1 : Dévotion ou comment l'évangéliste Charles Pasqua mit le feu au bûcher.
Des visages tuméfiés de douleur devant cette Moiteur Torride, imaginez tous ces visages, et cette petite garce qui promet tant, et qui ne fait rien ! Quelle avilissante promesse et tant de vies gâchées pour une nuit sans fin !
Obstinément, l'évangéliste Charles Pasqua avait joint les mains : Seigneur considérez notre affliction et notre amour sans faille pour la Déesse !
En petite culotte, sur un bûcher de paille et de bois, Elle regardait méprisante la Horde, allait-elle brûler toute entière dans cette forêt perdue avant de disparaitre ?
Un abîme s'était creusé entre tous les individus en scène lorsque les invocations de Charles Pasqua avaient commencé ; dans mon crâne, s'étaient formées des phrases étranges qui avaient été jetées auparavant dans mon carnet de moleskine :
« Une sibilante pleure aux pieds de la ville sainte.
De la mare cramoisie jaillit l'obscurité.
Qui es-tu à pleurer comme ça ? Réclamant de l'aide
À côté du corps froid. »
Tout au fond du souterrain, je me souviens, que son ombre grimaçait, une grimace qui sentait la vengeance à venir, lorsque nous étions venus la chercher, cette Déesse aux pieds ornés de colliers. Elle avait le visage couvert de questions, je ne sais plus très bien si ce n'était pas des pustules plutôt. Jadis, elle avait rejoint la Confrérie ; Charles Pasqua était venu la chercher dans son Austin, jusqu'à la porte de son manoir. Dès le début, on l'avait soupçonné d'être ensorcelée, envoûtée par un démon que l'on ne connaissait pas… Et Charles Pasqua et la confrérie n'avait rien arrangé : on racontait que Charles Pasqua l'avait enfermé dans les galeries de son château pendant une dizaine d'années. Et elle avait survécu !
On l'avait ressorti pour notre campagne électorale, il fallait frapper les esprits par un événement sur-médiatisé et notre secte gagnerait ainsi du crédit après cette crémation. En toute logique, elle avait été choisie pour être l'élue ; déjà une odeur étrange se répandait autour du bûcher lorsqu'on mit le feu, la Horde délimitait le périmètre de sécurité ; nous prions, les yeux baissés, les genoux à terre, pendant qu'on entendait ses hurlements, ses insultes à notre égards.
Pauvre femme, elle ne savait pas qu'on l'a débarrassait à jamais de son humeur noire ; on la quitta alors qu'il ne restait de son enveloppe corporelle que des cendres.
De retour dans son Austin qu'il avait garé sur le parking de la Vierge, Charles Pasqua mit le contact et démarra au quart de tour.
2. Expiation
Autour de cet ordinateur nouvelle génération, court un éparpillement de fils électriques reliant le réseau central à une pléthore de serveurs tandis que Fleurette, la secrétaire de Charles Pasqua, sous son bureau, pince de ses ongles longs et acérés ses couilles, en arrachant de temps en temps un ou deux poils ; nous étions sous la sauvage Baume des Bocs, ces ruines d'un ancien château, à l'endroit exact d'un souterrain et nous potassions les faits-divers les plus criants de notre époque, parmi lesquelles cet attentat virtuel mené contre les sites du gouvernement français... mais qui peut bien être à l'origine de cet assaut contre le système informatique, sinon un hacker ?
Baba nu et en l'air, à califourchon sur le siège en cuir, pour moi la question ne se pose plus, mes poignets ligotés aux chevilles, alors que le téléphone sonne sans cesse et tout de suite après tous ces appels masqués mystérieux, une ombre furtive passe, est-ce Fleurette qui revient un accessoire sado-masochiste ?
Entre mes tempes, revenant à ce schéma mental funèbre qui s'est construit dans nos têtes bien givrées, je me souviens de ce bûcher au clair de lune... Seule issue pour s'enfuir de ces souvenirs désespérants, enrôler d'autres potentiels assassins dans notre secte et continuer le massacre ; spécificité de ces sinistres projets : ils ont tous été conçus dans ces souterrains et Charles Pasqua en est l'unique initiateur !
Fleurette fait monter le siège, le soulève du sol jusqu'à ce que mon cul soit à hauteur de son oeil, et tripote une lanière entre mes fesses. Oh, je vois, murmure-t-elle. Elle semble parfois inquiète lorsqu'elle se retourne pour plonger son regard le long des corridors obscurs. Quelques brouettées de terre boueuse ont été arrachées de leurs entrées jadis obstruées, quand nous nous sommes frayés un passage pour vivre une claustration volontaire et nauséabonde. Les masques ne sont pas prêts de tomber...
A cette époque du récit, notre société de consommation sombre lentement mais sûrement. Des hommes nouveaux, mais est-ce vraiment des hommes, sont pourtant promis à un brillant avenir : ils prendront leur revanche quand cette pluie acide viendra inonder les derniers survivants. En attendant les Guerriers du Temple gardent précieusement cette arme redoutable en leur possession, prochainement ils projettent d'infliger à la sacro-sainte et naïve Pensée Occidentale de sévères défaites. »
Charles Pasqua qui se tient face à moi, et dont la décomposition est étonnamment développée, reste stoïque à la lecture de ce récit. Ses doigts aux ongles sales se tiennent immobile au-dessus du clavier de l'ordinateur. J'interprète son silence comme un mécontentement, je pense que Charles Pasqua trouve ce texte trop imaginaire. Pourtant, c'est une bonne descripition de la situation actuelle et à venir.
« Dans l’ombre, colportés par de nombreux guetteurs, quelque chose se prépare, Charles ; un événement oublié, même dans les archives les plus anciennes, il n'est pas mentionné, cette chose qui rampe depuis le fond sans fond du Moyen-Âge pourrait pourtant nous servir à établir enfin une dictature où nous régnerions en maîtres absolus... Nous serions des tyrans incontestés, Charles.
Encore un long silence, avant de me répondre : « oui » et de rajouter : « j'ai faim. »
3. Au matin
La nuit était venu finalement stopper notre travail de déconstruction ; aveuglément, ces études littéraires laissaient bien souvent, après leur passage, une image de désolation, ondulant et continuant le massacre sur les pentes raides du rêve. Le lendemain matin, je descendis à nouveau les escaliers en pierre qui séparaient le pallier de notre cachette.
C'était peut-être la fin de notre aventure. Les cris, que nous avions entendu au coeur de l'obscurité, provenaient du sommet du donjon abandonné où des agitateurs d'un autre temps avaient été pendu. Et aujourd'hui, je retrouvais Pasqua, toujours penché sur l'étrange ordinateur, avec une femme gisante à ses pieds. C'était Fleurette, notre soubrette sadique qui avait eu le courage insensé de s'occuper pendant des années de la propriété déserte alors qu'on se livrait aux rituels les plus macabres. L'écriture automatique nous amenaient souvent sur des terres sanglantes ; délirante, cette écriture automatique, lorsqu'on s'enfermait volontairement dans les dédales sombres et vides du souterrain, alimentait notre folie de façon autonome avant de disparaître instantanément quand nous devions revenir à la réalité, au-dessus de la surface..
LA ZONE -
Comment me suis-je aventuré par ici ? Et surtout comment ai-je pu écrire ce texte qui semble sans fin ni commencement ?
Il me semble que la dernière injection - de l'Alien liquide, pur, directement dans la veine - a produit à sa suite des complications si singulières que je ne peux décrire pour l'instant. Délicatement et à première vue, on pourrait dire que je sombre entièrement dans la folie. Mais sa complexité est telle qu'il parait imprudent de jeter tout de suite un diagnostic.
Il est deux heures du matin lorsque la fatigue fait naître un silence parmi nous ; un observateur discret tel qu'on l'imagine pourrait relever la phase délirante aïgue qui se lit sur nos deux visages. Nos corps et nos textes réclament la fameuse injection - une chose étrange provenant des voies lactées les plus orientales- avant de repartir à l'assaut, nos regards tournés maintenant vers la porte de sortie du souterrain.
Il me semble que la dernière injection - de l'Alien liquide, pur, directement dans la veine - a produit à sa suite des complications si singulières que je ne peux décrire pour l'instant. Délicatement et à première vue, on pourrait dire que je sombre entièrement dans la folie. Mais sa complexité est telle qu'il parait imprudent de jeter tout de suite un diagnostic.
Il est deux heures du matin lorsque la fatigue fait naître un silence parmi nous ; un observateur discret tel qu'on l'imagine pourrait relever la phase délirante aïgue qui se lit sur nos deux visages. Nos corps et nos textes réclament la fameuse injection - une chose étrange provenant des voies lactées les plus orientales- avant de repartir à l'assaut, nos regards tournés maintenant vers la porte de sortie du souterrain.
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retrouvez ici le sous-titrage Antiope imposé par le ministère de l'accessibilité / version originale avec une bande son malsaine pour rendre le texte encore plus oppressant.
https://www.youtube.com/watch?v=3NCnigazlO0
Je n'en dirai pas davantage parce que je suis encore figé d'effroi, mais la remarque de Norman Mailer que je viens de lire m'a donné envie d'acheter des pagaies.
Concernant la chose textuelle, seul le dernier paragraphe est à sauver. Il a d'ailleurs dû être écrit par quelqu'un d'autre.
Muscadet tu veux dire qu'il y a des passages de Norman Mailer dans le texte ?
Non, absolument pas.
C'était un authentique hors-sujet.
Il faudrait déjà qu'il y ait un sujet pour être en dehors.
J'en ai encore le cœur palpitant, d'avoir vu Dourak poser les barres sur les T et signer du bout de l'épée chez Jules de chez Smith d'en face.
Tu as lu, comme il n'a pas hésité à te réprimander avec ce mélange explosif de bienveillance et de fatalisme ?
Il me rappelle IpMan, tu sais là, le maître chinois du kung-fu.
Ça oui, je l'ai lu de mes yeux. Ca s'est passé juste devant ma loge pendant que je donnais la pâtée à Cannelle, alors oui, un peu que j'en suis sûre !
On était posé au zinc sans pression, avec les collègues, et puis un gars, type Europe de l'est avec un nom impossible, a déboulé et il leur a tous cassé la gueule, ça parlait de ligne éditoriale, j'ai pas tout capté. Après, on est allé chercher un kebab, c'est tout ce que je sais.
j'imagine plutôt Dourak en cuir avec un fouet, dans la pénombre d'un backroom éclairé par intermittences de flashs stroboscopiques. Ce serait un donjon et Dourak, Mistress Crushburn, mais uniquement à sa demande. Alors il me flagellait les couilles. Puis je me réveilla. Comme dans la chanson du groupe "il était une fois", les draps se souviennent, mais ils ne se remémorent pas d'une vulgaire carte de France mais bien de l'intégrale de l'Encyclopædia Universalis, toutes éditions confondues.
Je n'ai pas lu les itérations précédentes, mais, de ce que j'en ai lu, ça ne me semble pas dénué de qualités; c'est bien écrit et ça se laisse lire sans mal. Ce que je confirmerai ou non en lisant le reste.