1.
Bien sûr le petit enfant maigrichon inventait : l'imagination formant un monde très cinématographique, à l'intérieur comme à l'extérieur, avait auguré une nouvelle configuration aussi bien sur le papier que sur les affiches surprenantes du métro quotidien.
Chaque jour, il y eut de nouvelles contraintes aussi : ainsi, ce matin, dès l'entrée dans le souterrain du métro lyonnais pour rejoindre son école, il devait par défi ou par jeu, s'appuyer sur un personnage réel rencontré la première fois un mardi-gras ; et bien que Pierrot se sentit alors en danger, après le tourniquet s'exécuta :
Il prit un air grave et commença à se faire passer pour un Roumain, mais il tremblait au fur et à mesure qu'il s'approchait des gens pour mendier quelques pièces... Il avait déjà abandonné son idée de départ après quelques refus... La tumultueuse histoire de Pierrot, le faux Roumain, allait-elle déjà arriver à son terme ?
Mais, à force de faire pitié, Pierrot avait réussi l'épineux exercice d'attirer l'attention d'un contrôleur qui lui demanda ses papiers d'identité en l'obligeant à sortir au prochain arrêt.
Il en était convaincu, tout était organisé autour de son récit : le complot descendait directement de l'autorité de Kaphrium ! Pierrot avait hésité à lui infliger la morsure du soleil, mais finalement il avait sagement obéis et quand le contrôleur fut satisfait de son excès de zèle, il le relâcha et le laissa rejoindre son école.
2.
Etait-ce bien Angela, la douce maman de Pierrot, qui posait nue, les cuisses écartées en couverture de ce magazine de charme ? Sérieusement le pauvre Pierrot n'avait plus aucun doute, alors que ses copains épluchaient le Playboy le regard avide d'en voir davantage et se moquant de lui... Bouillonnant de honte et de colère, il sortit prestement du Tabac-Presse et partit s'effondrer sur un banc, ses pleurs commençant à poindre comme la pluie d'un ciel blanc cristallisé ; il débutait mal dans cette existence éphémère, source de douleurs et de souffrance.
3.
Tant pis.
Aujourd'hui, en se levant Pierrot s'était lancé dans une nouvelle vie : une vie imbibée d'un parfum de sentier non cartographié.
On voyait le long de la route qu'il suivait à présent de jeunes et blonds précipices se déshabiller, c'était un nouveau pays rouge ombragé d'horizons sexuels ! Il se dirigeait du côté des Grandes Croix et de cette Zone aride, vers l'ouest, et il parvînt, en quelques étapes, en vue d'une ville aux toits en ardoise et à la typographie ocre, piquée de tours et de clochers.
Le premier des défis presque accomplis, il fut surpris par l'ampleur de la tâche à réaliser : les mains jointes et le crâne tressé de moellon de maçonnerie, Razko Kaphrium était à l'origine de l'opération ; confortablement assis dans un bon fauteuil anglais tandis que ses hommes-taupes essayaient d'après les indications du carnet de poésie de Pierrot, de sortir des dédales souterrains, Kaphrium ordonnait et attendait.
L'imagination du petit écrivain en herbe, un peu comme à l'intérieur d'un oeuf en gestation, générait leur croissance, occupait tout l'espace et bientôt se transférait dans le monde réel en le modifiant, et en déversant de nouveaux paysages mentaux : une ressemblance avec Kaphrium qui avait quitté son domicile céleste pour lui montrer la Voie, un jour de mardi-gras, malgré la gueule de bois de la veille.
4.
Il était maintenant sous la terre, à la recherche des Maîtres Orientaux comme Yoda ; il savait qu'il y avait peu à apprendre à la racine de leurs préceptes et concepts fumeux. Mais, il continuait jusqu'aux fonds où les rêves fiévreux crèvent d'un long et sanglant aboutissement, c'était en fin de compte le Commencement de cette Zone qui, seule, pouvait le réveiller de sa langueur morbide, comme une fleur fanée sur marbre noir !
Une Zone qui s'accouplait avec la fin ou le renouveau selon l'opportunité.
Une Zone sans le folklore habituel de l'Ancien Monde, restant toujours à réinventer.
Une Zone où l'on croisait son double à la lueur de la diode fatiguée de sa lampe de poche...
Et bien sûr une Zone où Pierrot retrouva le véritable fils d'Angela qui lui apprit que oui, bel et bien, il était son père disparu, avant de le précipiter dans le vide à coups de sabres lasers.
5.
Des parallélogrammes de lumière tournent et se croisent à la manière d'un kaléidoscope ; la repiration de Pierrot empreinte d'une palpitation haletante, les lampes de poche semblent se rapprocher et balayent pourtant un mince champ de vision à travers l'obscurité des souterrains, elles semblent actionner par des piles à bout de souffle ou par le moteur de ces hélices sur le crâne des Zonards en sifflant furieusement dans le vent hivernal.
Après avoir traversé les landes désertes et mortes de La Zone et volé leurs secrets, il est poursuivi par cette meute qui le traque comme un gibier.
Pierrot parcourt une série infinie de corridors obscurs, et cherche une issue pour remonter à la surface et s'évader de ce traquenard. Ainsi apprenant à ses dépends que la curiosité est un vilain défaut, le voilà qu'il entre enfin dans le vif du sujet.
Il aperçoit, sur un support en bois, en dessous de l'enseigne Total, ces lettres formant en rouge sang le mot suivant : Impasse !
Est-ce un complot, une conspiration, le début d'une révolte, se demande Pierrot, alors que les Zonards vont rejoindre la station essence où il reste planté, figé de peur et de questionnement.
6.
J'avalais mon café et je me souvenais de cet homme sanglé et allongé sur un lit d'hôpital. C'était peut-être Pierrot, ou Razko Kaphrium lui-même. Personne ne connaissait son identité. Et quand j'étais venu le voir et l'interroger pendant son hospitalisation les éléments qu'ils m'avaient fournis correspondaient exactement aux divers échanges que j'avais eu avec le Razko Kaphrium des années X. Brièvement les ambulanciers étaient passé, et...
comme en convoquant des esprits obscurs, ils avaient recouvert entièrement d'un drap le corps et le visage du pauvre inconnu, et ainsi, en l'emportant sur le lit à roulette, je découvris écrit en gras sur une petite feuille, aux pieds de l'étranger...
A suivre !
Avant-Propos.
On venait de brûler Monsieur Carnaval en plein air, au milieu de la Place Bellecour, et crachée des enceintes à plein volume, la musique qui avait suivi n'était autre que ce Thriller de Jackson ; un danseur, un seul danseur l'imitant, parcourait la scène cendreuse de Moonwalk et ce fut alors la révélation alors que je n'étais encore qu'un gamin :
— Dieu n'existe pas ! m'étais-je dit en même temps qu'un autre personnage promenant sa gueule de bois ; hilare, il était comme un intrus au milieu des enfants, ma classe de futurs Zonards, qui, guidée par d'étranges fantaisies, dessinait encore des Dragon Ball sur leurs cahiers d'écoliers et croyait dur comme fer à cette « morsure du soleil » accablant les assaillants de Sangoku...
De nuit, j'avais regagné l'appartement de ma mère : une jeune femme vêtue d'un chandail en laine naturelle, d'une jupe en tweed boutonnée de haut en bas et d'un gilet en daim beige, un téléphone portable et un bloc notes toujours à la main.
A cette époque, je travaillais déjà la genèse d'un texte dont le personnage était Razko Kaphrium : un savant au look destroy, et je passais parfois des nuits blanches à raturer d'annotations mon manuscrit au verso des feuilles données par le professeur de français !
Aujourd'hui, il me semble que le projet Kaphrium peut enfin voir le jour.
On venait de brûler Monsieur Carnaval en plein air, au milieu de la Place Bellecour, et crachée des enceintes à plein volume, la musique qui avait suivi n'était autre que ce Thriller de Jackson ; un danseur, un seul danseur l'imitant, parcourait la scène cendreuse de Moonwalk et ce fut alors la révélation alors que je n'étais encore qu'un gamin :
— Dieu n'existe pas ! m'étais-je dit en même temps qu'un autre personnage promenant sa gueule de bois ; hilare, il était comme un intrus au milieu des enfants, ma classe de futurs Zonards, qui, guidée par d'étranges fantaisies, dessinait encore des Dragon Ball sur leurs cahiers d'écoliers et croyait dur comme fer à cette « morsure du soleil » accablant les assaillants de Sangoku...
De nuit, j'avais regagné l'appartement de ma mère : une jeune femme vêtue d'un chandail en laine naturelle, d'une jupe en tweed boutonnée de haut en bas et d'un gilet en daim beige, un téléphone portable et un bloc notes toujours à la main.
A cette époque, je travaillais déjà la genèse d'un texte dont le personnage était Razko Kaphrium : un savant au look destroy, et je passais parfois des nuits blanches à raturer d'annotations mon manuscrit au verso des feuilles données par le professeur de français !
Aujourd'hui, il me semble que le projet Kaphrium peut enfin voir le jour.
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Comme je suis un crétin, je n'ai fait une recherche sur le nom du personnage du savant fou qu'après avoir publié le texte.
Ce qui mène au site d'un certain 'NotesMat15', où on lit des choses qu'on a déjà publiées ici : 'Elephant Man Syndrome' d'HaiKulysse. Mais qui comment pourquoi se moque de la République bien rangée et indivisible avec une pelle à tarte ?
Je propose qu'on adopte des sanctions contre la Russie.
on aurait dû livrer les deux bateaux pourris. ça ça aurait été une vraie sanction. ah, le texte, au fait.
ben c'est la suite de Tristes Tropiques sur OS X. et la vengeance de Katia, non ?
Hello la 7e compagnie, HaiKulysse = H kop, juste une question de mot de passe oublié et pas mal de flemme à le récupérer
Joyeux Halloween-Gras à tous !
L'humanisme, ce sacerdoce.