Quoi qu'il en soit, de nombreuses légendes urbaines circulent à propos des vortex. C'est assez richement documenté dans la culture populaire, les bouquins de science fiction, les films, les séries et autres produits dérivés aussi je ne vais pas m’appesantir sur le sujet. De l'extérieur, ça a l'apparence d'une minuscule galaxie spirale avec un plan d’accrétion et de larges bras en rotation. J'en suis venu à la conclusion que ce ne pouvait être qu'une plissure de l'espace-temps qu'on aurait tant vrillée sur elle-même que la brane universelle la contenant se serait momentanément déchirée localement aspirant les chronotrons de l'environnement direct s'écoulant en tourbillon vers d'autres dimensions happés par ce siphon naturel. Je parie que c'est à peu près comme cela que vous vous représentiez les vortex. Par contre, une sorte de rayonnement violacé constitue la dominante lumineuse de cette entité éthérée, et ça c'est très peu véhiculé dans les croyances communes. Munissez-vous donc de lunettes noires et enduisez-vous abondamment de crème solaire si vous ne voulez pas chopper une saloperie. Ce que je vais vous annoncer est encore plus méconnu. Surtout ne jamais plonger dans le vortex et encore moins en prenant de l'élan. Vous risqueriez de bien vous casser la gueule. Non, un vortex n'est pas l'entrée d'un toboggan vers un improbable Aquaboulevard de l'entertainment interdimensionnel. Il y a un minimum de règles à respecter si vous souhaitez en emprunter un et vous en sortir en un seul morceau. Ne sautez jamais dans son noyau. Vous seriez instantanément vaporisé en une myriade de particules élémentaires éparpillées en un éclair dans le multivers à la vitesse de la lumière vers d'improbables futurs, passés et autres présents orthogonaux insoupçonnés. Approchez-vous assez lentement d'un des bras et posez avec précaution la main droite sur sa surface, faites la glisser doucement tout en suivant le mouvement de rotation et en vous dirigeant vers le centre. Un peu comme si vous dansiez un tango avec le bestiau. Au besoin, si le vortex est apparu en sur-élévation par rapport au niveau du plancher, n'hésitez pas à construire un échafaudage stable sous le siphon afin que les bras spiraux soient à peu près au niveau de votre taille lorsque votre main y coulissera. Je ne saurais trop vous expliquer la chose même si j'ai quelques hypothèses en tête, mais la normale du plan d’accrétion du vortex prend assez rapidement la direction opposée à celle de la gravité, le sens de rotation à l'air d'être influencé par la force de Coriolis comme quand on tire une chasse d'eau, aussi l'orientation du vortex est-elle toujours optimisée pour qu'un humain puisse s'y engager avec la plus grande des sécurités. N'y voyez qu'une sorte de grosse coïncidence cosmique. En aucun cas, vous ne me verrez exposer des théories anthropocentristes et autres commentaires basés sur les propos fallacieux des militants de l'intelligent design. Jamais.
Si vous avez bien suivi mes conseils, vous allez rapidement vous retrouver dans l'Hélicoïde, une sorte d'escalier en colimaçon, un brin d'ADN de notre univers ou je ne sais trop quoi. C'est bien pratique pour se déplacer dans le vortex en tous cas. Au début vous allez être un peu déstabilisé par le rayonnement violet dans lequel vous allez baigner et qui va vous aveugler. Rappelez-vous comme je vous le disais tantôt qu'aveugle vous l'êtes déjà dans des tas d'autres niveaux de considération de la vie de tous les jours et que pourtant vous vous en sortez très bien. Les gens qui d'ordinaire manquent d'assurance, ceux à qui tout le monde répète sans cesse qu'ils n'ont pas confiance en eux, seront ceux qui s'en sortiront le mieux. Probablement parce qu'il doutent assez de la réalité commune pour ne pas être complètement chamboulés par une réalité extraordinaire qui viendrait à se présenter ? Prenez une grande inspiration et relaxez-vous. Il y a un coup à choper. D'abord faites plutôt confiance en vos sens tactiles qu'en votre vue. La rambarde, votre main qui glisse dessus, c'est comme un fil d'Ariane, la prendre pour principal repère et surtout ne jamais la lâcher. Peu à peu, votre cerveau va corriger votre perception de l'altérité. C'est bien plus plastique qu'on croit, un cerveau, en particulier dans des milieux qui sortent du cadre banal des lois de la physique euclidienne et relativiste. En lieu et place des photons, vos yeux, après quelques minutes d’acclimatation, vont vous restituer votre environnement direct en interprétant le flux de chronotrons qui bombarderont vos rétines. Bien sûr, tout ceci dépasse mon entendement, je suis peut-être à coté de la plaque mais je vous révèle en vrac une sorte de polaroid des certitudes que je peux bien avoir de la chose. Il est probable qu'une fois rigoureusement étudié scientifiquement le phénomène soit expliqué bien différemment. Je fais peut-être des liens entre des trucs, en faisant des analogies ou des corrélations alors qu'en fait c'est très conditionné à l'appréhension que j'ai eu de la chose, Mes histoires, mes conseils sont donc à considérer avec toutes les précautions qui s'imposent au travers du filtre d'un simple retour d'expérience d'explorateur, un témoignage plutôt franc bien plus que d'un exposé de spécialiste ou d'un cours magistral. Mais j'imagine que vous n'êtes quand même pas assez cons pour prendre tout ce qu'on vous raconte pour argent comptant et au premier degré. C'est au moment où j'ai été confronté à un bug logique du système judiciaire que le vortex est apparu dans mon salon. J'imagine que les prises de conscience d'autres types de paradoxes systémiques dans d'autres référentiels peuvent également conduire par induction à l'émergence spontanée d'un vortex pour équilibrer une sorte d'équation universelle en digérant les anomalies. Ce ne sont que des supputations de ma part, vous l'aurez bien compris.
Mon paradoxe systémique pouvait être régulé par l'apparition rétroactive d'un vortex à chronotrons mais j'imagine que d'autres bugs ou glitchs informationnels provoquent l'émergence de vortex à gravitons, à photons au tout autre type de boson idoine. Je spécule à nouveau mais ça me semblerait logique. Quoi qu'il en soit, sachez que les vortex violets sont des vortex à chronotrons et si vous expérimentez la chose, ce qu'en réalité je ne vous souhaite pas car ça peut être assez traumatisant, surtout si vous avez une grande confiance en vous, en vos certitudes, que vous êtes un con pas fini qui ne se remet jamais en question, ça peut vous faire sombrer partiellement ou totalement dans une sorte de voile de folie furieuse assez handicapante dans la procession du continuum de vos vies de larves. Si je suis certain que le vortex que j'ai emprunté était un vortex à chronotrons, là par contre, ce n'est pas de la supputation fantasmagorique, c'est purement factuel car voyez-vous, une fois dans l'Hélicoïde, lorsque mes yeux se sont acclimaté aux stimuli folkloriques, j'ai très distinctement pu apprécier les fuyantes radiales du colimaçon par delà la rampe d'accès que je ne lâchais pas de la main droite. Où que je puisse apposer mon regard, chacune de ces lignes de fuite s'étiolait en gradient conique dans un fade out de violet en alpha, un dégradé pourpre très pur sur la ligne et qui s'évanouissait en transparence dans un épais brouillard formant une frontière en corolle. Chacun de ces cônes radiaux était une porte de sortie potentielle du vortex vers une date très précise de ma vie et il me suffisait d'enjamber la rambarde à une date donnée, de courir droit devant pour me retrouver projeté en moi-même à une époque bien précise et déterminée de ma vie. Il suffisait pour cela que j'atteigne une certaine vélocité de croisière, pas très rapide d'ailleurs, pas exténuante, pour d'un coup être happé par la pensée hors du vortex, spectateur au travers de mes propres sens d’événements que j'avais déjà vécu. Si je ralentissais alors je me retrouvais à nouveau dans un cône brumeux et si jamais je me retrouvais complètement à l'arrêt, j'étais projeté de nouveau dans l'Hélicöide du coté initial de la rambarde.
C'était en vérité, je vous le concède assez décevant. En effet, lorsque j'expérimentais la chose la première fois, je trouvais cela plutôt rigolo. Je n'avais pas avancé bien profondément dans le puits en hélice, j'avais à peine descendu quelques marches, aussi lorsque j'avais sauté par dessus le rail de sécurité et que j'avais couru, j'avais été projeté par la pensée quelques minutes à peine dans le temps, à l'intérieur de mon propre corps, observant sans rien pouvoir y faire, tout ce que j'avais fait lorsque j'avais reçu le courrier du Doyen des juges d'instruction m'informant le 25 janvier 2016 de l'irrecevabilité de ma plainte contre X avec constitution de partie civile pour usurpation d'identité, faux et usage de faux et entrave à la justice, du fait du non paiement de la consignation fixée à la date fixée. Bien entendu, quand je vous dis que c'était rigolo, on est bien d'accord en réalité, ça ne l'était pas du tout. Au contraire, c'était assez triste d'apprendre cela par courrier même si bien sûr je savais que ça allait se produire puisque je l'avais déjà vécu. Par rigolo, je voulais dire que c'était assez étrange pour m'extirper de toute l’affliction et la déprime auxquelles la réalité me condamnait. Toujours en témoin impuissant de ce qui se déroulait, je quittais le hall de l'entrée où se trouve ma boite aux lettres, appelais l'ascenseur, remontais chez moi et en ouvrant la porte du domicile, découvrais le vortex qui était apparu dans le salon. Par décevant, en fait, je veux dire qu'in fine emprunter un vortex à chronotrons, ce n'est pas bien utile au premier abord puisque même si ça vous permet de voyager dans le temps, vous vous retrouvez en situation de spectateur de ce qu'il s'est produit et ne pouvez en rien changer ce qu'il s'est passé. J'ai bien essayé de communiquer avec mon moi passé, tenté d'infléchir ses mouvements, de faire sortir d'autres mots de sa bouche, de lui refiler des tuyaux sur ce que ses choix et actions allaient avoir comme incidence mais ça ne marchait tout bonnement pas comme ça, le cour des choses se déroulait toujours à l'identique. J'avais accès aux pensées confuses de mon moi antérieur mais impossible d’interagir avec ou les modifier de quelque manière que ce soit. Après une dizaines d'incursions dans mon passé, j'ai bien constaté mon impuissance à infléchir le cour des événements dans le sens de mes intérêts alors j'ai arrêté de courir puis je suis remonté à la source de l'Hélicoïde et tranquillement je suis sorti du vortex guidé par ma main qui tenait la rambarde de sécurité qui petit à petit mutait en bras spiral. Une fois de retour dans ma salle à manger, j'étais bien forcé de constater : Bordel ! Voyager dans le temps via un vortex à chronotrons c'était à peu près équivalent à fermer ses yeux et se souvenir du passé, sauf qu'il fallait déployer une énergie bien plus grande. Cependant je constatais que le voyage présentait deux avantages. Je ne revivais pas exactement les choses à l'identique puisque je savais déjà ce qui allait se produire et que j'étais dans un état d'esprit plus serein en règle générale. De fait, il m'était possible de décrire bien plus fidèlement ce qu'il s'était produit et donc de modifier, dans le sens d'une plus grande précision, le souvenir que j'en avais.
Comme le vortex ne variait pas en intensité ni ne tendait à disparaître, c'est en l'empruntant fréquemment que j'ai pu très fidèlement reconstituer et formaliser la chronologie des événements de chacune des affaires. Peut-être existe-t-il une utilisation plus pertinente du vortex ? Cependant je ne l'ai toujours pas trouvée, pas plus que je n'ai compris en quoi son émergence est venue endiguer de quelque forme que ce soit le paradoxe du système juridique qui semble-t-il a généré cette aberration. Peut-être en définitive la seule leçon que je retire de cet événement hors du commun n'a pas de prix ? Le passé, c'est le passé. Consacrer son présent à le ressasser sans relâche, c'est perdre un temps monumental, se plonger dans une introspection stérile, se priver soi-même d'avenir.
Probable autofiction dans une improbable dystopie - 03 - Failles spatiotemporelles pour les nazes
Le 08/11/2016par Lapinchien
Je vous concède qu'il n'est pas commun de voir l'émergence spontanée d'un vortex en plein milieu de sa salle à manger. Si je couche ces quelques lignes, c'est probablement afin de partager deux ou trois astuces avec ceux qui seraient confrontés à la même situation et qui ne sauraient pas trop quoi faire. Je trouve assez déplaisant de laisser des gens dans l'embarras, même si je ne vous connais ni d’Ève ni d'Adam. Il est fort probable que vous ne soyez que de sales bestioles, des opportunistes de la survie comme la plupart des êtres vivants qu'il m'ait été donné l'occasion de croiser dans ma trépidante vie de sociopathe, des individus lambda qui tant qu'ils ne sont pas confrontés à l'adversité, ne savent pas que sommeillent en eux, d'insoupçonnées prédispositions pour la trahison, la délation, le dénigrement, le faux témoignage, la collaboration sous la tyrannie. Il y a de fortes chances aussi pour que vous viviez dans un déni total de vos principaux modes de fonctionnement et en particulier du mélange des genres que vous entretenez inconsciemment, la véracité sans faille que vous accordez à tout ce qui abonde dans le sens de vos intérêts et votre confort de vie. Vous collectionnez, dans la plus pure des innocences, toute une flopée d’œillères dans la plupart des domaines qu'il soit possible d'imaginer. Tenez ! Je suis certain que vous faites aveuglément confiance aux gens qui vous accompagnent dans votre subsistance quotidienne d'être grégaire, et je parle bien sûr de vos copains moutons, des bergers, des chiens rabatteurs, des gardiens du cheptel, des vétérinaires, de ceux qui vous tondent et aussi, peut être, de ceux qui vous conduisent à l’abattoir. Jamais il ne vous viendrait à l'idée qu'il y a plus à redouter des individus qui vous élèvent gentiment au sein du troupeau que des méchants loups desquels ils prétendent vous protéger. J'étais comme ça avant. Et j'avoue que lorsque je rabaisse ma garde, je replonge sans même m'en apercevoir dans ces travers et automatismes dégueulasses. C'est pour cela qu'aujourd'hui j'aime mon prochain et que je ne lui tiens pas rigueur des tourments et tracas qu'il peut m'occasionner. Je lui pardonne à présent. Ce sont des choses qui le dépassent. Ce sont des choses qui nous dépassent. Nous sommes tous des fils de pute en puissance mais nous n'en savons rien.
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Ah. J'étais tout content (avec la queue toute frétillante) de retrouver un texte de Lapinchien, mais je dois avouer que ça m'a pas botté plus que ça. Le côté scientifico-absurde est sympa, mais en dehors de ça je me suis pas mal ennuyé, à part pour le pénultième paragraphe qui est assez drole.
Peut-être que si je lisais les précédents chapitres ça irait mieux. Avec un lavement.
Je trouve également que le mélange rentre-dedans à la limite de l'injure du lectorat et la volonté non concrétisée d'écrire un texte de SF absurde, donne une mayonnaise dégueulasse qui ne prend pas. Je ne sais pas qui est cet auteur mais il est clairement overrated.
C'est vrai que tu insultes le lecteur, mais ça bizarrement ça ne m'a pas gêné. Au contraire, j'aime me faire insulter. Je dirais même que ça me fait bander. Je m'enduis d'huile quand on m'insulte, je me touche, mais pas le sexe, pour faire durer le plaisir. Je prends des poses aguicheuses devant le miroir, je me flagelle un peu avec mon rideau de douche, je me déguise en Brigitte Bardot version contemporaine, j'élève des petits chiens et je les dresse à me mordre les mollets, je me sers d'anguilles comme crème pour la peau, j'utilise du papier de verre quand je défèque, j'ai des pinces-tétons et des aphrodisiaques pour personnes du troisième âge à portée de main, je dévisse les ampoules et je me les branche directement dans le fondement et, croyez-moi ou non, parfois ça fait de la lumière. Et je ne suis pas suivi par un psychiatre, c'est vous dire la laideur du monde dans lequel on vit.
#Totalehonnêteté nique #totalrecall
"Nous sommes tous des fils de pute en puissance mais nous n'en savons rien." #GodBlessAmerica