Nous étions coupés de toute temporalité, notre génération avait été vidée de son utilité, mais en wagon comme à l’école, la jeune femme à l'aiguillière de Vermeer nous avait fauché comme la Mort, et ce fut ainsi que nous habitions par hasard le présent : des notes s’étalaient sur les tables, nous étions à nous-seuls une communauté d’auteurs.
On se glissait la nuit dans les draps d'une femme qui était morte là après avoir eue un orgasme sur les sonates de Beethoven. Il y avait bien sûr, la nuit aussi, la fureur rouge des Bolcheviks qui revenait au galop. Rouge comme le clone de ce verre de vin rouge, bu d'une traite comme si c'était la recette du bonheur.
A l'arrivée, à hauteur de midi, il fallait se présenter à ce monsieur seul au comptoir du bar, alors que la neige tombait à nouveau sur la ville, pour lui exposer gentiment notre thèse selon laquelle nous étions sur une lointaine planète où il y avait de la vie. La vie qui mettait autant que possible la même quantité de testostérone dans l’appareil reproducteur d’un mâle.
Ensuite l'aumône vulgaire devant un Mac Do pour se payer de l'afghan un peu plus tard. En sinuant les ruelles, en écoutant parfois bon gré mal gré les sornettes de la rue, le travail de la quête enrichissait alors son homme.
On fumait aussi la moquette des salles cinématographiques ; on trouvait dans les vieux journaux hebdomadaires qui trainaient par terre des récits de guerre acharnée, mais tirés de la servitude à la fois économique comme politique, on préférait vivre notre romance sans réelle appréhension.
Un jour de pêche un peu trop arrosé et fumé, j'avais arrimé un véritable thon, ce gros poisson des mers équatoriales et tempérées ; j'étais alors sur le dos d'un éléphant indien qui portait parmi d'autres lourds fardeaux Brahma, Shiva, Vishnu, Durga, Kali, Ganesh, Hanuman, Saraswati, Lakshmi, Parvati, Ganga etc. Je l'avais ensuite harponné ce thon et il pissait tellement, mais alors tellement du sang qu'il me rappelait nos ballons de vin rouge quand nous sortions les instruments exosomatiques pour rejeter, transformer, échanger l'énergie.
Un travail récompensé par un dîner qui n'entrait dans aucune catégorie sociable.
Un autre jour sur la place publique, pour me faire du fric, j'avais joué le ventriloque avec Jean Marc -un étrange chimpanzé décoré, oui monsieur, par la légion d'honneur. Un chimpanzé aux couilles bleues dans un soutif en cuir de luxe, avec trou du cul en trompette.
Encore un autre jour, cherchant ma cacahuète perdue au fond de son soutien-gorge en cuir noir, l'idée de devenir un Agent d'Escale Ferroviaire me traversa l'esprit. Cependant, en arrivant au nombril, je m'étais accroupis pour chier une fameuse coulée de perles byzantines.
Et puis finalement nous avons fini nos jours tranquilles avec Jean Marc, le singe qui aimait désespérèment jouir jusqu'à la dernière gouttelette.
« Lorsque tombe le soir avec mélancolie
Entre les fesses noueuses du cul parfait de Cassie
Je fume mon herbe et son regard si fou
Et ses propos naïfs roulent lentement sur le plancher
Sous ses cheveux flottants, tout bouclés sur son cou
Je devine la solution alternative qui a quand même gagné »
Il fallait nous voir, les deux amants à moitié bourré, suivre les rails pour arriver à ce train à moitié opérationnel ; les clous et les vis de ses strapontins avaient rouillé par trop de prompte obéissance. Nous étions à une époque où le charbon brûlait dans une locomotive imaginaire. En wagon, immobiles, nous regardions les paysages éphémères s'acoquiner avec le bon élève qui prend soin de relever leur obsolescence.
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Ceci était un commentaire burroughsien en mode écriture automatique puis soudain je lançais une video youtube de Jean Marc et Jeff Panacloc pour me documenter.
Je ne savais pas qu'on pouvait fumer la moquette des salles de cinéma.
Intimement j'ai le sentiment qu'une bonne et authentique raclée burroughsienne manque dans les parages...
L'endroit est désert par ici