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A 19h00 tapante la sonnette retenti dans mon appartement. DRIIIIIING, DRIIIING, DRIIIING, DRIIIIIG, DRIIIIIING. Vu sa manière de martyriser le bouton, je sens déjà la bonne came.
"La ponctualité est une valeur de droite" qu’il me dit, jovial. Il entre, grand, mince, anguleux, disproportionné et plutôt mal rattrapé par son costume gris anthracite et sa cravate éclair. Il me tend une poignée de main, avec un geste circulaire d’une amplitude à faire valser Christine Boutin. Un regard franc, un regard franchement vide.
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Sa carte d'adhérent a l’air authentique donc inutile d’investiguer outre-mesure. D’ailleurs, j’ai commandé un con de l’UMP pour m’épargner les formalités lourdes. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de beaux spécimens dans les autres partis politiques, je ne dis pas qu’il n’y a pas que des cons qui font de la politique, simplement j’ai opté pour une valeur sûre. Dans les partis de gauche, voire du centre, on peut toujours tomber sur une mauvaise pioche : un type plutôt benêt que con, un jeune égaré, un vieux crouton qui n’a plus toute sa tête. Pour un placement sans risque j'avais le choix entre l’UMP ou le FN. J'ai écarté le Front National parce que comme dit ma crémière : « le con c’est comme le camembert : quand c’est trop fort, ça devient difficile à cuisiner ».
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Je fracasse la tête du type d’un premier coup de poêle à frire alors qu’il se vante d’être en quatorzième position sur la liste des cantonales pour la deuxième circonscription de la Creuse, soit un bon produit fermier, élevé au grand air, bien nourri, ainsi qu'il en va de la plupart des membres de l’UMP puisqu'ils ont le cul posé sur le magot. Y a pas de secret, on ne fait pas de bonne recette sans de bons ingrédients.
La tête du type explose sous mes coups répétés, surtout quand je le frappe de biais, avec le tranchant de l'instrument. Une poêle Lagostina vous pouvez franchement y aller : ça vaut un bras, mais ça dure toute une vie. Il y a un moment ou la boite crânienne s’est clairement enfoncée, comme s'il y avait un espace creux entre l’ossature et la matière cervicale.
'T’as une tête vide hein connard !" je gueule, pris dans la joie de l'instant. Son sang giclait dans ma salle à manger.
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Je te jure que quand tu découpes un type au hachoir, tu ressens un sentiment de puissance, qui putain, n’est pas désagréable. D’autant que l’odeur de l'hémoglobine chaude, bien musquée, ajoute une sorte d’ivresse. Là, dans ces conditions, c’est motivant de travailler.
Je me prépare les meilleures parties, à savoir les cuisses que je prépare en petits carrés pas plus volumineux qu’un dé à coudre.
Partout dans les rues, des poubelles et des bagnoles flambent. La Saint Con ça devient vraiment n’importe quoi ! Y a des types qui envoient les cons cramer par paquets de dix, on attrape les couvents au napalm, les virages de supporters aux cocktails molotov. Tu deviens con pour un oui ou pour un non, on te vend même des cons dans les supermarchés, on en importe plein de Chine pour des prix dérisoires. Franchement, à ces tarifs, ça m’étonnerait qu’ils soient aussi cons que prétendu sur l'emballage. Je veux dire : on va chercher des pauvres paysans qui ne parlent qu’un dialecte de mandarin au fin fond de leur cambrousse et on les fait passer pour des cons. Comment savoir ?
J’ouvre la fenêtre et je balance le tronc du type de l’UMP avec son moignon de tête et ses bras ballants sur le parking de l'immeuble. Il rejoindra un quelconque brasier collectif, c’est ma contribution communautaire. Je stocke ses pieds et ses mollets dans mon congel’ rapport au chien de ma voisine (95 D, cul rond bombé et hanches larges comme un caisson de flipper).
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Faire revenir les carrés de cuisses à la poêle à frire avec un peu de beurre salé de Bretagne, verser sur des penne rigate fraiches avec un jaune d’œuf et une cuillère à soupe de crème épaisse. La vie aime les choses simples. J’ai refermé les fenêtres pour me couper du brouhaha et des cris d’agonie du dehors. J’enclenche un CD de Miles Davis et ouvre une bouteille de rouge de ma réserve personnelle. Eclatez vous les cons, cramez ! Cette année en esthète : je célèbre la Saint Con à la carbonara.
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" Allo l’UMP ?
- Oui je vous écoute !
- Il me faudrait un con bien frais pour ce soir.
- D’accord entendu, c’est à quelle adresse ?"
Je lui dicte mes coordonnées et nous nous concertons sur un horaire
"A 19h00, mais ça dépend du temps de cuisson
- Oh ils cuisent très bien, je vous en envoie un déjà grillé si vous voulez ?
- Ah non surtout pas, je veux du naturel, sans préparation !"
C’est pas avec un con déjà grillé que je remonterai le niveau du concours cette année.
" Allo l’UMP ?
- Oui je vous écoute !
- Il me faudrait un con bien frais pour ce soir.
- D’accord entendu, c’est à quelle adresse ?"
Je lui dicte mes coordonnées et nous nous concertons sur un horaire
"A 19h00, mais ça dépend du temps de cuisson
- Oh ils cuisent très bien, je vous en envoie un déjà grillé si vous voulez ?
- Ah non surtout pas, je veux du naturel, sans préparation !"
C’est pas avec un con déjà grillé que je remonterai le niveau du concours cette année.
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"en quatorzième position sur la liste des cantonales pour la deuxième circonscription de la Creuse"
Ahah, ce qu'il faut pas lire. Comme si il y avait au moins treize personnes (vivantes) en Creuse. Plutôt pas mal, sinon, peut être pas franchement original, mais y'a de l'effort dans l'idée.
J'apprécie particulièrement le chapitre 5, qui met en abîme les cons, la Zone, la vie, tout ça ... C'est bien écrit en tout cas.
Comme la carbonara, c'est loin d'être dégueu. C'est bien écrit, léger, sans prise de tête et plutôt bien foutu. Je me suis pas marré mais j'ai bien aimé.
Ne sachant pas ce qu'est l'UMP, j'ai trouvé ce texte crypté. Il est indéniable qu'il soit excellement bien écrit mais j'ai peur de ne point en avoir cerné le sens profond. Il fait cependant parti de mes trois textes préférés pour l'instant.
bien aimé, un peu comme Hag. Pas ri, pas pleuré, c'est un peu comme une chanson de folk qu'on écoute du coin de l'oreille et que l'on se dit "c'était pas mal quand même" à la fin.
D'accord, c'est un bon texte de Saint Con, contrat rempli, lisible, humour, plutôt élégamment distant et ironique que franchement poilant, mais c'est un style, toute une école, et je n'ai rien contre. Choix de con parfaitement indiscutable et politiquement très avisé, texte digne et moral.
J'ai tout de même une gène depuis que j'ai lu ce texte. Ça a quelque chose de très dérangeant, ça incommode. Manger 'ça'. Vraiment ? Ça me donne envie d'aller m'acheter du dentifrice, ou un truc comme ça.
Néanmoins, ce texte est candidat sur la liste de mes 21 textes préférés pour cette année.
Comme chacun sait, je suis très con est donc puriste, je ne pourrais voter pour cause de non-crémation, le cannibalisme, c'est cool, mais plus dans le style obscur que loufoque.
"Je te jure que quand tu découpes un type au hachoir, tu ressens un sentiment de puissance, qui putain, n’est pas désagréable." ça par contre j'ai aimé, ça m'a fait penser à Pusher.
La proie est un peu facile, le scénario léger comme une brise de printemps.
Un sens certain de la formule et une écriture efficace, sans surprises mais assez aguichante.
Un texte pop.