DEUX : Deuil en noir et rose - (Federico de Barataki)
I - Mickey saute à l'élastique
Ce matin j'ai ouvert la fenêtre de ma chambre sur un monde silencieux.
En face, dans le square, l'unique arbre avait enfanté un pendu au cours de la nuit. Il se balançait encore à son cordon ombilical.
Trois enfants tournoyaient sous la nouvelle attraction.
Qui va attraper la queue du Mickey ?
Qui va attraper la queue du Mickey ?
Rigide.
Je me suis signé. Les enfants se sont mis à chanter.
Il y en a que la mort inspire.
Après m'être lavé les dents et habillé précipitamment, je suis descendu.
Le cadavre avait ressuscité le quartier : les zombies qui d'ordinaire demeurent prostrés derrière leurs carreaux aseptisés, avaient ouvert les vitres de leurs appartements pour pouvoir sentir l'odeur putride que la brise du petit matin était allée dérober au pendu. Un vieillard en pyjama avait même osé se glisser sur le trottoir, sans toutefois franchir la route.
Le bitume est peut-être profond à cette époque de l'année.
Une petite fille m'a demandé si le mort-né avait mal. J'ai répondu que non.
— Je vais le décrocher, et après on va le ranger dans une boîte.
— Comme une poupée ?
— Comme une poupée que le petit Jésus aurait rappelée auprès de lui et de son père.
La petite m'a regardé, une moue de désapprobation sur le visage, et elle m'a grondé, désolée :
— Dieu n'existe pas !
Si le fruit de l'arbre avait été plus mûr, j'aurais pu me le ramasser sur le coin de la gueule, ai-je noté mentalement en le décrochant.
Je crois que les gamins se sont mis à applaudir quand le corps a soulevé de la poussière en tombant.
J'ai déployé les bras du mort sur le sol du jardin public. La tête légèrement penchée, j'ai respecté une minute de silence en observant la figure de l'homme, malmené par des idées confuses qui s'efforçaient d'avaler un peu d'air à la racine de mes cheveux. Puis, je suis allé chercher une brouette qui traînait sur la pelouse, j'y ai placé l'homme mort et j'ai crié : « Laissez-moi passer, je prends l'affaire en main, je suis médecin. », tandis que la roue crissait d'un air funèbre.
Quelques parents venus soustraire les yeux de leurs enfants au spectacle morbide, s'écartèrent sur mon passage.
Je ne sais plus si c'est la haine ou les poignées de la brouette qui me faisaient mal aux mains.
Je me suis éloigné avec assurance, j'ai disparu au coin de la ruelle où se cachait la Saab, et lorsque je me suis senti seul, à l'abri des regards, j'ai jeté dans le coffre ce vieux salopard.
S'il avait cru pouvoir m'échapper aussi facilement…
Maintenant c'était moi qui le tenait.
Sans tarder, j'ai déguerpi, pour ne plus jamais revenir. A la sortie du village, j'ai croisé sur la route cahoteuse le Samu, puis la gendarmerie du bourg voisin qui ne se pressaient plus que pour rien. Plus personne à sauver. Il n'en avait d'ailleurs jamais été question.
Sans aucun obstacle à venir, j'ai pu, en toute tranquillité, ôter ma perruque blonde, mes lunettes noires et ma moustache postiche.
Tout ça aussi naturellement que dans un rêve.
II - Souvenirs de la fosse noire
À l'époque où mon regard avait comme vis-à-vis les poignées de portes, et où les aliments n'avaient pas la même saveur, j'ai passé une semaine assis dans les escaliers qui menaient aux caves de l'immeuble familial.
J'étais là, entre la lumière et les ténèbres, pour échapper à l'école.
C'était un mois de février.
Le matin, je descendais les trois étages qui séparaient le pallier où j'habitais de ma cachette, et, en fin d'après-midi, quand j'ouvrais la porte de la maison, ma mère me demandait, conditionnée, si ma journée d'école s'était bien passée. Je devais me racler la gorge pour y chasser la solitude accumulée, avant de lui répondre : « oui » et de rajouter : « j'ai faim ».
Quand à sept ans on se terre dans un sépulcre de béton, attentif à tous les bruits déformés par la résonance, avec la peur au coin de l'œil de se faire surprendre par un adulte aux pas silencieux, l'amour est loin.
Un souffle chaud et, les yeux mi-clos, l'on s'endort. Seul le chant cristallin d'une mère peut encore t'extirper un ultime sourire. Les souvenirs apparaissent alors vraiment comme des instants volés. Un rictus trop grand sur un visage trop petit.
Le premier jour, je n'avais pas osé bouger de la place que je m'étais assigné : assis sur une marche crasseuse, recroquevillé contre un mur sans couleur, coupé en deux par une ombre qui s'exhalait, rampante, de la cave.
Le froid de la pierre me faisait frissonner, quand je le ressentais chaque matin en m'asseyant.
La pénombre qui me faisait face m'avait d'abord inspiré de la peur, mais à force de la scruter elle me devint familière, attirante.
Petit à petit j'entrai dans la fosse noire.
La pénétration s'est faite sans résistance. Contrairement à ce que je présageais, le monde n'était pas plus cotonneux qu'à la surface, simplement plus frais.
Doucement, j'ai apprivoisé la nuit, j'ai emprunté les yeux du chat.
Je n'osais pas appuyer sur l'interrupteur ; il aurait pu trahir ma présence ; il aurait pu m'affliger d'une ombre, grotesque et nouée par l'angoisse ; il aurait pu, par la lumière, faire ressurgir les gens d'en haut que je fuyais.
Il y avait un long et unique couloir sur lequel s'ouvrait une multitude d'obscures oubliettes, barricadées de planches de bois mal agencées en portes de fortune. Dans leurs interstices, j'ai vu des cartons de déménagement qui sommeillaient en cubes ; le marchand de poussières est passé. J'étais le petit maton des objets, je me sentais utile, rien ne bougeait.
Au troisième jour de clair-obscur, la cellule n° 25 a laissé échapper un murmure. C'était la pièce la plus éloignée des escaliers, dans la zone la plus sombre.
Un grand Marocain s'y trouvait. Il venait d'éclore d'une bâche de plastique bleue. Son terrible bâillement marquait la fin d'une longue hibernation.
Nous avons tout de suite vécu en bonne entente. Il ne me posa pas trop de questions et commença même à me raconter des histoires pour m'aider à passer le temps, ou peut-être se signifier qu'il vivait encore.
Dans le coin qu'il occupait, il m'avait aménagé une sommaire paillasse afin que je puisse m'allonger.
Les enfants se construisent en rêvant.
Il s'asseyait le plus souvent dos au mur, face à moi. Il mettait à l'écart ses deux seringues, loin de moi, et commençait à se vider de l'histoire de sa vie, sans doute pour ne pas en laisser la moindre miette aux vers qui grouilleront mollement sur lui sans savoir lire. Il parlait, prononçait distinctement des phrases sans se presser :
« La fenêtre de ma chambre donnait sur un lugubre jardin pendant les dix premières années de mon enfance, le bruissement du vent achevait de le métamorphoser, la nuit aidant, en un cauchemardesque théâtre d'ombres folles… »
Les seringues ne bougeaient pas sous la surveillance d'Aheyâd.
« Un jour, j'ai tué un orvet à coups de pierre répétés, uniquement parce qu'il m'avait surpris et effrayé… »
Il baissait la tête sur son corps décharné en soupirant difficilement.
« Mon père m'avait saigné au visage en me flanquant une beigne de son poing bagué. L'un des bijoux représentait la Sainte Vierge et, le petit bout de peau sanguinolent qui y est resté accroché, rappelait un hymen perdu… »
J'écoutais en m'endormant. Bientôt nous étions deux habités de sommeil.
La tête de mon ami touchait le plafond quand il se levait. C'est pour cette raison qu'il ne se coiffait pas de chapeau. Ses jambes étaient devenues trop fines pour le porter trop longtemps, les seringues avaient aspiré tout son gras, on apercevait d'ignobles cratères erratiques sur son corps par où elles plongeaient leurs longs becs en vue de se nourrir. Il avait échoué dans cette cave comme au cimetière des éléphants, un tombeau à loyer modéré qui lui permettait d'échapper aux brusques révélations du soleil.
Quand il gardait les yeux trop longuement ouverts, il pouvait parfois en sentir un tomber, alors, à tâtons, il ramassait le globe échappé, jonglait un peu avec le fuyard, et le replaçait dans son orbite, bien au chaud.
Ma dernière journée d'enfant-taupe commença par une bouteille de jus de poire cassée dans le rayon des boissons non alcoolisées d'un embryon de supermarché. J'étais monté l'acheter à la demande d'Aheyâd, et elle m'avait glissé des mains. La vendeuse a essayé de m'arracher l'oreille :
« Petit merdeux, je t'en foutrais moi de me saloper mon carrelage. Tu vas prendre une serpillière pour nettoyer tout ça ! »
Elle ne pouvait pas savoir que je venais d'apercevoir l'homme que je fuyais.
Celui qui m'avait poussé à m'enterrer vivant :
mon instituteur.
III - Les oreilles de Mickey
Il s'appelait M. Barbier et, deux semaines auparavant, il m'avait ordonné de rester en classe après l'air de trompette — parce que dans notre école le professeur de musique remplaçait la sonnerie habituelle de fin de journée par une composition de son gourou, Miles Davis ; elle changeait selon les saisons.
Les copains sortaient sous « My funny valentine ».
La porte claqua derrière la dernière blouse noire.
— Prends cette clé et va fermer la porte à double tour.
— C'est fait Monsieur.
— Maintenant approche toi et remets la dans la poche de mon pantalon.
Je m'avançais vers ce jeune homme souriant. Il était assis sur la table du premier rang, celle où un grand avait inscrit le mot pédé la veille. Et il pouvait à présent sourire, il pouvait se montrer fier du vilain tissu élastique de son pantalon qui remplissait son office à merveille, tendu au maximum, il était toujours seyant, et devenait saillant à mon approche.
C'était de la bonne marchandise.
Après avoir hésité, j'ai mis la clé dans la poche de l'instituteur. Elle est immédiatement retombée au dessus de sa chaussette : la poche n'avait pas de fond.
— Tu es un petit garçon très mignon, très sage, et très intelligent. Alors tu vas refaire ton geste en prenant garde à ce qu'elle ne tombe pas une nouvelle fois au sol.
Je préférais lui remettre le passe en main propre, ce que je fis du bout des doigts comme on donne à manger aux animaux dangereux.
— Non ! Mets la directement !
Sa voix avait perdu toute sa douceur, un besoin de miel sur les cordes vocales. Nous étions tout à coup si éloignés de la poésie apprise le jour même. Loin de Prévert, d'En sortant de l'école, de son wagon doré, ses îles parfumées, pour chercher des oursins, tout autour de la terre…
Je l'avais rencontré.
Ma main disparut dans l'ouverture latérale de son pantalon. Je ne devenais pas manchot pour tout le monde à ce moment là.
Il me fit de son poing un bracelet douloureux, m'obligeant à lâcher la clé, sa peau poilue était humide sous mes doigts, il n'avait pas de slip.
— N'aie pas peur de moi. Tu es un gentil petit élève bien docile. N'est-ce pas ? Il marmonnait, transpirait, les joues rouges, le front suintant.
Quand il a ouvert sa braguette, j'ai eu des larmes plein les yeux.
L'étreinte de sa main gauche engourdissait de plus en plus mon bras, tandis que sa main droite agrippait mes cheveux et pressait ma tête vers son sexe cyclopéen, turgide, toujours un peu plus près.
Il anhélait, les lèvres humides. Dans sa bouche, plus de poèmes, seulement un son grossier, des strophes bestiales qui empestaient d'entre ses dents serrées peintes à la nicotine.
Le travail de sa main droite s'apprêtait à être payant, mes lèvres effleurèrent un instant le sommet de son gland violacé, luisant d'un mucus lubrificateur à l'odeur nauséabonde, qui me fit rejeter le visage en arrière.
Il appuya alors d'un coup sec.
Oh !
Mon Dieu !
Je crus perdre à tout jamais la respiration lorsque son membre chirurgien vint inspecter mes amygdales. Hoquet, spasme, nausée, des larmes sur sa tige. Une pluie acide aurait mieux convenu, à la place de ces sanglots qui reviennent me hanter aujourd'hui. Il me tira les cheveux, et l'air frais me purifia un peu la bouche. Il essaya encore de me faire plonger en apnée. Le cruel combat de la souris et du boa. Mais à présent j'allais le mordre, en faire un chanteur d'opéra à la voix suraiguë. J'avançais mes pauvres dents de lait, et me retrouvais au sol aussitôt après : son mouvement ne fut qu'une réaction pour me repousser au loin.
Une fois debout, je courus en direction de la porte décorée du calendrier de l'Avent.
Close
Monsieur Barbier, malgré mes appels, remplissait calmement un verre d'eau. Il y noya deux comprimés. Me fit avaler son contenu. J'ai été lâche. J'ai eu peur. J'ai bu. En échange il me laissa manger les chocolats du calendrier, ces petites douceurs sucrées qui nous permettaient de patienter en attendant Noël. En les mangeant toutes, j'ai voulu hâter le décompte, faire apparaître le Père Noël pour qu'il vienne me sauver, me cacher dans sa hôte sans fond avec ses jouets par milliers, mais il n'est pas venu, je suis resté seul avec le maître, et le breuvage dans le ventre, je m'endormis rapidement. Dans le brouillard je sentis son souffle sur moi.
La classe avait perdu de sa clarté.
— Te souviens-tu de ce qu'il s'est passé ici tout à l'heure ? Dit-il, attentionné.
L'effet du somnifère se dissipant m'engourdissait encore un peu. Je ne répondis pas.
— Eh bien je vais te le dire moi : il ne s'est RIEN passé ! RIEN, tu entends !
— Si ! Je répondis en un sanglot.
— Il ne s'est RIEN passé ! Il rugissait presque. RIEN ! Il me tint les épaules.
— Je raconterai tout à mes parents. Une envie de me rendormir malgré la peur.
Il reprit son calme, redevint mielleux.
— Tu te tairas, sinon je dirai que tu es un menteur, et un tricheur. Une espèce de sale petit voleur aussi. Un vilain gourmand que j'ai surpris à voler le chocolat du calendrier, le bon cacao de la communauté. On me croira. On croit toujours un professeur. Tu sais bien qu'il ne s'est RIEN passé, tu as rêvé. Tu sais bien que tu es tombé sur la tête en quittant la classe ce soir. Tu ne sais plus ce que tu dis ! Tu es un menteur et un tricheur ! Un chapardeur ! Si tu ouvres la bouche, tes parents te mettront en pension, et moi, je te ferai redoubler…
Je n'ai jamais rien dit.
Je me suis seulement juré de le tuer un jour.
Puis j'ai oublié.
Un long refoulement.
Jusqu'à il y a peu :
un an
Je me suis réveillé.
Cette réalité a ressurgi de sa mémoire fardée d'atours chimériques. Il a d'abord voulu l'écarter comme on chasse une mauvaise pensée, avant d'admettre son évidente authenticité : il avait été violé enfant, et avait grandi sans plus le savoir, comme un Monsieur Jourdain dans l'anus duquel on aurait enfoncé vingt centimètres de prose dure.
résumé de la première partie :
La première partie raconte comment un tatoueur itinérant (présenté au lecteur comme un hypothétique tueur à gages) décide de quitter la pointe de l'Europe en auto-stop pour se rendre à Berlin après avoir découvert le corps fraîchement suicidé de son meilleur ami.
Il transporte avec lui le Voyage à travers l'immaculé de René Varennes, un livre rare sentant le souffre publié en 1930. Sur la route, il s'embarque aux côtés d'un ambigu personnage. Ses sens se troublent. Le punk qui est en lui refait surface. Un terrible chassé-croisé peut alors commencer.
La seconde partie nous en dit plus sur ce conducteur, et raconte comment cet ancien homme d'affaire désormais à la tête d'un réseau mafieux composé de routiers et d'agents de sécurité s'apprête à devenir un redoutable tueur médiatique.
La scène pivot du récit, la croisée des chemins des deux hommes à bord de la Saab est décrite une première fois du point de vue du passager avant d'être éclairée une seconde fois par le conducteur.
La première partie raconte comment un tatoueur itinérant (présenté au lecteur comme un hypothétique tueur à gages) décide de quitter la pointe de l'Europe en auto-stop pour se rendre à Berlin après avoir découvert le corps fraîchement suicidé de son meilleur ami.
Il transporte avec lui le Voyage à travers l'immaculé de René Varennes, un livre rare sentant le souffre publié en 1930. Sur la route, il s'embarque aux côtés d'un ambigu personnage. Ses sens se troublent. Le punk qui est en lui refait surface. Un terrible chassé-croisé peut alors commencer.
La seconde partie nous en dit plus sur ce conducteur, et raconte comment cet ancien homme d'affaire désormais à la tête d'un réseau mafieux composé de routiers et d'agents de sécurité s'apprête à devenir un redoutable tueur médiatique.
La scène pivot du récit, la croisée des chemins des deux hommes à bord de la Saab est décrite une première fois du point de vue du passager avant d'être éclairée une seconde fois par le conducteur.
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Brillant. Plus court qu'à l'accoutumée, favorisant la relecture gourmande.
ET L4IMAGE D4ILLUSTRATION MON DIEU? TU AS TAP2 QUOI COMME MOT CL2 DANS GOOGLE IMAGES POUR TOMBER SUR CETTE PERLE ,,,
Ah l'image c'est une pub d'Amnesty international ou bien du lobby de la corde kilometrique multiusage (je ne sais plus trop bien)
Fascinant et ignoble à la fois ! J'aime, et l'arbre qui a enfanté un pendu : superbe !
Salut,
Ah ben voilà, il va pouvoir dérouiller tout ce qui passe à la sulfateuse maintenant que son enfance torride s'est mise au jour, il n'aurait pas fallu qu'il ait été éduqué dans un paradis pour devenir ce chef mafieux et psychopathe. Je veux bien que le sexe dans l'enfance ça ne favorise pas l'épanouissement mais le cliché victime de pédophilie -> avenir de tueur en série, eh, ben euh, argh.
Je suis pas déçu, j'ai quand même préféré la première partie, le pendu en plein jour, plus réellement barje à mon goût que la seconde.
"ancien homme d'affaire désormais à la tête d'un réseau mafieux composé de routiers et d'agents de sécurité s'apprête à devenir un redoutable tueur médiatique."
J'espère secrètement que le terme "tueur médiatique", n'est pas équivalent à celui de "serial killer" ou "tueur médiatisé" au sens premier. J'avoue de plus ne pas encore avoir lu la suite, non pas pour ne pas SPOILER, mais pour la savourer occasionnellement comme un single malt japonais 20 ans d'âge et non comme un alcoolique.
Mais j'ai foi en Valstar Karamzin pour déjouer tous nos petits pronostiques de bicéphales à petits vélos dans la tête.
L'auteur trempe dans la noirceur la plus noire, un immense expresso bourré de caféine que j'ai avalé sans broncher cette nuit, j'avais déjà repéré son texte (en même il faudrait être myope comme un enfant-taupe, hein) mais je n'avais lu que le résumé et les commentaires, pour cause de planning de branleur chargé. De cette pénombre fringante tombant des cieux, j'ai écouté Pat Benatar sur un sénile tourne-disque ; j'étais auparavant à la brocante pour retrouver le Big Boy de Miles Davis, Vol. 24 (j'ai eu peur de demander le .25 comme si un pressentiment m'interdisait de rencontrer le pauvre homme de la cellule n° 25, quel imagination !)
Aux crépuscules du texte, j'ai allumé un cierge en mémoire à ce bon sens moralisateur qui nous a quitté trop tôt au fil du récit, faut dire qu'il a pas vécu longtemps : dès les premières lignes, mêmes les enfants sont plus vicieux que les adultes (je dis pas ça pour le "Dieu n'existe pas !" puisqu'ils croient davantage, ces petits vauriens, au Père Noël) (on dirait une vieille mamie qui écrit ce commentaire, tard dans la nuit parce que sa soupe à la camomille a une nouvelle fois échoué)
Bref, c'est un texte taillé pour La Zone© que j'aime beaucoup parce qu'il est bien écrit et riche en trouvailles « post punkoïdes » (quoique certaines il me semble les avoir déjà lu quelque part, mais peut-être proviennent-elles du même auteur) ; je dis aussi bravo à la délicatesse des métaphores "cotonneuses" de l'auteur : qu'elles parlent du monde ou de sa surface pénétrée, elles servent une stylistique de la prose féroce et absurde dans le bon sens du terme. Effectivement l'apprenti Monsieur Jourdain que je suis a grandi sans le savoir, au cours du récit, avec un anus dilaté par toutes ces chevrotines de "prose dure"
Chapeau bas Valstar Karamzin.
C'est quand même la meilleure des sagas de toute la zone