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Alfredo Nomore, la peur au ventre, le fusil au poing, avançait, sur le qui vive, et un champ jonché de cadavres. Il s'emmêla les pieds dans des abats humains, et manqua de chuter quand une onde de choc le propulsa environ six virgule vingt quatre mètres en l'air. Après un atterrissage rude comme il en est peu, il entrevit à travers la trame chaotique de sa conscience embrumée, la femme vêtue d'un suaire d'ombre, en train d'extirper, accroupie sur les corps meurtris, le dernier souffle des soldats en leur offrant la fellation ultime.
Alfredo Nomore rassembla quelques forces, et, en s'appuyant sur son fusil, il parvint à se hisser approximativement jusqu'à la station debout. Le spectre-femme surpris par cet accès de vie dans un tel jardin de charognes, interrompit son activité, lâcha le phallus minuscule d'un gros sergent-chef, pour, se levant, glisser vers Alfredo Nomore. Elle stoppa net à deux pas de lui. Elle écarta les deux pans de son manteau ténébreux laissant ainsi apparaître, de formes féminines, un corps purement halogène dont on ne distinguait clairement à l'endroit du visage, qu'une fine bouche rose vif.
La bouche pivota sur elle même jusqu’à devenir totalement verticale et entama une descente sur le menton, le coup passa entre deux luminescences outrageusement sphériques, épousa sur son trajet le relief d'un petit ventre...une fois devenue sexe de femme, la bouche prononça ces mots: "Allons jeune soldat, ne sais-tu pas que la mort est un nymphomane?"Alfredo Nomore qui était resté quelque peu hébété par ce phénomène, réussit à se ressaisir, déboutonna sa braguette puis baisa la mort sur un tas de boue ensanglantée. Pendant l'acte, bien que parfaitement obstrué par le membre virile d'Alfredo Nomore , le sexe-bouche lui dit ceci: «Tu me donnes énormément de plaisir, Alfredo Nomore, et pour nous permettre de revivre cet instant magique, je ne prendrai pas ton dernier souffle cette fois ci". En extase la mort gémit, de concert Alfredo Nomore se mit à jouir, l'orgasme fut d'une telle intensité qu'il en devint fou, perdit connaissance.
Quant il reprit un restant d'esprit qu'il conserve en cas de pénurie dans l'arrière boutique de sa pensée, il ressentit une gêne à l'endroit de son sexe, il eut la sensation, la sensation désagréable que celui-ci trempait dans un je-ne-sais-quoi de bizarre, étroit et froid, puis il s'aperçut qu'il était sur le ventre, affalé de toute sa longueur, couché sur la transversale d'un drôle de quadrilatère; une masse molle qui n'était autre qu'un cadavre.
Horrifié, il sursauta « épiléptiformement » en poussant quelque cris et parvint à se démettre de cette situation en se retournant sur le dos, par réflexe. Après avoir retrouvé un rythme cardiaque correct, il arrêta un peu plus son attention sur le mort, celui-ci avait un trou de baïonnette à l'aine et Alfredo Nomore déduisit que c'était dans cette plaie qu'avait trempé sa verge, car cette dernière était maculée de sang. Alfredo Nomore n'était pas au bout de ses surprises, il voulut se lever, mais son pied gauche avait été emporté par une mine antipersonnel.
Alfredo Nomore, après avoir tenté de nettoyer son intimité, arracha au cadavre une botte dont il combla le fond d'herbe boueuse, il y planta son moignon cautérisé par le feu de l'explosion, puis il fixa l'ensemble à l'aide de sangles de fusils, à son mollet. Ceci fait, il se mit en route en traînant sa botte. Alentour, les visages de tout les soldats dans la mort, affichaient un sourire béat, tous, sauf celui d'un certain sergent-chef.
Alfredo Nomore marcha, marcha, et marcha encore, tant bien que mal, il marcha. Il marcha jusqu'à un trou de verdure ou chantait une rivière, un petit val qui moussait de rayon, là, épuisé il se dit qu'il ferait bon s'étendre dans ce lit vert ou la lumière pleut, mais la place était déjà occupée par un jeune soldat dont les parfums ne feront plus frissonner la narine et qui avait deux trous rouges au coté, alors, Alfredo Nomore continua de marcher et de marcher, il continua, l'Alfredo Nomore, jusqu'à une ferme sur le pas de porte de laquelle il s'écroula, en rêve il continua à marcher.
Il marche sur une terre-tapis- roulant
Face à des paysages stagnant
Mais il marche
Il marche dans le chewing-gum de la vase
A moins qu'il ne nage
A contre-courant, en retard
Sur la saison des amours
Comme un vieux morceau de saumon fossilisé le lendemain d'un réveillon ancestral.
Ses gencives sont cimentées
Par du sang semi-coagulé
Dégoulinant de son nez
Comme du magma
Cependant il mâche
Il mâche sa salive épaisse et saturée, de phrases déphasées
Oui, il mâche, mais surtout, il marche
Il marche sur un sol dur, très dur, très très très dur, à force
Ses jambes se sont usées jusqu'aux rotules
Alors il marche sur les genoux
Puis l'érosion aidant encore
Il marche sur les couilles
Et il rampe sur le cerveau
Il se raconte de vraies histoires-fosses
Et il marche
Il se réveilla dans l'atmosphère agréable d'une petite chambre claire. Il était nu, recouvert d'un léger drap d'ou émergeait sa blessure recouverte elle aussi avec soin, d'un fin bandage. Sur sa droite, sur une commode l'attendait une prothèse de pied en bois. A sa gauche, il venait de s'en apercevoir, se tenait une superbe femme mulâtre et blonde, elle le gratifia d'un large sourire, puis elle retira le drap, grimpa sur le lit, souleva ses jupes pour adopter une position adéquate.
Que dire des semaines qui suivirent sinon que le bonheur n'a pas d'histoire, et qu'il faut le gagner à force de labeur. Mais on ne s'improvise pas agriculteur du jour au lendemain, main qu'il perdit dans une moissonneuse-batteuse (la droite).Alphoncette (c'était le nom de la femme) lui offrit un très joli crochet pour remplacer sa main perdue et, de le gratifier d'une caresse sur la braguette:"C'est pas grave, tant que le principal y-est". Alphoncette vivait seule depuis que sont mari avait péri à la guerre, il lui demanda: «quelle guerre?"Elle avait répondu: "A la guerre». Il avait comprit la connerie de sa question en réalisant qu'il ne savait même pas au juste de quelle guerre lui-même, il venait.
Un soir pourtant, alors qu'aucun indice ne pouvait laisser présager de ce qui allait suivre, on frappa fort à la porte. Alphoncette alla ouvrir, des militaires pénétrèrent violemment dans la salle à manger et se saisirent d' Alfredo Nomore, il chercha du regard le soutien d'Alphoncette mais celle- ci était occupée à parlementer avec un officier qui tendait quelques billets:
-5OO, c'est tout? dit Alphoncette.
-C'est le tarif légal pour délation de déserteur, répondit l'officier.
-Bon...et c'est quand qu’ils arrivent vos prisonniers politiques? Parce- qu’avec ce minable là (elle indique Alfredo Nomore) j'ai pris du retard dans la moisson.
-On vous les amène après demain.
-Si ça vous dérange pas, j'aimerais mieux mercredi, après demain j'ai un rendez-vous à la clinique pour me faire avorter!
Menotté, Alfredo Nomore fut balancé à l'arrière d'une fourgonnette blindée.
Lorsqu'on le sortit du fourgon, il vit un bâtiment au fronton duquel était gravé: «CENTRE ADMINISTRATIF DE POLICE MILITAIRE». On le traîna dans une pièce ou un autre prisonnier était interrogé.
" C'est quoi ça?" demanda l'un des militaires présents dans la pièce en voyant arriver Alfredo Nomore "Rien du tout mon colonel, rien qu'un futur fusillé", répondit l'un des garde qui l'escortait, y'a pus d'place en cellule alors on l'entrepose ici".Il le poussa contre le mur au bout de la pièce. Le colonel reprit sans se soucier d'Alfredo Nomore, l'interrogatoire entamé, avec l'aide de deux comparses.
Le colonel :"Alors tu nous en donne des noms !"
L'interrogé: "Au nombril de ce maelstrom /Est -ce l'épicentre de l'immuable? /Est-ce dans ce quoi tourbille-homme/ Ému par ses noyaux instables ?"
-Hein? Quoi? Mais t'es en train de te foutre de ma gueule? dit le colonel en lui faisant des petites coupures avec une lame de rasoir de marque "Gillette".
-Sont-ce les prémices de ma folie/ L'éveil ne serait qu'insomnie?
-Petite merde tu va les donner les noms! Et d'agrandir, et aggraver les blessures déjà faites
-Crois tu donc ...alors en somme ni/ Toi ni moi la belle embolie.
Puis des coups de poings, de pieds, fusèrent de partout: «Et sur ce fait il paradoxe, j'autodidacte en « amnexiste... »
Alfredo Nomore assis dans un coin ,ne supportant plus ce spectacle, tira sur ses menottes qui liaient ses poignets à son dos, de la sorte il déboîta son crochet de son moignon, ce qui libéra ses deux bras; il allait se ruer sur les tortionnaires, mais, son pied en bois rendit la chose difficile, et en plus, le bruit de la chute de son crochet sur le sol alerta l'un des militaires, ce dernier lui mit un coup de poing sur lequel était montée une bague pointue, qui lui abîma l'œil gauche, le rendant à moitie aveugle.
L'intervention d'Alfredo Nomore eut ceci de positif qu'elle apporta une intermède à l'action ce qui donna aux tortionnaires l'idée de faire une pause dans leur travail, et d'aller s'en jeter un pendant que les deux prisonniers perdaient du sang. Ils sortirent sans oublier de fermer la porte à clé.
Alfredo Nomore et l'inconnu qui venait d'être torturé un peu, étaient maintenant seuls, dans cette pièce dont le mobilier se résumait par un petit banc sur lequel aucun des deux n'avait la force de s'asseoir, ils restaient parterre, adossé chacun sur son mur dépourvu de fenêtre, la lumière, médiocre était issue d'une simple ampoule au plafond.
Alfredo Nomore se fit mentalement une espèce de compte-rendu:
«Il y a quelque temps, j'ai fait mon bilan, et j'en ai tiré, pas grand chose, il y a un instant j'ai fait le bilan de mon bilan précédent, et j'en ai tiré; pas grand chose, maintenant, bille en tête, je fait le bilan du bilan de mon bilan précédent et j'en tire: Néant! Maintenant j'estime être en droit de me demander si par hasard, je ne serais pas complètement con."
L'inconnu adressa la parole à Alfredo Nomore:
"Tu l'as toi le pouvoir, camarade? le pouvoir de narrer l'ineffable et ainsi sans bouger; tu t'évades, car, que sert d'avancer partenaire, sachant qu'aller ne mène nulle-part, à part jusqu'à la crise de tes nerf.
Veux-tu jouer avec moi, camarade? Le but, tu peux deviner j'espère: C'est le premier décédé qu'a gagné, le dernier vivant: trépassé. Tu sais qu'a ce jeu la il suffit de participer pour perdre sa défaite...
Es- tu bête de sexe partenaire ? Vivipare sans par terre véritable ou bien sac à complexes, c'est égal ! Montre-moi de quelle farce tu te farde. T'as vraiment l'air d'un con, camarade, cloisonné dans ton corps, trop palpable, si tu essayais de le démolir, comme ça, pour voir...la vérité.
Vérité? Rien à faire, partenaire, on sait lui en faire baver des conneries pas croyables, on sait la faire dévier, nous la rendre favorable. Alors fuyons mon partenaire minable mon camarade débile dans les rades innombrables des parcours inaudibles...
A l'extérieur des coups de feu retentirent, des cris, et aussi quelques explosions. « Ça, affirma le compagnon d'infortune d’Alfredo Nomore, c'est mes copains révolutionnaires qui viennent me chercher, il précisa: "Nous allons perpétrer un coup d'état contre les gouvernements actuels, parvenus à se faire élire en brossant les utopies dans le sens du poil, pour maintenir la dictature globale. Une fois ce gouvernement renversé comme nous nous refusons à toutes promesses trompeuses, à la place nous allons mettre "tout", il va sans dire que pour maintenir ce "tout", nous allons procéder à l'éradication de tout idéalisme, nous devrons user d'une forte autorité mais bon, on n’a pas "tout" sans "tout".
La porte sauta, une dizaine de révolutionnaires "kalachnikofés" surgit dans la pièce, ramassa son collègue abîmé, et disparut comme un seul homme. Un silence de mort tomba.
Alfredo Nomore resta un bon moment immobile couché à même le sol à regarder le plafond de l'œil, en s'efforçant de ne plus penser.
Comme rien ne se passait, il finit par s'emmerder. Il poussa un soupir long et résigné, il se leva, remboîta son crochet à son poignet et quitta la pièce .Dans le couloir ça avait été l'hécatombe; des macchabées par douzaines. Un gémissement plaintif attira son oreille. Cela venait d'une des victimes, étendues à ses pieds, et sur les doigts de laquelle il marchait, il reconnut le colonel transformé en passoire qui s'accrochait à la vie. Comme Alfredo Nomore détestait voir les animaux souffrir inutilement, il acheva le colonel d'un coup de crochet dans la tempe. Après, il lui fit les poches, de même qu’aux autres victimes reparties un peu partout, ainsi il réunit un joli pécule qui lui permettra de durer quelque temps. Il visita le reste du bâtiment y trouva de quoi se nourrir, se vêtir, prit une douche, apporta les premiers soins à son œil blessé, qu'il camoufla derrière des lunettes noires, sortit de l'immeuble et s'engouffra dans les méandres de la ville en boitant…
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profusion de trous de balle alors que dans le premier épisode, il n'y en avait pas un seul.
tiens je vais créer une rubrique pour la peine
J'aime bien celui-là, je l'aime vraiment bien.
C'est à la fois naïf et psychédélique et série Z.
SPOILERS : Y a des trucs vraiment bien vus, comme le passage en vers quand Alfredo Nomore se met à rêver ou l'espèce de discours poético-philosophique du prisonnier, ou encore la Mort en robe de nuit qui suce des cadavres. Belle image.
Et puis, Alfredo Nomore, ça sonne comme un nom de superstar inoubliable. Un peu comme Steven Seagal.