LA ZONE -
Ce matin, en la regardant bien, il la trouvait plutôt belle. Oui, assurément, il a des raisons d'être satisfait : elle figure une saucisse brune avec des craquelures sur la surface. D'ordinaire, il examine des congénères beaucoup moins plaisantes, preuves d’un grand dérèglement intérieur. Alentour du docte savant, les spectateurs admirent, s'extasient, se réjouissent également.
— Eh bien Fagon, qu’en pense-t-on, ce matin ?
Le Roi-Soleil, assis sur la chaise d’affaires, tandis que le barbier besogne sur sa noble face, ne daigne même pas jeter un regard vers son médecin ordinaire, agenouillé sous le siège. Il a lancé cette question par habitude, à la cantonade, en réprimant un rictus de souffrance. Car le monarque n'est plus qu'un corps supplicié, perclus de douleurs.
Le guérisseur, le nez presque dans le bourdalou, se redresse un peu, se rengorge et, le visage radieux, déclare, en montrant l'objet à l’assemblée :
— Sire, ce matin, votre selle est divine ! Que son altesse en soit félicitée ! Eussé-je la langue coupée, je ne pourrais celer que votre étron est d’une fort belle moulure, d’une charmante couleur et d’un délicat parfum ! Ce sont les prodromes d’une guérison ! Il faut que vous le sachiez, votre Majesté !
Le souverain ne prête pas le moindre intérêt à l’enthousiasme de son interlocuteur. Cela fait belle lurette qu’il ne croit plus à son salut, se soumettant de mauvaise grâce, pour l'État, aux pratiques perverses de ces vendeurs d’orviétan. Cependant, des courtisans emperruqués vont et viennent dans la chambre, telle une volée de moineaux, faisant tourbillonner autour d'eux une exhalaison de musc et de patchouli.
Guy-Crescent Fagon se remet debout, avuant la merde royale. Il se retire sur-le-champ, en multipliant les révérences. Une fois chez lui, il la dépose avec respect au fond d'un bocal, ajoutant une pièce à la collection qui trône déjà le long des murs de son cabinet, sur les étagères. Il vit entouré de bran monarchique.
Se préoccuper de la défécation bourbonne est son sacerdoce. Grand clerc en fèces régaliennes, il consigne depuis des années la moindre évacuation, fervemment et avec force détails : déroulement, aspect, poids, longueur, teinte, odeur, saveur. Attablé, il commence incontinent la rédaction de son rapport quotidien lorsque tout à coup, on heurte à sa porte. L’intrus insiste. Guy-Crescent finit par lâcher la plume et va ouvrir, en maugréant. L’importun est Jacques Roussel, un pauvre paysan.
— Que me veux-tu, maraud ? tempête l'illustre archiatre, dénué de sympathie.
Roussel, en un patois abscons, explique la raison de sa venue. Il souffre atrocement d’une diarrhée sanguinolente. Il lui semble que l’on trifouille ses entrailles à l’aide d’une aiguille. Courbé en deux, il implore la miséricorde de l'Esculape pour qu’il le soulage. La réponse de ce dernier est cinglante :
— Hors de ma vue, triste gueux, sale manant ! s’écrie-t-il, répugné. Et de lui fermer la porte au nez.
Un peu plus tard, Guy-Crescent quitte sa demeure. L’âme légère et court-vêtue de scrupules, il s’en retourne à Versailles, songeant à la magnificence du château. Quel honneur d'en faire partie ! Quel privilège d’y côtoyer Louis-Dieudonné ! Sa vanité est comblée. Soudain, tout en cheminant, son cœur flanche, puis s’arrête. Il choit lourdement dans un fossé rempli d'ordure. Totalement souillé, le maître ès excréments, avant d’expirer, a juste le temps de bénir Stercorius d’une si délicate attention. Eût-il pu rêver plus digne hommage ?
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...est une valeur sûre.
il faut de suite former un fan club d'Alan. On veut d'autres textes comme "un cadavre étrange" et "Puissant ou misérable...". Prêtons allégeance mes amis : "Alan, nous seront à jamais tes groupies, et nous te suivront où tu iras, on collectionnera tes sous-vêtements sales, on te vouera un culte, on sacrifiera des chèvres en ton nom, et en tant que groupies inconditionnelles, tu pourras à ta convenance te servir de nos orifices corporels pour tout usage te dépannant (misère sexuelle, frigo d'appoint, coffre fort improvisé, une fête entre amis). Bien sûr, ce contrat tacite n'est valable que si tu continues à nous balancer ta prose sur la Zone.
C'est bon, ça, coco. Du vocabulaire, des références, une morale bien coulée. Euh, c'était pas Da*id, Alan ?
En faisant une recherche, on se rend compte que le texte était une contribution à un jeu d'écriture sur le thème "Ce matin, en la regardant bien, il la trouvait plutôt belle" ( http://www.forum-mda.com/t6792-Puissant-ou-mis-rable.htm ). Excellent esprit. Notons qu'il est arrivé deuxième derrière un autre bon texte.
Alors je ne sais pas ce qu'il se passe avec l'email d'Alan qui semble ne pas fonctionner ou je ne sais pas quoi, car je lui ai envoyé son mot de passe et pourtant il continue à poster des réactions via le formulaire des textes, réactions qui se retrouvent dans les textes en attente et me procurent de fausses joies.
Message d'Alan donc :
"Désolé de passer par ce biais, mais je ne peux pas me connecter sur le site, je n'ai pas de mot de passe... Voilà le message que je voulais envoyer en réponse au texte "Puissant ou misérable..."
Ben voilà ch'uis grillé ! J'ai envoyé ce texte pour un des thèmes de la zone, à savoir textes de merde... Je trouvais que ça collait bien, enfin façon de parler. C'est trop Lapinchien, c'est pas pour moi ce culte... Je partage ce que dit Georges Palante : "Je détruis toute idole et n'ai pas de dieu à mettre sur l'autel." Surtout pas moi. Et je garde mes sous-vêtements sales, ça tient chaud au bout de 15 jours, sans les changer. Et puis, y'a des méchants ici, y'a qu'à voir certaines critiques pour un cadavre étrange... Je suis un être sensible, moi... "
On peut tout de suite rassurer Alan : s'il connaissait le site, il saurait que Lapinchien exagère toujours, que c'est un vil flatteur, et qu'il voue un culte au premier auteur venu qui pond un bon texte. On peut aussi tout de suite le mettre en garde : les propositions à caractère sexuel de Lapinchien devraient suivre très rapidement.
Ce site à pour but l'étude de la transgression et en 16 ans d'existence, on peut l'affirmer sans trop se tromper. La transgression est cyclique et positionnée en contre-culture à l'époque traversée. Aujourd'hui, la plus grande des méchancetés, c'est d'être gentil.
Par ailleurs, je ne suis pas calculateur alors je le concède facilement : En tant qu'admin, Stéphane Bern est mon modèle dans la vie et avant lui Michel Drucker. Mon but est simple : recruter, fidéliser, générer du trafic, de la récurrence, provoquer le parrainage spontané, la cooptation, faire de chacun de vous des prescripteurs de la Zone, tant au niveau des contributions que des participations aux initiatives, satisfaire auteurs, lecteurs, commentateurs et participants à la vie du forum. Derrière mon écran, chaque fois que je vais sur la Zone, j'enfile le costume de groom de Spirou, parce que c'est dans la tête que ça se passe.
C'est beau, ça ressemble à un sacerdoce.
je viens de recréer un nouveau mot de passe pour Alan et lui ai envoyé ses identifiants sur son adresse email.
Merci Lapinchien, ça y est, ça fonctionne ! Alors comme ça, tout ça, ça ne serait que du flan... La pluie de fleurs, c'est pour tout le monde... Bravo la sincérité et la droiture ! Super la zone ! Maintenant que je peux aller sur le site, je me retire, tel un prince ! Enfin peut-être...
Je m'en vais comme un prince... Argl...
Bienvenue au pays du bogue : tu hérites en naissant sur la Zone des commentaires d'un suicidaire de 2008 qui te sont attribués..
Pour moi, si un texte est dans la ligne éditoriale, qui est déjà très restrictive et sélective, il est déjà très bon. Je ne vais pas chier dans la vitrine. C'est pas mon rôle. Si ça ne plait pas aux lecteurs, qu'ils se manifestent.
Une fois passée la (re)découverte amusée d'un fait historique notoire, il ne reste pas grand chose : un style soutenu mal maîtrisé, une ironie simplette et attendue, des personnages inconsistants, une intrigue mince et pénible. Finalement, romancer le propos dessert un récit qui, par ailleurs, eût probablement fonctionné s'il s'en était tenu à un rapport factuel.
Ca c'était mon avis de lecteur.
Mon avis d'admin, c'est qu'un texte qui parle de merde en se glissant dans des gants de soie, c'est zonard à souhait, à foison, à califourchon.
Ah oui, j'oubliais cette discordance des temps entre les deux premières phrases. Cet imparfait suivi d'un passé composé, tous deux utilisés sur le même plan temporel et pour le même motif, une description...
GRRRRRRRRRRRR
... et donc dommageable à la lecture dès la première phrase.
Tout à fait d'accord avec Mill, sur son avis de lecteur ! Il m'a ouvert les yeux ! J'assume pleinement la responsabilité de cette médiocrité et j'en tire les conséquences en me retirant de la vie littéraire en général et zonarde en particulier.
Bah, tu dis ça parce que t'es en colère.
Perso, j'en démords pas. Tes deux textes sortent du lot et j'espère que t'en posteras d'autres sur la Zone. Pourquoi es-tu aussi affecté par les critiques négatives ?