son regard, il arrêta brusquement ses gestes et Venkeï poursuivit :
- Vos enfants sont-ils à vôtre goût, roi Hesediel ?
Tous se mirent à rire de bon cœur et les invités continuèrent les festivités dans la bonne humeur.
Verchiel observa de son œil noir Hesediel, complètement abruti par la faim, qui continuait d’engloutir bestialement les chairs de ses enfants. Malgré leur domination écrasante sur les anges de sang, sa rage ne semblait pas s’être apaisée, bien au contraire, sa haine s’était décuplée. Et sans vraiment savoir pourquoi, il voulait voir le monde brûler et sombrer dans le chaos.
LA ZONE -
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C'est une superbe idée et sa mise en pratique est surprenante de justesse : créer d'un coté un feuilleton sur une mythologie (Les Septs) puis démarrer en parallèle un second feuilleton qui fait référence aux personnages de la mythologie, comme à des dieux, des démon qu'on pourrait invoquer pour infléchir le cour de l'histoire. Cuddle tape dans le storytelling de haut vol. Par contre je lui conseille au lieu d'utiliser des astérisques de mettre en place un systeme de liens en HTML dans son texte (les admins ont le superpouvoir d'injecter de l'HTML dans leur texte)
sinon je trouve dommage que les mythes et les invocations, la magie soient super efficaces. Si j'avais eu une aussi brillante idée, j'aurais plutôt fait une mythologie très fantastique avec beaucoup de magie, et une seconde histoire plus réaliste où la magie ne fonctionne pas du tout mais où une sorte de clergé aurait mis en place des stratagèmes pour que l'illusion de la magie horrifie le peuple pour garder le contrôle sur lui. Cependant ce n'est pas si désagréable que cela de rester dans le genre fantasy pur dans le second feuilleton. L'idée de la dualité est tellement originale que ça le fait surtout que pour le lectorat et la mythologie et la réalité sont parallèlement en construction. Si le volet mythologique était déjà complètement plié ce serait moins intéressant. Là, le suspense se projette dans les deux dimensions et les questionnements et attentes du lecteurs sont totalement ouverts. Ce ne serait pas le cas si la mythologie était pliée. Le lecteur serait plus dans une posture de revendication et de défiance par rapport à l'auteur.
Je pense que Cuddle a mis le doigt sur un superbe mécanisme de storytelling. Elle devrait le monnayer à HBO et Hollywood pour qu'ils arrêtent de nous saouler avec leurs reboots de licences et spin off à la noix. Bravo !
@ Lourdes Phalanges : bien avant South Park j'avais écris ça : http://www.lazone.org/articles/622.html et j'imagine qu'avant South Park et moi, d'autres avaient trouvé le même final twist. Dans le texte de Cuddle ce n'est pas le plus important. heureusement parce la ficelle est un peu usée CMB.
Je me doute, la référence à South Park est uniquement là pour faire cliquer le jeune visiteur.
YOUOUou j'ai réussi à mettre le lien direct !
j'ai un peu peur de tomber sur une coloscopie d'Obama en cliquant