Il se réveilla, 3 heures avant l'horaire habituel, et ce, sans l'aide de son logiciel de reboot interne.
Il se mit sur le dos puis revint sur le ventre; tourna, se retourna, sans jamais trouver la position idéale. Il tenta de rallumer sa vieille app de trucs et astuces mais impossible de lancer ne serait-ce qu'un seul logiciel. Ces derniers dormaient, programmés pour reprendre du service à 6 heures précises - Il s'imaginait pixel ou circuit imprimé, simple rouage vers l'Objectif.
Les derniers évènements l'inquiétaient de plus en plus. Il se réveillait la nuit affolé, après avoir exploré des lieux étranges ou vu des choses qu'aucunes de ses solutions de régulations mentales ou somatiques ne pouvaient expliquer. Des choses qui semblaient si réelles. La nouvelle voisine, voilée et dénudée, offerte à lui au beau milieu du désert, des hommes aux visages tuméfiés qui se battaient en duel dans une caverne ou un sous-sol mal éclairé. Des visages familiers. Des sensations non-paramétrables.
"Mais dors, putain !"
Il boxa son oreiller et sauta de la couchette en suspension. Il devait s'occuper avant le rebootage. Fit difficilement une quarantaine de pompes, s'amusant de voir le sol auto-nettoyant s'évertuer à effacer méthodiquement chaque gouttelette de sueur une à une. Ses biceps le brulaient, la sensation était inédite. Une demi-heure durant, il tenta de battre son record, puis, avec sa boucle de ceinture, déverrouilla la box à gélules nourricières et avala celle du jour 601. Les macro-bots endormis glissèrent les uns après les autres dans son estomac.
"Dors."
Des tréfonds de son esprit, une mélodie entêtante s'invita, puis une, deux, trois contrepèteries, désormais libres à tout jamais d'être prononcées, criées, hurlées même à la face du Nouvel Ordre.
Il s'arracha un ongle en tentant d'ouvrir le volet opaque du hublot, pour voir la lune ou tout autre chose d'ailleurs, tout en sachant pertinemment qu'il n'y aurait rien. "Allez ouvre-toi…" Tout le monde dormait. Le monde entier dormait et se réveillerai dans une petite heure. Il s'arracha un autre ongle -"ouvre-toi veille pu…"…"ouvre…" Le volet céda. Et comme prévu, il n'y avait rien.
Les bâtiments productifs et Les résidences interchangeables s'étendaient à perte de vue. Pas un bruit, pas une lueur, rien. Une simple nuit sans étoiles, celle du jour 534. A une autre époque, certaines personnes auraient trouvé ça beau. Une photo, un possible tableau, vendu quelques centaines d'euros et qui finira accroché dans votre chambre à coucher. Mais là, présentement, l'architecture fonctionnelle engloutissait toute possibilité.
Ou presque, puisqu'une étrange silhouette passa d'un pas décidé devant le panneau de régulation vers une destination qui ne semblait ni interchangeable ni productive.
Encore en tenue de sommeil réparateur, il se rua dehors, à la poursuite de celui ou celle qui venait de troubler ce qui ne devait jamais l'être. Pieds nus, il remonta en courant l'unique boulevard de sa cité-dortoir.
"Ou t'es passé, bordel ?!"
Il suait et le sol ne se nettoyait pas.
Au loin, il aperçut la silhouette. Cette dernière disparue soudainement, comme happée par le flexibo-granit du bâtiment productif n°116. Il n'était jamais venu dans cette zone. Il n'en avait pas l'utilité et n'avait rien à y faire. Les portes du bâtiment étaient bien évidement toujours verrouillées. Il regarda à droite : une résidence, puis à gauche : une résidence, ou presque, puisque s'enfonçait entre les deux édifices une très mince ruelle, large d'à peine la taille d'un adulte de corpulence standard, presque imperceptible pour qui ne prenait pas le temps de regarder autour de lui. Et Le monde entier se réveilla. Six heures : dans quelques minutes, les rues seraient pleines de gens productifs et interchangeables. Il ne savait pas ce qui arrivait à ceux qu'on trouvait dans la rue avant cette heure. Il rebroussa chemin à toute vitesse.
Arrivé chez lui, les macro-bots anti-datés sortirent également de leur sommeil et, privés de tout objectif, s'auto-détruisirent. Il n'eu pas le temps d'arriver jusqu'au bloc d'hygiène et le sol auto-nettoyant fut mis à rude épreuve.
Peu de temps après, il était de retour au 8ème, puis au 9ème cercle, sélectionnant-achetant-récupérant, rendez-vous après rendez-vous, mais ce soir, quand le monde entier sera à nouveau endormi, il remontera l'unique boulevard, vers l'imprévu.
« Un repas gratuit, ça n'existe pas. » Robert Heinlein.
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
dommage que cette splendide série ne soit pas plus suivie et commentée. Elle sort vraiment du lot en ce moment.
WWWahou, ça y est, il lâche son pitin de mystérieux passant, son grain de sable est arrivé dans le N.O.M. ! C'est Harry Tuttle ou Jill Layton :-)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Agartha
C'est bien fou, je finis ma lecture puis je tombe sur un super article, comme on dit un super héros : "The discovery of the Lost City of Giants in the Jungles of Ecuador: Another finding omitted by mainstream scholars" de là, je tombe sur l'histoire de la base 211, une grosse planque nazi-alien en Antarctique, de là, les vallées sèches du coin, puis les géants polaires, puis les mondes souterrains et de là : retour à Agarttha !
Si ça se trouve, ce feuilleton aux apparences candides va livrer en exclusivité des témoignages sur les révélations des interrogatoires toujours secrets de Rudolph Hess durant sa détention britannique !
Mais ta gueule, bordel. Je lis, là. L'autre avec ses gros sabots qui vient me saboter ma suspension d'incrédulité. Cale-toi une simulation de recherche Altavista dans le lobe temporal en silence, t'as été élevé par des marcassins.
Je croise encore les orteils pour une fin non conventionnelle, laissez-moi rêver, putain de terroristes.
Á tout de suite.
-Eh oui, on met des accents majuscules, Alt181, conformément à son programme grammairien.-
Je ne lis jamais les titres de commentaires par habitude.
Merci de votre compréhension.
Une bonne histoire, c'est impossible à spoiler, on spoile que les daubes qui fonctionnent un peu comme le pompon des manèges.
Désolé pour ton impression que je t'aurais niquer ton tour gratuit, tu aurais dû monter sur le cheval plutôt que dans le camion de pompier.
J'avais la fusée qui clignote avec les ailerons, déjà, et au final, Lourdes a choisi le compromis elliptique avant de fuir comme un lapin de garenne.
Mine de rien, c'eût pu être bien pire : on a évité de peu la passion rebelle se dressant face au régime oppressif.