LA ZONE -

En Plein cœur. PAN! Pas ailleurs. (11)

Le 16/07/2015
par Valstar Karamzin
[illustration] En véritable maître de l'échiquier, le poinçonneur mit rapidement en mouvement l'énorme dispositif de surveillance de son réseau de chauffeurs et d'agents de sécurité sur le qui-vive, une alerte maximale sur la ligne Amiens-Bruxelles-Berlin. Des yeux aux aguets partout cherchant à localiser sa proie. Il avait également disposé des hommes de confiance aux endroits stratégiques, notamment un à Berlin, une fois qu'il eut difficilement déchiffré l'adresse de Giulietta Marx, sur la feuille pliée en quatre trouvée dans sa voiture.
En bout de voyage, il en était certain, son souffre-douleur s'y rendrait.
Le 25 décembre, il le sentait,
tout allait se jouer là bas.
Il le cueillerait dès son arrivée à la date indiquée sur le bout de papier.
Plus que quatre jours à patienter, avant d'enfin pouvoir entamer sa carrière de poinçonneur. En attendant il inspecta - la dernière tournée du grand manitou - les infrastructures du secteur nord, régla une bisbille entre cadres, et laissa quelques directives à propos de diverses opérations en cours. Une visite qu'il fit sans s'investir. Mécaniquement. Car il était déjà ailleurs, son esprit mitraillé d'images d'explosions où, à la lueur de celles-ci, il entrevoyait son futur d'assassin, des scènes de sévices, le poinçon perforant supersoniquement en nid d'abeilles, beaucoup de sang, une apothéose d'obus sifflant à ses oreilles dans l'azur mordoré d'un règne de feu. Du lourd donc, une obsession, qui l'empêchait de se concentrer sur autre chose.

En attendant, il pioche frénétiquement des bonbons par poignée, dans pléthore de petits sacs qu'il a amassé à ses côtés, sur le siège passager de la Mégane. Il enfourne inlassablement dans sa bouche d'extravagants amalgames de victimes gélifiées, aux colorants multicolores, aux formes fantaisistes, des billes, boules, gélules, pastilles, des fils, des serpents ; discordantes textures malaxées à pleines dents, guimauves se déchirant sur des cristaux de sucre, gélatines éventrées sous un assaut de carapaces de cire de carnauba ; un chaos pâteux, lubrifié au sirop de glucose d'où jaillissent acides des éclairs citriques. Un calvaire qu'il s'inflige pour attiser à nouveau le feu dans ses gencives, pour réveiller la douleur, qu'elle le garde en alerte constante, lui marteau-picorant la corde de ses nerfs, jusqu'au dénouement tant attendu. Il enfourne encore une pleine main de glucides frétillants, dans l'espoir que le sucre creuse ses dents de cratères de caries et que de ses gencives s'exhale une fournaise de souffrances sourdes, larvaires et biscornues. Caresser l'overdose. Tuer enfin.

Il finit par se garer sur le parking bien éclairé d'un motel. Il ramasse les nombreux sachets de douceurs aux looks farfelus, les jette dans un grand sac et gagne l'entrée du bâtiment sous le bruissement de la lumière du soir. Là, une réceptionniste lui souhaite de joyeuses fêtes et il monte dans sa chambre. Puis il prend une douche, se regarde nu dans le miroir de la salle de bain qu'il désembue d'une main mouillée, et se branle en imaginant le travail du poinçon traversant la peau. Il éjacule dans le lavabo. Il dispose ses sucreries sur le lit, s'allonge à côté, il allume la télévision, zappe, et jette son dévolu sur une chaîne sans images qui ne diffuse que du néant, dans l'espoir d'y voir apparaître sa grand-mère décédée.
C'est l'heure de faire le point sur la situation, il écoute ses messages tout en avalant des dauphins mous de gélatine. Il apprend soudain que son souffre-douleur à été repéré ; un routier Suisse l'aurait déposé sur Amiens deux soirs auparavant ; information recueillie par un chauffeur de l'Organisation alors qu'ils déjeunaient ensemble à la Saucisse Volante, un bon routier. Le Suisse se souvenait bien du bonhomme, de son débit verbal impressionnant et de ses divagations sur les bisons et les indiens alcooliques. Un sacré énergumène qu'il avait rencontré là !
Et surtout, un agent de sécurité en poste à la gare d'Amiens l'avait repéré alors qu'il s'apprêtait à prendre le train en direction d'Arras, aujourd'hui mercredi, en milieu d'après-midi.
La nouvelle le laissa perplexe, il se serait plutôt attendu à ce que l'on retrouve sa trace aux environs de Bruxelles. Mais peu importait, l'essentiel étant qu'il avait été localisé. Il fallait resserrer la surveillance dans ce secteur. C'était de bon augure, et si par malheur on perdait sa piste à nouveau, il ne s'inquiéterait plus, il finirait par le cueillir à Berlin, il en était certain c'est là qu'il se rendait.
Pour l'heure il fallait qu'il profite du confort de sa chambre d'hôtel.
Qu'il aiguise ses poinçons.

Sur la chaîne de l'au-delà, il ne se passe rien. Il est allongé sur le lit, au milieu des paquets de bonbecs miroitants. D'un air christique désuet. Un messie diabétique reposant sur son tapis de chatoyances.
Demain soir, il se rendra à la planque d'Amiens pour effacer les dernières traces de sa nuit de folie dans la salle de bains. Mais maintenant, il croque des morceaux de sucre qu'il laisse fondre dans sa bouche, autour de l'émail qui ne résistera plus très longtemps.
Tant qu'il ne trouvera pas son homme, tant qu'il n'inaugurera pas son nouveau cycle de vie et de morts, il ne se lavera pas les dents, il les laissera pourrir dans le jus mellifluent qui coule à présent en rigole dans sa gorge alors qu'il essaye de s'endormir.
Et il éteint la lumière.

Dans la nuit, il fut réveillé par un sifflement ; par quelqu'un qui toquait au carreau, de l'autre côté de l'écran de télévision encore allumé sur le désert Hertzien. Ce n'était pas sa grand-mère. Plus sûrement un rêve qui l'avait poussé à se lever d'un bond, puis moucher la fenêtre du téléviseur. En fouillant dans son sac pour trouver du sommeil, il avait déniché le paquet cadeau oublié par son souffre-douleur. Il avait déchiré l'emballage et découvert le livre. Voyage à travers l'immaculé de René Varennes. À l'aide du coupe-papier rouge et or qu'il trouvât avec, il commença à libérer les pages closes,
puis se mit à lire…

                                                                ***

Le même soir, un peu au sud d'Arras, non loin de la nationale, les murs de l'Eldorado frémissaient, emportés par les hourras d'une clientèle survoltée. Le bâtiment aux faux airs de ranch mexicain abritait en son sein diverses activités. En semaine, bar et resto-routier ; le vendredi et samedi, concerts et discothèque jusque tard dans la nuit ; et le mercredi depuis déjà un an se déroulait désormais la très réputée soirée Slam.
Et aujourd'hui, parce que c'était bientôt Noël, le patron avait programmé, afin de remercier sa fidèle assemblée, quelques numéros de show burlesque en sus, des effeuilleuses directement arrivées de Hollande pour dérider et émoustiller tout ce petit monde.
Installé seul à une table sur le côté gauche de la scène, Hendrix lui aussi était de la partie. Il attendait.
Un fois sorti de l'hôpital, il s'était payé une modeste chambre d'hôtel pour se requinquer et réfléchir un peu à tout ça. Et c'est en se déshabillant avant une bonne douche salvatrice, qu'il avait aperçu le dessin sur son abdomen : A/Y/J/V, tracé en lettres de sang autour d'un grand X qui lui barrait la panse. Le sillon n'était ni trop profond ni trop large et une croûte commençait à se former à la surface. Un tatouage de plus sur son corps pourtant surchargé, ou, plus exactement, une scarification éphémère qui disparaîtrait assez rapidement. En tout cas c'était du mauvais boulot d'amateur. Qui avait bien pu lui infliger ça et pourquoi ?
Jamais il n'aurait pu se douter que c'était sa propre main d'artiste, si précise d'habitude, qui avait marqué aussi grossièrement son épiderme. Il ne se souvenait même pas d'être rentré en transe. Les souvenirs de son dernier trajet en voiture avec le seigneur de la pinède devenaient confus à mesure qu'ils abordaient les eaux territoriales de son récent passé sous hypnose, et puis les coups sur la tête n'avaient rien arrangé. Comme une ablation sélective de la mémoire, une zone noire, avec un Z comme Zardoz.
Il peinait à imaginer les filles, pendant qu'il était inconscient sur sa chaise, prenant son ventre pour la tombe de Jim Morrison ; il eût préféré qu'on le traite à l'instar du tombeau d'Oscar Wilde, peint de baisers. Et il ne comprenait pas comment le seigneur de la pinède aurait pu commettre ce sacrilège alors qu'il conduisait, bien qu'il gardât un goût déplaisant du trajet en voiture, tel son assoupissement suspect, sa conscience comme essorée, et son écriture sur l'enveloppe.
Très étrange.
Sous la douche il avait longuement ressassé les faits, depuis son départ en stop à la pointe de l'Europe, jusqu'ici. Il sonda minutieusement le flux de sa réminiscence jusqu'à se remémorer les moindres détails de son périple en Saab. Il se sécha. Resta encore songeur de longs instants. Puis décida qu'il allait trouver ce foutu Eldorado, déjà pour demander aux filles de lui rendre des comptes à propos du graffiti sur le bide, et ensuite leur proposer un marché, une sorte de pacte - et aussi il voulait revoir Dallas, elle n'arrêtait pas de se déhancher sur sa rétine depuis qu'il l'avait découverte dans les graillons de la cuisine.
Il désirait donc la revoir.
Encore.
Et encore.

Il les attendait, assis autour d'une table de bistro arrondie pleine lune, un Picon-bière pour toute compagnie. Un ami peu collant.
Sur scène, après la première salve de slameurs, du menu-fretin en amuse-bouche, s'achevait un premier numéro burlesque plutôt trash : un beau brin de fille dodue en lingerie, bas résilles rouge pétunia, mascara dégoulinant et cache-tétons à frange, s'acharnait hystérique, une meuleuse vrombissante en mains, entre les jambes grandes écartées de son acolyte, plus précisément sur le métal de la ceinture de chasteté que portait cette dernière, d'où jaillissait une gerbe d'étincelles jusqu'aux premières tables, presque dans le verre de Martini d'un client hilare, à la face rubiconde et au profond rire rogomme… comme on dit dans les livres. Et l'autre fille, bas blancs, seins nus, et jarretelles lilas, montée sur des talons aiguilles au cuir noir verni, offerte sur son siège de gynécologue, modulait de sa voix de faux orgasmes de diva, en écho aux miaulements d'usinage des assauts rotatifs de sa ronde partenaire.
Après la dernière éruption abrasive, Miami Vice (renfrognée), suivie de Dallas (monalisante), se déplacent sous les applaudissements, entre les tables, parmi les gens debout, conquis. Elles forcent le passage pour fondre jusqu'à la table d'Hendrix. Elles semblent déterminées, pas commodes, prêtes au chambard. Elles approchent par derrière. S'assoient de chaque côté de lui. S'installent furibardes sur son territoire. Elles l'encerclent. La main au collet.
- Comme ça tu tournes au Picon, p'tit con ? articule Miami Vice dans son rôle de méchante qui aurait noyé le Schwa.
Elle sort un verre à bière de son blouson de motarde au cuir bleu électrique, le pose avec fracas sur la table, retire d'une autre poche intérieure une petite bouteille plastique qu'elle vide en partie dans le verre.
- C'est bien, tu as retrouvé ta langue depuis la dernière fois ! Et un bien joli blouson que tu as là en prime ! Lui sort moqueur Hendrix.
- C'est de l'agneau bleu, repéré alors qu'il gambadait dans un champ vert, je l'ai tué rouge de mes propres mains, à la régulière. Il m'a d'ailleurs donné du fil à retordre, agressif de surcroît, et vicelard par dessus le marché. Satané agneau bleu ! Mais toi t'étais censé nous éviter à jamais, sous peine d'un subit rétablissement de la peine de mort à ton encontre. Tu traînes dans nos pattes, tu sais ce qui t'attend ! Mon pote, c'est ta dernière soirée !
- Alors fêtons ça, intervient Dallas, l'ultime bamboula du condamné ! Et cette fois, c'est de la bonne !
Et elle distribua à chacun une petite pilule rose bourré de MDMA.
- C'est plus humain comme ça. Plus agréable.
Et comme Hendrix ne refusait que très rarement les drogues illégales proposées si gentiment, et qu'effectivement il allait peut-être vivre là sa toute dernière soirée sur Terre, mais sans trop y croire non plus, il avala sur-le-champ le bouton de rose au coeur brisé.
Sans broncher.
Miami Vice, elle, n'avala rien à part une bonne lampée de son Skognac de contrebande. Elle voulait garder son esprit éthyliquement clair. La vie d'un homme était en jeu. Et puis les deux autres pourront ainsi profiter d'une demi pilule chacun. En rab.
Avant que l'alchimie ne se fasse dans leurs corps, que la montée de taz ne les fige un temps dans la stupeur, Hendrix, au diable la pudeur, décide de soulever son pull et d'exhiber son ventre alphabétiquement meurtri, en s'efforçant de le rentrer, le plus plat possible, mine de rien, chaud la tablette de choco, vise moi un peu ces abdos, à destination de Dallas.
Surtout ne pas lui déplaire.
Face à leurs réactions plus que perplexes, il n'ose un :
- C'est vous qui m'avez fait ça ?
que timidement, du bout des lèvres.
- Pas le genre de la maison, mon pote ! adjugea péremptoirement Miami Vice en posant son verre sur la table. Nous, nous n'égratignons pas, nous étripons, Monsieur ! Puis sur un ton qui se voulait narquois : mon pauvre chou, t'as une idée de ce que ça signifie : A/Y/J/V ?
- Tu as passé de la pommade là dessus ? Lui materna Dallas d'une voix douce. Je peux toucher ?
Elle mouilla son index d'un coup de langue prometteur et promena son doigt sur le léger relief du J, du V, en disant « Je Veux », puis elle continua sur le A et le Y tout en humidifiant à nouveau son index, et elle ajouta « Apprivoiser tes Yeux ».
Je veux apprivoiser tes yeux.
- Et moi Je Vais Atomiser Yalta ! Proposa à son tour Miami Vice qui venait de s'apercevoir qu'il ne lui restait plus de Skognac.
Hendrix remit son pull en place, ses yeux ancrés dans ceux de Dallas.
Puis, tâchant de se concentrer sur autre chose, il dit :
- Ce n'est pas vous, soit ! Dès lors tout me conduit à penser que l'homme qui m'a pris en stop, et que vous recherchez activement, m'a lui même fait subir ce traitement, je ne sais pas trop comment, peut-être m'a-t-il drogué. En tout cas, j'ai maintenant moi aussi une forte envie et une raison sérieuse de lui mettre la main dessus. Je veux en savoir un peu plus, j'ai l'impression qu'il m'a trituré l'inconscient, et qu'il couvait de vilaines intentions à mon égard. J'imagine que vous avez dû visiter la salle de bains de l'appartement où nous nous sommes rencontrés, que vous avez pu y constater la présence de traces de sang, les canalisations de la baignoire bouchées, et aussi l'oreille humaine abandonnée sous l'évier. Un nouvel élément m'indique que c'est lui qui a joué à l'apprenti boucher dans cette pièce. Quand il m'a invité à son bord à la sortie d'Amiens, je suis certain qu'il en venait, il avait même les clefs de l'appartement avec lui. Ce qui me chiffonne par contre c'est que, puisque vous surveilliez les alentours immédiats comment vous avez fait pour le rater ? Et puis d'abord quand et comment êtes vous arrivées jusqu'à la planque ? Il va falloir m'en dire un peu plus sur notre bonhomme, sur vous et vos intentions.
- Hé, mon pote, on se calme. Tu n'as pas à savoir qui nous sommes ni connaître nos intentions. Tu sais déjà qui nous recherchons, son nom : Federico de Barataki. Tu n'as pas à en savoir plus. Mais comme de toute façon tu ne verras pas d'autres demains, je peux t'expliquer comment nous sommes arrivées jusqu'à l'appartement… Hum ! donc l'homme dont nous parlons est un ancien grand patron, un profiteur délocalisateur avec du sang d'ouvrier sur les mains. Au moment où nous décidons de lui mettre le grappin dessus, pfuit ! il disparaît dans la nature. Il brade ses sociétés et nous n'en entendons plus parler. Il y a quelques mois nous apprenons, qu'il a changé de vie, de nom et qu'il est fort probable qu'il dirige dans l'ombre une sorte de mafia de routiers, un système très opaque avec des ramifications en Allemagne, en Italie, et dans certains pays de l'Est. Pas moyen de le localiser pour autant, nous ne savons pas où il vit, et ne savons pas grand chose de l'Organisation. Nous décidons donc de surveiller le milieu routier, et nous prenons la route à bord de notre camion de toilettage. Puis notre longue enquête sinueuse finit par nous mener à suivre un livreur de la Lastkraftwagen Traviati (c'est le nom de leur organisation), qui déposera les cartons là où tu sais. Nous décidons alors de surveiller l'endroit dans l'espoir de tomber sur Federico, ou en tout cas d'établir un lien avec lui, même indirect. Surtout que des rumeurs évoquaient la présence du big boss dans le secteur. Il nous fallait essayer. Voilà où nous en sommes. Pas fameux hein ?
- Il a dû quitter les lieux un peu avant votre arrivée. Vous vous êtes ratés de peu. Finalement vous avez eu le nez fin, directement sur sa piste encore fraîche, bravo ! Et maintenant je comprends mieux pourquoi mon témoignage à dû être capital pour vous. Vous avanciez dans la semoule sans savoir vous diriger, et j'ai planté un amer, un petit drapeau pour que vous puissiez vous repérer. Ce n'est pas rien ! Alors, je vous propose un marché. Notre homme peut s'avérer dangereux. Je ne sais pas ce qu'il manigance, mais il m'a l'air bien parti pour, quand je l'ai croisé sur la route j'ai cru par moments déceler des éclairs de folie dans ses yeux. Nous devons continuer ensemble. Je remplacerai votre copine Buffy. Conjuguons nos talents. À trois nous serons plus efficaces pour faire payer ce salaud ! Et puis les filles n'allez pas me faire croire que vous avez réellement décidé de me flinguer ce soir. Car je sais qui vous êtes : des Zarofettes ! Vous suivez une éthique, sinusoïdale certes, mais une éthique quand même…

Hendrix n'aurait pas dû fanfaronner ainsi, ni prononcer ce mot. Sans cette allusion aux Zarofettes, il aurait vraiment pu les convaincre de marcher avec lui, elles étaient entraînées pour mieux fonctionner en trio qu'en binôme, et l'absence de Buffy les handicapait fortement. Mais pour le coup, il ne réussit qu'a exciter Miami Vice, la conforter dans son rôle de vilaine fée aux dreadlocks qui maîtrisait la situation.
- J'comprends pas pourquoi tu nous traites de majorettes, mais n'sois pas si certain qu'on n'te dessoude pas pour finir !
Alors sa main disparut sous la table, et Hendrix pu sentir le canon rigide d'une arme à feu contre son sexe mou.
- Tu bandes moins pour ma copine à présent, lui dit-elle en appuyant entre ses jambes, encore un peu plus, avec son arme. Un conseil, n'fais pas trop le malin. On n'fera pas équipe ! T'entends ! La prochienne fois je n'te loupe pas mon pote. Allez, profite bien du spectacle… et de ta partenaire d'extase.
Et elle se leva.
Elle sortit de l'Eldorado pour se réapprovisionner en Skognac au camion. Sur scène un Slameur débitait sur son ex dans un phrasé Hip-hop chaloupé. Dallas et Hendrix se retrouvèrent seuls autour de la table arrondie pleine lune. Ils semblaient tétanisés, crispés en pleine montée, en haut de l'Escalator qui les amène à présent au rayon Attendons que ça passe, avant de poursuivre béatement la visite, dans la bonne humeur, aux grands magasins MDMA.

Bien qu'elles aient gardé le masque à l'évocation du mot prononcé par Hendrix, intérieurement elles bouillonnaient. Enfin, surtout Miami Vice. Dallas, elle, était déjà sur l'Escalator.
Comment un inconnu sorti de nulle part pouvait-il même soupçonner leur existence ? Elles n'étaient qu'un mythe, une rumeur mêlée aux vents, qui ne soufflait que loin des courants dominants, dans un ciel restreint pour initiés.
Comment pouvait-il seulement connaître le nom qu'elles se donnaient ?
Car bien entendu elles en étaient.
Des Zarofettes.

… Le mouvement des Zarofettes naîtra au tournant d'un vingt-et-unième siècle encore vagissant, dans une période pré-révolutionnaire qui n'osait pas encore dire son nom. D'innombrables initiatives visant à rompre avec le système existant virent le jour partout sur la planète. Il s'agissait d'inventer un nouveau monde, de le penser différemment. Pour alimenter les groupes de réflexion et les mouvements sociaux cherchant une alternative à l'ordre établi chrématistique, des individus abusèrent les banques en y contractant, par exemple, une multitude de crédits puis entrèrent en clandestinité, des traders dévoyés détournèrent des milliards de devises, des hackers anonymes firent trembler les fondations technologiques d'un libéralisme obsolète ne faisant pas échos aux aspirations des vivants, d'autres prirent la rue, certains tentèrent d'agir, prenant enfin leur vie en mains, et beaucoup se posaient des questions dans un monde où le travail tendait à disparaître.
Le mouvement des Zarofettes (d'après le nom d'un personnage pratiquant la chasse à l'homme dans le film « The most dangerous game » d'Irving Pichel & Ernest B. Schoedsack - 1932) émergea de cette riche effervescence tout en œuvrant à contre-courant de l'état d'esprit ambiant.
Elles décidèrent de renouer avec l'action directe violente, une sorte de lutte armée contre les décideurs, les grands patrons, les responsables du sabotage de notre joie de vivre. Et elles en firent littéralement disparaître un grand nombre. Plus une trace, du jour au lendemain.
Le mouvement était composé uniquement de femmes. Il fut créé par l'une d'elle, Mme Luz-Bianka dos Ribeiro. Elle fut une brillante scientifique brésilienne, astrophysicienne et biologiste, dont bon nombre de travaux furent pillés par ses confrères plus Nobelisables. Écoeurée par ce patriarcat corrompu, elle s'éloigna petit à petit de son domaine de prédilection, la recherche, pour se tourner vers le social et étudier d'autres possibles. Elle recruta ses premières « éclaireuses » par l'entremise de centres sociaux qu'elle implanta un peu partout dans le pays. Elle les arma d'outils révolutionnaires inventés par ses soins. D'abord le « sérum d'amnésie », qui par inoculation superficielle pouvait arracher jusqu'à quarante-huit heures de souvenirs à un être humain. Et surtout le « grézifieur », une substance qui, diluée dans de l'eau, permettait de transformer en vingt-quatre heures, un corps en sable fin. Le crime parfait, indécelable. Sans victime tangible, pas de crime commis. Pas d'effet martyr. Et la conscience tranquille pour l'éclaireuse aux mains blanches.
Les Zarofettes ne revendiquèrent aucune de leurs actions, elles gardaient le secret absolu sur leurs activités, elles agissaient dans l'ombre pour « rendre service à la nouvelle humanité naissante ». (…) Leur but étant de rester libres et en vie, elles devaient agir discrètement, ne tuer que les « responsables », quitte à couper la mémoire immédiate aux témoins gênants. Elle n'avaient de liens avec aucune autre faction. Elles compensaient leur isolement par une remarquable organisation. (…). Quand elles entendaient une personne affirmer qu'il ne servait à rien d'abattre un technocrate aux clefs d'or, puisqu'il serait automatiquement remplacé par son semblable, elles pensaient que mathématiquement ce n'était déjà pas si mal « un en moins puissance x » , qu'au bout d'un moment ça allait finir par se voir, ce grand vide d'élites, et que le prochain à tenir les rênes, issu d'une autre génération, peut-être pas encore totalement formaté, finirait sûrement par réfléchir aux conséquences avant de prendre certaines décisions. Elles se sentaient donc légitimes. Avec le temps elles souhaitaient répandre internationalement un insidieux malaise parmi l'aristocratie aux commandes, qu'ils ne se sentent pas attaqués, juste menacés, sans trop savoir d'où ça venait, ni quand l'invisible main des Zarofettes allait les pousser dans l'abîme (…)
Leur champ d'action se délimita surtout à l'Amérique du Sud, l'Espagne, le Portugal, le Japon, la Corée du Sud et le Canada. Ailleurs des groupes de Zarofettes organisées purent éclore par-ci, par-là, mais leurs actions furent tellement insignifiantes, voire relevant de la fumisterie, que nous n'en parlerons pas ici…


Hendrix quant à lui n'entendit parler d'elles qu'une seule fois, et il s'en souvint, tant cette dénomination l'avait amusé à l'époque, notamment formulée avec un fort accent espagnol. Il devait tatouer l'un de ces Robin des banques, retranché derrière son masque de Guy Fawkes, un grand admirateur de son travail. Un collectionneur de tatouages qui désirait se payer un Von Volodoï sur le corps. À Madrid, un homme lui avait bandé les yeux, puis l'avait conduit dans les montagnes, dans un village fantôme pas censé exister. Quand on le débarrassa du bandeau, il fut presque aveuglé par un éclat de vie : une population d'enfants soleils et de femmes madones apportant à boire à de musculeux tailleurs de pierre, de simples sourires, une chevelure ondoyante, et des akènes bleutés flottant dans l'air sur le chemin au loin… Durant son séjour, entre deux séances de gravure sur peau, il surprit une violente dispute à propos des Zarofettes. Les types se postillonnaient au visage en prononçant le mot. Zarofettes ! Dans ce qu'il perçut du houleux débat, il comprit que leur existence même était soumise à caution, et que chez ceux qui y croyaient, elles ne faisaient pas l'unanimité. Il prit bonne note de ces renseignements généreux, comme à l'accoutumée, et s'en alla prendre le soleil un peu plus loin…

Miami Vice, de retour à la table, n'arrêtait pas de jacasser sans le moindre respect pour les Slameurs. Elle tentait de convaincre les deux autres, qui ne l'écoutaient pas, que nos téléphones portables étaient devenus l'incarnation et le vecteur d'une nouvelle religion.
- C'est pourtant évident bordel ! Aux temps anciens l'homme pratiquait le polythéisme avec toutes ces petites statues à vénérer qui représentaient chacune un Dieu. D'accord ? Et il y en avait un paquet. Un pour chaque chose de la vie. Et ça prenait de la place dans une maison, et il fallait toutes les dépoussiérer ces putain d'idoles en terre cuite, c'était du boulot. Alors est arrivé le monothéisme, le parfait robot multi-fonctions, le couteau Suisse de la religion, qui a mis au placard ces Dieux de pacotille trop encombrants. Et il a fini lui aussi par lasser. C'est pour cette raison que je dis que ce téléphone mobile, par extension, n'est rien moins qu'un nouveau Dieu, dit-elle en brandissant l'appareil. On peut tout faire avec bordel ! On peut même téléphoner ! Je pourrais appeler le pape, là, immédiatement, si j'avais son numéro, et aussi Kim Jong Il, pourquoi pas, si je jacquetais le Coréen…
Mais Dallas et Hendrix ne l'écoutaient toujours pas. Ils avaient laissé derrière eux la pénible montée du produit dans l'organisme pour entamer une sorte de croisière extatique, et faisaient connaissance avec les mains, comme des aveugles-Crusoé sur une île où le soleil ne se lève pas. Ils riaient, ravis ensemble, planant. Ils communiquaient par gestes harmonieux, à l'unisson, et le pétillement qu'émettait l'imperceptible déclic mouillé de leurs sourires était lui aussi érotique.
Décontracté par la drogue ingurgitée, Hendrix s'était montré audacieux, invoquant, non sans humour, une nécessaire présence féminine à ses côtés pour la dernière soirée du condamné. Il lui dit que son agréable et troublante compagnie lui ferait presque souhaiter que cette sentence s'éternise, encore, et encore. Il n'avait pas besoin de lui dire grand chose pour la convaincre qu'elle vivait là de biens agréables instants. Il lui plaisait, elle sentait que c'était réciproque, ça lui suffisait pour lâcher prise. Pour une fois, se permettre de flirter. Juste un peu d'affection. Elle ne goûtait que trop rarement à ce plaisir, être avec un garçon, s'effleurer, sans penser qu'elle n'était qu'une illusion, sans songer à ce vide, cette cicatrice qui l'empêchait d'aimer.
Miami Vice, qui ne souhaitait pas être oubliée, se mit à divaguer sur une nouvelle « idée de génie », la quatrième de la soirée.
- Voilà ce que je vais faire… Je vais créer une nouvelle religion. Pas une secte égotique dont la finalité sera, dans mille ans, de voir apparaître ma gueule auréolée sur une émanation d'écran dès qu'une personne sur la planète allumera son téléphone portable. Non, je vais créer une religion polythéiste, accessible à tous - plus de problème de place à déplorer, la science a dorénavant les moyens de caser tous ces Dieux sur une clef USB - dont les Dieux de référence, élus pour quinze ans, seront des hommes, et nos bibles, leurs écrits, ou leurs pensées. Nos fidèles les choisiront au cours d'assemblées générales… J'avais pensé à Pierre Bourdieu pour…
- Mademoiselle, voudriez-vous, s'il vous plaît, nous éviter vos commentaires oiseux, pendant que nos artistes essayent de s'exprimer sur scène afin de divertir notre aimable assemblée, intervient le maître de cérémonie, tout fort dans son micro, après la fin de la piètre prestation d'un Slameur intimidé.
Miami se leva aussitôt, en évitant de faire tomber sa bouteille de Skognac cachée sous la table.
- Déjà mon pote, t'oublies le Mademoiselle,c'est sexiste. Moi je ne te traite pas de Damoiseau à ce que je sache !
- Ouais vas-y Paulo ! Rentre lui son flow dans le fion ! lança l'un des Shadocks (un gang de routiers du Nord-pas-de-calais dont l'un des membres, d'ailleurs, faisait également partie de la Lastkraftwagen Traviati) à l'intention du maître de cérémonie. Il était assis autour des tables opposées, du côté droit de la scène, entouré de toute sa bande d'indociles ricanants.
- Tout le monde va baisser d'un ton ! Hausse au micro le MC. Et toi, en s'adressant à Miami, puisque tu sembles avoir des choses à dire, je te propose de nous pondre un joli texte, ce que tu veux, et qu'après les fêtes tu montes ici, sur scène, pour voir ce que ça fait. Tu sais c'est pas si facile de vider ses tripes en public, et encore plus devant un auditoire pas commode ou irrespectueux…
Tout le monde se mit à applaudir, même les Shadocks.
- Chiche ! Ricane Miami redevenue très Vice. Par contre, je relève le défi. Ça sera ici ! Ce soir ! Donne moi une demi-heure et je vous apprends à scander, les slameurs mous à la noix de cajou dans les joues !
Yo !

Miami Vice, on peut le dire, était à cet instant précis totalement désinhibée par le Skognac.

- Pari relevé ! Mais comme tu possèdes une bien grande gueule, nous allons t'aider à la fermer, en pimentant l'exercice d'une contrainte. Je vais demander à notre fidèle public - Ouais ! Ils hurlent tous - de nous proposer deux thèmes avec lesquels tu devras te dépatouiller - Ouais ! Gueulent-ils à nouveau - Allez je vous écoute, les deux premiers sont les bons…
- Infirmière ! Lance une vieille femme. Sûrement une ancienne infirmière.
- Masturbation ! Éructe l'un des Shadocks sans doute émoustillé par les strip-teaseuses.
Et ça ricane.
- Infirmière et masturbation, sont tes deux thèmes imposés ! Au boulot ! Et que le spectacle continue !
Ils applaudissent tous.
- Pari tenu ! Gueule pour conclure une Miami Vice surexcitée.

Tout redevint normal. Les Slameurs se remettent à chevroter au micro leurs scansions plus ou moins heureuses. Les Shadocks à picoler du Jack. Miami Vice scribouille sur une feuille de papier, en marquant la cadence d'un pied. Elle est comme habitée. Hendrix amusé par l'intrusion de Miami dans le spectacle, se remémore par associations d'idées, le happening permanent de ses juvéniles années punks. Il en aurait presque oublié Xanadu Bob. Pensée émue mon frère. Et il part se réfugier dans le moelleux champ gravitationnel de Dallas. Collés, plus près, sur la banquette. Cuisse contre cuisse.
Elle lui parle. Il devine la pointe de ses oreilles lutines percer maladroitement entre ses fins cheveux blonds, comme d'adorables ailerons de dauphins roses sur une soyeuse mer capillaire. Il a envie d'enfiler son bonnet rouge et de prendre le large avec elle. Loin des yeux. Loin des oreilles. Se retrouver robinson sur l'atoll de son iris, sous lequel sourd une profonde tristesse. Mais ça, Hendrix ne le perçoit pas encore. Car pour l'heure…
Ils sont au diapason.
Ils sont mous.
Ils sont tout love.

Pendant ce temps, Miami Vice s'apprête à interpréter son slam sur scène devant son public, moitié hostile, moitié amusé, mais tous prêts à l'entendre au tournant. Elle chauffe la salle.
- Salut la compagnie ! Ce slam s'intitule ode à l'été. Il est dédié aux hivers rigoureux, et garanti sans masturbation d'infirmière à l'intérieur. Un rôle de composition. Pour les bigleux du fond, j'incarne devant vous ce soir un homme !
Et en effet, elle avait tracé en noir, autour de sa bouche le mot Moustaches, donnant l'illusion qu'elle en portait bien une, et du plus bel effet. Elle avait également enfilé un imperméable gris fatigué, ouvert sur un pull informe qui lui arrivait en haut des cuisses.
- Et en plus, j'en ai des grosses ! enchaîna-t-elle en se tournant vers les Shadocks, tout en faisant mine de soupeser des deux mains des baloches imaginaires.
Puis la bacchante dit ouane, tou, frii, les Shadocks hilares se tapèrent les cuissots, et Dallas susurra : finesse, quand tu nous tiens ! tout en se blottissant contre Hendrix.

Le Slam de Miami Vice.

C'était une infirmière,                             ( ton doux, froid et monocorde au début )
elle me disait
que j'avais de belles veines.
On baisait ensemble
tous les jeudis
après midi.
On appelait ça
nos jeudis verts.
Je ne sais plus pourquoi
on avait teinté nos jeudis de cette couleur.
Plus trop.
Peut être pour le jeu de mot :
jeux
d'hiver.
Ils n'avaient pourtant rien de glacial                                    ( le ton va crescendo )
nos après-midis,
enfermés dans la chambre
qui puait le sexe,
la bite dure et ses va et vient, et la sueur qui va avec.
De longues étreintes amoureuses,
pas cliniques,    
pas d'effet banquise,
plutôt slalom et sa descente, ( elle entame une gestuelle plus sexué, plus ondulatoire )
plutôt chaleur,
plutôt vaudou.                                                ( crié avec un approximatif accent africain )

Nous nous laissions aller                                        ( le ton se fait plus sensuel )
activement à fondre,
l'un dans l'autre, l'un et l'autre,
on ressemblait
plutôt
au jeune couple d'amoureux    
devant la cheminée,
sur des peaux de bêtes mortes,        ( le tempo s'accélère, la voix se fait plus forte )
qui baise à en crever,                        ( le ton est très appuyé, traînant, à chaque phrase )
dans le film fantasmé
que le berger isolé
se passe derrière les yeux pour l'aider à bander,
pour mieux se masturber,         ( sa main s'agite frénétiquement sous le pull ample )
bloqué dans sa tanière
paumée dans la montagne,        ( le ton est au summum de la démence incantatoire )
chaque soir
méthodiquement
en attendant
l'été !
(Elle hurle le dernier mot tout en expulsant des poches de l'imperméable de pleines poignées de confettis, qu'elle lance un peu partout dans de grands gestes désordonnés)

- Zoubizoux les routiers ! Lance-t-elle alors aux Shadocks, en quittant la scène, cassée de rire sous les huées applaudissantes.
Elle se dirige vers le comptoir. Part négocier le verre gratuit du Slameur. Son antidote - avec du Schweppes et du cognac, s'il te plaît - pour dissiper l'effet bouche sèche du comédien. Elle trinque à tour de bras. Se laisse payer à boire par des gars plus collants qu'un Picon. En trouve un prêt à écouter ses élucubrations du soir sur la nouvelle religion qu'elle créera, dés demain matin, sans faute. Et en finit par oublier les deux autres.

Les deux autres justement ne sont plus là. Ils ont préféré s'éclipser juste après le Slam de Miami. Se réfugier à l'intérieur du camion aménagé, garé sur le parking. Au chaud. Allongés en travers d'une couchette. Sur le moelleux d'une couette. Tazés jusqu'à la couenne. Deux corps pastels un peu flous, dans la lueur tamisée d'un cierge ornementé.
Dallas a mis de la musique. Nick Cave & the Bad Seeds, l'album Tender Prey.
Elle dévoile ceci en confidence, sur le ton de la débine, à propos de Miami Vice :
- … Elle a l'air cultivé comme ça, mais sais-tu qu'elle croit que le tueur du Zodiaque choisissait ses victimes selon leur signe astrologique et que Schrödinger est un infâme tortionnaire nazi qui laissait crever des chats en les enfermant vivants dans des boites…
- Chacun ses lacunes, souligne rêveur Hendrix, qui ne pense plus qu'à batifoler.
Les oreilles de Miami Vice se mettent alors à siffler. Normal. Et si elle ne gueulait pas si fort au bar, en compagnie des poivrots, et des filles du Burlesque, elle aurait pu entendre résonner en elle, la petite musique de l'homme à l'harmonica.
Il en était ainsi, une fois à l'Eldorado.
Dans le camion, Dallas était bien, là, avec lui. Il la regardait comme une idole. Elle dit :
- Tu sais…
- Quoi ?
- Non, rien…
Alors Hendrix se mit à caresser du bout des doigts, l'énorme sein droit de Dallas. Un peu comme un Dieu désœuvré, agaçant par une nuit bleutée l'appétissant dôme d'une majestueuse église construite rien que pour lui. Puis sa main s'aventura sournoisement vers le sein gauche. Un peu comme le même Dieu, mais en plus excité. Et, juste avant de pouvoir effleurer le sein des saints, Dallas se releva subitement, et mue par un étrange instinct de défense surgi d'on ne sait où, elle attrapa de sa main gauche le poignet droit d'Hendrix, qu'elle plia sèchement en lui tirant tout le corps vers l'avant. Elle se leva d'un bond, et du bras droit, lui asséna un violent coup de coude sur la plaie située à l'arrière de son crâne. Il crie. Puis, elle finit par le pousser hors de la couchette d'un bon coup de pied dans la colonne vertébrale. Il s'écrase en avant sur le sol du camion, et lestement, elle se place derrière lui, défait les menottes qui pendent à sa ceinture et lui attache les deux poignets avec, mains dans le dos, face contre terre. À la manière d'une fliquette SM très perturbée.
Alors qu'Hendrix tente, dans un instinct de survie, de riposter de tout son corps, Miami Vice ouvre la porte du camion sur ce fragment de ju-jitsu. Interdite une seconde, elle laisse rentrer le froid, puis pense à fermer la porte. Elle ne comprend pas trop la situation. Puis décide de se ruer sur les deux lutteurs. Cherche à les séparer. À l'étroit, tous les trois. Elles finissent par l'immobiliser. Mais pour ça, Miami Vice à dû sortir son pushka, et le lui plante sous le menton.
- Ton heure est venue, sale petit cancrelat !

Pan ! Pan ! Pan !

Pour ceux qui parmi vous auraient développé un tant soit peu de commisération à l'égard d'Hendrix Von Volodoï, rassurez-vous, il vit encore.
Les trois « Pan ! » ne furent que prononcés. Ils sortirent en rafale de la bouche de Miami Vice. Pas crachés par son flingue.
Une tentative de meurtre par onomatopées. Et jusqu'à preuve du contraire elle ne font pas encore saigner.

Il est maintenant assis dans le dernier train pour Lille. Jeté dedans par les filles. Encore menotté.
Tu demanderas les clefs au contrôleur, lui dit Miami Vice en l'abandonnant là. Pardon, rajouta Dallas en l'embrassant tendrement sur la bouche. Au moins tu es encore vivant.
Elle ne purent se résoudre à le supprimer, alors elles l'éloignèrent, pour s'en débarrasser. Et puis c'est vrai, elles n'étaient pas vraiment des tueuses. Pas encore. À la rigueur des Zarofettes, et c'était tout.

Les yeux encore grands allumés, en soucoupes, Hendrix ne comprenait pas comment ils avaient pu en arriver là. Du gâchis. Il voulait à la base leur proposer un pacte. Qu'ils unissent leurs forces. Car il savait maintenant où retrouver le seigneur de la pinède. Il avait trébuché sur cette phrase - entendu dans la Saab - en ratissant en détail sa mémoire à la recherche d'indices :
Pensez à acheter détergent puissant pour nettoyage en profondeur, le 22 décembre au soir.
Grâce à cette phrase repêchée des limbes, il savait que Federico de Barataki, seigneur de la pinède, était aussi l'apprenti boucher de la salle de bains.
Il savait aussi, où et quand le trouver.
Les filles n'avaient pas su l'écouter.
Tant pis.
Qu'elles se cassent donc les dents sur la fausse piste qu'il leur avait soumise dans un premier temps.
De toute façon, elles étaient complètement à la ramasse.
L'une autant que l'autre.
Demain matin à l'Eldorado, pas de Federico les filles !

Demain soir par contre,
il l'affrontera,
seul.
Et il s'envoya les deux moitiés de pilule : les demis bouton de rose au coeur brisé.
Pour se donner du courage.

= commentaires =

David

Pute : -1
chramétistique    le 17/07/2015 à 05:12:35
Salut,

Je vote contre la virgule après "apprenons" :

"Il y a quelques mois nous apprenons, qu'il a changé de vie, de nom et qu'il est fort probable qu'il dirige dans l'ombre une sorte de mafia de routiers, un système très opaque avec des ramifications en Allemagne, en Italie, et dans certains pays de l'Est."

ça, c'est bö :

"Ils communiquaient par gestes harmonieux, à l'unisson, et le pétillement qu'émettait l'imperceptible déclic mouillé de leurs sourires était lui aussi érotique."

Le slam de Miami vice en jetait déjà beaucoup mais la scène d'après : dallas/hvv a vraiment de la gueule aussi, ça faisait une lecture comme un tour de manège. Le début sur le poinçonneur a ses délire aussi mais j'ai surtout reconnu le bouquin de la fin, avec une autre évocation de HVV, il ressurgit un peu de l'époque de xanadu bob et c'est pas mal parce que ça commence à être touffu quand même, mais ce morceau rattrape des fils par ailleurs, les zaforettes, le nom du poinçonneur apparait pour la première fois aussi j'ai l'impression. bref, ça s'étoffe, ça s'ondule pour le grand duel final sans doute devant un saloon teuton.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 17/07/2015 à 07:36:44
" Voyage à travers l'immaculé de René Varennes" c'est un livre qu'Hendrix avait trouvé par hasard dans des puces à Liège. Il savait que Xanadu Bob le cherchait depuis longtemps alors il le lui a acheté pour lui offrir le jour de son anniversaire. Malheureusement Xanadu se suicidait d'une balle dans le cœur alors qu'Hendrix essayait de le rejoindre dans son chez lui à Brest lors d'une monumentale opération de désamorçage d'obus bouclant tout le quartier.

Espérons que la lecture de ce bouquin ait une saine influence sur le Poinçonneur.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 17/07/2015 à 08:03:22
Federico de Barataki, le poinçonneur, le leader de la Lastkraftwagen Traviati, Hendrix le cherche, il l'appelle "Le seigneur de la pinède" à cause de tous les sapins désodorisants qui camouflaient l'odeur du cadavre qu'il avait dans le coffre de son véhicule lorsqu'il a pris HVV en autostop.

Des tas de choses ont eu lieu dans le véhicule, avant qu'Hendrix n'échappe d'entre les griffes de l'apprenti serial killer en bois. Il a choppé à Federico des informations le conduisant à la planque d'Amiens, Federico a choppé le sac d'Hendrix contenant entre autres le B2OK1 "Voyage à travers l'immaculé de René Varennes" + d'autres infos lui permettant de savoir qu'il a RDV à Berlin le 25 decembre avec une femme dont j'ai oublié le nom mais dont il sera grandement question dans le prochain épisode que je n'ai pas encore lui (Oui je suis un gue-din, je ne sais même pas comment fini cette folle histoire alors qu'il ne reste plus que 4 épisodes en stock)Federico avait aussi hypnotisé Hendrix dans son véhicule, c'est pour ça qu'il a cette curieuse inscription sur le ventre mais je ne sais plus si on sait ce que ça signifie A/Y/J/V. J'esp

Bordel, tout ça me rappelle de nombreuses heures passées sur les forums de Naruto à essayer de deviner avec d'autres comment allait évoluer l'intrigue dans les épisodes à venir tout en sachant que j'avais pris la série animée en cours de route. Ici on peut s'amuser à ça, l'avantage c'est que les 4 derniers épisodes sont écrits. Pour Naruto, je sais que c'était une grosse obsession pour le mangaka qui en était le scenariste aussi, toutes les semaines il parcourrait les forums pour prendre à contre pied les centaines de milliers de fans dans son écriture. ça ne devait pas être évident, ce doit être un peu comme jouer au foot seul contre 100.000 adversaires et essayer de tous les dribbler en remontant le terrain. Au final, Naruto, c'est de la merde imbitable scenaristiquement parlant principalement à cause de cette volonté de merde à vouloir à tout prix surprendre les fans d'une semaine sur l'autre. C'est le gros danger des séries, l'anticipation à visée SPOIL à gratter qui te nique la saison et tous les twists et je parle de l'auteur.

Pour en revenir à Valstar Karamzin, essayer de deviner où il veut en venir s'annonce compliqué, son univers est foisonnant, et à la limite si ça ce termine comme un bon nanard produit par GOLAN GLOBUS avec arnold Schwarzenegger qui déboule sur une plage et tue une armée à lui tout seul, ça ne me dérangera pas, Valstar a eu l'intelligence de miser beaucoup plus dans son style que dans son contenu. Perso ici, les twists et autres rebondissements, je m'en fous, c'est juste super agréable de plonger dans cet univers, l'évolution de l'intrigue est accessoire, Hendrix pourrait sortir de l'Histoire dans le prochain épisode et se lancer dans la compétition de curling à haut niveau que ce serait toujours aussi génial.

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