7h : réveil, puis bouffe. Pas trop acide pour éviter que les panses de certains ne finissent dans leurs couches. Ensuite, la toilette. 12h : bouffe. Puis, sieste ou promenade pour ceux encore en bon état. Ensuite : «divertissement». Là, c’est l’enculerie dans toute sa splendeur. Une ex-hippie sidaïque, tellement mal fringuée que c’est les petits africains qui lui envoient des trucs, vient nous faire jouer aux cartes ou nous lire du Pagnol. 14 ans que je perds à cette putain de bataille. 16h30 : bouffe et télé. 19h : bouffe et tu dors.
J’ai toute ma tête. Je me rappelle à quoi ressemble ma fille. Qui ne vient jamais me voir. M'a envoyé une carte pour Noël, y'a cinq ans. Faut dire, une fois claqué, je vais rien lui laisser, donc à quoi bon s’esquinter... J’ai toute ma tête mais je ne sais pas si c’est une chance... Claude, Claude le Gras, quadruple menton, ancien maçon : lui, c’est tout vide à l’intérieur. Il bave en fixant les plinthes poussiéreuses et rote son gouter, ce qui fait glousser Célestine, une bonne femme si dégarnie que j’ai l’impression qu’elle a continué à baiser avec des boches après la guerre. Je l'entends parfois pleurer, tard dans la nuit.
Jean -dit "Patte Folle"- et sa putain d'histoire de mine antipersonnel. Le personnel lui a offert des chaussons pour son anniversaire. Les enculés.
Sophie l’infirmière. Un cul parfait. Sauf je ne suis jamais malade, donc j’invente pour les mirettes. Gentille.
Le Muet, qui fait croire à tout le monde qu'il est sourd. Cache de la bouffe dans ses fringues et triche aux cartes.
Avant l’arrivée de la grande, j’ai toujours la petite mort. Bertille, Eugénie, Constance... Ca fourre sec. Littéralement. La cyprine est aux abonnés absents. Mais elles ont faim, très faim. Et le mandrin est goûtu.
Dans ma chambre, face à la fenêtre, mon cul sur une chaise. Des champs, tous les jours les mêmes. C’est silencieux. Pas calme ou paisible, hein, silencieux. J’attends. On attends tous.
Bouffe. Les champs. Manon des sources. 4 de carreau. C’était un mardi. Jour à la con le mardi. Je suis dehors, assis sur un banc. J’aperçois le bus qui s’arrête devant le bâtiment. Personne ne descend. J’hésite. Les portes sont toujours ouvertes. Décide toi. Les portes se ferment et le bus repart. Je cours. Un paquet de temps que j’avais pas pratiquer. Forcément, je dérouille. Traitresse de carcasse. Le chauffeur m’aperçoit et s’arrête. Je monte et m’installe, essoufflé. L’auto-radio est cassé. Par la fenêtre, encore des champs, sauf que ça défile maintenant. Je sais pas si c’est mieux.
Je me retourne et examine la tapettosphère locale. Chacun dans son petit coin, avec son petit uniforme, sa petite gueule greffée à un bout de plastique qui clignote, vibre ou s’illumine. Ici aussi les yeux sont vitreux et ça pue la pisse. Les font mobiles maintenant leur mouroirs ?
Une heure de champs puis la ville. Terne. Des panneaux «A vendre» partout. Je monte dans un train. Le contrôleur secoue ses cheveux gras devant mon incapacité de payer. Autour de moi, les clones des fangeux du bus. Ternes. Des panneaux «Vendus» partout.
Mon voisin me demande quelque chose en anglais. Je prends bien deux minutes à comprendre qu’il est français et accepte de «dé-gar son aillepade le temps qu’il aille quôller sa meuf». Je tapote sur sa merde, une vidéo démarre et une gamine de 6 ans explique pourquoi elle a décidé de changer de sexe : "Anne, c'est fini, appelez moi Frank désormais". A la fin, elle annonce que son histoire sera prochainement adaptée au cinéma et qu'une comédie musicale est en projet. Le train arrive à destination. Pas de schleu en costume pour nous accueillir ce coup çi...
Devant la maison de ma fille, je sonne : pas de réponse. Je frappe à la porte, personne. J’essaye la poignée : c’est ouvert. Je rentre et lance un « Coucou, c’est papi » enjoué. Enervé, un gros s'amène et me demande ce que je fous là. Je lui raconte et il m’explique que ma fille a déménagé il y a trois ans. Je repars.
L'impression de me faire suriner le foie au ralenti. Le boulevard me vomit avec les autres vers le périf'. La pluie se pointe, tente de rincer tout ça. Débute alors la campagne, là où viennent crever les slogans et les visages défaits.
Le hêtre n'a pas bougé. Hélène est à quelques mètres, sous la terre. Soudain, ça fait clic. Sous mon pied, un rond métallique. Je jette un dernier coup d’oeil autour de moi : pas de fenêtre, pas de chaise : rien.
Putain de champs.
LA ZONE -
Maisons de retraites, résidences pour personnes âgées, mouroirs... Quantité d’expressions pour désigner ces putains d’endroits. La mienne est pas trop mal. Paumée dans la campagne, des champs pour seul horizon. Décrépie mais confortable.
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L'hêtre* La putain de moi…
J'avais corrigé pour toi. Ton honnêteté intellectuelle me laisse pantois. Putain de toi.
oh mais c'est un superbe exercice d'apprentissage à l'empathie ! formidable ! En plus, on se met dans la tête de quelqu'un qui pense littéraire et tout. Génial ! Faudrait que la Zone sorte des annales de l'empathie, un de ces jours, avec tous les monologues et introspections de narrateurs qui ne sont pas nous qu'on se colletine dans les 2518 publiés et à venir. C'est tellement sain de se projeter dans l'esprit des autres, à 130KM/h sans ceinture ni airbag en traversant le parebrise.
Pas compris la fin : il marche sur une mine, du coup il cherche une chaise ou une fenêtre pour toucher du bois ?
j'ai cru comprendre qu'il voulais se pendre à l'hêtre près duquel il avait enterré une femme qu'il avait tué mais L4ART 9A NE S4EXPLIQUE PAS. Le bonheur est sous le pré de toutes façons.