C'est certainement ce qui l'avait poussé a embrasser une carrière scientifique, plutôt que celle de brillant avocat dénué d'humour que ses parents (Dieu ait leur âme, et qu'il ne la ressuscite pas surtout) lui avaient imaginée quand, pour la première fois de sa vie, il avait dénonce ce petit connard de Fabrice a la maîtresse pour s’être mouché dans les couches d'une camarade déjà un peu trop salope pour se couvrir durant la sieste. Cependant, s'il y avait un domaine qui avait toujours été naturellement épargné par sa curiosité, c'était le sexe. Il avait tout naturellement couché avec des femmes (et le faisait encore régulièrement, je te vois venir, lecteur de merde, non, il ne sera pas dit que l’intérêt pour la fabrication de corps artificiels ne s'explique que par un membre totalement dénué de charisme et un porteur totalement dénué de conquêtes féminines), mais il n'avait jamais pris goût a expérimenter ce que le plaisir peut avoir de différentes façons de s'exprimer. Non, lui, ses parents lui avaient bien appris ce que la morale a de plus beau et de plus fragile. Il savait donc que la chair était un péché, que le sexe était vain quand il ne servait à procréer et que la femme était un être sans âme dont le seul but était de semer des maladies vénériennes parmi les hommes trop faibles pour lui résister.
Ainsi, on ne peut qu'imaginer sa réaction, lorsque Bitengranit vint lui demander une compagne.
Il pensa d'abord a une mauvaise blague de son protégé, puis il se morfondit, puis il tenta de le raisonner en usant du subjonctif imparfait pour mieux le convaincre. Mais rien n'y fit : Bitengranit demeurait inflexible aux arguments du brave professeur. Pire : au fur et a mesure que le professeur lui décrivit les affres de la sodomie, les horreurs du sexe oral et les moiteurs d'un sexe féminin, Blanquettenstein vit l'imposant membre de pierre de sa créature se mouvoir, se dresser, menacer de pocher l’œil d'un figurant se trouvant ici pour les besoins de la chute et soulever un peu le plafond. Il n'abandonna cependant qu'au moment où, après que sa créature se fut adonnée a des pratiques que la décence empêche l'auteur (moi) de mentionner ici alors qu'il lui parlait de la transverbération de Thérèse d'Avila, des litres de sable blanchâtre s’échappèrent de sa créature.
Ce nouvel affront à son éducation impeccable fut de trop pour Blanquettenstein, qui s’écria “Ô Bitengranit, pourquoi refuses-tu de m’écouter? T'ai-je déjà menti? Ne t'ai-je pas donné plus d'amour qu'il ne t'en faut pour vivre?“. La réponse de Bitengranit ne se fit pas attendre : “L'amour, Professeur, est une chose dont on ne possède jamais assez. Effectivement, sous votre toit je suis aimé et choyé, mais que se passera-t-il le jour ou vous devrez quitter ce monde? Je serai alors le plus malheureux des cailloux, et il n'y aura plus jamais personne capable de me procurer ce doux enivrement qu'est la certitude d’être aimé.” A ces mots, Blanquettenstein, étonné d'une telle verve de la part d'une chose sans cervelle, devint tout rouge, présomptueux qu'il était, et dit au Golem qu'il allait réfléchir a la question, mais que maintenant, il voulait être seul pour embrasser son portrait sans que l'on le dérangeât.
Bitengranit parti et son acte platoniquement masturbatoire achevé, le vieux Narcisse repensa a la promesse assez peu voilée qu'il avait fait a son élève au cœur de pierre tendre. S'en suivit un des monologues les plus connus de l'Histoire :
“Ô rage! Ô désespoir ! Ô luxure ennemies !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie?
Ne me suis-je blanchi dans les arts du gravier
Que pour voir en un jour … putain, les alexandrins ça fait chier.
Ah, Bitengranit, si seulement tu te rendais compte dans quel désarroi tu me fais tomber ! Moi, qui de ma vie n'ai pris de plaisir en foutres et frivoleries que dans les limites du strict nécessaire a la réduction de mes frustrations naturelles! Ah, pauvre créature ne sachant discerner le péché de la vertu, si seulement tu avais fermé ton claque-merde ! Je n'aurais pas dû promettre ! Ah, déjà Saint Paul disait : “Tout est pur pour ceux qui sont purs, et rien n'est pur pour ceux qui sont impurs”. Je ne saurais mieux dire, et pourtant voila que mon propre enfant, la chair de la chair de mon jardin, se retourne contre mes préceptes et veut plonger ses mains rugueuses dans le stupre, et succomber de tout son être minéral à l'appel diabolique de la fornication ! Oh, heureusement qu'il me reste encore la boisson pour éponger mon désespoir. Viens à moi, cognac! Déverse toi en moi, Cointreau, fais moi vomir, Fernet-Branca! Car moi, Blanquettenstein, ai échoué dans le domaine le plus important de tous, et, tel Candide devant le vagin de Cunégonde meurtri par les phallus bulgares, dois avouer que ma morale, oui, ma philosophie de vie toute entière semble m'avoir trompé ! Ah, Blanquettenstein, pauvre parmi les pauvres : toute ta vie tu as su éviter la plupart des femmes de petites vertu venues a toi (sauf la brune, mais bon, tu as toujours aimé les brunes), tu as su ne pas succomber indécemment a la chair ferme de leurs poitrines et de leurs fesses, tout cela pour engendrer une créature qui n'a visiblement mieux a faire que de vouloir tremper son menhir pourtant si délicatement ciselé par tes soins dans le plus abject des marais que l’humanité connaisse! Ah, pauvre de m...”
“Ta gueule, et bois”, fit le figurant qui trouvait que cela durait déjà trop.
Blanquettenstein était curieux de nature.
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Mouais.
Ca fait très "pondu à l'arrache un soir avec cinq bières parce qu'il faut bien présenter quelque chose maintenant qu'on s'est engagé à participer à cette initiative qu'elle est bien partie".
Les longues phrases du début vont faire fuir les plus analphabètes d'entre nous, dont moi (ces lignes m'ont à tel point fait flipper que j'ai repoussé la lecture du texte et de ceux qui suivent dans la saga, de plusieurs semaines) Mais en fait c'est un peu comme la première pénétration anale, une fois qu'on s'est enquillé le machin et bien ça glisse tout seul à sec.
L'humour est classe et soutenu et rempli de références et toutes ces références digressives ou illustratives sont d'ailleurs ce que ce texte contient de plus jouissif.