Maintenant je vais raconter comment je suis décédée. Ce n’est pas la surdose de Seroquel, ni la nuit à vélo sur la 20, ni asphyxiée pendant une séance BDSM hasardeuse. C’est une histoire qui dure à peu près le temps d’un feu rouge :
Il doit être 7h30 du mat’! Comme apparue d’on ne sait où, façon Mr. Bean, Mélodie attend le signal piéton pour traverser le boulevard Gaétan-Boucher. Une voiture de police attend la lumière verte devant elle. Elle entend un air de Bernard Adamus résonner dans l’habitacle. Elle le reconnait. Bastien… Il a les cheveux noirs, il est beau. Son habit de police lui fait bien. Rien ne laisse paraître qu’il était une fille avant.
La plaie se rouvre. Bien sûr qu’elle ne l’a pas oublié. Il est rendu une police. Eh ben! Leurs regards se croisent, il la regarde. Il s’en souvient aussi : Mélodie, la petite meuf qui voulait devenir un mec. Qui s’est pointée chez lui un jeudi soir, défoncée, rougissante, les idées mal placées. Il l’a percée à jour comme une aiguille dans une pomme. Deux étrangers qui se sont noués et dénoués. Même si elle a l’air d’un squelette, il reconnait sa face d’oiseau. Elle est restée une fille, elle s’est enfoncée dans la conso, elle est allée nulle part, ça il peut le comprendre d’un seul coup d’œil. Sur le trottoir, Mélodie le regarde tétanisée. Le signal piéton s’illumine, elle ne bouge pas. Elle croit voir des pulsations dans l’air, le buzz embarque, elle sent les neurones éclater dans sa nuque. Elle se souvient des treize pages qu’elle lui a écrites. Elle aurait aimé tout lui raconter, lui vomir à la gueule, parce qu’il pouvait comprendre, il était une fille devenue garçon. «Tu m’obnubiles». Est-ce qu’il faut tout dire dans la vie? Un jour, un gars nommé Steve lui a dit : «La vie c’est expérience…» Ah ouin? Style expérience de Milgram? Steve aime les blondasses.
Ses jambes, comme deux bâtons de Popsicle, tremblent et ses genoux forment des excroissances. Elle a l’air de sortir d’Auschwitz, avec son manteau d’armée et ses cheveux à moitié tondus.
Elle a le même regard qui le supplie. Ça, il peut pas supporter. En deux ans il a pas changé. Sauf le piercing à l’arcade qui a pris le bord, elle s’en doutait. «Tu connais L’Attrape-Cœur?» Bien sûr qu’il connaît. Mais il n’a jamais répondu. Il a voulu tuer dans l’œuf la passion juvénile de cette petite pouf. Personne ne pourrait décimer sa Lisandre. Elle l’a connu avant et après. Elle est la Statue de la Liberté, elle est Néfertiti, elle est la Louve, elle est la Femme. Et lui est le plus homme des hommes.
Mélodie se sent faillir. Ô ciel!. Parmi les hallus, la gerbe, le bad, surgit le Graal dans son cerveau : clope. Elle la coince entre ses lèvres, plonge la main dans sa poche : le petit paquet d’allumettes qu’elle a trouvé par terre est là. Son autre main agrippe le bas de son manteau. Mc Flurry lui manque. La chienne qu’elle a volée au refuge et avec qui elle s’est fait passer pour aveugle en parcourant les routes en bus. Ça c’était avant qu’elle fasse semblant d’être muette et qu’elle intègre le langage des signes. Maintenant elle est ni plus ni moins qu’elle-même.
Bastien l’observe en douce. Une gamine tout droit sortie de la banlieue, famille fancy à souhait, qui se la joue ghetto-clocharde. Victime, dépendante affective, tout ce qu’il déteste. Du coin de l’œil il la voit vaciller, si ça se trouve elle va venir cogner à sa vitre pour lui parler. Elle va s’accrocher à lui, vouloir lui dire comment elle s’est déniée, comment la vie est injuste. Injuste la vie? Du haut de son arbre, chainsaw rugissante en main, Bastien a compris que tout est possible, que tu peux être heureux dans la vie quand tu décides que tu as assez attendu. Rien ne l’arrête. Il est irréprochable. Les psychiatres les plus acerbes sont tombés sous son charme aux mille visages. Mais Mélodie l’a vue, la fille dans lui. Il le sait.
Enfin, feu vert. Bastien enfonce l’accélérateur, la voiture de police bondit à 120 km/h, le moteur fait vibrer ses couilles. Il s’empresse d’oublier la môme au regard de chien basset.
Mélodie baisse la tête. Elle craque les allumettes de dépanneur les unes après les autres, elles meurent tout de suite. Sa vision se brouille, sa tête tourne, ses oreilles rentrent dans son crâne et tombent en vrombissant. Ses jambes la lâchent, il y a une pluie d’étoiles. Elle entend un bruit de collision, c’est peut-être sa tête sur le bitume, ou bien l’auto de police là-bas qui a percuté une auto grise.
Tout devient noir.
Soudain c’est Noël… Grand-maman? Grand-maman est là elle vient me chercher… Elle a des After Eight pour moi. Elle me prend la main, elle est belle, elle me dit : «Toi c’est moi Mélodie. Tous les êtres humains de la Terre, on est tous reliés. D’ici à l’Afrique ou en Asie, tout ce qui se passe nous concerne tous. Laisse jamais les gros chars te passer sur le corps.» Et grand-papa est là aussi. «Salut belle face d’amour».
Mélodie s’endort dans le banc de neige, la joue collée sur un papier de barre Sweet ‘n’ Salty. Il doit faire -1000 mais son sourire ferait naître le printemps en plein février.
« Tape du pied,
Vas-y, vas-y, tape du pied,
Y’a que comme ça que tu peux remonter.
Tape du pied,
Vas-y, vas-y, tape du pied,
Ça fait trop longtemps que tu te fais discret.
Tape du pied,
Vas-y, vas-y, tape du pied,
N’aie pas peur il faudra les réveiller.
Fais du bruit, vas-y, vas-y, fais du bruit,
Tu vas voir que c’est là que tu te sens en vie.
Fais du bruit, vas-y, vas-y, fais du bruit,
Fais trembler les murs et réveille les nuits.
Fais du bruit, vas-y, vas-y, fais du bruit,
Relâche, crache tout ce qui te pourrit.
Ce qu’il y a sous la terre, m’effraie, autant que toi,
Tes catacombes, les ombres aux murs
De nos cavernes d’Ali Baba,
Secret taillé dans les rochers,
Trésor enfoui, très englouti,
Prends la pelle comme on prend le large,
Entends l’appel.
Déterre,
Déterre-les,
Déterre-toi.
Comme tu veux, vas-y, vas-y, comme tu veux,
Laisse monter le trop plein à la lisière des yeux.
Comme tu veux, vas-y, vas-y, comme tu veux,
Fais jaillir le ras-le-bol, à ras-bord qui prend feu.
Comme tu veux, vas-y, vas-y, comme tu veux,
Sens-tu le sol se fendre en deux ?
Abandonne, vas-y, vas-y, abandonne,
Pour qu’à nouveau chaque seconde t’étonne.
Abandonne, vas-y, vas-y, abandonne,
Tu pèses plus rien toi qui pesais des tonnes.
Abandonne, vas-y, vas-y, abandonne,
Tape des pieds pour que la terre
Sous tes pieds résonne, résonne, résonne »
J’ai fini par me réveiller sous les coups de langue amicaux d’un labrador blanc. J’ai pensé : Zoé? (L’ancien chien de mon oncle). J’ai vu des ambulances plus loin dans la rue et des polices, il y avait eu un accident. L’auto de Bastien qui avait embouti une voiture grise. J’avais les doigts en hypothermie, j’aurais pu les perdre mais ils ont survécu grâce à un ambulancier qui m’a passé de l’alcool à friction. J’ai décidé que c’était fini la drogue, le teint pâle, la paranooo. Et que j’allais devenir violoniste. Je me suis mise en route la face au soleil.
L’air est tellement bon. Quand ma colloc Marie a perdu connaissance, j’ai dit à tout le monde : «Approchez! On doit former un rond de têtes au-dessus d’elle pour quand elle ouvrira les yeux.» Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des ronds de têtes. La vérité c’est que je suis une bonne personne. Je n’ai pas besoin d’opérations, d’une greffe douteuse qui bande à coups de pompe à bras. Il n’en tient qu’à moi d’enculer le monde entier avec mon imagination couillue, et de me laisser baiser par la vie. Je crois que si des extraterrestres observaient des humains faire l’amour, ils les trouveraient chou. Eux ne doivent pas connaitre ça, sûrement qu’ils fabriquent les bébés comme dans la Matrix. Je vais avoir des enfants, mon lait ne se transformera pas en fiel, mes mamelles vont donner du bon lait sucré, d’ailleurs je suis sûre qu’il y a une substance buzzante dans le lait maternel, pour que ça soit moins dur de commencer à exister pour les bébés. Bastien, lui, ne pourra pas en porter. Et un jour il sera emporté par le vent comme tout le monde. Il sentait dès son plus jeune âge qu’il était un garçon dans un corps de fille. Il ne s’appelait alors pas Bastien, il n’a pas voulu me révéler son prénom d’origine. Il s’est matricidé, il est Mulan des temps modernes, il est magnifique et il demeurera toujours dans mon cœur à titre de senseï. Mais moi je resterai telle quelle. Peu m’importe d’être homme ou femme, je veux juste être humaine, manger des salades grecques, pelleter mon entrée, donner et recevoir, m’acheter un thermomix, bref ! Une belle finale à la Trainspotting.
Je ne sais pas quand j’ai arrêté d’exister. Ça s’est peut-être fait insidieusement, un peu chaque matin en me réveillant dans ma pisse. Les immeubles trop grands pour moi, les visages menaçants, les pubs stupides, les mots qui sortent d’usage, pourquoi Roald Dahl est mort, les voitures qui passent me scient les jambes, je flippe sur tout, allergique à la vie. On est plusieurs dans ma tête. Comme une plaie béante sur pattes, chaque soir j’espérais mourir dans mon sommeil, jusqu’à ce que je découvre comment me dissoudre dans l’absolu. À dos de dragon j’échappe aux mains velues de la réalité, le temps devient un lac insondable. On est mardi? Mardi quand mardi quoi? Mardecstasy…Mon corps peut bien accuser les coups de vingt ans, mes seins tomber, mon vagin se délousser, ma mémoire se disloquer, je n’en ai cure, je navigue sous l’emblème des DROGUES. Bon voyage petit bateau! Fatal batal, à la poursuite de ses folies et de ses gloires. La tête dans un aquarium, j’explore le vide en apesanteur, c’est la fuite en avant. L’héro m’attend patiemment, c’est la duchesse de mon esprit. Elle guette le bon moment pour prendre possession de moi, comme une araignée vespérale et blanche, qui me liquéfiera l’intérieur avant de me gober. Je ne manquerai pas ce sensuel rendez-vous, mais chaque chose en son temps. Je m’appelle Mélodie et JE suis la reine. Je règne sur mes sujets, tous ceux que je connais (mais ils ne le savent pas). Rien à foutre des gloussements, des marques de bière et de chaussures, de la Bourse. Il n’y a que sale que je me plaise. Tout ce qui m’importe c’est le son, le bon son, pour planer en aquamarine. Je suis une mineuse du son. J’ai de purs bons goûts, évidemment.
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Alors je trouve ça superbe dans son genre, mais pourquoi avoir chié en plein milieu de l'œuvre, c'est une perf' d'art contemporain ?
Salut,
Bon, j'ai cherché le con, vu que c'est un concours œcuménique (1 pts) j'ai pensé à des trajectoires de vie perpendiculaires (1 pts) entre l'héroïne et Bastien, à travers lui elle verrait un peu la route qu'elle n'a pas choisi, enfin peut-être.
je trouve ça bien que tout se passe à un carrefour le temps du changement de couleur d'une silhouette de passage piéton, ça fait un huis-clos dehors pas mal du tout.
Y'a une super gouaille aussi, un argot de nulle part mais qui me restait à peu près lisible
Apartheid :
La présentation éclaire un peu le contexte, y'a une super fôte : "les intensions de l'auteur" mais c'est peut-être fait exeuprè
je suis nul en orthographe et mon correcteur orthographique me fait intensionnellement des croche-pieds.
C'est avec ce genre de textes qu'on voit que ce n'est pas facile, l'écriture. Même avec une certaine facilité.
L'introduction est pleine de promesses, vite déçues dès que l'histoire commence. A certains moments, on a même l'impression d'un foutage de gueule :
"Il l’a percée à jour comme une aiguille dans une pomme."
Un joli gâchis.
Paradoxalement c'est ce qui me plait dans ce texte, un riche vocabulaire hors des chemins que j'ai l'habitude d'arpenter, des images et métaphores sorties d'on ne sait où, qu'on ne nous a pas rabâché 10 mille fois. Certes parfois on a l'impression qu'elles sont maladroites mais plus on y réfléchit, contextuellement, pas tant que ça au final. Le gros problème c'est ZAZ... Se demander : si ça se trouve le narrateur du texte décline tout un ramassis de discours Zaziens prédigérés que je ne m'aventurerai pas à explorer plus en avant sur le dark web pour corroborer ou infirmer cette méchante hypothèse.
Tiens, on s'est encore fait refiler un faux texte de Saint-Con. Avec en plus un copier-coller de paroles de chanson dépassant visiblement les limites du simple droit de citation, histoire qu'on aille tous finir nos jours en prison.
Je proteste en ne commentant pas ce texte dont le style ne correspond pas à mes goûts et mes couleurs qui ne se discutent pas.