Gesticule, danse et ravis, virevolte et bouge, toujours un pet d’avance, un filet de ratiches peinturlurées d’or et de myrrhe, tordues, fêlées et moites. Hurle-la, ta phrase, balance-le donc, ton foutu mot, ton proverbe, la clef que tu pensais t’être choisie, l’autre reflet, l’autre envers, parce que sans doute et pourquoi pas. Vas-y, étrille et grince, berce-toi seul comme un con, noie-toi dedans, frotte-toi, t’en as plein le cou, plein la gorge, il ou elle se colle à tes narines, respire, respire, elle remonte tout en haut, tout au fond, ça gratte, pas vrai que ça gratte ? Allez crache, et applique-toi, surtout. Gaffe aux filaments, gaffe à la bave, et prétends que t’arrives, fais croire que, hésite pas à mentir, illumine-nous de tes loupiotes, de tes angoisses, de tes fièvres aphteuses.
Moi aussi, j’arrive. Je suis parti y a des lustres, des millénaires, le big-bang se souvient encore de mon empreinte rétinienne et les quinze royaumes d’avant moi ont cessé d’y croire bien avant de s’effondrer. Et pourtant, j’arrive, les couilles remplies d’Euphrate et le cœur noyé d’incendies. Dans un compartiment secret, à l'arrière de mes braies, j’ai glissé des grenades, des cravaches et l’extrait d’un discours d’Allende ; dans ma dent creuse, trois gouttes de cyprine empruntées à une muse quelconque, celle qui touille mon encrier de sa queue serpentine et me plonge dans des affres qu’un Sade n’oserait m’envier ; dans la réserve d'opium de ma bottine droite, une salamandre éduquée par un prêtre espagnol.
Et j’arrive, me hurlaient-ils auparavant, et moi aussi, j’échouais à les croire, moi aussi je disais non, tu déconnes, mec, tu délires jusqu’au bout de l’ultime. Et moi aussi, j’étais que dalle, une dalle en devenir, un soupçon d’ombre dans le nœud du temps.
Répète-le tant que tu veux, chante-le, danse-le, gargarise-toi de ces deux syllabes abjectes. Je ne te crois pas, tu ne m'as jamais cru, et pourquoi changerions-nous ? Arrive peut-être, fais comme tu le sens, je m'en cogne. Commence déjà par partir, le reste, c'est de l'esbroufe.
LA ZONE -
Je t’ai vu de loin, tu me crois si tu veux. Rien à battre, je t’ai vu : les bras levés, les lèvres au vent, les cheveux dénoués sur divers espace-temps. Des nuages, des nuages plein les poches, et les poches trouées, et dans l’abîme tissulaire, amuse-toi si tu veux à compter les madeleines, les croissants de lune à écailles d’argent, abandonne et dévie, tu verras dans l’instant que le bandeau serré tout autour de ta gueule ne masque rien. Le vide, un reflet métallique, glacé, dévorant, la banquise dans tes yeux. Et je t’ai vu pourtant, je t’ai senti venir : empreintes sonores, pieds qui crissent dans la neige ou qui glissent dans la boue, vagues et vaguelettes, rouleaux immenses et flaques d'écume naissant de tes gestes bruts, de tes pauvres élancements. Et des corps, des corps par milliers, des qui tombent et qui tournent juste avant de tomber, des qui brûlent sans odeur et se noient sans chagrin. Des corps sans silhouette ou des silhouettes sans corps, des simulacres de rêves, des songes fangeux et voués à l'échec - à la révolte, donc !
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avec la présentation de texte et la photo d'illustration, "les lèvres au vent" prend un sens tout à fait printanier.
de même que : " je t’ai senti venir : empreintes sonores, pieds qui crissent dans la neige ou qui glissent dans la boue, vagues et vaguelettes, rouleaux immenses et flaques d'écume naissant de tes gestes bruts, de tes pauvres élancements"
Marc Dorcel, prends-en de la graine !
"berce-toi seul comme un con, noie-toi dedans" me rappelle par contre un épisode de Buffy contre les vampires