Il y avait aussi, dans la rue adjacente où elle vivait, une quincaillerie tenue par deux Noirs martiniquais qui poursuivaient à longueur de journée, un dialogue calme et résolu, exclusivement consacré à la manière de se suicider intelligemment. Ils représentaient, selon la jeune femme, un répit par rapport à l’obscurité totale qui approchait.
Cette nuit, comme toutes les autres nuits, elle errait dans l’appartement, à moitié endormie, vérifiant que chaque porte et chaque fenêtre étaient bien fermées. Ce n’était peut-être qu’un réflexe automatique sans importance.
Ce n’était peut-être qu’un réflexe automatique sans importance mais le lendemain elle était sur l’autoroute et pensait à cette ville et à cette vie qu’elle avait abandonné ; et déjà, l’odeur de l’océan Pacifique, curieusement, avait envahi la Range Rover. La tendre douceur de ce printemps contrastait avec toutes ces nuits d’angoisse qui étaient à effacer.
Elle roulait pour oublier leur pénombre macabre, elle roulait aussi pour éviter le fatalisme bavard de son psychiatre qui, lui, était resté dans les souterrains urbains, les égouts, la merde quotidienne. Furax d’un tel souvenir, elle quitta rapidement l’autoroute ; en sortant à chaque fois des routes, puis des chemins, après avoir longtemps errée dans les steppes, elle arrêta le moteur dans ce lieu qu’elle connaissait instinctivement : La Zone.
Angela était de retour ! Mais c’était la désolation ! Pas une désolation d’apparat, non une véritable apocalypse ! Parmi les carcasses des Mercedes aux teintes noires, encore fumantes, elle regardait les cadavres des zonards presque entièrement putréfiés, couchés à jamais dans l’herbe, un scalp saignant leur tempe.
Les zonards avaient été décimé par des aborigènes aux masques d’horreur dignes de la tragédie grecque. D’où venaient-ils ces vivisecteurs d’un autre temps ? Ils avaient laissé en guise de tags de mystérieux hiéroglyphes ainsi qu’une effigie indubitablement figurative, mais dont l’exécution abstraite ne permettait de déterminer la nature exacte. On eût dit une espèce de William Burroughs, ou bien la représentation symbolique d’un William Burroughs, que seul un esprit malade avait pu concevoir.
De retour dans sa ville, Angela accumula un paquet de coupures de presse concernant le massacre, et rédigea, après leur lecture, des feuillets qui regroupaient les informations éparpillées. Ce qui semblait être le document principal portait le titre « CULTE DE CUT-HULHUP » méticuleusement tracé en majuscules d’imprimerie afin de faciliter la lecture de ce mot mystérieux…
Texte de référence : J'irai dormir chez les Zonards. Ou Les Cendres Hardcore d'Angela !
Retranchée dans sa thébaïde, dans cette partie de la ville où on n’aimait pas les étrangers, Angela regardait le dernier avion de la nuit survoler le toit d’un building -genre World Trade Center- qui promettait la fin du monde pour une prochaine fois.
Depuis trois jours, il y avait sur les écrans à cristaux liquides géants un lancement de film où l’on voyait un enfant disparaître de manière peu compréhensible. Un remake de Stranger Things en quelque sorte.
Retranchée dans sa thébaïde, dans cette partie de la ville où on n’aimait pas les étrangers, Angela regardait le dernier avion de la nuit survoler le toit d’un building -genre World Trade Center- qui promettait la fin du monde pour une prochaine fois.
Depuis trois jours, il y avait sur les écrans à cristaux liquides géants un lancement de film où l’on voyait un enfant disparaître de manière peu compréhensible. Un remake de Stranger Things en quelque sorte.
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Yeah, Yeah! Viens danser le Cut-hulhup ...
https://www.youtube.com/watch?v=nzjypCiw62o
Salut,
Déjanté, angoissant, sudoripare... les mots me manquent comme des indiens dans un western pour décrire la façon dont cette lecture a scalpé mes yeux.
C'est un de tes textes les plus lisibles à mon goût depuis un moment. C'eût été plus efficace encore si tu n'avais pas cédé à la facilité d'une queue de poisson dédicacée en guise de final.
Et puis Lovecraft, je n'ai jamais réussi à monter dans le train de la hype. Pour avoir lu quelques nouvelles, j'imagine que ça avait beaucoup impressionné ses contemporains à l'époque ; de nos jours j'ai quand même l'impression qu'il souffre post-mortem de la compétition.
ça c'est clair. Pokémon en première ligne.
J'ai ri.
Donc je reviens du texte de référence. Ma position a un peu changé.
Je veux considérer celui-ci comme unique et séparé, il tient effectivement par lui-même et éclipse le soi-disant texte de référence, mi-âne mi-figues.
Plus on relit cette courte mais efficace contribution, et même si Lovecraft, personnellement, voilà, plus on peut entretenir des opinions incendiaires sur la plupart de la production de l'auteur. C'est à dire qu'il y a jurisprudence ici. On pourra désormais exiger des textes comparables, et balayer toutes les merdes annexes à raison.
Mes commentaires diurnes sont moins lucides, je me couche très tôt, ce sont ceux d'après minuit qu'il faut prendre en compte. Enfin le plus souvent.
Et là, je Ctrl+C/V, on me baisera pas deux fois.