LA ZONE -

En Plein cœur. PAN! Pas ailleurs. (13)

Le 30/07/2015
par Valstar Karamzin
[illustration] Le Livre ne lui avait pas permis de trouver le sommeil.
Sa lecture s'était poursuivie sans trêve, il avait suivi le fil barbelé d'une chronologie sans boussole, il avait dû s'y agripper à maintes reprises alors qu'il dérapait sur des mots fous à l'affût d'un faux pas, qu'il s'enfonçait dans la sémantique mouvante d'un vortex de sentences aux mâchoires de crocodiles, qu'il s'écorchait l'esprit sur les métaphores terroristes d'une jungle où pullulaient en spores de voraces apostrophes bruissantes autour des restes typographiques d'un gibet carnivore.
Surpris par les éruptions incantatoires d'une encre déifuge jaillissante en germes du tréfonds des gerçures d'une langue morte, il avait avancé. Et il s'était blessé, à fendre les ronces de l'écriture sorcière, ne s'accordant de courtes haltes que pour se frayer un chemin à l'aide du coupe-papier rouge et or.
Il avait progressé d'une traite, puis s'était mis à déclamer, franchement, toujours assis, sur le lit de sa chambre d'hôtel, amplifiant les circonlocutions surgissantes en saillies de l'ouvrage, plongeant le visage dans les pages contaminées d'où s'exhalait une stylistique fièvre paludéenne sur papier vergé pur fil.
Il avança ainsi jusqu'à la dernière page du récit, laissant la nuit derrière lui, sans y toucher, comme un dessert brûlé, sans daigner y déposer le moindre songe.
Si nous avions pu, petite souris, placer un œil curieux par dessus son épaule, et regarder, nous aurions pu y surprendre l'activité d'une tectonique de fête foraine dans laquelle s'entrechoquent les sucs sélectionnés verts cantharides, des syntaxes empoisonnées de Lovecraft, Sade, Burroughs et Lautréamont, secouées au shaker prosodique, aux ponctuations rythmiques, d'un barman hilare qui aurait pour nom, Timothy Leary.
Dès le préambule, le poinçonneur avait découvert une connivence entre les distractions de René Varennes et les siennes, à la nuance près que lui se servait du support d'un mur blanc pour y projeter ses funestes pensées, alors que l'écrivain semblait révéler la barbare cosmologie de l'immaculé, la traverser et s'y fondre, y survoler ses espaces infinis, passer au dessus de paysages livrés aux terres brûlées d'une poésie de la désolation, avant de plonger au dedans de ses fresques vermoulues, et d'y tarabrusquer en entomologiste du stylo, des univers de mondes d'aberrations grouillantes.
Autrement dit, l'un jetait des étrons de boules de haine, sans respect, sur l'écran de ses pensées, tandis que l'autre laissait affleurer en douceur sur les murs vierges de notre imaginaire canalisé, des hordes d'ignominies délogées aux forceps.
Diantre ! Que tous ces mots pesaient lourd sur l'estomac de la page blanche, qui allait avoir besoin d'un bon chapitre pour digérer tout ça !
Il avait justement dévoré les trente chapitres, les trente incursions à travers l'immaculé. Il s'agissait à chaque fois de passer le pont, puis de se faufiler par une immatérielle vulve chancrelleuse en lévitation dans le décor, et se perdre en chemin vers d'inavouables récits homériques, avec son lot de combats et d'exécutions en cascades menées contre les tristes reflets de l'harmonie et du sacré.
Il comprit très vite que ce livre allait dorénavant l'accompagner dans sa solitude. En présentant le meurtre de sang-froid comme une nécessaire pulsion esthétique, la voix de René Varennes parvenue jusqu'à lui, justifiait les frasques à venir du poinçonneur, qui s'impatientait d'agir, crispé, une poêle à frire en main sur laquelle son cerveau crépitait RKO ; et il lui offrait également, au détour de descriptions émétiques cocottant la gangrène, d'interminables combinaisons de modes opératoires dictées depuis l'outre-tombe.
Il avait enfin trouvé son scénariste, son metteur en scène. Il suffisait de se laisser guider. De baguenauder sur ses champs de batailles en de nauséeux bonds d'amour, suivant avec bonheur, sans trébucher, le serpentement d'une vénéneuse balade mycophile.
Et piocher.
Y cueillir une à une toutes ses tumeurs éparses de spasmes glougloutants.
Les mettre en pratique dans l'horreur.
Appliquer désormais au quotidien son interprétation toute personnelle des visions de l'auteur.

Bien que hanté par sa lecture, il avait néanmoins bien rempli sa journée du jeudi, et avait occupé une bonne part du temps qui lui était attribué par le calendrier, à rencontrer à travers tout le Benelux, certains cadres haut placés du secteur nord de la Lastraviat. Il leur était apparu tel un Zombie-Haribo empestant l'usine à bonbons, et leur avait annoncé à demi-mots de prochains grands bouleversements : une véritable chirurgie faciale de l'organigramme.
En fin de journée, il était redescendu à Amiens. Là, il avait acheté un puissant détergent, recommandé par tous les abattoirs, pour effacer, comme convenu, les dernières bavures suspectes de l'instituteur, dans la salle de bains du 10 rue Antonin Artaud.
Il avait l'impression que mille années s'étaient écoulées depuis sa révélation, alors qu'il n'était affranchi que depuis quelques jours seulement
Et, il se mit à astiquer, un étrange sourire aux lèvres.
Devant ses yeux ouverts. Derrière ses paupières closes. Apparaissaient en flashes, des phosphènes spectraux, aux allures de démons lactescents, deux cent exactement, libérés subliminalement des deux cent cinquante-trois pages du recueil de René Varennes.
Deux cents Kroguenocs ailés. Kamikazés. Ils attaquent frontalement, en boucle, les uns après les autres, sans même une jolie transition entre, sans gracieux effet pour diaporama, et sans musique non plus. Ils lui arrivent dessus d'on ne sait où, foncent, lui tamponnent la rétine, il ferme les yeux, mais l'image se propage quand même jusqu'au cerveau.
Alors, comme une souillon honteuse d'en avoir mis partout, il continue d'astiquer.

Hendrix Von Volodoï, une fois libéré par le contrôleur, avait passé sa nuit à déambuler dans les trains. Il gratifia tous ceux qu'il croisa d'un énorme sourire, un sourire figé, migrateur, venu d'ailleurs, qui s'était collé là pour passer du bon temps, et se tenir un instant au chaud, alors que l'hiver ouvrait toutes grandes ses portes.
Il avait, pour combattre l'ennui, caressé l'idée d'aller féliciter le conducteur au sujet de son impeccable travail rectiligne. Il avait même essayé de s'entretenir avec lui. Mais la porte était resté fermée.
C'est con, il lui aurait bien raconté l'histoire de « Kidu et du train » que lui avait confié Aïgor, son avis de spécialiste aurait pu être intéressant.
Après ça, il avait fini par s'endormir, et personne ne pensa à le réveiller pour vérifier son titre de transport, qu'il n'avait pas, bien entendu, en sa possession. Il s'était donc éveillé dans une gare, située bien en dehors du territoire français.
La journée était déjà bien entamée.
En attendant la correspondance qui le ramènerait au bon endroit, il était parti en quête des ingrédients qui constitueraient son sandwich du jour.
À cette époque en effet, Hendrix se nourrissait exclusivement de sandwiches. Il fonctionnait comme cela par périodes, pendant deux ans des sandwiches par exemple, puis, l'année d'après, il n'avalait plus que des fruits ou des protéines. Il avait aussi été végétalien pendant cinq ans avant de sombrer dans une sordide addiction au saucisson qui avait duré six mois, il s'en était sorti dans l'action, en pratiquant quotidiennement le resto-basket au fil de trois mois gastronomiques d'intenses grivèleries sportives, et s'était stabilisé grâce aux kébabs, qu'il ingurgitait suivant une posologie draconienne qui, elle, s'était étalée sur plusieurs saisons.
Il marchait aussi par cycles dans le choix de ses partenaires sexuels. Par exemple, depuis qu'il avait rencontré Dallas, il se demandait s'il n'allait pas clore sa série transsexuels pas finalisés incarnée, entre autres, par Barbara, pour s'ouvrir à la ronde mélancolie mammaire d'une Zarofette, malgré sa violente et inopinée réaction de la veille. Et puis Barbara était devenue femme dernièrement, ça n'allait plus être vraiment comme avant…
Hendrix pensait qu'une existence vécue correctement, se devait de s'articuler librement au gré de différentes saisons, et il conseillait d'y goûter le moindre de ses bienfaits en déraison.
Pour ce qui était des sandwiches, il en consommait donc un différent chaque jour, confectionné selon ses orientations gourmandes, ses besoins nutritionnels, sa créativité, et l'éventail d'aliments, auquel l'argent qu'il avait en poche - ou la possibilité qu'il avait de piocher gratuitement dans les rayons d'un supermarché ce jour là - lui permettait d'accéder.
Et aujourd'hui c'était le bon jour pour un gros :
Feta-olive-concombre-poivre de la côte de Malabar et panse de brebis farcie.

Un long cheminement ferroviaire l'avait aidé à regagner Amiens.
À la gare, il avait récupéré sa mallette patinée de cuir noir à bandes verticales roses ainsi que son sac à dos - contre quelques zeuros - du casier de la consigne automatique où il les avaient laissés le temps de visiter l'Eldorado. Il fit glisser dans la fente des pièces cosmopolites aux avers d'arbres de vies et d'hommes de Vitruve ; plus un Cervantes et un Dante Alighieri, ajoutés en renfort pour aider au compte rond et débloquer la porte, sans que la machine n'ait à lui recracher en picaille de grêles les trébuchantes branches de chênes avec leurs glands, ni les sonnantes cathédrales Saint-Étienne, ni Albert de mes deux, ni Béatrix, qui risqueraient de l'alourdir dans la suite du parcours.
Il alla s'enfermer aux toilettes. Dans la cabine, il délogea du double-fond de la mallette deux machines à tatouer assez spéciales, puisqu'une fois désassemblées, il pouvait les joindre en arme à feu artisanale, apte à tirer quatre balles dans n'importe quel connard.
Il se lava sommairement aux lavabos, se rasa, se changea. Il planqua son flingue de fortune dans la poche secrète au creux du dos de son manteau. Il se coiffa d'une casquette plus sombre, neutre, moins repérable que le bonnet vermeil qu'il avait porté pour faire le gland en bord de route. Il retourna à la consigne pour y enfermer à nouveau ses bagages. Puis, il traversa la salle des pas perdus - un homme sur un banc lisait un épais roman policier écrit par l'une de ces romancières au prénom hermaphrodite - et il sortit de la gare.
L'agent de sécurité qui travaillait là - et qui servait aussi d'indicateur vacataire pour le compte de la Lastraviat - le suivit jusque sur le parvis. Il ne tarda pas à sonner l'alarme sur le réseau interne de l'Organisation, à l'aide de son bipper de malfrat : un Tatoo, un Tam-Tam ? Peu importe, Hendrix était bel et bien repéré.
Il remit l'appareil dans la poche de son blouson.
En se retournant pour regagner la gare, il heurta un petit homme sous son bob noir, portant un caban bleu marine, qui lui arrivait dessus sans regarder où il fallait. Il le fit tomber à la renverse. Il l'aida à se relever. Il s'excusa platement, plus par peur de perdre son emploi - au cas où ce dernier aurait un coccyx cassé et le bras suffisamment long pour l'emmerder - que par réelle considération envers le bigleux aux gros yeux qui ne savait pas tenir le cap, sans doute désorienté après son trajet en train par la découverte d'un nouvel espace géographique urbain.
- Pas de mal, dit l'homme au bob, avant de disparaître rapidement au loin, comme une pie voleuse, sans ailes, mais avec des mains, riches à présent du Taser électrique ; d'un attrape-rêve Huron, pas plus grand qu'un pouce, plein de mauvaises pensées à laisser brûler au soleil ; et du Tatoo - ou était-ce un Tam Tam ? - ayant appartenu, il y a peu encore, au vigile.

Dés qu'il vit Federico pénétrer dans l'immeuble, Hendrix commença à égrainer le temps, et une heure après il se trouvait devant la porte de la planque, prêt à rentrer, l'arme au poing, pour en découdre.
Dans la tronche d'Hendrix, c'était clair, il allait surprendre l'autre en plein ménage et, tout en le tenant en joue, il lui demanderait de s'expliquer sur tout : sur les intentions exactes qui étaient les siennes lors du voyage en voiture, sur la scarification, sur le bien et le mal, et sur les prévisions météo des dix prochains jours, car ça aussi c'était inadmissible.
Il lui demandera également de l'éclairer sur le soi-disant sang d'ouvrier qu'il avait sur les mains.
Et il attendra une réaction.
Si l'autre joue au con, s'il ne daigne pas cracher le moindre morceau de mots, ou s'il ne fournit pas d'explications satisfaisantes, il n'hésitera pas à user de toute sa violence. Il le fera chanter. Il lui fera avouer tous les crimes qu'il n'a pas encore commis, et aussi tous ceux qu'il a déjà économiquement provoqués, programmés - si facile d'effacer les humains usagés des livres de comptes, un coup de gomme suffit pour tuer une famille - et puis aussi tous les crimes qu'il a lui même ordonnés, qu'il a confiés à ses tueurs commandités, sans jamais se mouiller, en y pointant à la rigueur un doigt timide, quand c'était terminé, afin de s'assurer que le cadavre était bien froid. Mais, chut ! Car tout cela, Hendrix ne le sait pas encore.
Et, si malgré tout, sa persuasion échoue, il appellera, dans la seconde, Dallas - les deux tourtereaux s'étaient échangé romantiquement leurs numéros à l'Eldorado - et il le livrera sans vergogne aux Zarofettes, qu'elles le fassent disparaître, et que Dallas, reconnaissante du cadeau qu'il lui offrait, puisse enfin interrompre sa mission et se concentrer un peu plus sur la vie, sur lui qui en faisait aussi partie, qu'ils retrouvent une sincère complicité, sans drogues, sans artifices ; allez prends moi la main, et suis-moi à Berlin !
Malheureusement les souhaits demeurent trop souvent à l'état de chantier.
Parfois un clou qui dépasse du plancher suffit à retenir le blouson d'une femme que l'on traîne à la mort.
Parfois il suffit juste de pousser une porte, et rien ne se passe comme prévu.
Et toujours à la fin, le mal finit par l'emporter.

La porte n'était pas fermée à clefs. Hendrix entra sans bruit.
Au bout du couloir, seule la salle de bain était éclairée, elle y diffusait une lumière mordorée qui commençait à s'estomper aux pieds d'Hendrix en traces nummulaires.
Par l'ouverture de la porte grande ouverte, il pouvait distinguer Federico à genoux, dans le plus simple appareil, qui astiquait, en marmonnant tout bas certains des mots magiques contenus dans le livre.
Un pas, et Hendrix se posta à la lisière, entre l'ombre et la lumière. Il mit en joue le poinçonneur. Seuls une jambe, un bras armé menaçant, et la moitié des traits du fantomatique vengeur étaient visibles.
- Lève-toi, et ne bouge plus, ne touche à rien !
Tranquillement, le poinçonneur arrêta d'astiquer, il tourna la tête vers la voix tapie dans l'ombre du couloir, puis se leva. Ses innombrables muscles faciaux se contractèrent, son visage se plissa douloureusement, ses yeux exorbités s'emplirent de joie, son énorme sourire se déplia tel une bête prête à fondre sur sa proie.
- Je vous attendais cher ami.
Il prononça ces mots avec assurance, comme s'il tenait lui même le flingue et était du bon côté du canon.
Il se tenait maintenant debout face à Hendrix. Deux mètres environ les séparaient, l'un sous les feux cuivrés des projecteurs de la salle de bains, et l'autre dans le couloir à la périphérie du halo d'embrasure.
Federico était entièrement nu, hormis des gants de ménage en latex vert grenouille qui recouvraient ses mains et descendaient sur ses avant-bras. Et, petite note d'indécence, il bandait comme un cerf.
- Lève les bras, range ta queue ! Je veux voir tes mains bien en évidence et rien d'autre !
Il obéit, mais seulement pour les bras, qu'il leva lentement, doucement, tout en agitant faiblement les poignets. Et ainsi tournicotèrent les maléfiques marionnettes du proctologue de l'enfer.
Puis, il avança jusqu'au seuil.
- Plus un geste, plus un pas, ou je t'explose les rotules !
Hendrix était plus que crédible lorsqu'il balançait, comme ça, les injonctions à la manière d'un lanceur de marteau, furax de louper une fois de plus la dernière marche du podium, mais pour l'heure, rien ne semblait pouvoir ébranler le poinçonneur.
Il avait décidé de sortir grand vainqueur du duel.
Et dit :
- Je crois plutôt que c'est toi qui va devoir m'écouter maintenant.
Et il rajouta juste :
ZARDOZ !
Hendrix s'immobilisa aussitôt, le pistolet profita de la soudaine décontraction des muscles du bras pour se faire la malle, plonger droit au sol, sans tirer un coup ; ni pour faire rire, ni pour faire mal.
Il était plongé dans un état second.
Il n'était plus maître de lui.
Il comprenait ce qu'il se passait.
Mais était obligé de s'exécuter.
Plus de volonté propre.
Il ne pouvait plus parler, il était devenu muet.
Le poinçonneur alluma la lumière du couloir et demanda à Hendrix de se mettre à genoux, ce qu'il fit sans broncher, ensuite il lui logea son érection dans la bouche et l'invita à le sucer, du haut de sa sale volonté, ce qu'il fit goulûment, comme un gros bébé gâté accroché à son arbre-à-seins préféré.
Et d'une main gantée de latex, passée derrière sa nuque, il le berça en répétant :
- C'est bien mon petit, c'est bon ça !
Sans s'en rendre compte, il utilisait là, les mêmes mots que jadis son instituteur avait employé lui aussi, lors de ses extases contre-nature.
Sans le savoir, il se vengeait enfin.
En plagiant, à sa façon.
Et ce n'était qu'un début.

Comme il ne préférait pas courir le risque de se laisser surprendre ici, l'endroit étant devenu un vrai moulin lui semblait-il - et encore, il ne savait pas que trois Zarofettes étaient aussi passées par là et avaient pioché allégrement dans la réserve de pinard - comme il craignait que Tonio n'ait signalé l'adresse de ce lieu de transit à ses amis de la police, mieux valait ne pas s'éterniser.
Il finit donc de nettoyer, avec l'aide de son tout nouveau robot domestique, un Hendrix 3000 ; ensuite il abandonnera définitivement les lieux. Ils fermeront la planque pour toujours, plus aucun lien avec la Lastraviat.
Son téléphone vibra à nouveau. C'était ce bon vieux Kinski qui essayait encore de le joindre, la troisième fois en deux heures.
Pourquoi insistait-il autant ?
Le poinçonneur ne chercha pas à le savoir. Il pensa que Kinski le tannait sans doute pour faire un débriefing de l'opération Dératisation, et sûrement lui proposer une soirée autour d'un bon repas avant qu'il ne finisse sa visite du secteur. Il savait que tout s'était bien passé, et ça lui suffisait. La cuisine interne de l'Organisation ne le concernait plus guère. Il avait tourné les pages. Et plus il les avait tournées, plus il avait su déterminer ce qu'il lui restait à faire. La page trente trois notamment lui livrait la recette idéale pour un dépucelage de grand méchant loup dans les règles de l'art, il l'adaptera à sa sauce et Hendrix cessera de vivre, décapité comme une quille, au bowling gore du grand-guignol.
Il existera encore un temps dans les souvenirs de tous ceux qui l'auront côtoyé.
Et c'est tout.

Après s'être assuré que de la rue ne viendrait pas de menace, il ordonna à Hendrix de s'allonger dans le coffre de la Mégane.
Juste avant de rabattre le couvercle, il lui suggéra qu'allait commencer pour lui - dés que la voiture démarrerait - une croisière nocturne sur le Styx, allongé sur un radeau rafistolé à peine étanche, attaqué par de croquignolets piranhas.
Bon voyage.
Le puéril hypnotiseur démarra confiant, certain que cette fois ci, l'autre ne jouerait pas la fille de l'air, ni le Houdini dans sa malle.
Il roula.
Roula dans la nuit en direction de la casse automobile.
Elle était fermée pendant les fêtes.
Là bas il n'y aurait pas de Sigmund, ni aucun autre ferrailleur. Il n'y aurait personne pour assister au premier meurtre perpétré par le poinçonneur.
Il sera donc peinard, loin des yeux indiscrets.

Tout en roulant la fleur au fusil dans un paysage de déjà-vu, le futur plus grand serial killer de la CEE s'apprête à vous dévoiler en Eurovision le nom de son premier forfait, un nom qui deviendra célèbre pour autre chose que les tatouages que tu auras légués aux épidermes du Vieux Continent, un nom intimement lié pour toujours à celui de ton pygmalion, ton assassin, ton créateur. Ton nom : Hendrix Von Volodoï. La première lettre de l'alphabet d'un jeu de pistes pervers qu'aimeront bientôt épeler pour se distraire les détectives et autres chroniqueurs judiciaires.

= commentaires =

David

Pute : -1
ceci n'est pas une pipe    le 01/08/2015 à 23:01:01
Salut,

J'ai pensé à la blague de la fleur, celle des films muets genre Marx Brothers : un perso porte une fleur au veston, un dindon s'approche, l'autre l'invite à sentir et un jet d'eau lui inonde le visage.

et ben là, ça fait un peu pareil avec ce qui arrive à HVV, ça a beau être porno, y'a un côté burlesque, surtout qu'il était aussi tout gnangnan psychologiquement le héros, avec ses rêves de revanche épique et ses haltes gastronomiques, comme s'il ne voulait pas comprendre qu'il est dans une grosse merde, il se languissait même de sa casse-noisettes aka Dallas, il passe vraiment pour une sacré tanche...

Alors que le méchant, il a un trip de James Bond, bon, à son niveau de psychopathe, mais la traduction rendrait à peu près ça.

« Kidu et du train »

super titre, peut-être dû à une chute de Feta-olive-concombre sur le clavier.

Y'a du brio au début, la partie ici en bleu est assez cinématographique, ou littéraire, ou digne des plus grands moments d'opéra, enfin chié comme ça dépote d'entrée.

C'est quoi des Kroguenocs ?

"Devant ses yeux ouverts. Derrière ses paupières closes. Apparaissaient en flashes, des phosphènes spectraux, aux allures de démons lactescents, deux cent exactement, libérés subliminalement des deux cent cinquante-trois pages du recueil de René Varennes."

ça aussi ça dépote, on entendrait presque l'orchestre philharmonique d'un quelconque trou-du-bled impérial en entamait le morceau avec moult violons et guimbardes.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 01/08/2015 à 23:30:15
La description des effets du B2Oquin de René Varennes sur le poinçonneur est grandiloquente et superbement écrite, cependant j'avoue qu'on est à un tournant de l'histoire où je suis un peu déçu. Valstar Karamzin, tu as loupé l'occasion de ta vie de voir ton œuvre portée au cinéma par les frères Coen :

On a tendance à souvent entendre, quand dans une histoire, on parle d'un tableau formidable, d'une statue extraordinaire, d'un parfum rarissime, extraordinaire, ultime, gardez-vous bien d'en montrer des extraits ou de les décrire parce que vous allez au casse-pipe; vos lecteurs vont se rendre compte de la supercherie. étonnamment, ici, ce que Valstar Karamzin rapporte du bouquin, sans vraiment en citer des passages, sans dévoiler réellement son contenu mais se concentrant sur les effets que sa lecture produit sur le serial killer en devenir, est original et évite dans la subtilité cet écueil.

C'est sublime et le problème est probablement personnel, ce sont mes attentes, ce que secrètement j'espérais. J'aurai rêvé d'un anti power up, une improbable rédemption qui aurait marqué un grand basculement à l'Histoire; Federico, cet être bestial, dont le destin semble déterminé par les violences et atrocités subies durant son enfance, aurait pu sublimer dans la rédemption à la lecture du roman. ça aurait été un monumental pied de nez à ce qu'on a l'habitude de lire et de voir. Qu'on se rassure, rentrer dans le détail du process d'évolution d'un tueur en série est déjà assez exceptionnel et plus que nourricier; cela dit, on avait vraiment l'impression que ce bouquin allait être non pas un catalyseur, non pas un indicateur coloré mais un réactant puissant conduisant à une improbable conversion de cet être condamné à devenir de plus en plus revanchard sur l'altérité responsable de tous les maux de son existence.

Il reste 2 chapitres mais j'ai l'impression de rentrer dans un récit plus conventionnel relativement à tout le potentiel et l'ambition affichée jusqu'ici.

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